Il y a quelques mois, Forbes dévoilait les plus gros flops cinématographiques de l'année passée, et ô combien tristes nous fumes de découvrir que le film Ratchet & Clank figurait dans la liste...
- Max Steel (Box-Office: $4.4m | Budget: $10m)
- Free State of Jones (Box-Office: $23.2m | Budget: $50m)
- Popstar: Never Stop Stopping (Box-Office: $9.5m | Budget: $20m)
- Pride and Prejudice and Zombies (Box-Office: $16.4m | Budget: $28m)
- Ratchet & Clank (Box-Office: $11.8m | Budget: $20m)
- Keeping Up with the Joneses (Box-Office: $26.9m | Budget: $40m)
- Whiskey Tango Foxtrot (Box-Office: $24.9m | Budget: $35m
- Grimsby (Box-Office: $28.7m | Budget: $35m)
- Snowden (Box-Office: $34.3m | Budget: $40m)
- Masterminds (Box-Office: $22m | Budget: $25m)
Paré d'un budget total de 20 millions de dollars, le long-métrage de Rainmaker n'aura généré au final qu'un peu moins de 12 millions de dollars lors de sa diffusion dans les salles obscures. Un budget bien maigre face aux grosses productions animées, mais qui n'aura pourtant pas empêché cette modeste production de se ramasser au box-office international, au point d'endetter ses producteurs.
Un bien funeste constat qui, aujourd'hui, résonne néanmoins comme une évidence et ce pour diverses raisons.
1 - Un marketing douteux
Forte d'être la plus grosse puissance marketing dont ait pu profiter une oeuvre Ratchet & Clank jusqu'alors, la campagne américaine menée par Focus Interactive ne portera finalement pas ses fruits. Pourquoi ? Il suffit de visionner les quelques spots publicitaires pour mieux cerner le problème : à qui s'adressent-ils ?
Non contents de virer au ridicule, cette campagne marketing semble prendre son public un peu trop à la légère, estimant qu'un montage grotesque couplé à de l'humour de répétition pataud suffirait à convaincre les fans d'investir les cinémas états-uniens.
Du côté français, aucune prise de risque puisque l'essentiel de la campagne marketing se contentera de reprendre les spots américains. Non, le véritable fer de lance de La Belle Company et TF1 réside dans les têtes d'affiche: Squeezie, Kevin Tran du Rire Jaune et Jhon Rachid. L'optique, ici, est donc de toucher le jeune public en leur donnant ce qu'ils aiment, à savoir des Youtubers en vogue. Sauf que, malheureusement pour les responsables marketing, la réalité de cette jeune génération est nettement plus nuancée qu'une simple histoire de stéréotypes grossiers.
Dès l'annonce officielle des voix françaises, le film se fait immédiatement lyncher sur les réseaux sociaux, suscitant le mépris de différents comédiens professionnels et l'intérêt souvent opportuniste de vidéastes s'étant soudainement trouvés une passion révoltée pour le monde du doublage. Ah.
Une vague haineuse inébranlable qui finira de ruiner tout espoir pour le film de se faire ne serait-ce qu'une petite place aux côtés des blockbusters du moment.
2 - Une concurrence redoutable
Au cours de la période de sortie du film sur les territoires américains et européens, paraîtront en salles Le Livre De La Jungle (Disney), Kung-Fu Panda 3 (Dreamworks) et Captain America: Civil War (Marvel). Un trio qui ne laissera absolument aucune chance à Ratchet & Clank, écrasé par des campagnes marketing forcément bien plus solides et remarquables.
Un fait inaltérable, qui se sera fait d'autant plus vrai en France, puisque Le Livre De La Jungle sortait le même jour que Ratchet & Clank dans nos salles. L'espoir demeurait toutefois permis et justifié, puisqu'avec plus de 400 salles de diffusion, nos deux compères auraient eu de quoi toucher un large public. En vain.
3 - Des critiques mitigées
Si l'on s'accordera à dire que le film Ratchet & Clank est, en considération de ses moyens limités de production, une réussite plus qu'honorable en terme de réalisation visuelle et d'animation, la majeure partie des médias et spectateurs lui reprocheront, à juste titre, son écriture. Tantôt maladroit, tantôt fidèle au matériau d'origine, le script de Kevin Munroe et Gerry Swallow peine à narrer efficacement une histoire pourtant déjà racontée des centaines voire milliers de fois au cinéma, faute à une surenchère de références souvent balourdes.
Le public cible du film se voit ainsi stéréotypé sous la focale d'une caméra virtuelle ne cessant de dresser des parallèles gratuits et inutiles entre l'univers fictif du Lombax et de son acolyte et notre culture populaire, vulgairement réduite à Youtube & cie. Certes, il est toujours amusant d'entendre Lucas Hauchard (Squeezie) en plein exercice d'auto-dérision sur la célébrité et ses atours superficiels, mais difficile de trouver quelconque sincérité dans ces travers d'écriture qui, plus grave encore, ne respectent en aucun cas le souhait initial d'Insomniac de ne jamais croiser notre réalité avec celle de la mythologie Ratchet & Clank.
Des choix hasardeux qui auront fini par entraîner le départ volontaire de T.J Fixman, jusqu'alors scénariste attitré de la saga, préférant laisser le projet à K.Munroe et son co-scénariste. Il n'est d'ailleurs pas bien difficile de ressentir son influence au travers de certaines scènes franchement réussies, mais en son état final, le script apparaît davantage comme une chimère malmenée, dont l'essence même aura été dénaturée presque jusqu'à la dernière once.
4 - Un bilan décourageant ?
Que doit-on penser, alors, de l'adaptation de jeux vidéo en films ? Y a t-il encore l'espoir de voir un jour une adaptation suffisamment maîtrisée pour ravir les fans, et suffisamment assimilée par ses producteurs et réalisateurs afin d'offrir une vision nouvelle de l'oeuvre originelle ? Oui, probablement. Il m'est, à vrai dire, d'avis personnel que le film Assassin's Creed entreprend tout ceci convenablement.
Toutefois, l'image que renvoie le film Ratchet & Clank de cette mouvance reste encore trop peu ambitieuse et pertinente pour convaincre pleinement. Dans notre critique, suite à l'avant-première du film, nous vous faisions part de notre enthousiasme et de tout ce que nous avions aimé lors de notre première séance. Notre opinion s'est depuis équilibrée, mais n'a fondamentalement pas changé. Nous restons convaincus que ce film est un essai tout à fait appréciable, et se classe parmi les meilleures adaptations cinémato-ludiques à avoir vu le jour.
Loin d'être parfait, Ratchet & Clank a le mérite de rendre hommage à la saga, maladroitement il est vrai, mais non sans une démarche sincère de ses géniteurs. Un effort saluable, en somme, mais qui porte encore les tares d'un marketing négligé et négligeant, peinant à cerner une génération dont l'identité continue d'être vulgairement dépeinte par des auteurs et médias arriérés.
Messieurs les responsables marketing, messieurs les producteurs, non, porter fièrement des Youtubers en têtes d'affiche n'aidera pas votre film à susciter l'intérêt du grand public, et encore moins celui des fans. Non, adapter la campagne publicitaire de votre film à un public cible que vous n'essayez pas vraiment de comprendre ne ralliera pas les fans.
Peut-être le temps d'une profonde remise en question est-il arrivé, ne croyez vous pas ?
Nous, en tout cas, si, et aussi durement que la tête de Clank.