Behind the scenes - Chapitre 1

Chapitre I : La Valse des Héros.

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Auteur : StreetPablo

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Chapitre I

La Valse des Héros.




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Inspecteur Cheikhall
Âgé de trente-cinq années.
Né à Marcadia.


Mon nom est Cheikhall. Inspecteur Cheikhall. Vous n'avez sûrement jamais entendu parler de moi. C'est bien dommage. Je devrais pourtant être connu du monde entier. Lorsque je me balade le long des avenues de Métropolis, je devrais être suivi par des millions de fanatiques. Lorsque je marche dans les rues sombres de Blackwater City, les crapules devraient m'assaillir et me cracher au visage, parce que eux aussi veulent avoir ma notoriété.

Et pourtant, ce n'est pas le cas. Et j'en suis déçu. Parce qu'en parlant de crapules, j'en ai connu, moi. Je les ai eu devant, je les ai combattu, je leur ai foutu des claques, des coups de poing, des constructo-bombes dans leurs tronches. Des plus fébriles aux plus coriaces. Et je les déteste, je les haïs à un point culminant et inimaginable. De pauvres gens qui ne savent rien faire à part user de la violence pour survivre. Sales idiots, sales fils de Qwark.

Je viens d'allumer une cigarette, à l'instant. C'est drôle, mais ça me rassure, d'avoir du tabac entre les mains, qui brûle lentement. Je passe aussi une main par mes cheveux. A présent, vous vous demandez ce à quoi je ressemble. Essayez de vous faire une image de moi dans vos esprits.

Je suis un cazar. Aux longs cheveux gominés vers l'arrière de mon crâne, à l'oreille gauche percée d'une boucle d'oreille. Sur mon cou, j'ai tatoué un mandala. Non parce que cela puisse avoir quelconque signification à mon égard. Je trouvais juste cela beau artistiquement parlant.

Maintenant, je vais vous parler de ma haine. De ce pourquoi je vis aujourd'hui, ce pourquoi je me lève chaque matin à l'aube en faisant craquer mes poings. Je hais les crapules. Ces imbéciles qui passent leur vie à martyriser les autres. Pour une seule et simple raison. Ce sont des lâches. Des lâches pleins de complexes, qui préfèrent se sentir puissants face aux faibles, qui ne savent pas avoir de l'esprit. Et je les combats, je les arrête, j'évite leurs sales mains de se poser sur la population des grandes villes de la galaxie. Je les protège du mal.

Et pourtant, j'ai du sang de crapule dans mes veines. Mon père, mon satané papa, comme on peut l’appeler aussi, était un salaud. Ouais, exactement. Je sais, que la figure paternelle, on doit la respecter. Mais, comme je l'ai dit avant, je ne peux supporter les vermines. Et mon père en était une.

Un brigand de Marcadia. Plein de honte, de lâcheté et de mauvaise foi. A présent, alors que j'expulse la fumée par mes narines, j'espère aussi expulser toute trace de mon père de mon corps. Quel scélérat. Lorsqu'il est mort, quelques années auparavant, alors que j'avais perdu tout contact avec lui, qu'il m'avait abandonné au sort du destin, j'avais une étrange sensation de bonheur. Souffre en enfer, sale truand.

Ce matin, comme à mon habitude, je me suis posé sur ma terrasse, et j'ai bu mon "verre de l'aube" comme je l'appelle, mon scotch Krogan. Ça m’a brûlé la gorge, mais au moins, par la suite, j’étais bien réveillé pour commencer mon boulot. De plus, j'avais une belle vue face à moi. La ville de Métropolis. Avec ses grands immeubles qui s'élevaient jusqu'au ciel et qui transperçaient les nuages. Tout semblait aller à merveille. Alors, mon holo-phone a sonné. J’ai juré, parce que je n’étais pas vraiment d’humeur.

« Allô ? j’ai grogné, ma cigarette entre mes lèvres qui tanguait.
-Cheikhall, c’est Clarence, j’ai entendu de l’autre côté du combiné.
-Encore une urgence ?
-Malheureusement, oui. On nous a ramené un type. Un certain mec qui voulait faire un coup tordu. Ils veulent qu’on s’occupe de lui.
-Bordel,
j’ai craché en frappant du poing le garde-corps de mon balcon. J’en ai marre de ces incapables qui ne savent pas faire leur travail. Pourquoi ils ne s’occupent pas tous seuls de ces salopards ? C'est toujours moi suis chargé d'accomplir tout le sale boulot.
-Allez Cheikhall,
a susurré Clarence. S’ils te contactent aussi souvent, c’est parce que t’es efficace, et que t’as une bonne réputation ».

J’ai soupiré, parce que je trouvais Clarence beaucoup trop naïf. Ouais, bien sûr, j’ai une bonne réputation. Et c’est l’excuse que ces imbéciles de la police de Métropolis trouvent pour me refiler toute la charogne des planètes et des galaxies de ce monde.

Clarence, c'est un gentil bonhomme, avec une figure d’ange, des grand yeux apeurés et des lèvres toujours pincées, qui trahissent son mal-être général. C'est mon coéquipier, certes, mais nos caractères sont tellement divergents, que de temps en temps j'ai presque envie de l’étrangler.

J’ai raccroché mon holo-phone, agrippé mon manteau, serré ma cravate, fumé une dernière cigarette. Avant de me rendre dans le commissariat de Métropolis.



*
***


Clarence m’a rejoint à l’entrée. Il avait l’air stressé, mais je n’ai pas voulu le rassurer.

« Ils l’ont enfermé dans l’interrogatoire. Le gars à l’air un peu anxieux. J’espère que ce n’est pas un dur à cuire, il m'a expliqué.
-Je m’occupe de lui », j’ai alors dit en me dirigeant vers l'intérieur du bâtiment.

Sur le chemin, j’ai croisé certains de mes compagnons. Ils m’ont tous salué avec respect, je n’ai répondu à aucun d’eux. Bien évidemment, ces idiots ne peuvent pas s’occuper d’un pauvre type et sont obligés de faire appel à ma personne. Bande d’incapables.

Je suis arrivé devant l’interrogatoire. J'ai aperçu une silhouette derrière la vitre. L'inconnu regardait le sol, assis face à une table, entouré de quatre murs en béton gris. Mais la salle était tellement sombre que je ne parvenais pas à percevoir son visage. Je me suis gratté la joue, et Clarence est venu à mes côtés.

« Alors, c’est lui, le malheureux ?
-Exactement, il a répondu.
-Et qu’a-t-il fait, au juste ? C’est bien beau de me demander de l’aide, mais je voudrais avoir des informations. Il a tué quelqu’un ?
-Non, bien moins plus grave, mais certainement aussi mauvais ».

Je m'attendais au verdict, faisant craquer mes phalanges.


« Il a voulu cambrioler une banque. Au centre-ville de Luminopolis, sur la planète Igliak ».

J’ai juste ricané en entendant ces mots. Pathétique.

« Je te laisse faire, ou tu as besoin de mon aide ? a repris Clarence.
-Reste juste près de la porte. Je ne prends aucune arme, je ne pense pas que ce petit personnage soit dangereux. S’il y a quelque souci, surtout, ne panique pas. Je m’occupe de tout ».

Clarence a hoché la tête. Alors, j'ai poussé la porte et je suis enfin entré dans la salle.

Le bonhomme, assis face à une table, s'est subitement retourné vers moi. La faible lueur que lançait la lampe au-dessus de sa tête a illuminé les traits de son visage. A cet instant précis, mon corps est resté paralysé. Mes membres se sont gélifies, ma mâchoire s'est crispée.

Je le connaissais, celui-là. Il m'a regardé avec de grands yeux apeurés. Ses oreilles ont frémi, il haletait, ce qui trahissait sa peur. Face à son expression de panique, un ricanement qui s'est échappé de ma gorge.

« Tiens donc, qui voilà ».

J'ai doucement marché vers lui et il a tourné la tête. J'ai posé mes mains sur le dossier d’une chaise située face à moi, et je suis resté une minute immobile et muet, tandis que mes yeux sont restés fixés sur lui.

« Je ne pensais pas te trouver un jour ici, mon cher ».

Il a levé son regard vers moi. Ses yeux m'ont supplié. Et j’en étais réjoui.

« Alors comme ça, on cherche à cambrioler une banque dans Luminopolis, c’est bien ça ? »

Ses lèvres ont enfin bougé. J’ai bien reconnu sa voix, que de temps en temps j'entendais à la télévision.

« Exact.
-Tu avoues tes actes ?
-Oui.
-Bien, c’est déjà un début ».

J’ai pris de ma poche une nouvelle cigarette, que j’ai rapidement allumée, avant d’expulser la fumée qui a envahit la salle. J’ai demandé à ce garçon si le tabac le dérangeait, il a secoué la tête et sur ce, j’ai continué de fumer.

« Je t'avoue que je suis assez choqué de te voir ici, j'ai repris. Je n’aurais jamais pensé qu’une personne comme toi pouvait un jour avoir une idée aussi déplacée. Voler une banque. S’emparer de l’argent des autres. N’est-ce pas complètement idiot ? »

Il n’a pas voulu répondre. J’ai alors continué, marchant doucement et tournant en rond face à lui.

« Et pourtant, j’en ai connu des vilains. Mais une idée comme celle-là…Cambrioler une banque…Sans amis, sans personne d'autre, juste toi et ton amour propre…Et surtout, une idée provenant d’une personne comme toi! Jamais. Jamais dans toute ma carrière d'Inspecteur ».

J’ai enfin réveillé sa langue. Un peu de provocation, ça marche toujours.

« Je n’étais pas seul, il a lancé. Et je n’ai pas voulu faire cet acte pour m’emparer de l’argent d’autrui, comme vous dites ».

Alors là, il m’a épaté. Il avait du répondant, le petit. Je l’ai longuement observé, d'un regard qui a transpercé le sien. Puis, lentement, je me suis approché de lui. Jusqu’à ce que ma silhouette soit juste en face de la sienne, et qu'il soit sans échappatoire. J’ai alors soupiré, avant de me pencher vers lui. Il était temps. De commencer les choses sérieuses. J’ai murmuré, d’une voix grave et caverneuse:

« Alors dis-moi. Quel coup de folie t’a pris pour avoir cette mauvaise idée, hein ? Qu’est-ce qui t’est arrivé pour vouloir cambrioler une banque, Ratchet le Lombax ? »

C’est cette simple et unique question qui a démarré le périple.



*
***




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Quelques mois plus tôt.

Métropolis, Kerwan.

05:00 am





Et toi, c'est quoi ton nom ?
Mon nom de série est B542…
Bon bah je t’appellerai juste Clank, c'est plus court.


Des images, floues, des voix, des cris, des mots.

Qwark, c'est de l'histoire ancienne !

Encore. Cette fois-ci, les mots…Ils tournaient, ils s'emmêlaient, ils se perdaientdans un écho lointain et interminable.

Et puis, un hurlement. Strident. Et du rouge. D’un seul coup, il sentit son corps s’engourdir. Une étrange sensation s'empara de lui, et il voulut se lever. Oui, et courir. Comme jamais il ne l’avait fait. S’en aller, s’échapper de tout cela, de ces phrases qui tournaient en écho dans sa tête, de ces images qui le suivaient, terrifiantes. De ce monde.

Mais ses membres étaient ankylosés. Il ne put rien faire. Sa bouche semblait cousue, car lorsqu’il voulut gémir, aucun mot ne s’en échappait, juste un son guttural qui lui brûlait l’intérieur du corps. Que faire ? Il ne savait pas.

Alors, enfin, il se réveilla. En sursaut. Couvert de sueur. Sur son matelas, il se redressa, les yeux exorbités, et ses longues oreilles dressées, à l’affut de quelque danger.

Rapidement, il comprit ce qui lui arrivait. Un cauchemar. Un simple cauchemar. Il soupira longuement, passant une main sur son visage tiré par l’effroi. La lumière crue de la lune passait par la baie vitrée de sa chambre. Il regarda sur sa table de chevet. Son holo-réveil, qui lançait une couleur bleutée à ses alentours, annonçait qu’il était cinq heures du matin. Alors, tout lui revint en mémoire. Il soupira une nouvelle fois. Puis, de sa voix rauque, il lança : « bordel ».

Ouais, bordel. Quelle flemme, et surtout, quelle baisse d’enthousiasme. Alors c’est ça, être une star ? C’est devoir se lever à ces heures matinales, se préparer pour être agréable et élégant, et rejoindre un plateau télévisé où il allait devoir répondre à des questions plus idiotes les unes que les autres ?

Non, il ne voulait absolument pas se rendre au plateau de « Qui veut épouser ma star », l’émission culte qui allait passer dans toutes les télévisions de la Galaxie. Dans deux heures, il devait être prêt à partir. Il resta quelques instants étendu sur son matelas, les bras ouverts, perplexe.

Et s’il laissait tout tomber ? S’il restait là, toute la journée, à observer ce plafond noirci par la nuit ? Hein ? Que se passerait-il ?

Il secoua la tête. « Que se passerait-il ? Eh bien, mon vieux…Qu’on ne t’appellera plus Ratchet le Héros, mais Ratchet l’Idiot ».




*
***


« Et si je vous demande de parler de votre jeunesse, n’oubliez pas d’inventer un proche décédé où quelque chose comme ça…
-D’accord.
-Et essayez de faire de la pub pour votre holo-montre. Elle est bien jolie, et ça nous rapportera des partenariats.
-Je vais essayer.
-Vous êtes prêt ?
-Pas vraiment.
-Faites comme d’habitude. Souriez, dîtes des choses drôles, riez à mes blagues, et faites-en quelques-unes. Et surtout, si on parle de femmes, faites comme si vous étiez expérimenté. Pour l'audience ».


Ratchet ricana. "Pour l'audience", Quelle bêtise. Il passa sa main sur son visage et hop, il enfila son masque. Un masque d’hypocrisie, un masque plein de fausse bonne humeur et d’un passé trouble et virulent. Puis, à quelques mètres de là, un cameraman faisait le compte à rebours. Trois. Deux. Un…C’est parti.

« Bonjour, chers téléspectateurs. Vous me connaissez bien, je suis Madgérard Lombardi, et je suis aujourd’hui avec le grand, le beau, l’admirable…Ratchet ! Applaudissez-le bien fort, s’il-vous plaît ».

Torrent d’applaudissements. Ratchet sourit à n’en plus pouvoir, ses joues lui firent mal. Il observa le public, qui frappait des mains, en l’observant avec des yeux grands ouverts. Les plus jeunes ne cessaient de rire, les femmes semblaient perdre les moyens en le voyant, et les hommes, et bien…Ils semblaient eux aussi tout aussi émoustillés. Ratchet soupira. Il arborait toujours le même sourire, mais c’était désagréable. Parce qu’il était faux. Aussi faux qu’un épouvantail planté au beau milieu d’un champ de maïs pour éloigner des corbeaux. Sauf que là, il n’épouvantait absolument pas. Cela se voyait lorsqu’il lançait des regards à une jeune fille qui, à quelques mètres de lui, susurrait « oh, qu’il est beau, je l’aime…Je t’aime, Ratchet, je t’aimeuh ! ». Tant d’admiration, ça lui donnait envie de vomir.

« Bonjour, Madgérard, il finit par susurrer.
-Vous avez enfilé un joli costume ! C’est à mon honneur ?
-Bien sûr. A votre honneur, je ferai tout.
-Oh, n’est-il pas adorable, notre Lombax ? »


Nouveau sourire de la part de Ratchet. « Putain, quel abruti, celui-ci », il disait. Mais le présentateur ne vit que l’ombre d’une fausse satisfaction.

Et l’interview se déroula comme chaque interview qu’il avait fait. Des questions on lui posait, auxquelles il répondait avec le plus grand enthousiasme possible. De temps en temps, il réajustait son costume, parce que pour les gentes dames, il devait toujours être présentable. Il riait, il souriait, il faisait des blagues de mauvais goût, mais comme Madgérard s’esclaffait bruyamment, alors tout le monde l’imitait, sans cesse. Et le Lombax se demandait : « mais pourquoi ils rient ? Ce n’est pas drôle».

C’était ainsi, sa vie. La vie d’une star, qui avait été protagoniste de l’une des sagas de jeux-vidéos les plus populaires et les plus rentables de toute une décennie sur PlayStation. Qui était peu à peu devenue la mascotte de la console. « Ratchet et Clank ? on disait. Vous connaissez ? » - « Bien sûr ! Le truc là, avec la souris aux longues oreilles et sa boîte de conserve comme animal de compagnie…Ouais, ouais, on en a déjà entendu parler ! ». Ça, c’était à ses débuts. Il n’était qu’un jeune garçon assoiffé de vie, d’argent et de reconnaissance. Et au fil des années, c’était devenu : « Ratchet et Clank ? Bien sûr ! Cette saga qui vaut des millions avec deux stars incontournables qui sont en train de devenir l’égérie de toute une génération…Ouais, ouais, on en entend parler tout le temps, voyez-vous ! ».

Lorsque ce matin-là, il s’était réveillé après un mauvais rêve plein d’échos, il savait déjà comment allait se résumer sa journée. Des questions, toutes plus idiotes les unes que les autres, auxquelles il allait répondre en ajoutant une citation à la fin qui lui ferait arborer un nez de clown. Et tout le monde le regarderait avec des yeux de biche, et les femmes auraient l’envie irrésistible de l’embrasser, les enfants de s’habiller comme lui, et les hommes, de ressembler à ce Lombax, d’être aussi fier et aussi humble que lui. D’être Ratchet.

Mais ce matin-là, il n’avait aucune envie d’être ainsi. Non, ce matin-là, lorsqu’il s’était réveillé à cinq-heures du matin, sous la lueur de la lune, après un mauvais cauchemar qui lui avait rappelé comment il en était arrivé là, Ratchet avait une drôle d’envie. Il voulait tout laisser tomber, ôter son masque, et brandir un doigt d’honneur à tous ceux qui allaient s’entremêler dans son chemin. En particulier celui qui se tenait face à lui à cet instant précis. Oui. C’était ce qu’il voulait.

Était-il trop tard ? Un instant, dans ce studio pittoresque, tout s’arrêta, tout se tut, et un vide se fait dans l’esprit de Ratchet. Face à ces projecteurs qui le pointait dans tous les recoins, faisant briller son poil et son costume, le rendant plus beau, plus assourdissant….face à ces caméras qui l’observaient d’un œil rond…Face à ce Madgérard, qui parlait, parlait, riait, qui avait un visage bouffi et rouge à force de rire, et dont les veines de son cou saillaient à chaque mot…Face à tout cela, tout ce monde, toutes ces bêtises et cet étouffement qui le rendaient nerveux…Ratchet fronça les sourcils, et décida, pour la première fois de sa vie, d’ôter le masque qui cachait la grimace de son visage.

« Alors, Ratchet…Parlez-nous de votre vie.
-De…De ma…
(il bégaya un instant).
-Oui, de votre majestueuse vie, de votre famille, de ce que vous avez fait ce matin, ce que vous ferez ce soir, de votre petite copine, de…
-Je ne parlerai pas de ma vie ».


Alors, là, Ratchet le vit. Dans les yeux de Madgérard, une lueur nouvelle brilla. De la peur ? Un frisson le parcourut.

« Comment ça, je…
-Je ne veux pas parler de ma vie.
-Mais Ratchet, nous sommes sur le plateau de « Qui veut épouser ma star », là où toutes les plus grandes célébrités viennent pour parler de leur confessions privées, et…
-Demandez-moi encore une fois de parler de ma vie et je vous assure que je quitte ce plateau ».


Là, tout le monde se tut. Le silence s’installa autour d’eux. Madgérard resta de pierre, et Ratchet l’observait d’un regard noir et plein de haine. Alors, le présentateur bégaya un instant, arborant un sourire discret et plein de honte. Et, il demanda :

« Alors…Heu…Pourquoi ne pas expliquer à l’écran, heu…Votre…Relation avec…La belle et admirable Sacha qui a joué avec vous dans le troisième opus de votre saga, et… »

A cet instant, Ratchet se leva de son siège, ajusta son costume, tourna le dos à Madgérard, et d’un pas pressé, quitta le plateau, sous les murmures étonnés de l’assistance. "Idiots", il susurra.



*
***


Dans les loges, Ratchet se dirigea vers un petit miroir situé au-dessus d’un lavabo et aspergea son visage d’eau. Il resta immobile, muet, essayant de contrôler sa respiration qui s’accélérait. Des gouttes d’eau glissaient le long de ses poils, et les manches de son costume étaient trempes. Il murmura un juron, et ferma les yeux, pour ne pas observer son reflet. Alors, quelqu’un frappa à la porte.

« Ratchet, c’est moi, lança une voix nasillarde, et le Lombax ne put s’empêcher de lancer une autre insulte. Laisse-moi te parler un instant».

Il reconnut Madgérard. Avant de cracher un « entrez », et d’essuyer ses mains humides. Lombardi entra dans les loges, et les deux se regardèrent un long moment. Dans les yeux de Lombax régnait de la colère. Dans ceux de l’autre, de la clémence.

« Ecoute. Je ne voulais absolument pas te vexer dans le plateau, et je m’en excuse ».

Le Lombax ne répondit pas. Il se contenta de regarder autre part. L’autre continua.

« Je te respecte beaucoup, mon cher ami. – A l’écoute de cette dernière connotation, Ratchet grinça des dents-. Tu as une grande notoriété dans le monde du jeu-vidéo. Tu es une grande star, et je pense que tu as appris des choses dans ta célébrité.
-La seule chose que j’ai apprise,
susurra Ratchet en ôtant la veste de son costume, c’est que ça ne me plaît pas.
-Eh bien, tu devrais t’en accoutumer. Parce qu’il y a encore une longue route à faire. Ecoute, est-ce que tu accepterais d’écouter une sage parole que j’ai à te dire ? »


Ratchet l’observa, une pointe de mépris dans son regard. Puis il s’assit lourdement sur un tabouret non loin de là, et fit un geste las de la main envers son interlocuteur. « Allez-y », il murmura.

L’autre passa ses mains derrière son dos et se mit à marcher dans la loge.

« Je ne suis pas fier de mon travail. Ni de ce que je suis devenu. Non. Parce que je suis un con. Oui, je l’assume, j’ai entièrement conscience que je suis une pourriture. Je profite de la vie privée des stars pour faire de l'audience. Et surtout, pour me faire du fric. Mais là vient la le mot-clé de mon discours ».

Ses yeux se levèrent vers le Lombax. « Le fric », il répéta, et Ratchet soupira en secouant la tête. Alors, Lombardi continua.

« Parce que je suis peut-être un grand con, une enflure, tout ce que tu voudras. Mais pourtant, j’ai de l’argent. Et de la notoriété. Oui. Regarde-moi. J’anime une émission où j’invite les plus grandes stars intergalactiques. La semaine dernière, le Commandant Shepard était sur le plateau. Il était très convivial. Je ne sais pas si tu as vu cette émission, mais…Elle nous a rapporté une grande audience. A vrai dire, Shepard est une grande star. Protagoniste de cette saga aux trois tomes, Mass Effect…Il est venu promouvoir le dernier de ses opus qui va bientôt sortir. Je veux dire…Qui n'a jamais joué à ce jeu? Qui n'a jamais pris plaisir à sauver la galaxie entière à bord du Normandy, en tant que Commandant Shepard? Quelle femme n'est pas tombée sous le charme de ce garçon plein d’enthousiasme, de ce héros, de Shepard? Que de questions rhétoriques. Et bien évidemment, qui n'a pas envie d'écouter les anecdotes croustillantes qu'il nous livre sur sa vie privée, dans le plateau de "Qui veut épouser ma star?"…Telle est la question".

Ratchet souffla. Il voulut rapidement en finir avec cette histoire. Mais l'autre continua sa tirade.

"Shepard et moi, après l'émission, nous sommes allés prendre un verre ensemble. Et il a dit la même chose que moi. "Tu sais, Madgérard. Tout ce que tu entends de moi à a télévision…C'est soit faux, soit je l'invente. Ainsi, tu peux m'inviter dans ton plateau, je peux en parler en face de mes fans, et bingo! Je gagne de l'argent. Et toi aussi. C'est une longue boucle interminable, Madgérard". J'ai acquiessé. "Tu es un bon garçon, Shepard, je lui ai lancé. Tu as tout compris. Tu as compris comment fonctionne ce monde".
Tout cela explique pourquoi je fais ce travail, pourquoi j’accepte d’être un grand crétin. Et cela montre aussi qu'il faut faire parler de soi. Qu'il faut aller chercher les caméras, et les braquer sur nous, que ce soit nous qui les suivons, et non le contraire. Nous étions d'accord sur ce point»
.

Il fit peser ses mots. Et Ratchet, cette fois-ci, le regarda dans les yeux.

« Oui. Nous étions d’accord, le Commandant Shepard et moi, que les rois du monde sont ceux qui ont l’argent et la notoriété. Et que cela se gagne grâce à l'audience ».

Il attendit une réponse du Lombax, qui resta immobile, sur sa chaise, et qui le fixait d’un œil étrange. On ne saurait discerner les sentiments qui s’en échappaient. Alors, Madgérard se dirigea vers la porte de la loge.

« Je te laisse seul, à présent. Réflechis-y, mon cher ami Lombax ».

Puis il s’en alla.


*
***


Ratchet prit une douche chaude. L’eau brûlante qui glissait sur sa peau parvint à le calmer. Il resta à l’intérieur de sa baignoire pendant plus d’une heure. De temps en temps, il s’introduisant sous l’eau, essayant d’écouter le son caractéristique du silence aquatique. Alors, à cet instant seulement, il put se sentir confortablement. Lorsqu’il ressortait la tête de l’eau, il voyait ses alentours, et son malheur revenait. Quel monde, dans lequel il vivait !
La conversation qu'il avait eue avec Madgérard Lombardi l'avait profondément touché. Non parce que les paroles du rapace affamé d'argent l’eurent émut, et qu'il soit d'accord avec. Mais Ratchet était surtout très déçu. Déçu de ce qu'il avait entendu, et surtout de l'esprit que certaines célébrités intergalactiques pouvaient avoir.
Ratchet ne voulait pas lui ressembler, à cet idiot emplumé. Oui, d’accord, le Lombax avait un bel appartement sur l’un des bâtiments les plus modernes et les plus chers de Métropolis, qui surplombait toute la ville, et qui avait un balcon avec piscine personnelle et jardin intégrés. D’accord, il avait beaucoup d’argent dans son compte, beaucoup de femmes à ses pieds, et une grande reconnaissance. Mais…Mais…
Il n'étais pas heureux. Il n'était pas le roi du monde, comme Madgérard l'avait dit. Que lui manquait-il ? Il ne savait pas. En tout cas, il ne voulait plus parler de lui. Il ne voulait plus faire l’apologie de sa propre personne. De sa vie merveilleuse et pleine d’aventures et d’argent. De sa vie privée. Non, il ne voulait pas suivre les conseils de Madgérard. Alors, il retourna sous l’eau bouillante de sa baignoire, et il resta là, quelques secondes, quelques minutes…Quelques…
La sonnerie de son holo-portable le réveilla. Il émergea hors de l’eau en sursaut et agrippa une serviette de bain à quelques mètres de lui. En l’enroulant autour de sa taille, il répondit.

"Ratchet à l'appareil. Qui est-ce?
-C'est Rayman, ton agent".


Le lombax resta étonné de recevoir son appel à cet instant. Il balbutia quelques mots avant de parvenir à parler.

"Dis-moi, tu as du nouveau pour moi?
-En effet! Je t'ai dégoté un petit projet très intéressant. J'espère que ça va te plaire.
-Alors donne -moi des détails.
-C'est une collaboration.
-Une…une collaboration, avec…
-Oui, un cross-over.
-Mon Dieu".


Ratchet passa une main par son visage et soupira longuement.

« Avec qui ? S’il te plaît, ne me dis pas que tu t’es malheureusement décidé à me faire bosser encore une fois avec
-Jak, il susurra. Oui, malheureusement".



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