Ratchet & Clank: Mind Games - Chapitre 6

Auteur : Arayn

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Keirra Eldren fut réveillée par la sirène d'alarme du Vigilant. Ce cuirassé markazien n'était plus tout jeune, mais elle avait toujours servi à son bord. Lieutenant Eldren, 143e unité d'infanterie Markazienne. Cela faisait une semaine qu'elle et son unité combattaient un peu partout dans la galaxie pour repousser les raids pirates. À défaut de trouver un nom pour cet ennemi surgi de nulle-part, les hauts gradés les avaient rangés dans le même sac que ces pilleurs mécaniques, même si ces derniers n'avaient ni des capacités surnaturelles ni un pouvoir de recrutement aussi fort. C'était ce point qui la préoccupait le plus. On peut faire croire aux pouvoirs cosmiques avec des gadgets, mais la multiplication de leurs ennemis était totalement incompréhensible. On avait pensé au clonage, ou au contrôle mental vu qu'ils faisaient un maximum de prisonnier, mais le manque d'informations avait vite enterré la question. Elle passait son temps à y réfléchir, même si son boulot ne consistait pas vraiment à poser les questions.

À cet instant, elle devait agir. Se lever malgré la fatigue. Enfiler ses vêtements. D'après le son de la sirène, on les parachutait directement sur le champ de bataille. Inutile donc de passer son uniforme. Elle ouvrit son casier "spécial bagarre", contenant son armure Thermaflux, un fusil plasmo-mitrail et un Combustor. En sortant, elle attrapa le petit gobelet rempli d'une boisson énergisante tout juste sorti de la machine, privilège accordé aux officiers, et le vida d'un trait tout en se dirigeant vers le pont d'embarquement.


***


Le reste de son unité se trouvait déjà là-bas. Chaque lieutenant commandait un groupe composé de sept escadrons de six hommes et un sergent, ce qui faisait quarante-neuf hommes au total sous son commandement. Cette organisation permettait de mieux gérer les groupes tout en restant autonome, car chaque escadron pouvait être indépendant : un pilote, un médecin, un ingénieur, un artilleur, deux fusiliers et un officier.

Elle les observa quelques secondes en train de préparer les navettes puis suivit le regard de la foule quand le corps holographique du Capitaine Tyral apparut au milieu du hangar et prit la parole.

  - Navré de vous déranger durant vos heures de repos, je sais que vous les méritez amplement. Cependant, nous avons reçu un signal de détresse de Kapeon-VII, provenant d'une infrastructure non répertoriée. Nous n'avons pas réussi à établir un contact, mais nos capteurs ont confirmé que le bâtiment est pris d'assaut par des pirates. L'unité 143 devra le sécuriser et secourir ses occupants, et l'unité 98 devra assurer leur couverture dans un plus large périmètre. Comme d'habitude, je demande l'usage de munitions paralysantes mais n'hésitez pas à vous montrer plus agressifs si besoin en est. Enfin, et je vous le dis à tous : nous ne savons pas qui a envoyé ce signal, alors attendez-vous toujours au pire. Bonne chance.


L'hologramme se dissipa et Keirra se retourna sans attendre vers ses hommes.

  - Bon, on a du pain sur la planche.


Les unités embarquèrent à bord des quatorze navettes, une par escadron, et décollèrent sans tarder. La porte du hangar s'ouvrit et bientôt les vaisseaux se retrouvèrent dans l'espace orbital de Kapeon-VII. Keirra se détourna des écrans du pilote qui amorçait doucement la descente et contempla le spectacle qui s'offrait à elle : la septième lune de Kapeon n'était pas impressionnante, il s'agissait d'une vulgaire bille rocheuse stérile recouverte de monts escarpés, mais la géante gazeuse qui emplissait tout l'espace devant ses yeux forçait la contemplation. Kapeon était gigantesque, au bord du seuil de masse critique qui aurait causé son effondrement et en aurait fait une étoile. Les cent-douze lunes, plus ou moins imposantes, avaient absorbé la quasi-totalité des anneaux de la planète. Ses profondeurs nuageuses offraient un spectacle saisissant. Riche en méthane, l'atmosphère était d'une couleur bleu-vert, striée de blanc. Ses circonvolutions auraient pu occuper la Markazienne longtemps, mais déjà la navette était baignée dans les flammes.

  - Entrée dans l'atmosphère de Kapeon-VII, annonça le pilote.

  - OK.


Keirra activa la communication pour toute son unité.

  - Messieurs-dames, le spectacle va commencer. L'atmosphère de cette lune est trop fine pour que nous puissions la respirer, alors branchez vos respirateurs. La zone d'atterrissage se situe à deux kilomètres du bâtiment cible. Nous avancerons jusque-là, puis l'unité 98 nous couvrira le temps qu'on le sécurise. Si le Capitaine Tyral a envoyé deux unités complètes, c'est qu'il va y avoir du répondant en bas, alors soyez prudents. On se retrouve en bas.


Elle coupa la transmission et tourna la tête vers les membres l'escadron D, qui lui adressèrent des signes de tête approbateurs. Elle leur rendit et observa le paysage qui se dévoilait enfin devant la navette. Et quand elle avait pensé à des monts escarpés, elle ne s'attendait pas à ça. Des pointes et des cavités rocheuses hérissaient la surface de la lune, comme si la plaine entière avait commencé à exploser mais qu'elle s'était arrêtée au moment où sa surface avait commencé à se déchirer. Tout en songeant que les météorites venant des anneaux de Kapeon y étaient sans doute pour quelque chose, elle constata aussi les nuages noirs qui formaient désormais comme un toit au-dessus d'eux, masquant la lumière de l'étoile.

  - On ne va pas être au top niveau visibilité, fit-elle remarquer. On est à quelle distance de la zone d’atterrissage ?

  - Plus très loin. On pourra se poser dans quelques...

Soudain, la navette fit une violente embardée et se mit à descendre vers le sol, fortement inclinée sur le côté.

  - C'est quoi ça ?! hurla-t-elle.

  - Nous sommes pris dans un champ gravitationnel, j'ai perdu le contrôle de l’appareil !

  - Dépêchez-vous de le retrouver, sinon il n'y aura plus d’appareil ! Artilleur, les autres navettes ?


Le Cazar détourna le regard du viseur tête haute de la tourelle et la regarda d'un air anxieux.

  - J'en ai compté cinq dans notre état, les autres ont l'air de s'en tirer.

  - C'est pas vrai !

Keirra se précipita vers le hublot et fixa le sol qui se rapprochait dangereusement vite. Quand elle finit par trouver ce qu'elle cherchait, elle cria en direction de l’artilleur :

  - Là, à cinq heures ! Pilonnez cette zone !


La tourelle cracha une salve de plasma vers la cible, et la Markazienne soupira de soulagement quand elle entendit le pilote pousser un cri victorieux. Alors que la navette se stabilisait, elle ouvrit le canal de communications.

  - À toutes les navettes, visez le sol derrière vous ! Cherchez les ondulations dans l'air pour repérer les ennemis.


Sur ces mots, elle raccrocha et observa les autres transports. Des tirs fusèrent et quatre navettes se stabilisèrent. La cinquième atterrit en catastrophe faute d'avoir réussi. Elle fut soulagée d'entendre le signal de communication venant de là-bas, et ouvrit le canal.

  - Ici l'escadron 98-B, on a deux blessés et on essuie des tirs, une aide ne serait pas de refus !

  - Nous sommes à quelle distance ? demanda-t-elle au pilote.

  - Deux kilomètres.

  - Bon, navette 143-D, détachez-vous du convoi et allez les secourir. Dès que vous avez embarqué tout le monde, rejoignez-nous à la zone d'atterrissage. Lieutenant Ceythe, ça vous convient ?


Le Tharpod responsable de l'unité 98, qui n'était pas très bavard d'ordinaire, ouvrit à son tour le canal radio.

  - Même avec une navette en moins dans chaque unité, nous devrions pouvoir tenir la position suffisamment longtemps. Mon unité fera en sorte de les couvrir temps qu'ils nous rejoignent. Keirra Eldren, nous ne les avons pas détectés au radar, je recommande donc de passer en observation manuelle jusqu'à ce que le brouillage soit neutralisé.

"Pour quelqu'un qui ne parle pas beaucoup...", songea-t-elle avant de confirmer l'ordre.


Les choses se gâtèrent à une vitesse hallucinante. Alors que les navettes approchaient du bâtiment, des tirs commencèrent à fuser tous azimuts. Les navettes de l'unité 98 se posèrent en hexagone autour de la structure, qui n'avait rien d’habituel : Trois entrées en forme d'arches, une architecture privilégiant les courbes à tel point qu'elle avait parfois du mal à trouver des angles, et puis hormis la couleur vert foncé et les petites lampes jaunes qui parcouraient toutes les surfaces, le plus inquiétant était sans doute ces grands...trucs en formes de griffes de trois mètres qui étaient plantés dans le sol ou sur les toits. Le tout devait faire quatre-vingts mètres de long pour cinquante de large et montait sur trois étages. Malgré de nombreuses fenêtres de couleurs bleu abyssal, ils ne pouvaient pas voir quoi que ce soit à l'intérieur. Ajouté à l'environnement chaotique, ce bâtiment donnait des sueurs froides.


Sans se laisser démonter par un étrange sentiment de déjà-vu, Keirra répartit soigneusement les six escouades vers les différentes entrées. Une à chaque porte du rez-de-chaussée, et trois sur le toit. Les navettes se répartirent vers leurs objectifs respectifs. Trois navettes, dont la sienne, se posèrent en triangle autour de l'ouverture centrale du toit. Keirra activa aussitôt les barricades escamotables et ouvrit les portes avant de se ruer dehors, l'arme au poing.

Ce qu'elle constata une fois en position de pouvais guère la rassurer. Des assaillants venaient de tous les côtés. Sans organisation apparente ni de véhicules ou pièces d'artillerie visibles, on aurait dit une attaque de morts-vivants, mais ces derniers n'envoyaient pas d'ondes de choc sorties de nulle-part et ne faisaient pas jaillir des rayons d'énergie de leurs mains. Markaziens, Cazars, Tharpods, Agoriens... ces individus étaient de toutes sortes de races mais cela ne faisait aucune différence. Elle inséra une cartouche d'énergie dans son fusil et ouvrit le feu. Le mode paralysant avait l'avantage de consommer deux fois moins de munitions mais n'était pas conçu pour les combats à longue distance, étant à l'origine réservé aux forces de police citadines, mais il faisait l'affaire, pour le moment. Entre deux chargeurs, Keirra se tourna vers l'un des ingénieurs.

  - Encore combien de temps ? demanda-t-elle.

  - Ça y est presque...voilà !


Refermant le panneau électrique, il s'écarta de la trappe, alors que les panneaux en spirale commençaient à s'ouvrir. Keirra intima rapidement l'ordre de déploiement et les trois escadrons sautèrent à l'intérieur, tandis que les pilotes et les artilleurs restaient dans leur navette pour couvrir les troupes en contrebas.


Une fois à l'intérieur, la lumière fit place aux ténèbres. Les lampes des armures s'allumèrent les unes après les autres et les soldats purent finalement distinguer leur environnement. Ils se trouvaient dans une salle de grande taille. Près des murs s'entassaient des conteneurs de toutes tailles. Sans doute une aire de chargement. Keirra s’approcha de la console de la porte quelques mètres plus loin et constata qu'elle ne pouvait pas l'activer. Le courant avait dû être coupé dans tout le bâtiment. Elle fit signe aux ingénieurs de s'approcher.

  - D'après vous quel est le meilleur moyen de rétablir le courant ?

  - On pourrait brancher les générateurs des navettes. Si on se limite aux portes et aux ascenseurs on devrait avoir assez de courant pour redécoller après. En revanche, on n’aura ni lumière ni air respirable. Et on ne pourra pas non plus relever les volets des fenêtres.

  - Si c'est le meilleur moyen qu'on ait, alors faisons ça.


Quelques minutes plus tard, la console était active. La trappe du toit avait été refermée pour éviter une dépressurisation trop importante, ne sachant pas si la porte donnait sur un sas ou sur tout l'étage. Keirra ouvrit la porte et s'aperçut qu'elle donnait effectivement sur un sas de bonne taille. Les trois escadrons pouvaient passer en même temps alors elle les fit venir et enclencha la pressurisation. La porte en face s'ouvrit dès que l'air eut fini de circuler. Un couloir s'étendait devant eux et leur champ de vision était limité par une intersection plus loin. Keirra activa son unité nav. Heureusement, les murs ne brouillaient pas les signaux et elle vit que le couloir de droite se divisait aussi en deux directions. Elle se tourna vers les trois groupes.

  - Bon, c'est pour ça qu'on a des escadrons. On va se séparer. Escadron C, on va prendre à gauche. Escadrons E et F à droite. On reste en contact radio. (Elle bascula sur l'autre canal) Ça se passe comment en-dessous ?

  - On vient de réussir à rentrer ! On commence à explorer la zone.

  - Eldren, ici le lieutenant Ceythe. Nous avons plusieurs blessés graves dont deux en état critique, alors accélérez !

  - Reçu. On se dépêche.


Keirra et son escadron partirent donc vers la gauche. Ils débouchèrent dans une nouvelle salle de taille moyenne, en forme de quart de cercle. La paroi devant elle et sur sa droite était une grande baie vitrée et bombée comme un dôme. À gauche se trouvait une autre porte. Partout dans la pièce, différentes consoles étaient éteintes, signe qu'elles ne commandaient pas des portes. Toujours aucune trace des occupants du bâtiment.

  - Des suggestions ? C'est quoi ici ?

  - À mon avis, répondit l'un des fusiliers, c'est une baie d'observation. Toutes ces consoles doivent contrôler des instruments de mesure, mais on ne peut pas voir à cause des volets sur la vitre.

  - Je me demande ce qu'ils pouvaient observer, la zone est plutôt mal située pour placer un observatoire...bref, continuons.


La Markazienne s'avança vers la porte à gauche et l'ouvrit, révélant une cage d'ascenseur parfaitement circulaire. Elle s'apprêtait à entrer lorsque le sergent l'interpella.

  - Madame, je crois qu'on a un problème.

 

Il s'était approché de la porte par laquelle ils étaient entrés. Il pointait une inscription sur le mur. Keirra aurait juré qu'il tremblait.

  - Je...je reconnais cette langue.

  - Attendez...je crois que je moi aussi. (Elle se rapprocha de l'inscription) Bon sang...c'est du Cragmite.


Un flot de souvenirs inonda son esprit, datant de l'époque où elle combattait pour Polaris Libre. Elle était sur Iglak le jour de l'attaque de Tachyon. Sans Ratchet et Clank et sans la mobilisation miraculeuse des troupes, la majorité d'entre eux ne seraient plus là pour essayer d'oublier l'horreur de la bataille. Aujourd'hui, à la simple vue de ces mots, ce cauchemar remontait à la surface, et elle était sûre que tout l'escadron ressentait la même chose. Après quelques minutes d'un long et pénible silence, elle finit par prendre la parole.

  - Maintenant on sait pourquoi l'architecture nous était familière. J'ai autant envie que vous de continuer, mais dehors ils comptent sur nous, alors on doit quand-même avancer. À toute l'unité 143, nous sommes dans un bâtiment Cragmite. Redoublez de prudence. Situation au troisième étage ?


Elle entendit plusieurs murmures anxieux dans son casque et se mordit la lèvre.

  - Ici les escadrons E et F, nous avons fait le tour sans croiser personne et nous n'avons aucun moyen

de descendre.

  - Rejoignez-nous, on a trouvé un ascenseur. Rez-de-chaussée ?

  - Escadrons A, B et G, nous n'avons pas fini d'explorer la zone et n'avons croisé personne pour le moment.

  - Bien. Continuez et soyez prudents. (Elle coupa la radio et se retourna vers son groupe). On.va prendre cet ascenseur.


Elle avança dans la cabine. Les cinq autres lui emboîtèrent le pas mais seul un fusilier était passé quand une puissante secousse frappa le bâtiment. La cage d'ascenseur chuta d'un bon mètre et la lourde porte s'effondra sur elle-même. C'était le sergent qui passait à ce moment. Le second fusilier se jeta sur lui et prit sa place en le poussant. La pièce de métal tomba sur sa jambe. Un craquement se fit entendre, suivi d'un cri de douleur. En tombant, Keirra chuta et se cogna la tête sur la paroi. Malgré le casque, des points rouges dansèrent devant ses yeux quelques secondes, puis elle vit aussitôt une large fissure apparue sur sa visière et entendit le sifflement aigu de l'air qui s'échappait du casque. L'atmosphère emplissant le bâtiment pénétra à l'intérieur, et elle commença à suffoquer. Elle chercha le spray coagulant à sa ceinture mais ses forces diminuaient. Alors que tout devenait de plus en plus trouble, elle sentit des mains la saisir et l'assoir contre le mur, elle entendit beaucoup de bruit au-dessus d'elle, puis elle sombra dans les ténèbres.


***


  - ...tenant...Lieutenant, vous m’entendez ?

Keirra ouvrit les yeux. Une forme floue devant elle oscilla un instant et se révéla être le visage de l'artilleur, penché au-dessus du sien. Elle remua la tête et s'assit péniblement. Elle vit que sa visière était intacte, contrairement à la sienne qui était partiellement recouverte de spray coagulant.

  - Qu'est-ce qui s'est passé ? Combien de temps j'ai... ?

  - Seulement quelques minutes. Le bâtiment a été touché par un...on-ne-sait-quoi venant de nos ennemis. L'impact a sérieusement endommagé l'ascenseur et vous êtes cognée. L'atmosphère du bâtiment est la même que sur Reepor, très toxique pour les Markaziens, c'est pour ça que vous êtes tombée dans les vapes si vite. Quand vous avez perdu connaissance, j'ai rebouché le trou sur votre casque et je l'ai échangé avec le mien. Je suis un Cazar, je peux résister plus longtemps dans cette atmosphère.

  - D'accord...et en haut ?

  - La porte s'est effondrée sur la jambe d'un de nos gars. À trois ils ne pouvaient pas la soulever mais les deux autres escadrons sont arrivés et il s'en est tiré, même s'il ne peut plus marcher pour le moment. Il y a aussi eu une dépressurisation modérée à cause d'un trou dans la paroi mais ils ont vite réparé.

  - OK. (Keirra se massa la nuque et regarda autour d'elle). Comment on sort d’ici ? J'imagine que la cabine est bloquée ?

  - Tout juste. La cage d'ascenseur est tordue de partout, on est coincés entre deux étages, et l'accès est bloqué en haut. La porte de l'ascenseur est un peu ouverte mais c'est trop étroit pour moi, même sans armure lourde.

  - Hm.


Keirra déposa ses armes et se glissa vers l'ouverture, jaugeant ses chances de réussir à passer. Elle passa une jambe, puis l'autre, tout en balayant les pensées négatives où elle se voyait coincée au milieu de son parcours. Elle se contorsionna et finit par passer en se réceptionnant au sol. Elle récupéra ses armes et regarda autour d'elle. De nouveau, elle se trouvait dans une salle vide et plongée dans le noir. Alors qu'elle commençait à avancer, l'artilleur l'interpella.

  - Hé, où allez-vous ? N'y allez pas seule, les autres sont en train de percer le sol pour passer !

  - Chaque seconde qu'on perd c'est une chance de plus à nos ennemis pour nous abattre. Je dois continuer, mais dépêchez-vous.


Sur ces mots, elle repartit. Elle marchait doucement, cherchant dans chaque coin de mur. Quand elle arriva en face de la porte du fond, elle vit une nouvelle inscription au-dessus. "Centre de commande".

  - Très bien, murmura-t-elle à elle-même. À nous.


Elle ouvrit la porte et vit une salle remplie de différents écrans et consoles, tous allumés. Elle avait à peine fait quelques pas à l'intérieur que la porte se referma brusquement et se verrouilla. Elle marmonna un juron alors qu'une douzaine de formes aussi lumineuses qu'immatérielles danser autour d'elle pour se réassembler en autant de Cragmites. Quelques chasseurs, reconnaissables à leurs corps disproportionnés, et un guerrier, classe la plus redoutée de cette race. Les autres étaient des agarvads, Cragmites ayant dépassé le stade de larve mais sans muter en soldat. Durant le règne de Tachyon, il était le seul agarvad. Tous les autres étaient des machines à tuer génétiquement programmés pour la guerre. Par réflexe, elle visa directement le guerrier. Une voix derrière elle l'interrompit, ainsi que la pression d'un canon de chasseur sur son dos.

  - Je vous le déconseille, lui dit le guerrier.

Sa voix faisait penser à du métal froissé, mais elle le comprenait. Elle posa doucement son fusil et son Combustor et s'en écarta en levant les mains.

  - Du calme, dit-elle autant pour eux que pour elle. Qui êtes-vous et que voulez-vous ?

  - Nous ne voulons pas nous battre contre vous, répondit l'un des agarvads, qui avait l'air d'être le chef, en s'avançant vers elle. Nous désirons quitter cette lune et survivre, c'est aussi simple que ça.

  - Ça semble plutôt mal barré, vu que vos copains ont tous leurs armes pointées sur moi.

  - Dans quelques instants, vos troupes en-dessous auront trouvés les nôtres et vos troupes au-dessus

vont arriver ici. Dites-leur de ne pas ouvrir le feu et nous ne répliquerons pas.

  - Comment je peux m'assurer que vous tiendrez parole ?

  - Vous ne pouvez pas. Mais c'est votre meilleure option. Et la seule, d'ailleurs.


Keirra se tut quelques secondes, son esprit tournant à plein régime. Finalement, elle se plia aux exigences du Cragmite et relaya l'ordre, non sans avoir expliqué la situation.

  - C'est fait, dit-elle, et ils baissèrent enfin leurs armes. J'ai ouvert la fréquence au chef des troupes à l'extérieur, il entendra tout ce qui de passe ici. À présent, pourquoi avoir émis ce signal de détresse ?

  - Je n'ai pas le temps de tout vous expliquer. Nous étudiions des minéraux sous la surface de la lune et un peu partout autour de Kapeon, cachés du reste de la galaxie. Ils nous ont assiégés hier, mais ce n'est pas nous qu'ils voulaient, nous n'étions que des nuisibles à leurs yeux. Ils voulaient les minéraux. D'ici peu de temps, ils les auront extraits et envoyés dans l'espace. Ils ne doivent en aucun cas y parvenir, la survie de la galaxie en dépend. Mais nous étions trop peu nombreux. D'où le signal de détresse.

  - En admettant que cette histoire tienne debout, pourquoi nos senseurs n'ont rien repéré ?

  - Pour la même raison que vous avez été pris en embuscade. Ils ont des techniques de brouillage très sophistiqués. Si vous ne me croyez pas, envoyez quelqu'un aux coordonnées affichées à l'écran sur votre gauche.

  - Eldren, dit le lieutenant Ceythe, nous pouvons envoyer la navette 143-D, ils ont dû finir leur évacuation.

  - Bonne idée, faites-le. Quant à vous, on n’en a pas terminé. Notre mission était de secourir les occupants du bâtiment, et c'est ce que nous allons faire. Mais il va falloir vous tenir à carreaux, où votre espérance de vie sera très courte.

  - Nous sommes belliqueux, mais pas stupides. Et nous savons reconnaître une unique chance de survie. J'accepte votre offre au nom de tous les Cragmites de cette lune et je promets de livrer les informations que nous détenons.

  - Madame, ici la navette 143-D, on a atteint la zone cible et il y a des cristaux violets géants qui sont en train de sortir du sol !

  - Détruisez-les ! s'écria le Cragmite. Notre survie à tous en dépend !

Keirra regarda l'agarvad quelques secondes, puis changea de fréquence.

  - Vigilant, ici le lieutenant Eldren, 143e unité. Ceci est une requête d'extrême urgence : faites immédiatement feu sur les cristaux flottants aux coordonnées que je vous indique.

  - Ici le Capitaine Tyral, bien reçu, nous serons sur l'objectif dans quelques minutes. Qu'en est-il

de votre mission ?

  - Le bâtiment est sécurisé. Nous revenons à bord avec un groupe de réfugiés Cragmites prêts à coopérer. Prévoyez plusieurs unités médicales pour recevoir les blessés.

  - Ahem...Voilà qui est surprenant. Nous vous attendons. Tyral, terminé.


Quelques instants plus tard, les navettes décollaient. Le bilan était plutôt positif, mais Keirra était focalisée sur la zone des cristaux flottants qui s'élevaient déjà dans le ciel de Kapeon-VII. Elle vit le cuirassé markazien approcher. L'agarvad se rapprocha du hublot.

  - J'espère que vous savez ce que vous faites...dit Keirra.

  - C'est plutôt à moi de le dire, répondit le Cragmite.


Le Vigilant ouvrit le feu. Les explosions masquèrent les cristaux pendant quelques minutes, puis le déluge s'interrompit. Lorsque la fumée se dissipa, une exclamation d'étonnement générale retentit sur le canal. Les cristaux étaient intacts. Keirra sa tourna vers le pilote.

  - Ils ont un bouclier, quoi que ce soit ?

  - Non, je confirme que tous les tirs ont touché leur cible. Je note une baisse de l'intégrité structurelle des cristaux de...0,01%.

  - C'est pas croyable...murmura-t-elle.

  - Je détecte des fluctuations d'énergie. C'est comme si...


Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Le Cragmite baissa les yeux et secoua la tête, ce qui fit naître un frisson glacé qui remonta dans le dos de Keirra jusqu'à sa nuque.

Les cristaux flottants et indestructibles avaient disparu.



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