Auteur : Talwyn
Un nez rouge. Des yeux bouffis, injectés de sang. Une barbe mal rasée. Des cheveux bruns, mi-longs et gras. Un bide bien rond. Un ventre à bière. Un air blasé. Derrière cet homme repoussant se tasse un passé bien malchanceux. D’abord le mariage avec la belle de ses rêves grâce à sa richesse, la jolie maison paisible, et même un enfant. Puis la chute libre de son entreprise, de son compte en banque. Le divorce, la perte de la garde de son fils. La dépression. L’alcool. Le gaspillage de l’argent qu’il lui reste…
Tout porte à croire que, depuis la faillite de son entreprise, Mr Jupilaire est poursuivi par la poisse. Le comble du comble ; le voilà contraint de boire les bières de son pire ennemi, Maëz.
-Monsieur, je dois fermer.
Le barman termine de laver les verres. Il connaît bien l’infortuné Jupilaire, c’est un habitué depuis ses malheurs.
-Un dernier verre. Un petit dernier.
-Soyez raisonnable, vous êtes déjà ivre. Demain soir, ils passent un match de foot à la télé, le bar sera ouvert plus longtemps et vous pourrez venir voir avec des amis. Mais, ce soir, il vous faut rentrer chez vous.
-…D’accord. À demain, alors ?
-C’est cela, dormez bien, Mr Jupilaire.
-Vous de même !
C’est avec un léger sourire qu’il sort de l’établissement. Heureusement que des sympas existent. Sinon, c’est lui qui aurait du mal à exister.
Il prend la direction de sa ‘maison’. Un petit bout de terre avec un toit, un lit, une cuisine, un évier, des toilettes. Offert par ses amis et le reste de sa famille. C’est déjà ça…
Darnestown. Un beau petit bled. Non loin de la capitale, mais tranquille malgré tout. Un rien touristique. La plupart des habitants travaillent à Washington, mais tous sont accueillants et conviviaux. Même après de longues dures journées où rien ne va.
Mr Jupilaire est heureux d’être là. Heureux de ses amis, de son petit chez-lui, de ses petites habitudes. Il faut dire qu’il ne voit pas tout en noir, il est plutôt bon vivant, malgré les difficultés. Il trouve toujours des côtés positifs à ce qu’il lui arrive. Ce qui lui permet de ne pas fumer ni d’être à la rue.
Il s’arrête brusquement de penser et de marcher en arrivant devant la ‘Belle Époque’, la maison abandonnée du village. Deux ans qu’elle est vide, mais toujours entretenue dans l’espoir qu’une bonne âme l’achète.
Un jeune homme sort ses clefs et l’ouvre. De dos, et dans l’obscurité de la nuit, on ne voit pas grand-chose. Mais il est de bonne taille et doit être majeur. Ses cheveux noirs en pétard rappellent un peu ceux dans les mangas, bien qu’il n’en ait jamais vraiment lu. Un aboiement se fait entendre et le jeune homme se retourne soudainement. Il plante ses yeux dans ceux du vieil homme. Un regard qu’on jurerait interrogateur.
Mr Jupilaire fut frappé par ce regard. Par ces yeux. Incapable de bouger. De grands yeux qui accrochent instantanément l’attention. Des yeux parfaits. Des yeux rêveurs. Des yeux… beaux.
Des yeux d’un vert profond.