Raven - Chapitre 4

Auteur : gag_jak

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Chapitre 4
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« Et l’entraînement suivait sa progression, petit à petit. Un jour de ma douzième année, très tôt le matin, mon père entra dans le jardin de notre maison et eut une immense surprise. J’étais à la confection d’un robot de dix mètres de haut. Quand il arriva, je n’avais créé que la partie inférieure à l’articulation du genou, pourtant, le robot était déjà deux fois plus grand que moi.

- Tu as fait tout ça seul ? s’exclama-t-il, étonné.
- Et bien oui, tu y vois un inconvénient ?
- Heu… non pas du tout. Je suis juste surpris, normalement, à ce stade, tu ne peux pas faire de créations aussi énormes. Tu es un génie.
- Merci. Mais je pense que tu pourras dire ça si j’arrive à le faire marcher…
- C’est vrai, mais je suis persuadé que tu y arriveras….
- J’espère…
- Mais en attendant, tu vas devoir quitter ta création pendant un moment !
- Pourquoi ?
- Eh ! Fiston ! L’entraînement continue !

Il m’emmena un peu plus loin, et à chaque fois que je lui demandais ce que j’allais devoir faire, il me répondait que je verrai. Nous arrivâmes vite devant un engin magnifique. Je n’avais jamais rien vu de semblable.
C’était un véhicule formé en titane, de couleur noire si nette que l’on voyait son reflet sur la carrosserie ; il était long d’un mètre quatre vingt, large d’un peu moins d’un mètre et équipé d’un guidon à l’avant ; il survolait le sol de cinquante centimètre ; juste derrière le guidon, il y avait un espace plus confortable pour que l’on puisse s’asseoir, et, de chaque côté se tenait deux pédales pour poser les pieds dessus ; il n’avait apparemment pas de roue.

- Ouaw ! fis-je avec étonnement, ça me fait penser aux motos que les êtres humains utilisaient dans l’antiquité universelle.
- Oui, répondit mon père, je m’en suis inspiré. Bien entendu, ce modèle est amélioré.
- Et qu’est-ce que je suis censé faire ?
- Tu vas le conduire bien sûr !
- Je ne sais pas comment fai…
- Et bien tu apprendras à tes dépens ! Allez ! Monte !

Sans plus attendre, je montai sur le fabuleux bolide en saisissant à pleines mains les deux extrémités du guidon.

- Voilà ! C’est bien ! annonça-t-il. Il faut que tu tournes la poignée droite du guidon pour démarrer et celle de gauche pour avancer, le changement de vitesse est automatique ; il faut simplement tourner le guidon pour aller de droite à gauche… Tu vois les pédales ? Mets bien tes pieds dessus. Lorsque tu appuies dessus avec tes talons, tu décolles ; lorsque tu appuies dessus avec la pointe de tes pieds, tu redescends. Bien entendu, il faut qu’il y ait synchronisme des deux pieds en même temps, c’est une question de sécurité.

Aussitôt, je tournai avec fougue la poignée de droite, mais aucun son ne se manifesta.

- C’est normal ? m’inquiétai-je.
- Bien sûr, c’est un véhicule d’une discrétion extrême, il ne produit aucun bruit.
- Ok !
- Démarre maintenant ! Je veux que tu me fasses deux heures de conduite ! Il y a une caméra à l’avant du véhicule, je te surveillerai. Quand tu reviendras, tu auras une surprise !
- Quel genre de surprise ?
- Tu verras bien…
- Ça marche !

A vrai dire, je mourrai d’envie de savoir ce qu’était cette surprise, mais, connaissant mon père, il était inutile d’insister. Alors, joignant le geste à la parole, je fis démarrer et avancer l’engin qui partit à toute vitesse. Presque aussitôt, je donnai un coup de talon sur les deux pédales et je partis vers le ciel. Il y avait une hauteur limite à ne pas dépasser, je voyais ça sur l’écran de bord. Il indiquait qu’il me restait à monter cent cinquante huit mètres.
La « moto » était extrêmement facile à diriger, et cette facilité me surprit. On pouvait faire des centaines de mouvements compliqués sans perdre le contrôle. J’enchaînai, pour mon propre plaisir, quelques loopings. Quelle sensation de liberté…

A une centaine de mètres de là, il y avait une grande étendue d’eau. Je descendis en piquée dans cette direction. La force du vent secouait mes longs cheveux, le soleil levant apparaissait juste derrière le lac, offrant alors un magnifique reflet sur la surface de l’eau. Tout était splendide, j’aurai voulu rester une éternité ici.
A toute allure, je survolai la surface de l’eau qui produisait à présent des remous à mon passage. Je passais mes doigts contre le liquide. L’eau était à température ambiante. Elle donnait envie de s’y baigner. Mais je ne pouvais pas le faire. Mon père m’avait donné l’ordre de conduire, pas de me reposer, et je devais m’exécuter.
Ce fut donc avec regret que je repartis vers le ciel frais, traversant nuage après nuage…

Deux heures plus tard, après avoir traversé plusieurs bois et diverses collines – toujours en évitant les villes – je rentrai à mon domicile. J’arrêtai le véhicule et entrai dans la maison. Mon père m’accueillit aussitôt :

- Alors ? Ça t’a plu ?
- Bien entendu ! lançai-je avec excitation. C’était superbe ! Magnifique et…

Il posa un doigt sur mes lèvres.

- D’accord, d’accord. J’ai compris… Mais n’en fait pas trop.
- N’empêche que c’était fabuleux. Tu as dû le voir à l’aide de la caméra !
- J’étais sûr que tu allais t’éclater. Mais en réalité, il n’y avait pas de caméra sur le bolide.
- Ah bon ?
- Oui. Je faisais quelque chose. Quelque chose en rapport avec la surprise que je vais t’offrir…
- Et qu’est-ce que c’est ?
- Si je te le dis, ce ne sera plus une surprise. J’ai une totale confiance en toi, et je sais que tu ne me trahiras jamais.
- Et pourquoi je ferais ça de toute façon ?
- Dans le monde des affaires, les traîtres son nombreux… Mais bref. J’ai confiance en toi, alors tu dois avoir confiance en moi… Je vais devoir t’opérer…
- Quoi ? Et pourquoi ?
- Tu as confiance en moi ?
- Bien sûr.
- Alors ne pose pas de question. Je vais devoir t’opérer, veux-tu que je le fasse ?
- Oui, si c’est pour mon bien, je suis d’accord.
- Super ! Tu verras, tu vas adorer ça aussi ! Suis-moi !

Il me conduit dans une salle du sous-sol, totalement blanche et équipée de tout un tas de trucs médicaux.
Il me fit m’installer sur une table d’opération et m’adressa de l’anesthésie. Je commençais à me demander si je n’avais pas fait de bêtise en lui permettant de m’opérer…. Mais je m’efforçais de ne pas y penser. Je devais avoir confiance. Et en moins de cinq secondes, je m’endormis.
J’eus tout de même le temps d’entendre un : « A bientôt Raven… ».

Je me réveillai dans un lit. Le choc de l’anesthésiant me donna un puissant mal de crâne. Tout semblait tourner autour de moi. Je ne comprenais plus rien. Absolument plus rien. Des questions affluaient dans ma tête, aussi terrifiantes les unes après les autres. Que s’était il passé ? Où étais-je ? Qu’y faisais-je ? Vivais-je ? Mon cœur sauta un battement à cette pensée. Au moins, c’était la preuve que j’étais encore en vie…
Prenant le temps de me calmer, je finis par remarquer que j’étais dans ma chambre, sagement allongé dans mon lit. Mais cependant, la peur me cernait encore…. Que m’avait fait mon père ? D’une manière ou d’une autre, il fallait que je le sache.

Patraque, je tentai de marcher. J’y arrivais difficilement et je devais me tenir à ce qui m’entourait pour ne pas chuter. J’ouvris lentement la porte et continuai mes déplacements jusqu’au salon où je me laissai tomber sur le canapé. Ma mère arriva, souriante comme toujours :

- Ça va Raven ? me demanda-t-elle.
- Oui… Enfin, je crois…

Elle rigola.

- C’est toujours comme ça après avoir subit une opération.

Moi, j’étais loin de me fendre la poire. J’avais toujours ce foutu mal de crâne qui m’empêchait de penser convenablement.

- Qu’est-ce que Papa m’a fait ?
- Il te le dira sitôt qu’il sera rentré… Je vais te laisser seul pour l’instant.

Et elle s’en alla, me laissant à mes méditations. Bien qu’elle jouait un rôle nettement moins important que mon père dans mon éducation, je l’adorai autant que lui ; elle était toujours présente pour remonter le moral de quelqu’un, et elle ne demandait qu’à aider autrui.

Quelques minutes plus tard, mon paternel rentra d’une de ses affaires délictueuses et pointa le bout de son nez dans la pièce où je me trouvai.

- Ah ! Tu es enfin réveillé ! s’exclama-t-il.
- Enfin ?
- Oui, ça fait déjà quinze heures que l’opération est terminée.
- Et en quoi consistait-elle ?
- Je vais te montrer… Tu peux marcher ?
- J’ai du mal, fis-je en me levant doucement, mais je peux le faire.
- C’est bien…

Je lui obéissais. Mais j’y étais bien obligé ! Je serais bien resté assis tranquillement sur le canapé en écoutant ses explications. Mais au lieu de ça, je devais le suivre. Déjà que ma tête me faisait un mal de chien, je devais en plus faire fonctionner mes muscles endoloris par l’anesthésiant. Il voulait me torturer ou quoi ?
Je l’accompagnai dans le jardin, j’aperçus mon robot y siégeant, toujours comme je l’avais laissé, mais sa construction était pour l’instant le dernier de mes soucis. Je préférai même l’oublier.
Mon père se tourna face à moi :

- Raven. Tu as en toi un pouvoir nouveau !

Ouaw, brillante la nouvelle. Il l’avait dit comme ça, comme si c’était ce qu’il y avait de plus naturel au monde. Bien que l’excitation s’emparait de moi, je ne pus m’empêcher de lui reprocher intérieurement de ne pas être assez explicite.

- Un pouvoir ? Quoi comme pouvoir ?
- Laisse moi finir mes phrases et tu seras plus vite au courant.
- D’accord.
- Je vais faire en sorte que tu l’actives… Ecoute moi attentivement, et suis chacune de mes instructions au pied de la lettre !

Il me demanda de fermer les yeux, et c’est ce que je fis.

- Concentre-toi ! Cherche dans ton esprit une sensation nouvelle, trouve quelque chose à débloquer que tu n’avais jamais avant !

Me concentrer ? Il en avait de bonne, lui ! Ça se voyait que ce n’était pas lui qui avait besoin d’aspirine en ce moment même !
Je ne voyais pas vraiment où est-ce qu’il voulait en venir, mais je cherchai tout de même. Bien entendu, comme je m’y attendais, l’action ne fit qu’amplifier mon mal de tête déjà assez développé.
Et puis soudain, je trouvai. C’est difficile à dire, dans mon cerveau, je sentais que je pouvais faire un autre mouvement, mais ce n’était avec aucun de mes membres. Sans réfléchir, j’ordonnai à mon cerveau de faire ce mouvement. Un frisson glacial parcourut mon corps de tout son long.

- Ça marche ! hurla mon père ! C’est magnifique ! Ouvre les yeux à présent !

J’obéis, et en regardant autour de moi, je fus pris de peur. Que dis-je ? C’était la terreur qui s’emparait de moi ! Je voyais en noir et blanc ! Enfin, plus grisâtre que blanc. Tout cela n’était pas très normal et ne présageait rien de bon… Je tentai avec difficulté d’évacuer ma peur pour faire confiance à mon père. Après tout, il avait dit que ça marchait…

- Super ton pouvoir ! raillai-je. J’ai toujours rêvé de voir en noir et blanc !

Il sourit :

- A force, je pense que tu reverras en couleur, mais ce n’est pas sûr. Dis moi Raven, vois-tu tes mains ?

Après avoir examiné, je lui répondis :

- Heu… Je te rassure, je ne suis ni aveugle, ni fou. Je vois mes mains et tout le reste de mon corps. Tout comme je te vois toi et le reste du paysage. C'est-à-dire : en noir et blanc !
- Les questions que je te pose sont essentielles. Aussi je te demanderais dès à présent d’oublier cet esprit de raillerie.
- Bien…
- Bon, maintenant. Te vois-tu là ?

Il ramassa sur le sol un long miroir et le brandit devant moi. Je le fixai en soupirant. Il reflétait ce qu’il y avait derrière-moi….
J’eus soudain un déclic.
Derrière-moi ? Mais j’étais où moi ? Je n’étais pas présent dans la scène que dévoilait le miroir. C’était quoi ce bordel ?

- Eh ! Pourquoi… Pourquoi je ne me vois pas ?
- Parce que l’opération a réussi, Raven. Je ne te vois pas non plus. Tu es invisible !

J’avais l’impression d’être victime d’une blague foireuse.

- Tu te fous de moi ?
- Absolument pas.

J’étais bien obligé de le croire. L’excitation se changea – encore – en une peur nouvelle.

- Mais… Mais je vois mes bras quand je les regarde !
- Je pense que c’est normal, tu peux te voir toi. Mais dans les reflets, tu ne peux voir ce que nous autres, autour de toi, voyons. C'est-à-dire rien. Je t’ai implanté un petit dispositif dans ton corps contrôlé par ton cerveau permettant à ton organisme de refléter la lumière ; ainsi, tu es invisible.
- Si je reflète la lumière, pourquoi est-ce qu’on peut voir derrière moi ? Tu devrais être ébloui !
- C’est plus compliqué que ça. Et le terme de « reflet » n’est pas tout à fait correct. Les êtres vivants ne peuvent voir les choses que parce que de la lumière les éclaire. Or toi, ton dispositif empêche la lumière d’atteindre ton corps ; donc, derrière toi, nous voyons les choses car elles sont éclairées. Tu comprends ?
- Oui, à l’à peu près.
- C’est déjà ça.
- Et, je peux redevenir visible ?
- Indéniablement. Tu dois juste répéter la même opération qu’auparavant.

Je m’exécutai donc, et dès que j’ouvrit les yeux, je revoyais tout en couleur ; je n’aurai jamais cru que voir la verdure de l’herbe m’emplirait un jour de joie.

- C’est bien, mon fils. Grâce à cette invisibilité, tu vas pouvoir faire des tas de choses. Des choses géniales ! Tu as ce pouvoir unique, même moi, je ne l’ai pas !

Je comprenais à présent. Toutes mes pensées apeurées s’évanouirent d’un seul coup. Mon père m’avait toujours dit que la discrétion était le maître mot. Et quoi de mieux que l’invisibilité pour être discret ? Je souris avec satisfaction. Comprenant dès à présent l’ampleur de ce pouvoir.

- Tu as raison, Papa. Ce pouvoir est génial… ».

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