Auteur : Black-Andromede
Debout devant la fenêtre du salon, j’étais occupé à contempler un épouvantable paysage qui s'étendait en face de moi à quelques pas seulement: nos magnifiques plaines, nos vastes champs et même les plus hauts clochers des églises des bourgs voisins-atteignant parfois une trentaine de mètres-avaient été recouverts d'un terrifiant manteau blanc.
Il neigeait en abondance depuis déjà plusieurs semaines. Hormis les lointains villages que j'apercevais, tout était enseveli par les nombreux flocons qui envahissaient notre province. J'angoissais, car je savais les conséquences de cet assaut. Les répercussions causaient des difficultés qui mettaient en danger la vie de plusieurs habitants de la contrée. Durant les hivers, la nourriture devenait une denrée rare engendrant une famine chez les plus vulnérables. Un écueil provoqué par les routes et les sentiers qui se retrouvaient impraticables, encombrés par la neige empêchant l'arrivée des diverses cargaisons dans lesquelles se trouvaient des stocks de vivre. Les villageois les plus affamés commettaient des actes barbares. Ils sombraient dans le cannibalisme. Au lieu de mourir de faim, beaucoup préféraient manger leurs parents. Cloîtrés chez eux, certains succombaient à cette folie. Des familles entières s'entre-tuaient ou choisissaient de sacrifier les enfants et les femmes. Personne n'était épargné. Pendant que l'hiver battait en retraite, le printemps exposait aux regards les cadavres de cette tragique période. Les dépouilles décapitées, dévorées sans peine, étaient jetées dans des puits, dans le fleuve, voire même brûlées ou données en pâture pour effacer toute preuve, de peur d'être arrêté par les gardes. En effet, les survivants cannibales prenaient le risque d'être pendus ou décapités par un bourreau. Ressemblant à de véritables squelettes, les os distincts sous la chair révélaient la cruauté des bises hivernales. Les survivants se terraient dans le mutisme n'osent plus sortir de leur demeures par peur d'être jugés. La situation que nous avions vécus, ma famille et moi, était presque identique. Néanmoins une différence existait: un maléfice!
C'était un soir pluvieux, alors que tout le monde était à table, quelqu'un frappa à la porte. Un feu allumé dans la petite cheminée nous éclairait et nous réchauffait de son étreinte froide. La neige était à nos portes. Qui à cette heure tardive s'était risqué à affronter le blizzard?
Mon père allait ouvrir. Nous le regardions faire, inquiet de cet évènement inattendu. Ma sœur, Sophie, se cramponnait à moi tandis que ma mère se levait lentement du tabouret sur lequel elle était assise pour examiner la physionomie de l’inconnue. Elle était entrée sans que je ne la remarque. Portant une simple étoffe drapée qui couvrait sa tête, son vissage imperceptible dans l'ombre ne laissait entrevoir qu'une bouche. Mon père ne se retournait pas. Florence était toujours debout, elle ne bougeait plus, médusé, comme si elle connaissait l'étrangère; Ma mère était devenue pâle. J’étais surpris de découvrir une jeune fille lorsque celle-ci enleva sa cape, l'abandonnant à terre. Son physique parfait, attrayant, une chevelure noirâtre longue lui tombant au fessier, des yeux bruns ainsi que des petites fossettes sur les joues. Une véritable nymphette. Ces lèvres commençaient à bougées, sans que le moindre son ne se fasse entendre. J'observais depuis tout ce temps la scène, déconcerter. Ce qui se déroulait n'était pas anodin. J'étais encore dans l'incompréhension lorsque mon père fit demi-tour et commença à nous dévisager. Florence fit un pas en arrière d'effroi.
-Tue les, ordonna d'une voix faible la mystérieuse fille.
Sans rechigner, il obéit à l'ordre. Il se rua d’abord sur Florence lui assénant un coup qui la fit basculer. Une fois au sol, il brutalisait ma mère qui hurlait sans cesse alors que l'énigmatique jeune fille ricanait de la scène. Mark n'était plus qu'un pantin manipulé, sans remord. Il frappait sa victime sans défense qui criait, demandant de l'aide. Elle se débattait au début, mais ses hurlements s'arrêtèrent très rapidement. Ma sœur qui avait assisté à l'altercation était choquée de ce qui avait eu lieu. Elle était la suivante. Mon père s'approchait d'elle. Sophie se mit à me fixer, cherchant un secours du regard, mais elle ne savait pas que j'étais autant apeuré qu'elle. Je ne pouvais rien faire, j'avais renoncé, je n'étais qu'un lâche. Mon père l'étranglait sans aucune expression. Je faisais volte-face, courant en direction de ma chambre l'idée en tête de m'y réfugier. Je m'enfermais à l'intérieur pour me mettre à l'abri. J'haletais, j'avais du mal à respirer à cause des évènements. Je m'étais assis pour réfléchir, reprenant mon souffle avec lenteur. Les larmes coulaient sans que je ne puisse les retenir, hors de mon contrôle, elles étaient le reflet de ma faiblesse. Les minutes passèrent au ralenti, comme si le temps c'était figé. Chaque seconde, chaque instant passer cloîtrer dans cet endroit devenait insupportable. Il faisait noir à tel point que je ne pouvais voir. Je prenais tout cela pour un mauvais rêve qui bientôt prendrait fin. Ce qui ce passait m'échappais, c'était au-delà de ce que je comprenais.
J'avais peur, j'avoue, mais un autre sentiment me rongeais, la vengeance. J'étais rongé par ce sentiment, je me sentais sale, j'avais atteins un stade où moi même je m'écœurais. Mais elle me sous estimait. En s'attaquant à ma famille, elle éveillait en moi un monstre, je voulais me venger malgré mes angoisses. La peur se transformait lentement en haine. Mon cœur battait de plus en plus vite, je savais que j'allais devoir me battre pour survivre. Il accélérait encore, mon sang bouillonnait à l'intérieur, me poussant à enlever ma chemise sous la chaleur. La crainte se dissipait de mon esprit qui à présent soulager, me permettais de reprendre raison. Il me fallait une arme, quelque chose pour me défendre contre mon père. En ouvrant la porte avec douceur, je faisais attention à ne pas faire de bruit. Je traversais un couloir vide, sombre, puis une fois dans la cuisine, je m'empressais de fouiller dans de vieux placards convoitant un couteau. Mes yeux s'étaient habitués à l'obscurité. J'en profitais alors pour explorer la maison à sa recherche. J'arrivais dans le salon où il m'attendait. Le corps de ma mère était ensanglanté, les membres ne faisaient plus partis du tronc. Il fini par l'étriper en ma présence, en guise de provocation. Une mare de sang gisait au sol. J'analysais l'endroit du coin de l'œil, préoccupé par le fait de devoir combattre deux personnes en même temps. L’envoûteuse n'était plus là.
Cette salle était grande, une table et des chaises me séparaient de lui alors que des décorations jonchaient les murs en bois. Quelques bougies nous éclairaient. L'homme en face n'était plus qu'une marionnette, ne répondant qu'aux envies d'une gamine. Mes jambes tremblaient, je n'arrivais pas à me calmer. Je savais que j'allais devoir le tuer. Je serrais le manche du couteau avec vigueur. Il tenait une épée dans la main droite, tachée de sang, fissurées à certains points, faite d'un métal splendide. Je me sentais tout de même coupable, j'avais des appréhensions sur ce qui allait se passer.
Je reprenais mon sang froid en me dirigeant vers lui, quand j'eus l'idée de donner un coup de pied à la table qui se percuta contre Mark. Je pris une chaise en passant et la projeta sur lui, désorienté par mon action, j'en profitais pour enfoncer la lame dans son ventre. Il ne bougeait pas et répondis à mon attaque en tailladant mon dos à plusieurs reprises. Je sentais ma peau nue se déchirer à chaque fois qu'il m'atteignait. Je retirais le couteau de son abdomen pour lui trancher la jambe. Instantanément, il répliqua en me pointant à l'épaule droite. La douleur n'arrivait pas tout de suite, c'est comme si je l'avais oubliée, le sang s'écoulait sur ma peau devenue rouge. Sans perdre de temps je fis un pas en arrière, me laissant tomber à revers. Par réflexe, je lui lançai avec une précision hallucinante le couteau qui se planta dans son vissage. Mark tentait bien de l'enlever, mais c'était trop tard. Il s'écroula de tout son poids. Je lui pris l'épée et avec un mouvement brusque, je fis partir le sang présent sur la lame.
Je l'ai rejoint dehors où elle guettait mon arrivée sur une petite butte. La jeune fille me regardait. Quand je m'en suis rendu compte, il était trop tard. Un sortilège m’empêchait de bouger. Elle enleva une dague d'un petit étui qu'elle portait à la ceinture que je n'avais pas remarqué à notre première rencontre. Elle ne dit rien en s'avançant vers moi. La sorcière me poignardait. Les conséquences de son sort engageaient une souffrance dans tout le corps, comme des crampes. Mes muscles étaient engourdis, je m'effondrais par terre. J'avais atteint ma limite. La neige me brûlait, s'aventurant dans mes blessures, me glaçant de l'intérieur. Tout était blanc autour de moi, il n'y avait qu'elle que je distinguais. Elle repartie de l'autre côté, je la voyais s'éloignée.
-Pourquoi? lui demandais-je avec beaucoup de difficulté pour m'exprimer.
-Je suis désoler Lucio, je ne voulais pas! répondit-elle posant son regard sur moi, une larme perlant sur sa joue…