Auteur : Arayn
Le retour des profondeurs de la tempête marqua la première victoire contre les Lokis. Rhivan et Susie avaient traqué le saboteur du port spatial et une vingtaine d'autres Tharpods possédés grâce au triscilloscope du laboratoire. Nevo en profita pour tester son nouvel extracteur d'énergie protomorphique. Il prenait toujours trop de place pour être utile sur un champ de bataille, mais il était déjà nettement moins encombrant que l'énorme installation du laboratoire. L'opération fut un succès retentissant : les esprits parasites furent extraits sans causer le moindre dommage aux victimes.
Ces dernières éprouvaient une amnésie remontant pour certains à plusieurs mois, preuve de ce qu'avançait Nevo. Ils s'infiltraient d'abord au plus profond du système pour le détruire de l'intérieur. Ils étaient également de très bons imitateurs, même s'ils n'étaient pas encore totalement sûrs que les Lokis n'avaient aucun accès à la mémoire de la victime. Après un rapide examen, ils se rendirent compte que les "hôtes" avaient été soigneusement choisis par leur manière de conserver beaucoup de traces écrites ou de garder un agenda, facilitant l'imitation.
Malheureusement, les Lokis avaient été tués dans la manœuvre. Sans moyen à proximité de les maintenir en stase, ils s'étaient immédiatement mis à les attaquer et ils n'eurent d'autre choix que de se défendre.
Maintenant que Magnus était en sécurité, Nevo s'occupait d'équiper le Centre de Défense Planétaire de détecteurs et d'extracteurs de Lokis. Il avait demandé à les accompagner pour retrouver Néfarious et le Dr. Croïd. Cependant, leur vieil ennemi ne les avait toujours pas contactés, et le mouchard que Ratchet avait placé sur son vaisseau avait été détruit juste après son départ du laboratoire. Ratchet avait estimé qu'il les contacterait dans la semaine et qu'ils pourraient retourner sur Iglak avec Croïd et Nevo, mais il commençait à penser qu'il allait devoir prévenir Talwyn du délai supplémentaire. En attendant, les Lombaxs devaient de toute façon réparer leurs vaisseaux.
Trois jours après leur retour de sous la tempête, ils étaient seuls dans le garage. Les réparations sur Aphélion étaient presque finies, mais le vaisseau de Rhivan avait été d'avantage endommagé et nécessiterait encore une journée de travail. Ratchet était penché sur le capot de son vaisseau et s'affairait à remplacer l'antenne de communications. D'ordinaire, c'était un jeu d'enfant, mais il n'y arrivait pas, et cela le frustrait. En forçant sur un boulon récalcitrant, sa clé à molette ripa et il s'écorcha la main.
Ratchet poussa un juron, plus de surprise que de douleur, puis jeta de colère son outil contre le mur, dont l'impact métallique rompit le calme de la pièce. Il se dirigea vers l'établi pour bander sa blessure. Sans se retourner, il entendit Rhivan ramasser la clé et le rejoindre.
- Tout va bien ? demanda-t-il avec bienveillance.
- Ça va, répondit Ratchet d'une voix lasse. C'est juste une égratignure.
- Je ne parlais pas de ta main.
Silencieux, le Lombax continua à enrouler la bandelette. Les Nanotechs dont elles étaient imprégnées agiraient dans l'heure, et il n'aurait bientôt plus qu'une mince cicatrice.
- Ratchet, insista-t-il, depuis que vous êtes revenus de sous les Plaines, tu t'énerves beaucoup plus facilement, et te connaissant, Aphélion devrait être réparé depuis hier, au moins. Qu'est-ce qui ne va pas ?
Ratchet soupira et referma bruyamment le trousse de soins.
- J'ai failli nous tuer, dit-il d'une voix monocorde en fixant la surface rugueuse de l'établi. Dans la tempête. J'ai paniqué, et j'ai failli nous tuer, Clank et moi. S'il n'avait pas été là, j'aurais tout fait foirer. Nevo serait resté en bas, sans savoir que des milliards de personnes étaient en danger, et tôt ou tard les Lokis auraient fini par gagner. Tu te rends compte ? s'exclama-t-il en haussant le ton, et en regardant le vieux Lombax droit dans les yeux. J'ai mis en jeu la vie de milliards d'innocents, tout ça parce que j'ai voulu sauter dans une tempête en planeur, et j'ai stupidement paniqué, et j'ai failli tuer mon meilleur ami ! J'ai...
Sa voix se brisa et il ne put continuer. Rhivan le saisit fermement par les épaules.
- Risquer sa vie pour sauver le plus grand nombre n'est pas de la stupidité, ni de l'imprudence. C'est du courage, et il coule dans tes veines. Tu es la tête brûlée la plus altruiste que je connaisse. Si tu avais attendu qu'Aphélion soit réparé, tu n'aurais pas risqué ta vie, ni celle de Clank. Mais combien en auraient payé le prix ? Nous avons retrouvé les Lokis, mais qu'aurions-nous fait si vous n'étiez pas arrivés avec Nevo et l’extracteur ? Tu as mis ton existence en jeu pour trouver un moyen de sauver le plus de vies possible. Il n'y a pas de plus grande qualité. Et tu mérites cet insigne bien plus que moi, dit-il en pointant le symbole de la Garde Prétorienne agrafé sur sa veste.
Ces paroles mirent du baume au cœur de Ratchet, qui se détendit. Il voulut bafouiller un remerciement, ou une excuse pour s'être emporté ainsi, mais un signal sonore venant d'Aphélion les interrompit. Dans son faux mouvement, Ratchet avait accidentellement remis l'antenne en place.
- Réception d'un message en cours, annonça le vaisseau. Expéditeur : Le Fléau des bouseux.
- Néfarious, devina Ratchet sans hésitation.
Clank entra alors dans le garage, l'air à moitié en veille. Il était deux heures du matin.
- J'ai entendu des éclats de voix. Tout va bien ?
- Très bien ! s'exclama Ratchet, tâchant de faire bonne figure après la discussion sensible qu'il venait d'avoir. On vient de recevoir un message de Néfarious. Où est Susie ?
- Elle s'est endormie il y a quelques heures. Que dit le message ?
- On ne l'a pas encore ouvert.
Sur ces mots, Ratchet afficha le contenu de la communication. Il s'agissait d'un message textuel.
"Chez ton père. Demain."
Le trio planta sur ce message pendant quelques secondes.
- Au moins, finit par dire Rhivan, il a la gentillesse d'indiquer une date.
- Mais pourquoi nous donner rendez-vous sur Fastoon ? demanda Ratchet. Il y a des patrouilles des Forces Défensives partout dans le secteur Cérulléen !
- Ce n'est pas sur Fastoon, dit Clank. Ce code est une précaution. Ainsi, si nous avions été capturés par des Lokis, ils auraient su que votre foyer était là-bas. Ce message m'est adressé, car les Lokis n'ont aucune idée de l'endroit où a vécu mon père.
- La Grande Horloge ? s'étonna son ami. Mais Néfarious n'est pas... interdit de séjour ?
- Nous n'avons pas vraiment de moyen de l'empêcher de venir. Et puis nous sommes les seuls avec lui à en connaître l'emplacement.
- Plus pour longtemps. Je te rappelle que Nevo, Susie et Rhivan viennent avec nous.
- Ce n'est pas grave, je leur fais entièrement confiance. N'est-ce pas ? demanda-t-il en fixant Rhivan, qui approuva.
- Bon, dit Ratchet, direction la Grande Horloge alors !
***
Le lendemain, alors que Rhivan terminait les réparations de son vaisseau, les autres préparaient le véhicule des deux Tharpods. Nevo avait loué un cargo suffisamment grand pour contenir tout son matériel et les transporter, lui et Susie. Dès que tout le monde fut prêt, ils mirent le cap sur le secteur Corvus. Ils devaient parcourir presque quarante mille années lumières, mais ils mirent plus longtemps que prévu à cause du cargo. D'ordinaire, plus un vaisseau était imposant, plus il avançait rapidement en hyperespace, par opposition à leur vitesse plus réduite en espace normal. Les cuirassés et les plus grands vaisseaux de ligne mettaient douze heures pour parcourir les cent vingt mille années-lumière qui séparaient les deux extrémités les plus éloignées de la galaxie, c'est pourquoi on utilisait des porte-astronefs pour transporter les véhicules plus petits, qui mettraient sinon bien trop longtemps pour voyager. Les deux chasseurs, équipés de technologie Lombax, pouvaient se déplacer aussi vite que des cuirassés, voire encore plus rapidement, mais Ratchet n'avait jamais essayé de pousser le moteur au-delà de ses limites, craignant de l'endommager.
Avec le cargo Tharpod, ils mirent presque dix heures à rejoindre la Grande Horloge. Ratchet espérait que Susie ne le vivait pas trop mal. Elle n'avait jamais quitté Magnus, et le départ avait été un peu brusque. Heureusement, la petite était surtout enthousiaste à l'idée de découvrir de nouveaux mondes et des créatures étranges, et ce long trajet ne devrait pas trop la décourager. Clank et lui se contentèrent d'échanger des banalités, de parler de tout et de rien. Ratchet était heureux que son ami n'aborde pas le sujet de la tempête. Pour s'occuper, il lança le long mix de "Radio Pirate" que lui avait offert Talwyn et s'allongea tranquillement sur son siège, se laissant bercer par les airs de rock et tâchant d'oublier pendant un moment le chaos dans lequel sombrait la galaxie.
***
Les arabesques énergétiques du tunnel laissèrent place au firmament coloré de la nébuleuse de Bregus. Devant eux, gigantesque et plus rutilante que jamais, se tenait la Grande Horloge. Les vaisseaux de Susie et de Rhivan émergèrent de l'hyperespace quelques secondes plus tard. Ratchet ne les voyait pas mais il imaginait aisément l'expression ébahie sur leur visage. Lui-même l'était la première fois qu'il l'avait vue.
Suspendus au milieu du vide, des centaines d'anneaux dorés tournaient sur eux-mêmes avec une régularité à la précision infinie. Les immenses jets de particules quantiques à chaque "pôle" de la structure centrale étaient fluides et leur luminosité ne faiblissait pas. Ce lieu était une véritable "merveille de la science et de la sorcellerie", comme avait dit Néfarious à Clank, six ans plus tôt. En s'approchant, ils constatèrent les massifs verdoyants entourant les bâtiments, vivant au milieu d'une atmosphère invisible. En entrant dans le périmètre du plus grand anneau, qui ceinturait le bâtiment central, Aphélion lui signala que l'air était maintenant respirable, ben qu'aucune différence avec le vide spatial ne soit visible. Émergeant de derrière une cascade se déversant dans l'infini, cinq Zonis flottèrent à leur rencontre. Dès qu'ils eurent reconnus Aphélion, ils escortèrent le groupe jusqu'à une plateforme d'atterrissage, sur laquelle se trouvait déjà le vaisseau de Néfarious.
- Il semblerait que tu aies encore une fois eu raison, constata Ratchet. En tout cas, Sigmund a bien pris soin de l'Horloge.
Son ami acquiesça, et les trois vaisseaux se posèrent tranquillement. Lorsqu'ils eurent débarqué, un des Zonis s'approcha du groupe.
- Le Docteur Néfarious vous attend à la station mnémonique zêta, énonça la créature. La voix éthérée des Zonis donnait toujours l'impression qu'ils étaient plusieurs à parler en même temps. Nevo Binklemeyer, nous allons transporter votre matériel.
- Euh... très bien, répondit l'intéressé, ne sachant quoi dire d'autre.
Les autres Zonis se mirent alors à décharger le cargo, faisant flotter les lourdes machines en l'air comme si elles ne pesaient rien.
- Mais vous... vous êtes quoi ? demanda Susie, toujours bouche bée.
- Ce sont des Zonis, répondit Clank. Des formes de vie à base d'énergie qui utilisent des corps métalliques pour se déplacer. Ils possèdent des capacités leur permettant de manipuler l'espace et le temps. Le plus brillant d'entre eux a conçu cette machine, la Grande Horloge, pour maintenir l'intégrité du continuum espace-temps, c'est pourquoi on les nomme aussi les "Gardiens du Temps". Elle est essentielle à la survie de l'univers, et son emplacement est tenu secret.
- Dans ce cas, demanda Nevo alors que les Zonis les guidaient jusqu'à leur lieu de rendez-vous, comment Néfarious et vous en êtes venus à le connaître ?
- C'est une longue histoire, expliqua Ratchet. Néfarious avait trompé les Zonis pour organiser l'enlèvement de Clank, qui détenait les clés de l'Horloge dans son subconscient. Heureusement, j'ai fini par le retrouver et le bon docteur s'est fait exploser avec sa propre station spatiale... même si visiblement ça ne suffit pas pour se débarrasser de lui.
- Je vois... et c'est tout ?
- Je vous l'ai dit, c'est une longue histoire, répondit le Lombax en haussant les épaules. J'ai résumé. Et puis... j'aimerais garder certains détails privés, dit-il en jetant un regard en coin à Rhivan, à qui il avait tout raconté.
La Grande Horloge portait bien son nom : la station mnémonique se trouvait à presque deux kilomètres de la plateforme d'atterrissage. Ratchet se demanda pourquoi les Zonis n'avaient pas installé de moyen de transport rapide, puis réalisa que tous les occupants de la station pouvaient voler et que l'aménagement de telles infrastructures ne leur avait sûrement pas traversé l'esprit. Il était cependant heureux de ne pas avoir à transporter les lourdes machines de Nevo.
Susie, émerveillée, trottait à côté des Zonis, les observant sous tous les angles. Elle n'avait pas l'air de déranger les créatures, mais Ratchet dut lui interdire de prendre des photos, par mesure de précaution. Plusieurs fois, ils crurent la perdre avant de la voir surgir de derrière un massif de plantes exotiques ou une machine dorée à la fonction inconnue. Heureusement, Sigmund avait fait nettoyer les nids de tératropes et elle ne courait aucun danger. Elle paraissait infatigable. Après des mois à vivre presque seule à Taguna City, cette promenade lui faisait l'effet d'un sac de vitamines. Nevo, quant à lui, ne cessait de poser des questions extrêmement techniques auxquelles Clank se faisait une joie de répondre. Il avait consacré sa carrière à étudier les créatures étranges de Magnus, et cette découverte venait de réveiller ses instincts de scientifique.
Ils passèrent sous le gigantesque dôme du bâtiment central, d'un diamètre de plusieurs kilomètres. Heureusement, ils n'eurent pas besoin de le traverser, et se contentèrent de longer la paroi pour sortir un peu plus loin. Au bout de plusieurs heures de marche, ils arrivèrent à la station mnémonique. Ratchet et Susie étaient endurants, et Clank souffrait beaucoup moins de fatigue musculaire que les êtres organiques, mais l'âge de Nevo s'était fait sentir. Heureusement, les Zonis avaient bricolé un plateau antigravité pour lui confectionner un siège à lévitation. La salle ressemblait aux autres stations qu'ils avaient déjà visité : vaste et rectangulaire, une immense baie vitrée d'un côté et un espace réservé aux chambres mnémoniques de l'autre. Dans celle-ci, deux chambres avaient été installées. Elles avaient l'air d'être transportables, étant donné l'absence de structure les rattachant au sol, mais une énorme quantité de câbles de toutes tailles reliait les deux avant de disparaître dans le mur. Devant l'une des chambres, occupé à pianoter sur la console d'un caisson de stase, se tenait le Docteur Néfarious.
- C'est pas trop tôt ! vociféra-t-il en guise de salutation.
- Vous pouvez parler, rétorqua Ratchet, ça fait presque une semaine qu'on attend votre message !
- Vos vaisseaux étaient endommagés, dit le robot en haussant les épaules, sans lever les yeux de son écran. Mes mouchards sont plus discrets que les vôtres.
La pique, accompagnée par un rictus satisfait de la part du scientifique, fit mouche et Ratchet se tut.
- Docteur Néfarious, dit Clank, je crois que vous nous devez des explications. Pourquoi nous avoir donné rendez-vous ici ?
- Primo, je ne vous dois rien, répliqua-t-il sèchement en pointant le groupe du doigt. Souvenez-vous en. Secundo, il n'y a qu'ici qu'on trouve des chambres mnémoniques fonctionnelles.
- Et alors ?
- Et alors j'ai besoin d’informations ! Vous pensez vraiment survivre aux Lokis sans savoir ce qu'ils manigancent ?
- Vous comptez lire dans l'esprit du Loki ? demanda Nevo.
- Enfin un bouseux qui sait se servir de son cerveau. Toi ! Monte là-dedans ! dit-il en désignant Ratchet puis une des deux chambres.
- Moi ? Mais... hésita-t-il.
- Allez, on a que la journée !
- Bon attendez ! répliqua Ratchet. Vous allez d'abord nous expliquer ce que vous avez en tête, vous ne faites sûrement pas tout ça par pur altruisme !
Néfarious grogna et poussa rageusement un bouton sur la console, ce qui fit se dresser le caisson à la verticale. À l'intérieur, derrière la vitre en verre glacé, on pouvait voir la silhouette du Docteur Croïd, inconscient. Il se tourna ensuite vers Ratchet, un éclair de colère dans les yeux.
- Ce que j'ai en tête, sinistre crétin, c'est que là-dehors, des millions de parasites spatiaux cherchent à se rendre maîtres de la galaxie en tuant tout sur leur passage, et qu'on n'a pas d'autre choix que de coopérer pour survivre ! Ça te suffit ? Alors monte dans cette chambre !
Visiblement peu convaincu, le groupe refusa de bouger.
- Vous croyez que les Zonis m'ont gentiment laissé entrer ? explosa-t-il, à bout de patience. J'ai dû monter dans une de ces satanées chambres pour qu'ils regardent dans mon cerveau ! Et qu'ont-ils trouvé ? RIEN ! Rien qui ne mette en danger la galaxie, l'espace-temps ou quoi que ton petit cœur estime important ! Alors ENTRE LÀ-DEDANS !
- Une seconde, intervint Rhivan. Pourquoi Ratchet spécifiquement ?
- Oh, j'avais oublié que la boule de poils s'était trouvé un compagnon de jeu, répondit le robot en baissant brusquement le ton. C'est simple, le grille-pain et les deux Tharpods sont trop chétifs, et vous n'étiez pas là quand on a affronté le Loki sur Magnus. On peut commencer maintenant ?
Sa question fut accueillie par un silence gêné.
- Oui, finit par répondre Ratchet. Allons-y.
Les Zonis installèrent le matériel de Nevo à côté des chambres. Ratchet monta dans l'une d'elles pour que Clank et puisse la calibrer. Néfarious ouvrit le caisson de stase, duquel émergea le Dr. Croïd, encore possédé par le Loki. Profitant de son étourdissement, Nevo enclencha l'extracteur. Un rayon d'énergie concentrée frappa le Tharpod, mais ne mettait en danger que le Loki. Ce dernier fut extirpé de son hôte en quelques secondes. Sans le relâcher, Nevo dirigea le flux vers le caisson encore ouvert. Dès que la silhouette spectrale fut enfermée, Néfarious enclencha la procédure de stase. Le Loki cessa de bouger, mais les capteurs indiquaient toujours une activité cérébrale.
- Il est prêt, annonça le robot d'un air triomphant.
Le caisson fut placé dans la seconde chambre mnémonique. Le Dr. Croïd, qui se réveillait tout juste, regardait autour de lui d'un air effrayé.
- Où suis-je ? Bégayait-t-il en fixant les Zonis qui flottaient devant ses yeux.
- Frumpus, c'est moi, dit gentiment Nevo en l'aidant à se relever. Viens, mon ami. Susie nous attend dehors.
Les deux scientifiques quittèrent la salle. Ils avaient beaucoup à se dire. Ratchet, toujours suspendu en l'air dans la chambre, appela les trois autres qui étaient encore devant.
- Du coup, vous comptez me briefer ou j'y vais en impro ?
- La chambre mnémonique va te faire plonger en sommeil paradoxal, répondit Clank. En d'autres termes, tu vas voyager dans ton subconscient. Tu seras le seul à le voir, mais nous pourrons suivre ta progression et te parler. Tu devras bien te concentrer pour nous entendre.
- Compris.
- Ton objectif est de pénétrer dans la mémoire du Loki pour lui soutirer des informations. Nous n'avons aucune idée de ce que tu vas trouver dans son subconscient, ses ondes cérébrales diffèrent totalement de celles des êtres organiques enregistrés dans la base de données.
- Et si... son subconscient ne veut pas que je fouille ?
- Tu seras en train de rêver, Ratchet. En théorie, ta seule limite sera ton imagination. Mais plus tes actions auront de l'impact sur l'environnement, plus la réponse sera violente.
- Donc je me fais discret et j'évite de faire des vagues. Ça marche.
- Et si tu venais à te retrouver en difficulté, ajouta Rhivan, nous pouvons toujours te ramener. Mais pour éviter tout effet secondaire, il vaut mieux que tu déclenches toi-même le réveil.
- Comment ?
- Essaie de mourir, dit simplement le Lombax. C'est la seule méthode infaillible.
- C'est rassurant...
- Lancement de la procédure dans une minute ! déclara Néfarious.
Ratchet se détendit, tâchant de graver toutes ces instructions dans sa mémoire. Au moment où le robot eu finit son décompte, il appuya sur la commande de lancement. Le Lombax se sentit chuter, et un voile noir tomba sur ses yeux.
***
Ratchet ouvrit lentement les yeux. Il faisait nuit. Loin au-dessus de lui, un ciel étoilé lui faisait face, mais il ne reconnaissait aucune nébuleuse. Il réalisa qu'il était allongé sur du sable. En se redressant, une brise d'air frais le fit frissonner. Il sentait le contact rugueux du sol sous ses jambes et ses mains. Trouvant ce contact étrange, il leva ses bras devant lui et se rendit compte qu'il n'avait -littéralement- plus rien sur lui. Le ridicule de la situation le fit rire jaune, puis il se rappela qu'il était dans son subconscient. En une seconde de concentration, il était de nouveau habillé. Si le besoin de mettre une armure se présentait, il n'aurait qu'à y penser.
En se remettant sur pieds, il constata qu'il était bien au milieu d'un désert. Il monta au sommet d'une dune afin d'avoir un meilleur point de vue. Il glissa sur le sable, mit un peu de temps à trouver ses repères au milieu de cet environnement, rendu entièrement bleu par le ciel nocturne. Arrivé au sommet, il sut enfin où il se trouvait. Les hauts plateaux et les bâtiments usés par le vent chargé de sable et de poussière ne le trompaient pas : il était sur Veldin. Quoique... certains bâtiments en ruines lui rappelaient les villes lombax sur Fastoon. Et ces gratte-ciels au loin... il était certain de les avoir vu sur Kerwan. Et d'autres sur Iglak. Après quelques minutes, il se rendit compte que ce désert était rempli de tous les lieux qu'il avait visités. Cependant, il n'y avait pas âme qui vive. Aucun oiseau, aucun insecte ne venait briser le silence qui régnait autour de lui. Les bâtiments au loin semblaient à l'abandon. En essayant de tendre l'oreille pour mieux entendre un éventuel signe alentours, il lui sembla percevoir un écho au loin. Il se concentra, et l'écho se transforma peu à peu en voix. Après quelques minutes, il parvint à distinguer des mots.
- Ratchet ? Tu m’entends ? demandait Clank.
- Clank ? Où es-tu ?
- Toujours dans la station mnémonique. Nous t'envoyons des stimuli sonores pour communiquer avec toi. Comment te sens-tu ?
- Bien, je crois... c'est bizarre ici. Je vois un grand désert rempli de lieux que nous avons visités.
- C'est le premier niveau du subconscient, propre à chaque individu. Tu peux le voir comme une sorte de gare, qui mène dans tous les recoins de ta mémoire. Quand tu dors, ton esprit décide où il veut se rendre, mais il arrive que les souvenirs se mélangent durant les rêves, c'est pourquoi cet environnement est toujours un peu chaotique.
- D'accord... et dans quelle direction suis-je sensé aller ? Où est le Loki ?
- Nous attendions que tu te sois habitué avant de vous connecter. Tu te sens prêt ?
- Le meilleur moyen de savoir est d'essayer.
Clank prit cette réponse pour une confirmation. Quelques instants plus tard, Ratchet entendit un son puissant au loin, comme si on déchirait l'atmosphère. Il se tourna vers la source du bruit. Loin au-dessus de l'horizon, une masse sombre d'une taille indéfinissable venait d'apparaître. La forme était constituée de milliers de filaments violacés, agités de pulsations lumineuses irrégulières. Ils semblaient se rejoindre en un même point, tels les brins d'une toile d'araignée.
- Ratchet ? La procédure s'est-elle bien déroulée ? s'inquiéta Clank.
- Aucune idée, répondit le Lombax. C'est comme si on avait mélangé une méduse géante de Verdegraw avec les touffes de cheveux de Talwyn que je retrouve dans le conduit de la douche...
- Je vois... pourrais-tu être un peu plus précis ?
Ratchet s'exécuta et lui fit une description détaillée.
- Cela correspond à nos relevés d'ondes cérébrales, l'informa Clank. Il va falloir que tu te rendes au centre, c'est là qu'est stockée leur mémoire.
- Je ne sais pas pourquoi j'espérais que ça allait être simple... Laisse-moi une seconde.
Ratchet se concentra de nouveau, et une armure Hyperflux se matérialisa sur lui. Des Ailorobots surgirent de son dos et ses hoverbottes apparurent sur ses pieds. Il décolla à toute vitesse, passant le mur du son en quelques secondes. Dans ce monde, ses hoverbottes pouvaient avoir une puissance illimitée, et ses Ailorobots pouvaient parfaitement fonctionner. En fait, Ratchet réalisa qu'il aurait aussi bien pu imaginer qu'il pouvait voler par sa seule volonté. Il laissa derrière lui le désert infini de son subconscient et s'envola vers les étoiles.
***
L'enchevêtrement de pensées du Loki se trouvait beaucoup plus loin qu'il ne le pensait. S'il existait dans son subconscient, il aurait été en orbite, mais Ratchet n'était même pas sûr qu'il venait de quitter la surface d'une planète. Au bout de ce qui lui sembla être une heure de vol, ce qui était difficile à dire étant donné la totale absence de mouvement des étoiles, il entendit à nouveau la voix de Clank résonner dans sa tête.
- Ratchet, je pense avoir réussi à comprendre le mode de communication des Lokis.
- Vraiment ? Comment as-tu fait ?
- Je me suis basé sur les similitudes avec les Zonis. Comme eux, les Lokis sont des êtres constitués d'énergie, incapables de survivre dans notre environnement sans protection.
- Et là où les Zonis ont choisi des armures technologiques, devina Ratchet, les Lokis ont évolué pour survivre en parasitant d'autres êtres vivants, c'est ça ?
- En effet. J'ai donc comparé les ondes cérébrales émises par les Zonis pour communiquer avec celles du Loki. Vois-tu des sortes de pulsations le long des filaments ?
- Oui, mais elles sont très irrégulières.
- C'est parce que le Loki est en train de communiquer.
- Communiquer ? s'écria le Lombax. Mais alors...
- Tu n'as pas à t'inquiéter, le rassura Clank. La fréquence sur laquelle il émet ces ondes télépathiques est proche des ondes radio. Il semble également capable de transmettre une quantité astronomique d'informations. Je dirais qu'il pourrait envoyer une copie complète de sa mémoire en moins d'une seconde. Cependant, même si ces ondes se déplacent à la vitesse de la lumière, elles ont une portée assez limitée. Leur longueur d'onde les rend assez "fragiles", et elles s'altèrent assez vite sur de longues distances.
- Donc ils peuvent communiquer très vite, mais pas très loin ?
- C'est cela. En fait, ils fonctionnent à peu près comme des émetteurs-récepteurs radio. Sur une même planète, ils peuvent échanger une grande quantité d'informations en temps réel, mais à la vitesse de la lumière, une communication entre deux planètes souffre déjà d'un délai de plusieurs minutes, et de plusieurs années entre deux systèmes.
- C’est une excellente nouvelle ! s'exclama Ratchet. Ils seront ravis de l'entendre sur Iglak.
- Du calme, ce n'est qu'une hypothèse, lui rappela Clank. Basée sur un seul individu, qui plus est. Même si le comportement des autres Lokis que nous avons croisé laisse supposer qu’ils fonctionnaient de la même manière, rien ne nous dit que certains d'entre eux ne sont pas capables d'émettre comme un relais interstellaire.
- Mais si cette hypothèse est vraie, cela veut dire qu'ils ont quand même besoin de ces relais pour communiquer à travers la galaxie ! Et ce Loki, tu peux savoir ce qu'il raconte ?
- Il émet le même signal depuis tout à l'heure. Un instant...
La voix de son ami s'affaiblit. Seul, Ratchet se rendit compte qu'il s'approchait des frontières de son esprit. Il ne pouvait le décrire, mais ses souvenirs lui paraissaient plus... lointains. Se pourrait-il qu'il soit en train de quitter son propre corps ? Heureusement, la voix de Clank vint redonner de la consistance à ses pensées.
- Désolé, mais la fréquence du Loki est cryptée, ou ce qui s'en approche... À moins qu’il n’engage lui-même la conversation, il est peu probable que nous puissions comprendre ce qu'il dit.
- Ça ne saurait tarder, répondit Ratchet. Je suis presque arrivé.
Cependant, une étrange sensation le fit ralentir. Il ne pouvait la voir, mais il sentait qu'il arrivait à la limite de son subconscient. Au-delà se trouvait celui du Loki. Le Lombax n'avait aucune idée de ce qui se passerait de l'autre côté. Et si son équipement disparaissait ? Pouvait-il respirer aussi loin du sol ? Ne sachant comment en être sûr, décida de se préparer au mieux. Il vérifia ses réserves de carburant et d'oxygène et fit apparaître dans ses mains un Combustor, une Fusio-Grenade et une paire de Griffeurs Rasoir, plus efficaces que sa clé s'il devait trancher ces filaments. Puis, prudemment, il ralluma ses hoverbottes et traversa la barrière.
Il sentit aussitôt un frisson le parcourir de la tête aux pieds. Il percevait la présence de son subconscient, très loin derrière lui, mais la nuit était plus sombre, de même que l'air était plus froid. Certain d'être observé, il se retourna plusieurs fois, cherchant un quelconque mouvement. Mais il ne vit rien, seulement la masse menaçante de filaments qui ondulait devant lui, emplissant pratiquement tout son champ de vision. Les pulsations continuaient, mais le Lombax remarqua vite que quelque-chose clochait. C'était peut-être une illusion causée par la distance, mais l'enchevêtrement avait l'air plus gros qu'auparavant. Il observa les épais filins pendant plusieurs minutes, et en était à présent certain : ils s'étendaient en direction du sol.
- Clank ? Ce truc ne peut pas envahir mon subconscient, pas vrai ?
- Normalement, en état de stase, il devrait en être incapable. Pourquoi ?
- Ben j'ai l'impression que c'est ce qui est en train de se passer.
Clank ne répondit pas tout de suite. Ratchet entendit plusieurs voix lointaines, la discussion semblait animée mais il ne parvenait pas à en saisir un mot. Finalement, la voix revint, mais ce n'était plus le même robot derrière le micro.
- Bon écoute, dit Néfarious. Le Loki est en train d'envahir ton subconscient. Donc tu vas aller chercher ces infos en vitesse, et on te ramène avant que ça n'arrive. Pigé ? Nous, on va essayer de le ralentir.
- J'espère que vous savez ce que vous faites... répondit Ratchet en repartant à toute vitesse en direction du centre de l'esprit parasite.
Il craignait une réaction de défense au moment où il s'engageait dans le périmètre du Loki, mais les filaments continuaient seulement de s'allonger vers le bas. De plus en plus anxieux à l'idée de voir cette chose s'emparer de sa mémoire, il accéléra, zigzaguant en prenant soin de ne pas toucher les fils, dont certains étaient maintenant plus épais que lui. Il s'enfonça toujours plus profondément dans le dédale, conscient que s'il se retournait, il ne verrait plus la sortie.
Au bout de ce qui lui sembla une éternité, il arriva au cœur. Une forme lumineuse flottait, suspendu au milieu d'un filet formé de filaments. Ils faisaient penser à un réseau de capillaires sanguins, qui pulsaient d'une vive lumière, en rythme avec le cœur.
Au milieu de cet enchevêtrement infini, c'était la seule source de lumière. Ratchet s'en approcha doucement, mais un petit câble surgit soudain des ténèbres et s'enroula autour de son bras gauche. L'armure et le tissu le protégeant parurent s'évaporer à son contact, lui faisant toucher directement le bras du Lombax. Avant qu'il ne puisse réagir, une nouvelle pulsation agita le cœur et se propagea dans tout l'amalgame. En connexion directe avec ce dernier, Ratchet reçut comme une décharge électrique.
COLÈRE !!!
Le sentiment qui le submergea était absolu. Il brûlait de tout détruire, ce cylindre de verre, ce lieu inconnu, ces êtres organiques là-dehors, qui le considéraient comme un vulgaire cobaye ! Dès qu'Ils seraient informés de ce qui se passait ici, Ils viendraient tout réduire en cendres !
++ Vous... vous êtes une menace ++
La voix, à la texture rugueuse et tranchante, comme deux morceaux de tôle frottés ensemble, résonna dans tous les recoins de sa tête. Elle paraissait capable de faire fuir les termes d'une équation, terrorisés devant une telle impossibilité mathématique. Ratchet réalisa que la colère sourde qu'il ressentait était la sienne. Il en avait reçu un faible aperçu lors du contact.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-il en tâchant de vider son esprit de toutes ces informations parasites.
++ Je suis celui que vous nommez "Loki" ++
- Vous n'avez pas de nom ?
++ Les noms sont sans importance. Seuls comptent ceux qui méritent notre dévotion ++
- Vous voulez parler de vos chefs ? Qui sont-ils ?
++ Ils sont Unique ++
- Unique ? Alors il est seul ?
++ L'Unique sont multiples. La perfection est complexe. Elle est un tout. Et le tout est Unique ++
Confus, Ratchet sentit qu'il n'irait pas plus loin sur ce sujet avant de forcer sa mémoire. Il décida de changer de sujet.
- Pourquoi voulez-vous nous détruire ?
++ Vous représentez une faiblesse. Vous utilisez la technologie, mais vous la laissez vous dépasser. Vous vous multipliez, mais vous n'évoluez plus. Un univers imparfait ne peut subsister. Pour subsister, l'univers doit s'unifier. Et la faiblesse doit disparaître ++
- Pourtant, vous vivez comme des parasites. Vous êtes dépendants de la technologie pour nous combattre. C'est bien une faiblesse, non ?
++ Toute forme de vie doit évoluer. L'Unique nous ont montré le chemin de l'ascension. La technologie va disparaître. La dépendance va disparaître. Quand toute la faiblesse aura disparu, nous deviendrons une loi universelle. L'univers ne pourra exister sans nous. Il sera unifié ++
- Je vois... répondit Ratchet lentement. En attendant, c'est vous qui êtes prisonnier. C'est vous, le faible.
++ Vous en êtes sûr ? ++
Le filament se détacha. Ratchet secoua la tête, essayant d'effacer la présence imposante du Loki de son esprit. Il chercha la voix de Clank, mais il n'entendait rien. Paniqué, il regarda autour de lui. La masse sombre s'était refermée sur lui. Il ne voyait plus du tout le ciel.
Et soudain, il vit une plateforme dorée sous ses pieds. Le secteur de Corvus s'étendait au loin, derrière les anneaux titanesques de la Grande Horloge.
- Où est-ce que tu vas ?
Il reconnaissait cette voix. Il se retourna. À quelques mètres de lui, à côté de son vaisseau, un grand Lombax au pelage gris et rouge lui faisait face. Sa main droite était serrée sur le manche de sa double clé prétorienne.
- Alister ?
Ratchet n'en croyait pas ses yeux. Déconcerté, il fit un pas en arrière.
- Tu as des responsabilités, tu ne peux pas t'en aller !
Il se souvenait de cette phrase. Elle était gravée à jamais dans sa mémoire. Et il savait où elle allait mener.
- Alister, s'il-vous-plaît, dit Ratchet en continuant de reculer, un pas après l'autre.
- Les Lombaxs ont besoin de nous !
Une étincelle de folie brilla dans les yeux du général. Sa main se resserra sur le manche de sa clé.
- Arrêtez, s'il-vous-plait, répéta Ratchet, la voix tremblante. Il pouvait entendre les battements frénétiques dans sa poitrine. Il leva les mains en un geste d'apaisement, tout en reculant, de plus en plus vite.
- Non, ne t'en va pas !
Le ton d'Azimuth était chargé d'amertume. Il commença à lever sa clé. Ratchet, les yeux rivés dans ceux du vieux Lombax, manqua de trébucher.
- Alister, je vous en prie ! supplia-t-il, les larmes aux yeux.
- J'AI DIT STOP !
Une sphère d'énergie fusa droit dans sa direction. Il fit un pas de côté pour l'éviter, mais Azimuth était déjà sur lui. Ratchet activa ses Griffeurs Rasoir. Ils pouvaient parer les attaques du général mais sa clé était trop résistante pour réussir à le désarmer. Les assauts étaient violents et rapides. Le jeune Lombax n'était pas habitué à combattre des ennemis meilleurs que lui en mêlée, et son adversaire gagnait rapidement du terrain. Petit à petit, ils arrivèrent au bord de la plateforme. Dans un ultime geste défensif, il bloqua un assaut venu du haut en croisant les quatre lames au-dessus de sa tête. Ses pieds glissaient sur la surface polie et étaient déjà à moitié dans le vide, tandis qu'Azimuth forçait sur ses prises, de plus en plus fort. L'esprit de Ratchet tournait à plein régime. Il ne tiendrait pas dans ces conditions. Il fallait improviser. Il relâcha d'un seul coup sa défense, et s'agenouilla devant Azimuth. Déséquilibré, le général bascula dans le vide. Ratchet se précipita à son secours, attrapant son bras avant qu'il ne tombe. Il était maintenant suspendu sous la plateforme, seulement retenu par la poigne du jeune Lombax. La clé prétorienne disparut dans le fond sombre constellé d'étoiles. Azimuth regarda Ratchet dans les yeux.
- Je... je suis désolé. Je voulais tellement les ramener.
- On les retrouvera ! lui cria Ratchet, les yeux embués de larmes. Ensemble !
Le vieux Lombax secoua tristement la tête et sortit une de ses grenades. Comprenant ce qui allait arriver, Ratchet resserra encore plus sa prise, bien décidé à le remonter.
- Lâche-moi, Ratchet. Le passé ne peut être modifié.
- Pas question ! hurla-t-il. Je ne vous perdrai pas une seconde fois !
Il tira comme un forcené pour le hisser sur la plateforme, mais Azimuth déclencha la bombe. Le compte à rebours ne lui laissait que quelques secondes.
- Non... sanglota le Lombax. Ne m'obligez pas à faire ça...
- Prend bien soin de toi, Ratchet.
La grenade allait exploser. Ratchet détourna le regard, et, au cours d'une fraction de seconde qui sembla durer une éternité, lâcha la main du général. Une seconde plus tard, un flash lumineux emplit tout l'espace autour de lui.
Puis il se retrouva au milieu de la nuée de filaments. À une vingtaine de mètres devant lui, le cœur était toujours là, brillant d'un éclat malsain. Alors, il comprit. Le Loki était en train de s'emparer de son esprit, et utilisait ces souvenirs pour l'empêcher de riposter. Ce simple constat fit naître en lui un puissant sentiment de haine. Hors de question que ce sale parasite s'en tire aussi facilement. Il alluma ses hoverbottes et plongea vers le filet lumineux, Griffeurs Rasoir en avant. Il trancha les mailles sans effort. Chaque coup faisait naître une pulsation de colère et de détresse dans l'esprit du Loki, que Ratchet savourait toujours plus à chaque centimètre qui le rapprochait du cœur.
Mais, au bout de quelques mètres, son coup s'arrêta et tout son corps fut figé. Il était prisonnier dans une sorte de bulle violette. Il crut d'abord que c'était le Loki, puis se rendit compte qu'il n'était plus dans son subconscient. Autour de lui, il reconnut la passerelle du Nébulox VII. Il tournait lentement, incapable de faire le moindre mouvement. La passerelle du vaisseau se révéla lentement devant ses yeux. Au plafond, attachés au bout d'une corde, Cronk et Zéphyr se débattaient vainement pour se libérer.
« Non, songea Ratchet. Pas eux ! »
Il voulut leur crier qu'il allait venir les aider, mais il était entièrement paralysé.
- Donne-moi le détonateur.
- C'est rien que des robots de guerre décrépits ! Je ne suis pas sûr que les tuer soit...
- Soit quoi ?
Il ne les voyait pas, mais il reconnut sans mal la voix des jumeaux Prog. Il devina ce qui allait de passer, d'une seconde à l'autre, et se débattit de plus belle contre ses muscles tétanisés.
Mais c'était déjà trop tard. Une alarme se fit entendre, et des explosions secouèrent tout le vaisseau. Fragilisée, la verrière se brisa, faisant éclater la bulle qui maintenait le Lombax, et la dépressurisation l'entraîna vers l'espace. Mais il n'allait pas se laisser faire aussi facilement. Il déploya ses Ailorobots et fonça vers les deux robots, encore pendus au plafond. Il agrippa la corde d'une main, et la frappa du tranchant de sa lame. Mais le lien en trillium résistait. Ratchet frappa encore et encore, alors que les explosions qui ébranlaient le vaisseau se faisaient de plus en plus proches.
- Tu dois partir, jeunot ! lui cria Cronk. Ne nous laisse pas te ralentir !
- Je ne le laisserai pas gagner ! répliqua le Lombax en redoublant d'efforts. Vous n'êtes pas une faiblesse, je refuse de le laisser prétendre ça ! Vous venez avec moi !
- Tu as d'autres personnes à sauver, Ratchet, lui dit Zéphyr. Tu n'as rien à lui prouver, ne perd pas ton temps avec nous.
Les flammes envahirent la passerelle du vaisseau. Zéphyr leva les jambes et le poussa de toutes ses forces. Surpris, Ratchet lâcha le câble. L'onde de choc le propulsa dans l'espace, et une lumière vive l'enveloppa.
De nouveau, il se retrouva dans l'enchevêtrement de filaments, à quelques mètres seulement du cœur. Ratchet avait le souffle court. Il avait l'impression que ses yeux le brûlaient. Le Loki espérait le briser, mais sa détermination n'en était que renforcée. Désormais, le Lombax voulait le faire payer. Il voulait lui faire mal. Il saisit une grenade, et la lança d'un geste précis au milieu du filet. L'explosion désintégra ce qui restait entre lui et le cœur, ne laissant que quelques mailles pour le protéger. Sans hésiter, il se propulsa à pleine vitesse dans sa direction. À la seconde où il entra en contact avec la source de lumière, cette dernière emplit chaque recoin de son esprit.
***
Je suis frustré. Pour la première fois depuis des milliers de cycles, une créature organique a résisté à l'Unification. Elle avait une mâchoire large, de longs bras et la peau pâle. Elle semblait dotée, comme nous, de capacités dépassant les limites physiques de l'univers. Son aptitude à se fragmenter tout en conservant son essence fascinait l'Unique. Ils avaient ordonné son unification, mais la créature résistait grâce à son pouvoir. Durant plusieurs cycles, l'Unique l'ont autorisé à arpenter le Corps, et même à s'approcher du Cœur. Mais nous avions tous sous-estimé la créature, et elle était parvenue à construire une nouvelle machine, plus petite que celle dans laquelle il était arrivée, mais suffisante pour lui faire quitter le Corps. Désormais je suis en proie au doute. Il m'indispose. Il m'affaiblit. Mais je n'arrive pas à m'en débarrasser. Je vais voir l'Unique, en espérant qu'ils effaceront ce doute. Je suis jeune, à peine un demi-cycle. Je me suis uni avec une créature aviaire, très pratique pour se déplacer le long des artères du Corps. Je trouve l'Unique en contemplation devant le Cœur. Ils n'ont pas besoin de moitié, car ils sont un et multiples. Mille yeux m'observent, et mille mains me saisissent délicatement. L'Unique me félicitent. Ils disent que ma moitié est la dernière représentante de son espèce, qui n'habite plus le ciel désormais. L'Unique savent beaucoup de choses que j'ignore. Je lui expose alors mon doute :
Après des millénaires passés à attirer toutes les machines volantes qui passaient à proximité, pourquoi l'Unique ne décidaient pas d'en construire une pour que le Corps s'étende, pour unifier le ciel ?
L'Unique me répondirent. Un millier de voix s'exprimèrent. Dans leur grande sagesse, ils me dirent de m'unifier avec le Cœur. Je ne l'ai jamais fait. Mais la peur nous affaiblit. Je ne veux pas paraître encore plus faible devant l'Unique, alors je m'avance, et je touche le Cœur.
Je vois un monde comme le nôtre. Le Corps s'est étendu à travers tout l'univers. Mais il manque quelque-chose. Le Corps a l'air... pourri. Sans Cœur. Je cherche à comprendre la cause de ce manque, mais je ne sais même pas où je suis. Je vois alors un autre de ce qui est Nous. En m'approchant, j'essaie d'unir mon esprit avec le sien, mais il ne m'entend pas. Et soudain, je me rends compte : Il n'a pas de moitié ! Il se déplace à l'air libre, mais enfermé dans une carapace noire. Il a l'air... faible. Est-ce cette armure de métal qui l’affaiblit ?
Ma main est retirée du contact du Cœur. Je m'empresse de faire don d'une partie de mon essence à l'Unique, qui ont daigné s'intéresser à une chose aussi petite que moi. Ils me parlent alors, et je comprends une partie de leurs paroles, bien que l'univers lui-même se recroqueville de peur devant le véritable sens de leurs mots.
- Le Cœur t'a montré un autre plan de notre existence. Les anciens Unique, dans leur immense sagesse, se sont sacrifiés pour nous transporter hors de ce plan. Nous ne reproduirons pas l'erreur de nos aînés. Nous ne nous plierons pas à l'usage des machines, qui nous dénaturent et nous affaiblissent. Nous allons plier les machines à notre volonté. Grâce au Cœur, nous vous unirons avec le Corps. Quand vous ne ferez plus qu'un avec lui, il vous accompagnera dans l'espace. Le Corps sera notre Grande Machine. Et quand nous aurons éliminé toutes nos faiblesses, nous envahirons le plan de nos ancêtres. Nous rapporterons le Cœur, et ils pourront contempler la magnifique vérité de notre existence.
Je m'abreuve des paroles de l'Unique. Ils m'ont ôté le doute. Ils m'ont rendu plus fort. Je remonte à la surface du Corps, désireux de contempler un ciel bientôt débarrassé de toute faiblesse. Je vois la carcasse de la machine volante des créatures à la peau grise. Elle ne les a pas sauvés. Avec leurs extraordinaires capacités, elles auraient pu survivre. Pourquoi remettre son existence entre les mains d'un amalgame de métal et de verre ?
Je regarde vers les étoiles. Le plan de nos ancêtres se cache-t-il là-haut ? Je regarde encore. Puis je vois une étoile plus lumineuse que les autres. Pourquoi ne l'avais-je pas remarqué avant ? L'étoile devient de plus en plus large et lumineuse. Peut-être devrais-je avertir l'Unique. L'étoile s'allonge. Peu à peu, elle trace une ligne du ciel jusqu'à l'horizon. Je la vois disparaître sous la surface, et soudain le Corps se met à trembler ! Je m'envole pour ne pas perdre l'équilibre. Les autres ne savent pas ce qui se passe. Puis la vérité nous frappe tous : le Cœur ! Le Cœur est brisé !
Je ne sais pas quoi faire. Une grande lumière grandit depuis le centre du Corps, dont les morceaux commencent à se détacher. Où sont l’Unique ? Je cherche sa présence, alors que tout autour de moi se brise et part vers le ciel. Alors, l'Unique nous appellent. Ils nous ordonnent de nous réfugier dans les fragments du Corps, car nos moitiés charnelles ne peuvent survivre à ce qui arrive. J'abandonne aussitôt la créature aviaire et me réfugie dans le cristal le plus proche. Unifié avec le Corps, mes sens sont multipliés. Je peux sentir les autres qui sont Nous s'éloigner avec les débris, dispersés dans l'espace. Certains d'entre nous passent à proximité d'une immense machine. Je sens qu'elle est remplie de ces créatures pâles aux longs bras. Je devine que ce sont eux, les responsables de cette attaque. Comment ont-ils fait pour détruire le Corps et son Cœur ? Comment l'Unique n'avaient pas réussi à le prévoir ? Non, ils savaient forcément. Tout cela n'était qu'une étape de leur projet, dont un être aussi insignifiant que moi ne peut qu'espérer deviner les contours.
Alors j'attends.
J'attends durant des dizaines, des centaines de cycles. Je découvre que le ciel est beaucoup plus vaste que je ne croyais. Je dérive à l'intérieur d'une spirale faite d'étoiles et de poussière, formée par la gravité. Il y a d'autres spirales, toutes différentes de la mienne. L'univers est immensément plus grand et plus vieux que moi. Mais son âge n'a d'égal que son imperfection. Tout est aléatoire, l'existence ne dépend que des hasards de la physique qui dirige ce plan. Je comprends les motifs de l'Unique. Rien d'aussi fragile ne peut subsister éternellement. Un univers durable ne peut qu'être unifié.
C'est pourquoi j'attends encore. J'ai cessé de compter les cycles désormais. Je suis indifférent aux mouvements des espèces organiques. Grâce à mes capacités, aussi faibles soient-elles en comparaison de l'époque où le Cœur irradiait d'énergie, je peux diriger les courants gravitationnels et éviter d'être entraîné par l'attraction d'une étoile ou d'un trou noir. Je guette, toujours à l'affût, la moindre trace d'un appel de l'Unique.
Puis, un jour, cet appel vient. L'Unique nous appelle.
- Soyez reconnaissant, disent-ils, car l'essence des nôtres sacrifiés nous ont ramené à la conscience. Sur une planète que ses habitants appellent "Magnus", des êtres organiques ont détruit un grand nombre de fragments du Corps, tous remplis de vie. Leur essence nous a trouvé. Ils pensent nous avoir détruits, mais leur barbarie nous a rouvert la voie de l'Unification. Rassemblez-vous. Gardez votre existence secrète. Nous allons frapper nos ennemis de l'intérieur et de l'extérieur, jusqu'à-ce que nous ne fassions plus qu'un.
La joie et la reconnaissance me rendent ma force perdue. L'Unique viennent me chercher personnellement. Ils m'accordent l'insigne honneur de m'unir avec l'un des organiques responsables de la perte de tant de parties de Nous. Ils vivent isolés dans une immense machine perdue au milieu d'une forêt. L'attaque se déroule sans difficulté, mais deux organiques s'enfuient. Nous ceinturons la planète et envoyons des membres chercher les fugitifs, mais ceux-là sont des malins. Je reste dans la grande machine, qui s'avère être un lieu où les organiques développent de nouvelles façons de dépendre de la technologie. Cet endroit me révulse, mais l'Unique m'ont ordonné d'apprendre à imiter ma moitié. Il a réalisé beaucoup d'enregistrements de sa vie, cela me facilite la tâche, même si je n'arrive pas à comprendre comment il pouvait avoir plus confiance en une machine qu'en son propre esprit. J'apprends leur langue et ses habitudes. L'Unique me dit que cela me sera utile plus tard, si le fugitif refait surface ou si d'autres viennent le chercher. Après moins d'un demi-cycle, l'Unique lance une attaque de grande envergure sur toute la "galaxie". Il me prévient que des ennemis arrivent vers moi, alors je fais venir trois membres qui se sont unis avec des bêtes monstrueuses, capables de réduire cet endroit à néant en cas de besoin.
C'est mauvais signe. Il s'agit de la créature et des machines qui avaient aidé ma moitié à vaincre les nôtres, quatre cycles plus tôt. Les deux arrivés après n'ont pas l'air de s'entendre avec la machine de grande taille. J'utilise les informations à ma disposition pour les tromper, mais l'une des créatures à poil court connaissait mieux ma moitié que moi. Elle m'attaque. J'appelle les autres pour qu'ils détruisent tout. La créature teigneuse est partie les affronter, les autres m'attaquent. Ma moitié est faible, mais je suis plus fort qu'eux. Mes pouvoirs dépassent leurs capacités.
Je ne suis pas en bonne posture. Celui au poil blanc et la grande machine sont plus doués que je ne pensais. J'ai surestimé les capacités de ma moitié. Je me concentre pour me téléporter. Je ne vois pas le projectile. Je dois esquiver. Je...
***
Ratchet tomba à genoux. Le sol était dur et froid, mais c'est tout ce dont il était sûr. Il venait d'être confronté à toute la vie du Loki. Il resta ainsi, dans un état second, jusqu'à-ce qu'un son le ramène à la réalité. Il regarda autour de lui. Était-il de nouveau dans un souvenir ? Où était-il, maintenant qu'il avait plongé dans la mémoire du Loki ?
Ce n'était pas comme les souvenirs qu’il avait vu... il avait l'impression que c'était plusieurs années auparavant, alors qu'il savait être entré dans la chambre mnémonique à peine quelques heures plus tôt. Il se mit une claque pour remettre ses idées en place. La vie du Loki et sa manière si étrange de penser s'imposaient dans son esprit, lui donnant à la fois l'impression d'être saoul et de ne pas avoir dormi depuis des jours.
Il tâcha de se concentrer. Il ne voyait qu'une partie de la scène qui se déroulait sous ses yeux. En dehors de son champ de vision, tout était flou et assombri, alors que ses précédents cauchemars étaient on ne peut plus nets. Il ne parvenait à déterminer le lieu où il se trouvait, mais il reconnut la silhouette qui se tenait devant la fenêtre, dont la respiration haletante l'avait tiré de sa torpeur : Talwyn. Blessée, une arme à la main, elle lui tournait le dos et fixait le ciel.
- Tal ? réussit à articuler Ratchet.
Elle ne réagit pas. Le Lombax fit un effort pour se relever et s'approcher d'elle, malgré ses membres engourdis, comme s'il sortait d'hibernation. En bougeant, il put un peu mieux distinguer ce qui l'entourait. Des débris fumants et des cadavres jonchaient le sol. Même en se concentrant, leur visage restait trop trouble pour les reconnaître. Il se mit donc à côté de Talwyn, et posa une main sur son épaule. Mais, à sa grande surprise, elle la traversa comme un hologramme. Perplexe, il essaya de toucher la vitre, et le résultat fut le même. Il observa le visage de son amie. Il était tuméfié, mais rien de grave, ce qui le rassura. Cependant, elle était essoufflée, et ses yeux, d'ordinaire si éclatants, étaient emplis de peur et de regret. Inquiet, Ratchet suivit son regard. Elle fixait le soleil. Mais quelque chose clochait. S'ils étaient sur Iglak, il ne devait pas être aussi gros. Et il continuait de grandir, devenant de plus en plus lumineux. L'air s'échauffait, et Ratchet compris avec horreur ce qui était en train de sa passer. Il essaya de saisir le bras de Talwyn pour l'emmener loin d'ici, mais c'était comme tenter d'attraper un écran de fumée. Il cria son nom, l'implora de réagir, de fuir, de se mettre à l'abri, mais elle ne bougeait pas. Alors que la lumière envahissait tout autour de lui et que la chaleur l'obligeait à fermer ses yeux, il vit des larmes briller au coin de ceux de Talwyn, pour s'évaporer aussitôt.
***
Ratchet ouvrit les yeux. Il était couché. Loin au-dessus de lui, il pouvait voir le plafond de la station mnémonique. Rhivan et Susie le plaquaient au sol, chacun maintenant un bras. Soudain pris de panique, il les repoussa et recula en rampant, recroquevillé sur le sol. Derrière eux se trouvaient Clank, Néfarious et les deux Tharpods.
- Ne m'approchez pas ! leur cria-t-il. Vous n'êtes pas réels !
- Ratchet, dit Clank en s'approchant doucement. Tu es de retour. Tout va bien.
- Ah oui ? Alors dis-moi une chose que tu es le seul à savoir !
- ... J'ai gardé la photo de groupe qu'on a prise ensemble sur Magnus, avoua Néfarious. Elle m'aide à.… réfléchir.
Cette réponse aurait sûrement fait rire Ratchet dans une discussion normale, mais son esprit menaçait de partir en lambeaux. Il s'accrocha à cet aveu de toutes ses forces, enfouit sa tête entre ses genoux, et se répéta à voix basse les paroles de Néfarious, encore et encore, comme un moyen de s'assurer qu'il était bien revenu dans le monde réel.
***
Rhivan rangea sa clé, qui venait de servir à éliminer le Loki dès qu'ils l'avaient extirpé du corps de Ratchet. Ce dernier était malheureusement le seul à savoir ce qui s'était réellement passé. Mais là, recroquevillé par terre, haletant, le jeune Lombax faisait peine à voir. Pourquoi était-il revenu dans cet état ? Il s'en voulait terriblement de ne pas avoir insisté pour entrer dans cette chambre à sa place.
Il n'avait pas la prétention d'être un grand thérapeute, mais il savait que Ratchet avait besoin de temps pour tout emmagasiner, quoi qu'il ait vu dans l'esprit du Loki. Il s'approcha doucement de lui et l'aida à se relever. Il lui administra de puissants sédatifs, mais dut le rassurer et lui expliquer qu'il ne ferait pas de rêve. Puis la gamine l'aida à le transporter jusqu'à un dortoir aménagé par les Zonis. Désormais, ils ne pouvaient qu'attendre et espérer des réponses. Tout le groupe avait la même question en tête :
Mais qu'avait-il vu là-bas ?
Je saurai pas dire pourquoi, mais je trouve que ce chapitre a gagné en qualité d'écriture.
Merci pour ce retour! Je compte repasser à l'avenir sur les premiers chapitres (au moins du 1 au 7), vu que je me suis amélioré entre-temps. Mais d'ici là, je vais continuer à essayer de sortir un ou deux chapitres par mois.
J'ai aussi corrigé quelques coquilles, mon correcteur a pété un câble avec ces mélanges singulier/pluriel.