Raven - Chapitre 6

Auteur : gag_jak

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Chapitre 6
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« La misère.
Ce n’est rien d’autre qu’une situation dans laquelle quelqu’un est plongé.
Mais moi, à ce moment précis, j’aurais plutôt dit que c’était un sentiment, une sensation. Une sensation que, justement, j’éprouvais.

As-tu déjà ressenti cela ? J’en doute, et je m’en contrefous, à vrai dire.
Mais pour moi, c’était quelque chose de nouveau, d’étranger. Toujours j’avais mené une existence paisible… jusqu’à aujourd’hui. Un tel changement du jour au lendemain, c’était vraiment cruel… voire insupportablement inhumain.

Après avoir décollé en pleine nuit de ma planète natale Nastia à bord d’un véhicule volé, j’étais parti en direction de Kerwan.
La planète, étant relativement grande, était une destination de premier choix ; de plus, elle abritait la ville la plus grande de la galaxie de Solana : Métropolis. Le vaisseau, quant à lui, ne me posait pas de réels problèmes : il était simple à manier, et vu l’état dans lequel je me trouvais, c’était une bonne chose.
Cependant, sans doute à cause de la fatigue, je réussi à louper mon atterrissage et à me crasher violement sur un sol rocailleux. J’avais simplement oublié de sortir les trains d’atterrissages. Une erreur stupide.
A ne plus jamais refaire.
Il y eut beaucoup de dégât matériel – le vaisseau était foutu –, mais mes blessures étaient superficielles. Penaud, je sortis de l’épave en toussotant. Je fis quelques pas en titubant avant de m’écrouler à plat ventre. Je me trouvais sur une sorte de plaine où le sol rocheux avait une couleur de terre cuite. Aucun arbre à l’horizon, aucune trace de végétation… juste ce sol horrible qui me donnait la nausée.
J’étais crevé. J’avais vraiment besoin de sommeil. Je fermai les yeux lentement en cillant légèrement. Oui, j’allais dormir, me reposer….
Mais non. Pas moyen de trouver le sommeil. Mon esprit travaillait encore sur les événements de ces dernières heures. Des souvenirs sanglants et douloureux. Des questions. Encore et toujours des questions. Les mêmes questions.
Celle qui me revenait le plus souvent en tête était sans aucun doute « Pourquoi ? ».
Pourquoi Slim avait-il tué ma mère ? Je n’en savais strictement rien. Mais quand bien même ce serait le contraire, qu’est-ce que ça changerait ? Elle serait encore morte de toute façon…

Je réalisais seulement maintenant ce que cela signifiait…
Plus jamais je ne la reverrais.
Plus jamais je n’entendrais la douce sonorité de sa voix.
Plus jamais je ne pourrais lui montrer mes talents.
Plus jamais elle ne me remontrait le moral comme elle le faisait si bien.
Plus jamais…
Tout cela à cause d’une seule et même personne : Slim.
Mon père. L’être en qui j’avais le plus confiance. Il méritait de mourir, cet enfoiré ! Et j’allais le tuer, un beau jour.
Je l’avais juré.

Après avoir passé toute la nuit allongé sur un sol rocailleux, plongé dans mes pensées, sans pouvoir fermer l’œil, je vis enfin le soleil se dégager à l’horizon. Aussi, je décidai de me lever. La faim tailladait mon estomac et la fatigue se chargeait de mes yeux ; tandis que la vision du meurtre de ma mère repassait en boucle dans ma tête, à la manière d’un couteau que l’on me planterait dans le ventre, détruisant en moi à chaque coup, chaque parcelle de bonheur et d’envie de vivre.
Quelques minutes de marche plus tard, je remarquai que, devant moi, il y avait le bord d’une falaise qui surplombait un profond gouffre.
Lentement, j’avançai dans cette direction en titubant avant de m’arrêter juste au bord. Les yeux dans le vague, remplis de miséricorde, je contemplai l’immensité du vide qui s’offrait à moi… en face, le lever du soleil offrait un spectacle magnifique. Mais cela ne dura pas…
D’immenses nuages noirs le cachèrent, et d’un coup, il se mit à pleuvoir à verse.

Je levai la tête en direction du ciel. Les gouttes de pluies vinrent s’écraser sur mon visage, cachant ainsi les larmes qui s’étaient mises à couler le long de mes joues. Je pleurai comme jamais je n’avais pleuré. Toute la tristesse que j’avais accumulée ces dernières vingt-quatre heures s’évacuait enfin. Ce n’était pas qu’un simple craquement de nerfs comme lors de ma rencontre avec le Thug… non, c’était des larmes d’un véritable chagrin qui dura ainsi une bonne dizaine de minutes. Puis je lançai un regard désolé sur le vide devant moi. J’étais incroyablement triste… je voulais que ça s’arrête. C’était abominable de souffrir autant ! Et pourtant, la solution était si simple…
Et si je sautais ?
En bas m’attendraient quelques rochers pointus, et, m’accueillant à bras ouverts, la mort.
Après tout, qui c’en soucierait ?
J’étais un criminel. La galaxie serait bien heureuse de se débarrasser de moi. Tout le monde serait ravi d’apprendre la mort de l’assassin des dix policiers de la veille…
Tout le monde… y comprit Slim…
Non ! Je ne pouvais pas lui offrir ce plaisir ! Il devait payer ! Et je tâcherai de rester en vie jusqu’à ce qu’il ait rendu l’âme…
Oui ! Pas question de me suicider… Comment une pensée aussi stupide avait-elle pu germer dans mon esprit ?

J’essuyais mes larmes d’un revers de manche, dégageant du même geste quelques cheveux qui m’étaient tombés sur le visage.
Je venais de prendre une nouvelle résolution.
Je ne devais plus jamais pleurer. Plus jamais laisser mes émotions prendre l’avantage sur moi. Sinon, une prochaine fois, qu’est-ce qui m’empêcherait de sauter ?
D’un pas décidé, je fis demi-tour, m’éloignant de cette foutue falaise.
Puis, après avoir marché quelques minutes sous la pluie, je finis par tomber à genoux.
Il fallait vraiment que je dorme à présent. Chaque mouvement augmentait ma fatigue, chaque battement de paupières les rendait plus lourdes, chaque pensée finissait par être dissimulée par une seule idée : dormir. Et, dans un soupir, je m’allongeai sur le sol humide qui me servait à présent de lit, pour faire ce que je n’avais pas fait depuis environ trente-six heures. Cette fois, à ma grande joie, le sommeil vint immédiatement…

Une immense douleur au thorax. Sympa comme réveil, n’est-ce pas ? En tout cas, c’est ce qui me sortit de cet assoupissement sans rêves. A moitié réveillé, j’ouvris les yeux avec difficulté. Très vite, je remarquai qu’il s’était arrêté de pleuvoir ; cependant, il restait çà et là de nombreuses flaques d’eaux. Mais ce qui attira mon attention, ce fut la dizaine de personne rassemblées autour de moi. Et ils n’avaient pas l’air de bonne humeur.
La peur prit place dans mon esprit durant un dixième de seconde, puis je m’entrepris de garder mon calme. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, je m’étais levé. Bien que quelques uns de mes lisses cheveux noirs obstruaient mon champ de vision, je pu tout de même analyser ceux qui me dévisageait et qui semblaient être de futurs adversaires.

Ils étaient grands, peut être bien un mètre quatre-vingt-dix – et, donc, me dépassaient d’environ quinze centimètres – ; leurs crânes chauves formaient des ellipses qui entraient en contradiction totale avec leurs mâchoires carrées. Ils possédaient de hautes épaules et de forts bras musclés – dont la pilosité était exceptionnelle - ; une fine et longue queue leur sortait du bas du dos, fouettant l’air nerveusement. La couleur de leur peau tirait du beige vers l’orange.
J’avais lu assez de livres sur les différentes espèces de l’univers pour savoir à laquelle ils appartenaient.
J’avais affaire à des Rgolzs.
C’étaient des créatures peu connues mais très dangereuses ; ceux qui les connaissaient les qualifiaient d’extrêmement rancunières. Certains scientifiques émirent des hypothèses comme quoi cette espèce était due à un croisement entre un Thug et un Lombax. Personnellement, j’ai du mal à y croire, même si cela expliquerait bien des choses quant à leur apparence physique.
Quoi qu’il en soit, voilà que je me retrouvais face à eux.
Mais que me voulaient-ils, au juste ?
Prendre mon argent ? Je n’en avais pas.
Peu importe, s’ils venaient à tenter quelque chose, je me ferais une joie de les éventrer. Et, effectivement, ils allaient tenter quelque chose : j’en vis un taper du poing contre sa paume. Ils allaient me tabasser. Ou en tout cas, c’est ce qu’ils espéraient faire. Mais je les attendais au tournant : j’allais me défendre avec mon épée.
Soudain le doute s’immisça dans mon esprit. Un rapide coup d’œil à ma ceinture confirma mes craintes. Ils m’avaient pris ma lame durant mon sommeil.

- C’est ça que tu cherches ? me lança un des Rgolzs en brandissant l’épée. Comment peux-tu encore te balader avec ce genre d’armes ? Les épées, les hallebardes et les cimeterres, c’est du passé ! Tu devrais te mettre aux flingues ou aux trucs du genre. Cependant j’admire la lame de ton épée, elle est incroyablement bien aiguisée.

Un ennemi grand, pas beau, musclé, sarcastique… Yeah, quelle poisse…

- Lâche ça, crachai-je pour seule réponse.
- Comme tu veux….

Sur ces mots, il balança l’épée de diamants derrière son épaule. Elle vint se ficher dans le sol rocailleux comme si c’était du beurre.

- On a quand même dû te réveiller, poursuivi-t-il, sinon, ça n’aurait pas été drôle…
- Et vous m’avez réveillé à coup de pied, je présume ?
- Tout juste.

Il sourit de toutes ses dents – ce qui n’est pas peu dire, son sourire dévoilait deux rangées de dents aiguisées. Charmant.

- Qu’est-ce que vous me voulez ? finis-je par demander avec un certain mépris.
- Nous avons un compte à régler avec toi…
- Un compte ? Et en quel honneur ?
- Tu nous as causé du tort hier soir.
- J’aurai bien aimé vous avoir fait cela. Mais je ne vois pas de quoi vous voulez parler. Vous devez vous tromper de personne.
- Pas du tout, rétorqua-t-il avec assurance, vois-tu, bous avons un odorat très développé. Et quand je dis « très développé », c’est vraiment très développé. Nous sommes capables de suivre à la trace n’importe qui rien qu’avec son odeur. Et c’est ça qui nous a permis de te trouver, toi, espèce de microbe. Aucun doute possible, c’est après toi que nous en avons…

Jolie tirade. Mais ils devraient réviser leur odorat, ils se gouraient complètement. Dès qu’il eut terminé, il leva son bras droit et claqua des doigts. Aussitôt, les autres Rgolzs s’approchèrent de moi.

- Donnez-vous en à cœur joie, murmura-il, mais ne le tuez pas.

Ce type devait sûrement être le chef de ce groupe. Mais bon, je ne vois pas ce que j’avais pu leur faire la veille. Un Thug et dix policiers, telles avaient été mes victimes. Il n’y avait aucun Rgolz dans le lot…
Mais ce n’était pas grave. J’allais massacrer ces imbéciles. Ils avaient beau être plus nombreux que moi, ma force, ma vitesse et mon invisibilité allaient jouer en ma faveur. Les neuf Rgolzs étaient à présent à moins de deux mètres de moi. L’un deux me sauta directement dessus.
Un bon coup de poing dans l’estomac allait l’arrêter. Je fis le mouvement. Une demi-seconde plus tard, on entendit un cri de douleur.
Et c’était le mien.
Les muscles de mon bras venaient de m’infliger une douleur horrible, si intense que j’eus l’impression que l’on m’avait tailladé le bras de tout son long. La souffrance me fit poser un genou à terre. Tous les muscles de mon corps étaient engourdis, je manquais cruellement de force. Je n’avais apparemment pas assez dormi pour avoir récupéré. Soudain je sentis le poids de mes paupières, c’était comme si on les avait chargé de lest… j’arrivai à peine à garder les yeux ouverts…
Un puissant poing s’abattit contre ma joue, me faisant perdre l’équilibre ; un réflexe m’empêcha cependant de tomber.
Une pluie de pieds et de poings s’écroula sur moi d’un seul coup.
Je me prenais une véritable raclée.
Mais je ne devais pas me laisser faire ! Je ne pouvais pas mourir !
Aussitôt, je parai une attaque et, surmontant la douleur causée par mes muscles, envoyai mon bras à toute vitesse autour de moi en décrivant un cercle. Un Rgolz tomba à terre mais les autres avaient évité le coup. Dommage. « A toute vitesse », ce n’est pas assez rapide quand on est au plus bas de ses capacités physiques…
Mais je ne perdais pas espoir. Avec une lueur de folie dans le regard, j’esquivai les assauts et tentai, tant bien que mal, de frapper mes adversaires. Avec un peu de chance, j’arriverais peut-être à les blesser, à les affaiblir, à les désemparer…
Mais il ne fallait pas se faire d’illusions.
C’était plutôt eux qui me blessaient, qui m’affaiblissaient et qui me désemparaient…

Après avoir encaissé un surplus de coups, je finis par m’effondrer sur le ventre, la tête dans une flaque d’eau. Lorsque je finis par me retourner sur le dos, je reçu un coup de pied en pleine tronche.
Je restai alors ainsi, extenué, incapable de faire le moindre geste.
J’avais perdu.
Qu’allaient-ils me faire à présent ?
Me tuer ? Non. Le chef du groupe le leur avait interdit… à moins que ce soit pour m’égorger de ses propres mains ? Enfin bon, je n’allais pas tarder à le savoir…
Le chef s’avança d’un pas sûr, l’air réjoui ; il s’agenouilla à mes côtés. Il saisit une mèche de mes cheveux et la tira – ce qui ne fait pas du bien – puis, il me la renvoya en plein visage. Je lui aurais bien cassé la nuque… mais je n’en avais pas la force. Quel dommage.

- Voilà, me lança-t-il, tu as eu ce que tu méritais pour avoir tué un de nos confrères dans une ruelle, hier soir…
- Ce n’étais pas un… !

Je m’interrompis. Je venais soudain de comprendre. Ce n’était pas un Thug que j’avais tué hier, mais un Rgolz ! L’obscurité de la ruelle m’avait trahi. Les points communs entre les deux espèces avaient joué en ma défaveur.
Et en plus les Rgolzs sont d’une rancune tenace… – c’était d’ailleurs curieux qu’ils ne se contentaient que de me tabasser. Mais je n’allais pas m’en plaindre. Voyant que je ne finissais pas ma phrase, le chef se leva et s’éloigna.

- On n’a plus rien à faire ici, déclara-t-il.

Les autres le suivirent comme des moutons… sauf un. Il resta debout à me fixer dans les yeux avec mépris.

- Non, murmura-t-il d’une voix à peine audible, je dois d’abord…

… lui offrir un chocolat chaud ? L’aider à se relever ? Soigner ses blessures ?

- …le tuer.

Et merde. Enfin, à vrai dire, je m’en doutais. Ce n’était pas la peine de rêver, Raven.
Il sortit d’une de ses poches un Blaster simple qu’il pointa sur moi. Il avait l’air décidé à m’abattre comme un misérable. Il approcha son doigt de la gâchette.
Bordel, si seulement j’avais la force de rouler sur le côté, rien qu’un tout petit peu….
Mais non. Heureusement, juste au moment où il allait faire feu, le chef revint vers lui en courant et se plaça dans sa ligne de mire.

- Pousse-toi, Brend ! aboya celui qui avait l’arme.

L’interpellé ne broncha pas, il prit ma défense… enfin, en quelque sorte.

- Non, je ne bougerai pas. Je ne te laisserai pas commettre une telle erreur.
- C’était mon frère, Brend ! continua le taré à main armé, les larmes aux yeux, l’arme tremblante.
- C’était notre frère à tous, l’apaisa Brend.

Oh, super. C’était encore une de ces bandes à deux boulons qui se déclaraient frères entre eux. Décidément, j’étais vraiment mal tombé…

- Alors tuons-le ensemble ! Vas-y ! Prends ton arme et vise-le avec moi !
- Non…. Si tu savais à quel point j’aimerais lui faire la peau à cette ordure… Et je suis sûr que tout le monde ici le veut !

Les Rgolzs tout autour acquiescèrent d’un hochement de tête.

- Mais nous ne pouvons pas. Le chef l’a clairement dit. Charli, paix à son âme, n’avait pas le droit d’aller sur cette planète. Et il le savait pertinemment. De plus, il a emporté avec lui une des épées que nous avions dérobées sur la planète Stag. Il n’avait pas le droit de toucher au butin. Ne pas tuer ce microbe, c’est comme punir Charli pour avoir désobéi. Tu me comprends ?

Voilà qui expliquait pourquoi ils m’avaient laissé en vie. Un sacré coup de bol.
L’autre Rgolz poussa un soupir et sa queue se laissa violement tomber sur le sol ; il abaissa son arme avant de déclarer :

- Tu as raison…. Allons-nous-en.

Brend, soulagé, tapota l’épaule de son « frère » pour montrer qu’il avait fait le bon choix.
La bande de brutes épaisses s’éloigna doucement. Au bout d’une minute, ils disparurent de mon champ de vision.
Dans ma poitrine, le rythme des battements de mon cœur ralentit.
Je l’avais échappé belle.
Ils auraient pu me tuer, ils avaient eu l’avantage. Je l’aurais fait, moi.
Mais je n’en avais pas eu l’occasion.
J’avais perdu lamentablement. Quelle honte.
La sensation de puissance de la veille me paraissait à présent loin, très loin, tant je me sentais faible.
D’un coup, les ténèbres du sommeil s’emparèrent à nouveau de moi.
Faible. J’étais si faible… »

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