Auteur : Arayn
Ratchet ouvrit lentement les yeux. Il était allongé. Au plafond, un œil robotique fixé sur une tige flexible l'observait. Une caméra, sans doute. Il voulut se redresser et découvrit qu'il flottait sur un matelas invisible, au milieu d'une salle parfaitement cubique, aux murs incrustés de divers écrans recouverts de symboles illisibles. Il se demanda comment il était arrivé là. Puis les souvenirs refirent surface. La Grand Horloge, Néfarious, la chambre mnémonique...
Le Loki.
Sa mémoire était parfaitement claire. Il se rappelait chaque seconde passée dans la tête de cette chose. Cependant, il n'était pas en colère, à sa grande surprise. Au contraire, il se sentait étrangement serein - non, vidé. Comme si son cerveau avait décidé de fermer les valves. Il s'assit sur le bord du lit, et contempla ses mains. Il avait l'impression de se trouver à l'extérieur de son corps, tel un marionnettiste invisible.
La porte de la pièce s'ouvrit alors, laissant passer Clank. La simple vue de son meilleur ami lui fit redescendre les pieds sur terre.
- Bonjour, Ratchet.
- Hey, répondit le Lombax d'une voix neutre.
- Comment te sens-tu ?
- Je... ne sais pas.
Il ouvrit la bouche pour s'expliquer, mais la referma. Il n'en savait réellement rien.
- Combien de temps j'ai dormi ?
- Tu es resté sous sédatifs pendant six heures, mais cela fait presque quatorze heures que tu dors. Nous t'avons installé dans cette chambre en attendant que tu te réveilles.
- Et que s'est-il passé pendant que j'étais ici ?
- Néfarious est parti. Il a seulement demandé une copie des plans des dispositifs anti-Loki, ajouta-t-il avec une pointe de doute dans la voix. Le Docteur Croïd s'est plutôt bien remis de ce qui lui est arrivé. Il est plutôt pragmatique, cela l'a bien aidé.
- Je vois...
On entendit plus que le faible ronronnement des machines zoni. Ratchet fixait le sol sous ses pieds, attendant que son ami reprenne la parole.
- Ratchet, dit doucement Clank d'un air désolé, je n'ai nullement envie de te brusquer, mais... il faut que tu nous racontes ce que tu as vu dans l'esprit du Loki. Des vies en dépendent.
- ...Je sais. Tu pourrais demander à Rhivan de venir, s'il-te-plaît ? Il faut qu'il entende ça.
Le robot opina du chef et sortit de la pièce. Ratchet, sans bouger, attendit que ses deux compagnons reviennent. Il appréhendait de parler de ce qui s'était passé. Peut-être craignait-il la réaction de ses amis ?
Ces derniers refirent leur entrée quelques minutes plus tard. Rhivan lui adressa un signe de tête encourageant.
Alors, il leur raconta tout, dans les moindres détails. Au début, il pensait que son esprit avait occulté ses émotions, comme lorsque l'adrénaline bloque la douleur pour éviter une perte de connaissance. Mais au fur et à mesure qu'il parlait, sa gorge se noua. Un flot d'émotions refit surface. Il se rendit compte qu'il s'était mis à pleurer. Des larmes coulaient le long de son visage et entraient dans sa gorge asséchée, mais il continuait de parler. Il était en colère contre lui-même. Il était incapable de contrôler ses sentiments, et ces derniers prenaient le pas sur lui. Sa voix se brisa lorsqu'il évoqua sa vision de Talwyn et le retour à la réalité, dont il avait du mal à se rappeler. Puis, il se tut.
Un long silence s'ensuivit. Rhivan avait l'air en colère, et Clank affichait une expression pensive, ne sachant comment s'exprimer.
- Merci, Ratchet, finit par dire le robot en le fixant de ses yeux verts. Au nom de tous ceux qui seront sauvés grâce à ce que tu as fait.
- Et il y en aura, renchérit Rhivan. Tu as découvert leur plus grand point faible.
- Ah oui ? dit Ratchet en s'essuyant le visage. Lequel ?
- Les adversaires les plus redoutables sont ceux qui te jugent à ta juste valeur. Les Lokis nous sous-estiment. Dès lors, ils nous laissent une ouverture pour leur faire regretter leur arrogance. Et plus concrètement... il y a encore beaucoup d'inconnues, mais tous leurs objectifs et leurs forces semblent centrés sur leur planète. D'après ce que tu nous as dit, leur puissance était décuplée à proximité de ce "Cœur", c'est ça ?
- Oui, je... Il se sentait plus fort avant la destruction de Toranux.
- Et qu'en est-il de cet « Unique » ? le questionna Clank. Te souviens-tu de son apparence ? Ou... de la leur ?
Ratchet essaya de se rappeler. Cependant, si l'image du Cœur et du Loki étaient parfaitement nettes, celle de l'Unique paraissait trouble. Comme si ce dernier avait trouvé le moyen d'entrer dans sa tête pour effacer ce souvenir. Le Lombax s'agita en regardant tout autour du lui. Il n'était peut-être pas loin...
- Ratchet, il y a un problème ? demanda Rhivan.
- Je... Non, ce n'est rien. Désolé, Clank. Je n'arrive pas à m'en souvenir. Je ne sais même pas s'il est seul ou s'ils sont réellement des milliers...
- On s'en contentera, trancha le vieux Lombax. Clank, tu as bien enregistré toute notre conversation ?
- C'est exact, opina le robot. Je consignerai toutes nos informations sur un rapport, que nous pourrons remettre aux autorités galactiques dès notre retour. Mais je pense que le repos de Ratchet reste notre priorité.
- Hors de question, rétorqua l'intéressé. J'ai dit à Talwyn que nous serions à Meridian City dans cinq jours, et je nous ai déjà fait perdre suffisamment de temps.
Sur ces mots, Ratchet sauta de son lit. Il fut pris d'un léger vertige quand ses pieds touchèrent le sol, mais il n'en laissa rien paraître.
- Qu'est-ce qu'on attend ?
Clank le fixa quelques secondes, puis soupira. Il connaissait trop bien son ami.
- Très bien, lâcha-t-il. J'ai quelques affaires à régler avec Sigmund. Je vous rejoindrai plus tard.
- On préparera le départ en attendant, lui répondit Ratchet alors que le robot quittait la pièce.
- Les Zonis peuvent aider les Tharpods, lui dit Rhivan quand Clank eut refermé la porte. J'ai un service à te demander.
- De quoi s'agit-il ?
- J'aimerais que tu remontes dans une de ces chambres mnémoniques.
Ratchet sentit aussitôt une puissante répulsion venue du fond de son esprit. Un frisson glacé remonta le long de son échine.
- Et... pourquoi, au juste ? demanda-t-il dans un souffle, la gorge nouée.
- Je veux te montrer quelque chose. Dans ma tête. Ça ne durera pas longtemps et je t'assure que tu ne risques rien. Mais j'ai besoin que tu me fasses confiance.
Luttant contre tout son être qui lui criait de refuser, le Lombax parvint à articuler une réponse.
- D'accord, Rhivan. Je te fais confiance.
***
Il était à nouveau allongé sur le sable. Ses sens aussitôt piqués au vif, il bondit sur ses pieds, vêtu d'une armure lourde et des premières armes qui lui avaient traversé l'esprit. Il faisait encore nuit, les dunes étaient éclairées par une lune invisible. Les constructions au loin, pourtant si familières, lui inspiraient un sentiment d'inconnu et d'hostilité. Pourquoi faisait-il toujours si sombre ?
Ratchet souhaita aussitôt quitter ce monde cauchemardesque. Mais il devait faire confiance à Rhivan. Il balaya l'horizon du regard, à la recherche de son ami.
- Je suis là, dit une voix derrière lui.
Le Lombax fit volte-face et braqua son Combustor sur Rhivan.
- Comment je sais que c'est vraiment toi ? l'interrogea-t-il.
- C'est simple, répondit son interlocuteur en écartant les bras, comme pour signifier une évidence. Tu ne peux pas. Comment être sûr que tout ce que je te raconte ne sont pas des fadaises inventées par ton subconscient ? Et comment être même sûr que ce sable que nous foulons existe ?
- Et pourtant, nous marchons dessus, comprit Ratchet.
- Exactement. Garde ce genre de question pour les philosophes, et contente-toi de l'instant présent. Avant la Grande Guerre, quelques théoriciens s'étaient penchés sur la question du pays des rêves, et des possibles répercussions qu'il avait sur notre réalité. À ton avis, qu'ont-ils conclu ?
Ratchet fit disparaître son arme et baissa les yeux sur l'infinité de minuscules grains sous ses pieds. Il sentait leur contact sur ses semelles, les irrégularités dans leur disposition. L'air frais passait dans sa fourrure, et le frisson qu'il ressentit lui rappelait les fraîches nuits passées à la belle étoile, sur Veldin. Tout avait l'air si... tangible. Au fond de lui, il savait que rien de tout cela n'était réel. Mais était-ce vraiment important ? Il savait que Rhivan ne voulait pas d'une réponse hasardeuse. Il réfléchit longuement, soutenant le regard du vieux Lombax. Il repensa à la terrible épreuve qu'il avait affronté la veille. À sa rencontre avec ses amis disparus. Et la conclusion lui sauta aux yeux.
- On doit faire de notre mieux, quoi qu'il arrive, affirma-t-il d'un ton déterminé. Aucun monde ne mérite moins de dévouement qu'un autre.
- Bien vu, répondit Rhivan en souriant. Je suis convaincu que tu le feras. En attendant, regarde autour de toi.
Interloqué, Ratchet balaya de nouveau l'horizon, sans remarquer de changement particulier. Mais progressivement, le paysage se modifia. Les étoiles se mirent à descendre derrière les dunes, tandis qu'un soleil radieux se levait de l'autre côté. Le sable s'écoula et s'entassa, se transformant en terre et en poussière. Un pavage régulier se forma sous leurs pieds. Des plaques de béton émergèrent du sol, construisant une longue route. De chaque côté, des bâtiments de tailles et de formes diverses grandirent, accompagnés par des rangées d'arbres et de bacs remplis de fleurs issues d'espèces que Ratchet n'avait jamais vues. Ils se trouvaient dans une place circulaire, construite autour d'une immense sculpture en mouvement, représentant un système stellaire.
Et soudain, le jeune Lombax réalisa où il se trouvait. C'était Fastoon, précisément dans la rue où il s'était installé avec Clank et Rhivan !
Au loin, l'Académie des Sciences se dressa, épaulée par d'immenses tours aux façades d'albâtre. Ratchet, le regard tourné vers le ciel, contemplait la multitude de vaisseaux, plus ou moins semblables à Aphélion, qui dansaient au milieu des nuages dans un ballet infini. Il baissa les yeux vers Rhivan, bouche bée, et s'aperçut enfin de ce qui lui avait échappé : des Lombaxs ! Des dizaines - non, des centaines - de Lombaxs marchaient et couraient tout autour d'eux, certains en plaisantant, d'autres en se disputant, le tout dans un brouhaha collectif digne des grandes avenues de Kerwan. Les passants paraissaient ignorer leur présence, comme dans certains programmes d'holovision en réalité virtuelle.
- C'est...
Ratchet ne trouvait pas les mots. Tout était si vivant ! Il avait du mal à se convaincre que cette planète verdoyante était devenue le champ de ruines stériles qu'il connaissait.
- Rhivan, reprit-il, c'est toi qui as fait tout ça ? C'était avant la Chute ?
- Encore plus loin, répondit le vieux Lombax, les yeux brillants d'émotion. Ces souvenirs remontent à mon enfance, avant la Grande Guerre. Fastoon était la plus belle planète de la galaxie. Notre civilisation rayonnait. C'était un havre de paix et de progrès.
- Et que lui est-il arrivé ?
- La guerre lui a fait perdre son éclat. Les Cragmites sont plusieurs fois parvenus à progresser jusqu'ici, avant que nous réussissions à les repousser. C'était sans fin. La ligne de front ne cessait d'avancer, dans un sens ou dans l'autre. Ce conflit a duré presque cinquante ans, Ratchet. Personne n'en est sorti indemne. Après la guerre, alors que la galaxie œuvrait à se reconstruire, nous n'étions plus que l'ombre de nous-mêmes. Tout le monde, pas seulement les Lombaxs, était devenu égoïste. Nous avions démontré notre puissance, et nous étions craints par ceux pour qui nous avions combattu. Personne ne voulait admettre que la confiance et la coopération étaient le seul moyen d'avancer, et tout le monde s'était mis à renforcer ses frontières tout en signant des traités d'alliance. La guerre avait morcelé la galaxie au lieu de la consolider. C'est pour cela que je suis parti. Je ne supportais plus tous ces faux-semblants. Et puis il y a eu la Chute...
Son regard s'assombrit.
- C'est ce qui a réellement uni Polaris, cracha-t-il. Un ennemi commun, et la peur de finir comme les Lombaxs.
Rhivan se tut et se dirigea vers un banc à l'ombre des arbres bordant la rue. Ratchet le suivit et s'assit à côté de lui, sans dire un mot. Pendant un long moment, ils observèrent les allées et venues des passant, spectateurs silencieux d'un monde hors de leur portée. Ratchet gravait chaque seconde dans son esprit.
- Rhivan, finit-il par dire, pourquoi me montrer tout cela ?
- Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, répondit calmement le vieux Lombax. Alors, je m'efforce d'éclairer ton passé. Tu le mérites amplement.
- J'aurais aimé qu'Alister soit là pour le voir...
Le visage du général, déformé par la folie et le regret, s'imposa à son esprit. Mais ce souvenir n'avait pas sa place ici. Il sortit la montre à gousset d'Azimuth de sa poche et l'ouvrit, révélant l'image de son père et de son meilleur ami, côtes-a-côtes, tous deux arborant un air assuré, comme s'ils étaient prêts à affronter l'univers tout entier.
- Ma mère me disait que la vie était comme un sentier, dit Rhivan en le regardant. Les racines sur lesquelles on trébuche nous aident à se souvenir qu'il y en aura plus loin. Mais si on se retourne pour regarder les précédentes, on risque de rater celles qui arrivent. Au final, il faut toujours regarder l'horizon, là où le sentier nous mène.
- Une femme bien sage, soupira Ratchet en refermant la montre. Je crois que nous sommes ici depuis presque une heure. On devrait... songer à partir. Les autres doivent nous attendre.
- Oui...
Rhivan se leva et admira encore la splendeur qui les entourait.
- Ces chambres mnémoniques sont des machines fabuleuses, dit-il d'un ton mélancolique. Et terriblement dangereuses.
- Nous n'en aurons bientôt plus besoin, déclara Ratchet avec fermeté. Les Lombaxs sont partis depuis bien trop longtemps. Quand nous en aurons fini avec cette guerre, nous trouverons un moyen de réparer le Dimensionnateur. Et nous rendrons à Fastoon l'éclat qu'elle mérite.
Le visage de son ami s'éclaira et se fendit d'un sourire.
- Alors c'est le moment de se battre.
***
Un nouvel impact secoua la station. Celui-là était bien plus violent que les autres, si bien que Blaze perdit l'équilibre et tomba en arrière. En s'appuyant sur un énorme câble d’alimentation installé à la va-vite, il se brancha sur la fréquence du poste de contrôle du hangar.
- Rapport d’avarie ! cria-t-il pour couvrir le hurlement de l'alarme de proximité.
« - Perte du bouclier anti-radiations dans l'aile G et du système de ventilation secondaire ! répondit l'officier des senseurs. Dégâts estimés à quatorze pourcents de l'intégrité totale de la station. »
- Où sont les secours ?
« - D'après les capteurs, ils sont plus qu'à neuf minutes-lumière, mais ils ne semblent pas se diriger dans notre direction. »
- Ils patrouillent. Essayez d'amplifier le signal de la balise.
« - Monsieur, ce n'est qu'une balise de navette, et le champ d'astéroïdes provoque des
interférences !»
- C'est une balise de détresse, bon sang ! fulmina le robot. C'est son boulot de leur donner notre position, catapultez-la dans l'espace s'il le faut mais faites qu'elle fonctionne !
Blaze coupa la communication. Il avait d'autres problèmes à gérer. Après deux jours à trimer pour faire fonctionner les navettes, il s'était rapidement rendu compte que ça ne suffirait pas. Seulement quatre véhicules étaient en état de voler, suffisamment pour embarquer tout ceux capables de se tenir debout mais pas assez pour emmener les blessés et le matériel médical. Ils entraient dans le champ d'astéroïdes, et ce n'était qu'une question de temps avant que la station soit détruite. Alors que le robot réfléchissait à une solution, l'officier des senseurs avait fait irruption dans la salle de réunion pour annoncer une nouvelle miraculeuse : un croiseur markazien avait été détecté dans le système. Malheureusement, ils ne disposaient plus de systèmes communication interplanétaire et n'avaient que peu de moyens de les contacter. De plus, l'arrivée de ce vaisseau avait mis le feu aux poudres.
Une douzaine de prisonniers avait profité d'une période de repos pour prendre d'assaut le hangar. Les quelques ingénieurs et membres de la sécurité ne faisaient pas le poids et furent mis hors d'état de nuire. Ils avaient aussi embarqué les criminels qui travaillaient sur les navettes à ce moment-là, et c'était un total d'une trentaine de prisonniers qui avait pris la fuite. Cependant, après quelques minutes de vol, alors que tous les occupants de la station s'étaient rassemblés dans le hangar pour contempler, impuissants, une navette à moitié pleine leur échapper, cette dernière avait explosé. Il pouvait s'agir d'une avarie moteur, d'une micrométéorite qui avait réussi à traverser le bouclier, ou encore d'un sabotage, Blaze n'en savait rien. Mais pour le reste des prisonniers, c'était clair : le robot avait mis ses menaces à exécution. Son meilleur discours n'aurait pu éviter l'émeute qui s'ensuivit.
La réaction en chaîne secoua toute la station, alors que tout le monde commençait à se tirer dessus. Le contrôle du hangar était primordial, et cette zone se transforma en champ de bataille. Blaze savait qu'ils n'allaient pas tenir longtemps dans cette position. Alors que le personnel organisait l'évacuation en bloquant l'accès des navettes aux criminels, le robot avait réussi à tirer Harlan à couvert. Il lui avait ordonné d'avertir les Forces Défensives de la possible invasion de Terachnos, avant de lui faire part de son plan et de s'extirper de la fusillade.
Il savait que les Prog allaient mettre leur plan d'évasion à exécution, ce qui l'arrangeait puisque l'activation d'un saut hyperspatial attirerait forcément l'attention du croiseur, qui pourrait remonter son empreinte énergétique jusqu'à la station. Cependant, il fallait absolument qu'il trouve un moyen de se glisser dans leur vaisseau. Leur peine de prison ne lui importait guère à ce moment, car ils avaient un moyen d'en savoir plus sur les plans des Lokis, et ces informations ne pouvaient en aucun cas être perdues. Alors qu'il remontait le long couloir de maintenance en direction de leur cachette, un nouvel astéroïde entra en contact avec la station. Un hurlement métallique résonna tout autour de lui alors que le choc le propulsait sur le mur opposé. Cependant, lorsqu'il se heurta à la paroi, il rebondit et se mit à flotter. Autour de lui, des dizaines de débris subissaient le même sort. L'impact avait dû endommager le générateur de gravité artificielle.
- Harlan ! appela-t-il par radio. Tout va bien ?
« - Rien de cassé, répondit le Cazar. L'évacuation est presque terminée, on s'apprête à lancer les navettes. »
- Et les prisonniers ?
« - L'impact leur a appris la valeur du partage, on dirait. La plupart des tirs ont cessé, ils essaient de s'entasser dans les deux navettes restantes. Quelques infirmiers les aident à embarquer les blessés. »
- Je vais m'arranger pour partir avec les Prog. Vous devrez tenir bon jusqu'à-ce que le croiseur vienne vous secourir.
« - Reçu. On n'a pas eu l'occasion de se dire au revoir en bonne et due forme, alors arrangez-vous pour rester en vie !»
- C'est noté. À la prochaine, Harlan.
Blaze coupa sa radio. Il approchait de la cachette des jumeaux. Bien que couvert par les nombreux incendies qui s'étaient déclarés un peu partout, il réduisit ses émissions infrarouges au minimum, désactiva tous ses voyants lumineux et avança aussi discrètement que possible dans le couloir, l'absence de gravité lui permettant de ne pas toucher le sol. Un peu plus loin, il entendait le vrombissement d'un moteur. Il n'avait pas de temps à perdre. Prudemment, il contourna le dernier conduit qui le séparait des Prog.
Le petit vaisseau était toujours là, baigné dans une lumière rouge, ses ailes toujours repliées contre la coque. Les jumeaux étaient introuvables. Ils avaient dû déjà monter à bord. D'après le son qu'émettait le moteur, le décollage était imminent. Il s'approcha de la turbine. Le blindage était incomplet à l'exception du cockpit, et une grande partie du moteur était exposé à nu, seulement protégé par le bouclier déflecteur. Conçu pour stopper les décharges énergétiques et les rayonnements, il ne pouvait l'empêcher de passer. Il trouva un espace étroit sous le réservoir de gélatonium. En se repliant en "mode rangement", il put se glisser dans cette cachette de fortune. Il activa ses attaches magnétiques pour s'arrimer solidement, alors que le vaisseau commençait à décoller. Maintenant, il fallait espérer qu'il n'avait pas surestimé l'ingéniosité des Prog et qu'ils n'explosent pas en plein vol. Mais, d'une certaine façon, il leur faisait confiance.
Le vaisseau avança le long du conduit en frôlant dangereusement les bords. Mais avec l'imposante carrure de Neftin, ils n’auraient pas pu faire moins large. Blaze s'étonna de ne sentir aucune secousse. Avec le champ d'astéroïdes, les impacts sur la station auraient dû provoquer des collisions...
Puis il distingua sur la paroi rouge vif des reflets d'un violet irisé, comme s'ils se trouvait à l'intérieur d'une géode d'améthyste. Ce devait être Vendra qui protégeait le vaisseau. Après plusieurs minutes, ils émergèrent du labyrinthe de conduits et sortirent par la bouche d'évacuation principale. Le spectacle du vide spatial s'offrit à lui. En bougeant légèrement la tête, il put distinguer du coin de l'œil les navettes qui s'éloignaient de la station en perdition. Il espérait que tout le monde avait pu évacuer, mais il ne pouvait les contacter sans risquer d'être découvert.
Le vrombissement du moteur s'intensifia, et le générateur hyper-luminique se mit en marche. Parfait. Plus ils sauteraient proches de la station, plus le croiseur pourrait facilement retrouver les navettes. Blaze sentit une vive accélération, et le firmament fut soudainement remplacé par le tourbillon énergétique du tunnel hyperspatial.
Il était accroché au moteur d'un vaisseau de fortune, en compagnie des deux criminels les plus dangereux de la galaxie, et désormais en route vers une destination qu'il ne pouvait qu'espérer connaître.
***
Keirra et Griffin sortirent du bureau du commissaire Meryl.
- Alors, dit la Markazienne d'un air nonchalant, vous voilà enfin débarrassé de moi !
- Vous avez fait du bon boulot, Eldren, répondit Griffin très sérieusement. Grâce à vous, je devrais pouvoir me débrouiller pour la suite.
- Venant de vous, c'est un véritable honneur.
Le Terachnoïde s'autorisa un sourire en coin.
- Et vous ? demanda-t-il en désignant le bras en écharpe de Keirra. Vous êtes seulement sortie de l'hôpital ce matin, et vous y êtes restée à peine une journée.
- Pour un bras et huit côtes cassées, et un genou déboité... Mise à pied pendant deux semaines, répondit-elle en grimaçant. Ensuite, retour au front, j'imagine.
- Ça vous laisse du temps pour souffler.
- Si vous le dites... Je serai toujours joignable si vous avez besoin d'un mannequin de crash-test.
- Je devrais m'en sortir sans, dit Griffin en serrant la main que Keirra lui tendait. À une prochaine fois.
- À bientôt. On célèbrera notre victoire autour d'un verre.
La Markazienne jeta son sac par-dessus son épaule et se dirigea vers la sortie, en boîtant légèrement sur sa jambe gauche, encore maintenue par une attelle. Griffin l'observa jusqu'à-ce qu'elle tourne au coin d'un mur, et partit dans la direction opposée, vers le laboratoire d'analyse.
Les trois Lokis, après s'être assurés que leurs hôtes ne couraient aucun danger, avaient été placés en stase, en attendant de trouver un moyen de les séparer. La carcasse de leur véhicule reposait dans le laboratoire, suspendue dans un champ antigravité. Griffin dut passer un sas de décontamination et enfiler une tenue spéciale pour s'assurer qu'aucune pièce à conviction ne soit altérée. D'autres Terachnoïdes s'affairaient déjà à désosser la voiture, à la recherche d'un quelconque indice permettant de remonter au mystérieux hacker qui avait fait rentrer les Lokis dans le Muséum.
- Comment ça se présente ? leur demanda-t-il après les avoir salués.
- Nous venons d'attaquer le tableau de bord, répondit l'analyste en chef. Les pièces déjà extraites sont en cours d'analyse.
- Puis-je les voir ?
- Bien sûr. Suivez-moi.
Il guida Griffin jusqu'à une salle voisine. Sur une immense table étaient étalés toutes sortes d’éléments : une plaque d'immatriculation, des restes de bobine antigrav, un volant tordu...
Il parcourut l'ensemble du regard. Les pièces étaient pour la plupart brûlées ou cabossées, et contrastaient fortement avec le laboratoire aux parois d'un blanc immaculé.
- Vous n'avez pas encore récupéré l'ordinateur de bord ?
- Si, mais il a été endommagé par le crash. Ses données sont en cours de récupération, mais les chances d'altération sont assez élevées.
- Je vois...
Ses yeux couraient sur les pièces, cherchant à les relier d'une manière ou d'une autre. Mais il s'agissait visiblement d'une voiture tout à fait banale. Les secrets des Lokis résidaient sûrement quelque part dans la mémoire de l'ordinateur. À moins que...
- Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda-t-il en pointant ce qui ressemblait à un morceau de moteur.
- Nous ne sommes pas encore fixés, répondit l'analyste en saisissant l'objet pour lui tendre. Nous pensons qu'il s'agit d'une amélioration de moteur illégale.
- Quelle provenance ?
- Inconnue. Ces nano-gravures sur la partie centrale brouillent les analyses par IA à l'aide d'un cryptage tout-à-fait inédit.
Griffin fit tourner la pièce entre ses mains pour l'observer sous tous les angles. Il était certain d'avoir déjà vu un dispositif de ce genre auparavant. Mais où ?
- Vous avez une idée ? l'interrogea l'analyste.
- Pas vraiment... mais je sais où me renseigner. Je peux vous l’emprunter ?
- C'est vous le responsable de l'enquête. Mais nous aimerions procéder à quelques diagnostics supplémentaires avant de vous la confier.
- J'attendrai.
Griffin retourna dans son bureau pour patienter. Il en profita pour peaufiner son rapport sur l'agitation de la veille. Si Eldren avait réussi à attraper les Lokis, la course-poursuite qui avait précédé leur capture avait causé de nombreux dégâts matériels, et généré la tonne de paperasse dont il devait maintenant s'encombrer. Quelques heures s'écoulèrent avant que l'un des analystes ne lui apporte la pièce, soigneusement emballée dans un sachet hermétique.
L'inspecteur rangea son précieux paquetage dans un sac à dos, mis son arme à sa ceinture et quitta le commissariat. Un voyage en taxi plus loin, il était dans la Cité des Affaires. Même si, à l'échelle de Meridian City, ce n'était rien de plus qu'un quartier, son immensité lui avait valu cette dénomination. À perte de vue, des tours vertigineuses faisaient la course jusqu'au ciel. Les sièges des plus grandes entreprises de la galaxie se trouvaient ici, dans ce centre presque plus influent que le noyau politique d'Iglak. Un flot incessant de véhicules et de piétons pressés se déversait nuit et jour dans cette fourmilière. Griffin dut jouer des coudes pour se frayer un chemin au milieu des voies surpeuplées. Mais là où il allait, la foule se faisait moins dense. Comme partout sur la planète, la zone située juste au-dessus des nuages servait de base industrielle. Dans cette couche discrète et peu peuplée, les hors-la-loi se sentaient comme chez eux.
Il savait que son informateur se trouvait sur Iglak, et connaissait ses habitudes. Il se rendait toujours dans le même coin, à L'Étoile Binaire, un bar modeste où aimaient se réunir toutes sortes d'individus... plus ou moins recommandables.
L'établissement se trouvait dans une rue des bas-fonds, là où la brume ne s'estompait que rarement. Il faisait sombre, même si le soleil était encore haut dans le ciel. Griffin avança en se fiant aux marquages lumineux sur le sol, en prenant garde aux zones d'ombre. Il finit par repérer au loin l'enseigne lumineuse du bar et ce dirigea vers l'entrée. Mais au moment où il posait la main sur le bouton d'ouverture, un bruit attira son attention. Des cris.
Il suivit le son jusqu'à une ruelle proche, plongée dans l'obscurité. Un véritable coupe-gorge. Griffin glissa un coup d'œil pour voir de quoi il en retournait, et constata qu'une agression était bel et bien en cours : recroquevillé au sol, un robot civil se faisait rouer de coups par trois Markaziens encapuchonnés et armés de lourdes barres de métal. Ses suppliques ne faisaient que rendre les coups plus violents.
Sans réfléchir, Griffin dégaina son arme.
- Hé ! beugla-t-il. Plus personne ne bouge !
Les agresseurs, surpris, firent volte-face et de retrouvèrent nez-à-nez avec l'inspecteur. Chacun portait un masque montant jusqu'en-dessous des yeux. Avec le manque de visibilité, son logiciel de reconnaissance faciale ne parvenait pas à déterminer leur identité.
- T'es qui, toi ? demanda l'un d'eux.
- Ce sont mes affaires, répondit Griffin en levant son revolver plus haut pour le mettre en évidence dans la pénombre. Dans les bas-fonds, son arme lui serait plus utile que sa plaque d'inspecteur. Jetez ça immédiatement !
Les Markaziens échangèrent des regards incertains, mais aucun ne lâcha sa barre de fer. Griffin campait sur sa position, et jugea ses chances de succès en cas d'affrontement. Il pourrait sûrement en assommer deux avant qu'ils ne franchissent la distance qui les séparait, mais le troisième arriverait jusqu'à lui. Une fois au corps-à-corps, il n'aurait aucune chance, et s'il reculait maintenant pour se donner plus de temps, il se mettrait en position de faiblesse.
- Dernier avertissement ! dit-il d'une voix moins assurée qu'il l'aurait voulu. Jetez vos armes !
L'un des agresseurs fit mine de se baisser pour déposer sa barre, mais son bras fit soudain un grand mouvement et la barre fila droit vers lui. Griffin leva les bras devant son visage pour se protéger, mais ce n'était pas suffisant pour couvrir son énorme tête, à la fois meilleur atout et pire handicap de son espèce. Le projectile le frappa à la tempe. Une vive douleur explosa dans son crâne et des étoiles rouges dansèrent devant ses yeux. Étourdi, il tira sur l'un des deux Markaziens qui le chargeaient, qui s'écroula au sol, paralysé. Malheureusement, il était trop lent pour s'occuper du second, qui s'apprêtait à lui asséner un nouveau coup. Mais soudain, ce fut comme si un éclair était tombé dans la ruelle. Un flash bleu, accompagné d'un coup de tonnerre. La barre de fer que le Markazien avait levé au-dessus de sa tête fut éjectée de ses mains par la force de l'impact, qui lui arracha un cri de douleur, alors que les deux morceaux chauffés à blanc retombaient au sol dans un tintement métallique. Griffin se retourna pour repérer l'origine du tir. À une dizaine de mètres, par là où il était arrivé, une longue silhouette tenait en joue une lourde carabine à plasma, au canon encore fumant.
- J'ai l'habitude de chasser le Grunthor avec ces cartouches, dit l'homme d'une voix rauque. M'obligez pas à en gaspiller une autre.
Sur ces mots, il réarma un nouveau projectile, son arme émettant un claquement sonore. Les trois Markaziens, peu sûrs d'eux, firent un pas en arrière, puis un autre, et finirent par s'enfuir au coin de la ruelle sans laisser d'autre traces que les barres métalliques, abandonnées derrière eux. Griffin, soulagé, massa sa tempe douloureuse et se rapprocha de la victime. C'était un robot civil, ne portant aucun signe particulier. Son châssis était tordu par les coups, un de ses yeux clignotait faiblement et son avant-bras gisait au sol, les câbles arrachés crachotant quelques étincelles.
- Ça va aller ? demanda le Terachnoïde en l'aidant à se relever.
- Je crois, répondit faiblement le robot.
- Il faut l'emmener dans un centre de réparation, dit Griffin en se tournant vers la silhouette, qui n'avait pas bougé. On se retrouve au bar ?
L'homme hocha la tête et quitta la ruelle. Le robot, bien que boitillant, pouvait marcher, et Griffin le guida jusqu'à un taxi. Après avoir indiqué sa destination à l'IA de la voiture, ils partirent vers un centre de réparation situé un peu plus loin dans la Cité des Affaires.
- Vous avez une idée de ce qu'ils vous voulaient ? demanda-t-il au robot.
- Pas vraiment. Je crois qu'ils voulaient juste me frapper, ou... me détruire répondit-t-il d'une voix chevrotante.
- J'imagine qu'ils ne se sont pas présentés.
- Oui, mais ils clamaient faire partie d'un groupe. Les "Enfants de Quantos".
Griffin soupira. Encore eux. Rien que durant la journée à l'hôpital d'Eldren, on lui avait rapporté plusieurs cas de manifestations et d'agressions un peu partout en ville. Visiblement, ce mouvement s'étendait de plus en plus et ses membres avaient décidé de passer à l'action. Un rapide message au poste de police du coin lui permit de s'assurer que le pauvre bougre serait surveillé à distance pour quelques temps, au moins jusqu'à-ce que la situation se détende. Il le laissa au centre de réparation et répartit à L'Étoile Binaire pour y retrouver son contact.
Ce dernier s'était installé dans un des salons privés du bar. Un videur le fit patienter, leur invité étant déjà en rendez-vous. Sachant que cela pourrait être long, Griffin s'installa au comptoir et prit un verre. L'alcool étant particulièrement nocif pour les Terachnoïdes, il se contenta d'un soda aux couleurs exotiques. Le goût du sucre, plus addictif que n'importe-quelle drogue qu'il avait eu l'occasion de saisir au cours de sa carrière, le détendit malgré l'ambiance peu accueillante qui régnait dans la salle : il faisait sombre, les tables étaient soigneusement éloignées les unes des autres pour garder les conversations privées, et tout le monde se regardait comme si leur voisin allait les dénoncer à la police. S'ils avaient su qui était assis au comptoir...
Les autorités faisaient régulièrement des descentes dans ce genre d'établissement louche, mais tous ces trafiquants et contrebandiers avaient un talent fou pour leur glisser entre les doigts. Elles se contentaient alors de ceinturer ce genre d'activité pour éviter les débordements et surveillaient soigneusement tous les échanges conclus entre ces murs. Griffin avait fini par accepter cette condition. Peut-être que la pègre était un mal nécessaire...
Il achevait de siroter sa boisson lorsque la porte du salon privé s'ouvrit, laissant sortir un Cazar à l'air mauvais. Le rendez-vous n'avait pas dû bien se passer, mais le petit paquet qu'il dissimulait dans les poches intérieures de son manteau ne lui inspirait guère confiance. Il fit discrètement passer son signalement au commissariat, qui enverrait quelques agents pour s'occuper de son cas, et passa à côté du videur pour entrer dans le salon.
Ce dernier était encore plus sombre que le reste du bar, la petite pièce ronde étant seulement éclairée par une lampe placée au milieu de la table. Assis sur la banquette circulaire, les pieds croisés sur la table, le contrebandier qu'il recherchait le dévisageait de son seul œil valide, caché sous son chapeau à larges bords. Un oiseau aux couleurs vives, pas plus gros que son poing, était posé sur son épaule, les pattes enfoncées dans son gilet en cuir de Troglosaure. Sa longue carabine était posée sur la banquette, à portée de main.
- Je vous en prie, inspecteur, dit-il en courbant l'échine dans un geste de politesse exagéré, installez-vous.
- Pourquoi m'avez-vous aidé dans la ruelle ? demanda Griffin en s'asseyant en face de lui.
- Oh, pas le temps pour les politesses à ce que je vois. Vous devez être pressé.
- Vous n'avez pas répondu à ma question.
Le contrebandier se pencha sur le côté pour saisir une bouteille sous la table. Il esquissa un geste d'invitation en direction de Griffin, qui refusa. D'un air résigné, il se servit un verre et en dégusta une longue gorgée.
- Désolé, toutes ces négociations m'assèchent la gorge. J'apprécie toujours de venir au secours d'un ami en difficulté.
- Client, vous voulez dire.
- Tous mes clients sont mes amis, répondit le contrebandier en haussant les épaules. Même les inspecteurs de police. Qu'est-ce qui vous amène ?
Sans plus de cérémonie, Griffin déposa le paquet contenant la pièce sur la table.
- Je veux savoir ce que c'est et d'où ça vient.
Une étincelle brilla dans l'œil jaune du hors-la-loi, subitement intéressé. Il se redressa sur la banquette, remit les pieds sous la table, et extirpa l'objet du sac. L'air concentré, il l'inspecta sous tous les angles, sans dire un mot. Sur un geste de la main, son oiseau sortit une petite loupe de joaillier qu'il déposa dans sa paume. Il s'en servit pour examiner les marques qui avaient embrouillé l'IA du laboratoire d'analyse. Finalement, il déposa délicatement la pièce sur la table, et fixa Griffin dans les yeux.
- Où avez-vous trouvé ça ?
- Sur une voiture pilotée par des Lokis, mais vous êtes déjà sûrement au courant. Pourquoi cette question ?
- Je n'en avait vu qu'un seul auparavant. Il s'agit d'un dispositif d'omni-camouflage. Celui-ci est assez endommagé, mais quand ça marche, c'est capable de bloquer ou dévier tout type de rayonnement : infrarouges, gamma, radio, lumière visible... rien ne passe. On peut rendre n'importe-quel véhicule totalement invisible à tout moyen de détection. J'ai même entendu dire que ça pouvait effacer l'empreinte énergétique d'un passage en hyperespace.
Voilà qui élucidait le problème des déplacements des Lokis autour du Muséum. Cependant, il restait une question en suspens :
- Avez-vous une idée de sa provenance ?
- Oh oui, répondit le contrebandier en souriant. Très claire, même. Cependant, il s'agit d'une information top-secrète. Elle peut valoir une certaine somme...
- Combien ? demanda Griffin, qui avait prévu le coup. Rien n'était jamais gratuit avec lui.
- Et bien, c'est une somme assez conséquente, dit-il en se frottant le menton. Probablement plus que ce que vous êtes prêt à m'offrir... Quoique, cette simple pièce de métal devrait largement suffire.
Il désignait le dispositif d'invisibilité. Griffin hésita. Lui confier un tel gadget serait dire adieu à tout contrôle sur ses activités... Mais d'un autre côté, il était souvent d'un grand secours à ceux qui était prêts à y mettre le prix... Et il avait besoin de cette information, coûte que coûte.
- Ça marche, répondit-il en poussant le paquet vers le contrebandier. Alors, où peut-on en trouver ?
Avec un sourire satisfait, l'homme s'empara du dispositif et le rangea dans son sac. Puis il se pencha vers Griffin, comme s'il craignait qu'on les entende.
- Écoutez-moi bien attentivement. Ces dispositifs sont des produits de très haute technologie, il n'en existe que cinq dans toute la galaxie, et à ma connaissance, ils sont tous installés sur les chasseurs de reconnaissance Pénombre. L'existence de ces vaisseaux n'est connue que d'une poignée de personnes, au sommet des plus hautes instances du gouvernement et de l'armée. Je ne sais pas comment celui-là s'est retrouvé entre les mains des Lokis, mais je vous conseille de faire attention pendant la suite de votre enquête. Tout le monde au gouvernement n'est peut-être pas celui qu'il prétend être.
***
Les flots colorés de l'hyperespace furent soudain remplacés par le firmament constellé d'étoiles. Blaze ne parvint à mettre aucun motif en corrélation avec ses bases de données, et en conclut qu'ils devaient se trouver dans un système désert. Il sentit que l'accélération de petit vaisseau s'inversait, mais n'avait aucune visibilité sur ce qui se passait devant l'appareil. Il pouvait en revanche voir ce qui se trouvait dessous. Petit à petit, les formes irrégulières d'un planétoïde rocheux se profilèrent sous ses yeux, suivies par une plateforme d'atterrissage. Alors que les ailes se repliaient le long du fuselage et que les trains émergeaient de la coque, le robot risqua un coup d'œil en dehors de son abri. Non loin de la plateforme était posé un cargo itinérant Vullard, reconnaissable à son allure de camion de l'espace, tout en blocs massifs et dont la coque usée était recouverte de traces de divers déchets et de parasites spatiaux. Ce genre de véhicule était muni d'un générateur d’atmosphère : un champ de force invisible maintenant un air respirable à l'intérieur tout en laissant passer les objets plus denses et en bloquant, dans une certaine limite, les rayonnements solaires nocifs. Vue depuis l'extérieur, cette fine bulle d'air parvenait tout de même à capter un peu de la lumière de la naine rouge qui trônait au centre du système, faisant apparaître un léger halo marquant la limite du champ de force.
Le vaisseau des jumeaux atterrit en douceur, et ses passagers en débarquèrent. Blaze entendit Neftin prendre une longue inspiration.
- Enfin ! jubila-t-il. Ce n'est pas encore une planète, mais ça change de l'air recyclé de Vartax.
- Nous serons bientôt sur une vraie planète, dit Vendra d'une voix que Blaze trouva étrangement tendue.
La porte du cargo s’ouvrit alors, révélant son propriétaire, que Blaze parvenait à discerner par les trous de la coque inachevée de leur navette : un Vullard à l'air tout aussi usé que son vaisseau. Le marchand avait à peine mis un pied dehors quand il aperçut les deux criminels qui lui faisaient face. Il fit aussitôt demi-tour, cherchant précipitamment à s'enfermer dans son vaisseau, mais Vendra tendit simplement la main et le pauvre Vullard se retrouva emprisonné dans la même bulle violette dans laquelle il s'était retrouvé, quelques jours plus tôt. Elle le fit lentement flotter jusqu'à elle et murmura quelques mots à son oreille. Blaze ne put entendre ce qu'elle lui avait dit, mais la bulle disparut et le Vullard chuta lourdement au sol. Il se releva lentement et se dirigea de sa démarche pataude vers la soute de son cargo, qu'il ouvrit. Il en extrait une pompe à gélatonium qu'il déroula jusqu'au vaisseau.
Blaze se rendit alors compte que le réservoir de carburant était juste à côté de sa cachette. Le Vullard allait forcément le voir, et replié comme il était, il aurait du mal à agir physiquement. Alors qu'il approchait, Blaze hésita à se détacher pour se cacher de l'autre côté de la coque, mais n'osait bouger un doigt, de crainte d'alerter les Prog. Le marchand brancha la pompe au vaisseau, et baissa les yeux sur son écran. Alors qu'il s'apprêtait à activer le transfert de gélatonium, il remarqua un détail insolite : un robot était accroché sous le moteur. Sous son masque de respiration, les Vullards étant peu adaptés aux atmosphères différentes de la leur, Blaze pouvait deviner son air étonné. Il tenta de secouer légèrement la tête en le fixant dans les yeux, l'air de dire "Ferme-la et fais ton job !".
- Alors, qu'est-ce que tu attends ?
La voix puissante de Neftin le fit sursauter. Le géant se rapprocha du vaisseau et prit la tête du Vullard entre son pouce et son index pour la faire tourner de force vers lui.
- Qu'est-ce que tu as vu ?
- Mais rien du tout, répondit le marchand d'une voix chevrotante, autant déformée par le respirateur que par la peur. Il faut juste un peu de temps pour liquéfier le gel...
Visiblement, le mensonge ne prit pas, car Blaze fut saisi par une immense main quelques secondes plus tard et fut contraint lâcher le vaisseau pour ne pas se faire arracher les bras. Neftin le tira de sa cachette et le souleva à sa hauteur.
- Encore vous ! constata-t-il en le dévisageant d'un air féroce.
Il le tenait fermement, mais ses bras étaient libres. Un petit canon à plasma était caché dans son avant-bras. Il avait peut-être une chance de se débarrasser du frère avec un tir à bout portant. Sa sœur le réduirait en pièces, mais au point où il en était, il valait peut-être mieux tenter le tout pour le tout...
- Oui, encore moi, répondit-il avec flegme. "Autant essayer de gagner du temps", pensa-t-il. Je sais que vous allez sur Terachnos, je sais pourquoi et je sais que vous possédez des informations dont nous avons besoin.
- Hé bien c'est dommage, ricana Neftin, mais je crois bien que vous ne les aurez jamais.
Il commença à resserrer sa prise. Blaze sentit les plaques blindées de son abdomen se plier sous la pression. Aussitôt, sa main droite s'escamota et son bras s'ouvrit en deux, révélant le canon à plasma, pointant droit entre les deux yeux du géant.
- Je réagirai toujours plus vite que le tas de viande et de ferraille que tu es, Neftin Prog ! Dis-moi ce que je veux savoir ou ta sœur finira bientôt fille unique !
Sous la menace de mort imminente, son protocole de politesse, déjà bien altéré par le temps, avait volé en éclats. Neftin, surpris, arrêta de serrer, sans pour autant le relâcher. Les deux se fixaient désormais en chiens de faïence, attendant de voir qui agirait en premier.
- ASSEZ ! cria soudain Vendra d'un ton qui ne laissait aucune place à l'hésitation.
On aurait dit que l'air s'était chargé d'électricité. Même le Vullard, qui tentait de ramper pour se mettre à l'abri, se figea. Neftin déposa lentement Blaze à terre, sans le quitter des yeux, un air mauvais sur le visage.
- Toi ! déclara Vendra en désignant le Vullard. Coupe tes implants auditifs, termine le ravitaillement et retourne dans ton vaisseau. Je sens le moindre de tes gestes, et si tu t'approches de la radio, il ne restera de toi qu'un tas de cendres. Compris ?
Le pauvre marchand hocha la tête et s'exécuta précipitamment. Les Vullards n'étaient pas connus pour leur bravoure, et personne n'aurait osé défier cette « sorcière de l'espace ».
- Vous avez du cran, dit-elle en se tournant vers Blaze. Nous pouvons peut-être arriver à un arrangement équitable, qui éviterait toute effusion de sang. Qu'en dites-vous ?
Le regard du robot passa d'un jumeau à l'autre.
- Et quels sont les termes de cet arrangement ? demanda-t-il.
- Je vous dirai ce que je sais sur l'armada des Lokis. Vous aurez le droit d'envoyer un message aux Forces Défensives, codé et retransmis de manière à les empêcher de remonter jusqu'à nous. Libre à eux d'en faire ce qu'ils veulent. Et en échange, vous nous ferez entrer dans les entrepôts de stockage sécurisés de Pollyx Industries.
***
Harlan émergea difficilement du sommeil. Après s'être échappés de la station, les navettes avaient dû manœuvrer dans le champ de débris et d'astéroïdes entourant la station. Peu de temps après, un départ en hyperespace tout proche avait failli relancer les hostilités, mais les passagers s'étaient vite rendu compte que les trois appareils étaient toujours là. Harlan savait qu'il s'agissait du vaisseau des Prog, et espérait que Blaze avait trouvé un moyen d'y monter. Dans le cas contraire, son ami avait bien peu de chances de survivre.
Les deux navettes de prisonniers avaient rapidement changé de trajectoire pour sortir du champ d'astéroïdes. Leur pilote avait l'intention de faire de même, mais Harlan était parvenu à le convaincre que rester à proximité du sillage hyperspatial augmentait grandement leurs chances d'être retrouvés. De longues heures d'attente s'engagèrent alors. Sans autre matériel médical que le minimum vital, l'état des blessés ne s'améliorait pas. Heureusement, le croiseur markazien avait fini par les trouver. L'équipage les avaient récupérés et leur avaient prodigué les soins les plus urgents, avant d'envoyer tout un escadron de navettes et de chasseurs de reconnaissance à la recherche de survivants dans l'épave de la station et des navettes de prisonniers qui s'étaient enfuis. On lui avait dit que sans hyperpropulsion, ils n'iraient pas loin, mais il n'avait pas reçu de nouvelles depuis. Le croiseur les avait transportés jusqu'à l'une des stations orbitales de Terachnos, avant de repartir chercher le reste de son équipage.
À bord de la station, on s'était occupé d'eux. Les membres du personnel les plus en forme avaient été réassignés à la défense de la planète, mais tout le monde avait eu le droit à quelques jours de repos amplement mérités. Le médecin de bord de l'expédition de sauvetage avait identifié quelques blessures légères lors de leur récupération, mais surtout un sérieux manque de sommeil. On l'avait mis sous sédatifs pour faciliter la guérison, mais il se sentait encore plus fatigué. Il tourna la tête pour voir ce qui l'avait réveillé : dans le petit espace au-dessus de son lit qui lui servait de casier, son communicateur sonnait.
- Ici Harlan Jayx, j'écoute, dit-il en s'efforçant d'avoir l'air le plus réveillé possible.
- Ici le poste de communications, nous avons reçu une transmission prioritaire qui vous est destinée.
- Bien compris. J'arrive.
***
Dans la salle de réunion plongée dans la pénombre, l'enregistrement des caméras tournait en boucle sur l'écran holographique. Talwyn l'avait déjà regardé dans les moindres détails, et se concentrait plutôt sur les réactions de son invité.
Alphéus, chef de la tribu fongoïde de Quantos, contemplait la projection d'un air abasourdi. La veille, une manifestation extrêmement virulente des Enfants de Quantos avait tourné à l'émeute. La police avait été contrainte d'intervenir pour stopper les belligérants, et il y avait eu des blessés. C’étaient surtout des robots, cibles prioritaires des Enfants depuis le début de ce mouvement. Iglak avait, au cours de son histoire, souvent été la cible d'attaques extérieures pour son importance stratégique. Mais c'était la première fois depuis la fin de Tachyon que sa propre population se comportait ainsi. Le président Wencalas et le commissaire Meryl, bien qu'ils n'en soient pas à leur premier visionnage, avaient encore l'air mal à l'aise.
- Chef Alphéus, dit fermement Talwyn lorsque l'enregistrement fut terminé, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Avez-vous quoi que ce soit à voir avec ces événements ?
- A-Absolument pas, Amirale ! protesta vivement le Fongoïde. Nous autres vivons reculés, en totale harmonie avec l'univers que les Zonis nous ont offert. Je ne permettrais jamais une telle... barbarie !
- Peut-être qu'un des vôtres s'est montré un peu moins... pacifiste que vous quant à la portée de vos traditions ? suggéra Meryl. À moins qu'il ne s'agisse d'un membre d'une autre tribu, qui utiliserai le symbole de Quantos pour faire passer son message ?
- Je vous jure qu'il n'en est rien ! répliqua Alphéus. Aucun Fongoïde n'est impliqué dans cette histoire, ce ne sont... que des déformations, des diffamations !
Le président galactique regarda tour-à-tour Talwyn et Meryl, puis se pencha en avant, les coudes sur la table.
- Allons, calmons-nous. Chef Alphéus, les Fongoïdes, tout particulièrement les membres de votre tribu, ont toujours fait preuve d'une citoyenneté exemplaire, et nous n'allons pas tout remettre en cause pour l'unique raison qu'un groupe d'agitateurs a décidé de faire référence à vos traditions. Néanmoins, au vu des événements récents, nous devions faire la lumière sur cette histoire. Nous pensons que les actes des Enfants de Quantos n'ont rien à voir avec vous, et que la peur des Lokis a poussé certaines personnes vers des croyances absurdes, mais d'autres commencent à croire que les textes fongoïdes avaient réellement prévu notre destruction par les Lokis. Nous aimerions qu'en tant que chef connu et respecté dans la galaxie, vous faisiez usage de votre influence au travers des médias pour décrédibiliser les plus fanatiques et dissuader ceux qui seraient tentés de rejoindre le mouvement. Une sorte de contre-attaque médiatique, afin de limiter la violence.
Le chef croisa les bras et réfléchit. Alors que tout le monde attendait sa réponse, l'oreillette de Talwyn émit une alerte.
- Ici Apogée, répondit-elle à voix basse, une main sur l'oreille.
« - Amirale, ici la tour de contrôle du port spatial. Nous avons reçu une requête de communication urgente de l’Amirale Pallin, qui vous est adressée. »
- J'arrive tout de suite. Messieurs, dit-elle en se levant, désolée de devoir vous laisser, mais le devoir m'appelle ailleurs. Je me tiendrai au courant de vos décisions.
Elle les salua et sortit de la salle en pressant le pas. Arrivée dans son bureau, elle accepta la transmission. Le projecteur holographique fit apparaître la Cazare à la fourrure d'ébène qui gérait les Forces Défensives dans le secteur de Vela, ainsi qu'un autre Cazar plus jeune, au pelage roux et à l'air fatigué.
- Amirale Pallin, les salua Talwyn. Soldat.
« - Harlan Jayx, Madame, répondit le Cazar en la saluant à son tour. Vingt-huitième régiment de sécurité intérieure. »
« - Il fait partie des survivants de Vartax, Amiral, précisa Pallin. Nous les avons retrouvés il y a huit heures. Je vous transmettrai le bilan de l'opération de sauvetage dès le retour des derniers escadrons de reconnaissance, mais il semblerait que nous ayons un problème bien plus urgent à régler. Jayx, je vous laisse expliquer. »
« - À vos ordres, dit Harlan d'un ton nerveux. Amiral, j'ai reçu une transmission du robot de sécurité 8L-473BH-A112, surnommé Blaze. Il servait avec moi sur Vartax lors de l'attaque des Lokis. J'ai de bonnes raisons de croire qu'il s'est infiltré parmi les lignes ennemies, mais il n'a pu fournir ni sa localisation ni d'informations sur sa source afin de ne pas compromettre sa couverture. »
- Je vois, fit Talwyn en s'appuyant sur le bord de son bureau, les bras croisés. Quelle est la nature du message ?
« - Le voici. »
Un second hologramme se matérialisa à côté du premier. Il s'agissait d'un simple texte :
Harlan, j'espère que tu t'en es sorti en un seul morceau et que ce message te parviendra. Dans le cas contraire, je m'en remets à vous pour le transmettre aux Forces Défensives, qui que vous soyez. Je t'avais averti que les Lokis allaient attaquer Terachnos. À présent, je sais où et quand : ils rassemblent une immense armada dans la Nébuleuse de l'Abysse. Je n'ai aucune idée exacte de leurs forces, mais ce sera suffisant pour dévaster la planète. Ils comptent frapper dans une vingtaine de jours, je ne peux pas être plus précis. Ce message contient les coordonnées exactes de leur flotte. J'espère qu'on se reverra bientôt.
Blaze
Talwyn prit un moment pour considérer ce qu'elle venait d'apprendre. Cette nébuleuse se trouvait dans le secteur Bernilius, éloignée d'à peine quelques milliers de parsecs de Terachnos. Si les Lokis lançaient leur attaque depuis là-bas, les renforts envoyés d'Iglak mettraient plusieurs heures à arriver. De plus, cet endroit portait bien son nom : aucun signal radio ne la traversait. De nombreux pirates se servaient de la nébuleuse pour semer les vaisseaux les poursuivant ou pour préparer des opérations clandestines. C'était l'emplacement idéal pour rassembler une flotte sans attirer l'attention. En assumant que cette information était fiable...
- Jayx, demanda-t-elle en se redressant, quelle certitude avez-vous sur l'authenticité de ce message ?
- ... Je pense que Blaze dit vrai, Madame, répondit le soldat avec conviction.
- Bien. J'enverrai un vaisseau de reconnaissance dans cette nébuleuse.
- Amirale, intervint Pallin, sauf votre respect, vous ne pensez pas qu'il puisse s'agir d'un piège ?
- Bien sûr que si, mais je vais prendre les précautions nécessaires. Vous avez fait du bon travail. Vous pouvez informer les autres survivants que nous ferons tout notre possible pour les soutenir.
- Oui, Amiral, dit Jayx en la saluant de nouveau. Merci, Amiral.
- Vous pouvez disposer. Fin de la conversation.
L'hologramme disparut, et Talwyn entra aussitôt en contact avec l'officier des communications.
- Ici Apogée. Mettez-moi en contact avec l’Amiral Ziering.
Après quelques minutes d'attente, la silhouette musclée du vétéran apparut devant elle.
- Amirale, commença-t-il en exécutant un salut parfaitement millimétré, signe de sa longue carrière. Que puis-je faire pour vous ?
- Amiral Ziering, répondit-elle. Je vais envoyer un chasseur Pénombre dans l'enclave secrète du secteur Bernilius. Je veux que vous l’envoyiez aux coordonnées que je vous communique pour une patrouille de reconnaissance.
- C'est en plein dans la Nébuleuse de l'Abysse, rétorqua le Markazien après un rapide coup d'œil sur les nombres qui s'affichaient devant lui. Et sur le territoire des Valkyries. Qu'est-il sensé y trouver ?
- Au mieux, des astéroïdes déserts. Au pire, une armada Loki. Et s'il la trouve, je vais avoir besoin de vous pour la réduire à néant.