Auteur : Arayn
- Donc si j'ai bien compris, c'est uniquement une question de temps ? Combien exactement ?
L'hologramme du Grumin se redressa, les paumes sur la table.
- Madame Apogée, répondit-il calmement, c'est la première fois depuis notre création que nous devons reconstruire un clone du directeur. Son génome est des plus complexes, et sans les données du Savant, nous sommes incapables de prévoir une quelconque durée. Je vous assure que nous faisons de notre mieux.
- J'espère bien, rétorqua Talwyn. Même en utilisant le plus possible de munitions paralysantes, nous commençons sérieusement à manquer d'armement. Les usines de GruminNet doivent redémarrer dans les plus brefs délais. Je vais encore augmenter les effectifs des Terachnoïdes qui vous aideront à recloner le directeur.
- Nous espérons pouvoir reproduire le chef-d’œuvre du Savant sous peu. Vous serez informée.
- Bien.
Talwyn mit fin à l'holoconférence et sortit de la salle à grands pas. Son agenda débordait de réunions et d'appels, sans oublier les Forces Défensives à gérer en permanence. Elle avait oublié la date de sa dernière nuit complète de sommeil. Elle entra dans son bureau, se laissa choir sur son siège et laissa son regard se perdre un instant dans le trafic incessant de Meridian City, tout en se remémorant la situation des Grumins.
Lors de la Grande Guerre, bien avant que les Lombaxs ne lancent la contre-attaque contre l'Empire cragmite, ce dernier avait déjà fait des ravages. Ils avaient annihilé les Grumins. Les rares survivants finirent tous par disparaître, sauf un : le Savant. Cet anonyme maître de la génétique était l'unique détenteur d'une technologie révolutionnaire. Il s'en servit pour créer des clones de lui-même avec pour chacun un génome rigoureusement écrit pour construite l'entreprise GruminNet, dont le rôle serait de défendre la galaxie. Sa dernière volonté sauva toute son espèce, bien que le clonage ait fait disparaître certaines qualités des Grumins. Depuis sa disparition, toutes les autres recherches sur le clonage furent des échecs. Le directeur de GruminNet était le seul à posséder ce génome, et son assassinat avait fait l'effet d'un caillou monumental coincé dans l'engrenage parfaitement organisé de l'entreprise. Heureusement, tous les gènes des employés avaient été copiés dans les archives pour éviter une disparition totale, mais il fallait quand-même reconstituer le directeur, ce qui prenait un temps fou...
Talwyn fut arrachée de ses songes par la sonnerie de son terminal de communications. Elle répondit à l'appel et vit le visage du Capitaine Tyral s'afficher sur l'écran.
- Capitaine Tyral du Vigilant au rapport, Amirale.
- Je vous écoute, dit-elle. Comment s'est passée la mission ?
- C'est un succès. Nous déplorons plusieurs blessés mais aucune perte. Mais tout cela, vous le lirez dans mon rapport. Je tenais à vous faire part personnellement de plusieurs découvertes... troublantes. La source du signal de détresse était un bâtiment de recherche cragmite, et il était habité.
- Pardon ? s'écria-elle. Des Cragmites... et que voulaient-ils ?
- Ils ont évité le conflit. Ils disaient vouloir notre aide pour détruire des cristaux de type inconnus enfouis dans la lune. Nous les avons embarqués sans problème et avons fait feu sur les cristaux, que les pirates semblaient convoiter. Nous n'avons relevé aucun dégât et les cristaux ont disparu.
- Disparu ? Comment ça ?
- Purement et simplement. Impossible de les retrouver.
- Bon... (la Markazienne se redressa et se massa les tempes). Et les Cragmites ?
- Ils coopèrent, pour l'instant. Ils prétendent posséder des informations qu'ils seraient prêts à nous livrer. Le Vigilant se dirige actuellement vers Iglak, où leur chef sera interrogé.
- Bien, j'y assisterai. Que les autres Cragmites restent à bord du vaisseau, et sous bonne garde, jusqu'à-ce que la situation soit éclaircie. Et que cela reste strictement confidentiel. Je ne veux pas de mouvement de panique.
- Bien compris. Nous serons à destination dans environ trois heures. Tyral, terminé.
La vidéo coupa, et Talwyn poussa un énorme soupir. Tout était de plus en plus compliqué. Elle regrettait parfois le temps où elle allait chasser les Drophydes sur Rykan V pour trouver le secret des Lombaxs, avec Cronk, Zéphyr... "Ratchet et Clank, songea-t-elle. Ils sont retournés sur Fastoon depuis presque trois jours... je devrais les appeler." Elle regarda son emploi du temps. Elle avait une dizaine de minutes avant la prochaine réunion. Un sourire se dessina sur son visage alors qu'elle lançait l'appel vers ses amis... et s'effaça très vite. Personne à la réception. Perplexe, elle redirigea la transmission vers Aphélion. Toujours rien.
- Ratchet, dans quels ennuis t'es-tu encore fourré... dit-elle à voix haute, sans vraiment espérer une réponse.
Il fallait qu'elle garde la tête froide. Après tout, Clank était avec lui. Elle afficha la carte de la galaxie et rechercha la position d’Aphélion. Une balise installée sur le vaisseau permettait de le suivre en permanence. Cependant, l'ordinateur se révélait incapable de lui indiquer sa localisation. Elle fit apparaître les dernières trajectoires enregistrées. Ils étaient -évidemment- partis de Fastoon, et leur trace se perdait dans le secteur Drogol. L'un des secteurs les moins protégés de la galaxie. Génial. L'alarme de son agenda la tira de ses recherches. Elle lança en vitesse un protocole de recherches avancées pour essayer d'affiner le traçage et sortit de son bureau, l'esprit alourdi par de nouvelles interrogations.
***
Trois heures plus tard, c'en était enfin fini des tâches administratives et Talwyn pouvait se reposer. Du moins, les jours normaux, ceux qui se comptaient sur les doigts de la main. Depuis la fenêtre, elle pouvait voir la longue silhouette du Vigilant occuper le ciel nocturne de Meridian City. Même en orbite basse, le vaisseau paraissait toujours aussi imposant depuis le sol. Mais elle n'en avait cure. Son regard se portait sur la navette qui, elle l'espérait, contenait les réponses qu'elle voulait. Elle la fixa jusqu'à l'arrimage puis se dirigea en salle d'interrogatoire. Une pièce circulaire dotée d'une unique porte, d'une table et deux chaises, et dont les murs en apparence opaques étaient en réalité transparents si on les observait de l'extérieur. Elle entra dans la salle d'observation où se trouvaient les lieutenants Eldren et Ceythe, les deux officiers responsables de la mission sur terrain, et le capitaine Tyral. Après s'être salués, elle reporta son attention sur la salle d'interrogatoire dans laquelle le Cragmite venait d'entrer, accompagné d'un garde et d'un inspecteur Terachnoïde. La dernière fois qu'elle avait vu un agarvad, il était assis sur un trône mécanique géant et essayait de la tuer, elle et ses amis. Et se crispa légèrement et croisa les bras sur sa poitrine. Sans plus de cérémonies, l'interrogatoire commença.
- Nous allons commencer par des questions simples, dit l'inspecteur en s'accoudant sur la table.
Depuis quand vous et vos semblables étaient établis sur cette lune ?
- Des siècles. Bien avant que l'Empereur ne déclenche la Grande Guerre.
L'inspecteur fronça ses épais sourcils.
- Cela signifierait que vous seriez bien plus vieux que l’espérance de vie normale d’un Cragmite. Vous avez eu recours au clonage ? Êtes-vous un robot ?
- Rien d'aussi compliqué, répondit-il avec un léger sourire (ou du moins une torsion des mandibules que Talwyn pouvait prendre pour un rictus). Nous possédions des inséminateurs artificiels et des couveuses, et la colonie était autosuffisante.
- Vous avez donc survécu à la Grande Guerre et aux DEUX bannissements des Cragmites ? J'avoue avoir du mal à vous croire.
- Le Dimensionnateur a emporté seulement ceux que les Lombaxs pouvaient atteindre. Nous étions cachés sur cette lune pour une mission scientifique, non militaire. Tous les Cragmites ne perdent pas leur temps à guerroyer, vous savez.
- Très bien... (l'inspecteur marqua une pause de quelques secondes). Alors passons aux choses sérieuses. Que faisiez-vous sur Kapeon-VII ? Pourquoi les pirates vous ont-ils attaqués ? Qu'est-ce que c'étaient que ces cristaux qu'ils convoitaient ?
- En vérité, répondit calmement le Cragmite, c'est une longue histoire, j'espère que vos supérieurs ne sont pas débordés.
"Oh, si vous saviez..." songea Talwyn. L'espace d'une seconde, elle aurait juré que le Cragmite la fixait dans les yeux. Un frisson secoua son échine, et elle secoua la tête. C'était impossible. Le Cragmite reporta son regard sur l'inspecteur et continua :
- C'était il y a environ trois mille ans. Ma race avait déjà conquis une dizaine de systèmes stellaires, et notre pouvoir militaire allait grandissant. Un jour, un vaisseau d'exploration s'écrasa sur une planète inconnue, bien au-delà des frontières de l'Empire, dans ce qui fut nommé plus tard le système Erebus, dans secteur Bernilius. Le seul survivant fut le général Baggog. Il découvrit que cette planète était peuplée par des formes de vie aussi intelligentes qu'hostiles, les Lokis. Ces créatures étaient pratiquement invulnérables vu qu'elles avaient la fâcheuse faculté de séparer leur esprit de leur corps physique et d'occuper le celui d'un autre individu et de le contrôler, tout en augmentant au passage les capacités psychiques du corps de son hôte. Après plusieurs années de survie au cœur de cet enfer, Baggog a finalement réussi à lancer un signal de détresse à l'Empire. À la suite d’une opération de sauvetage particulièrement difficile, il fut finalement rapatrié, et ordonna immédiatement l'annihilation immédiate et définitive de la menace.
- C'est-à-dire ? demanda l'inspecteur.
Le Cragmite émit une sorte de grincement désagréable que Talwyn pensa être un ricanement.
- Il a fait exploser la planète et tous ses habitants. La puissance dégagée a déstabilisé l'étoile, qui s'est désintégrée et s'est répandue un peu partout dans le système, calcinant au passage les autres planètes, y compris l'ancienne planète des Valkyries, qui ont pu s'enfuir à temps.
- Alors la supernova Erebus était artificielle ? Intéressant...Mais si j'ai bien compris, la menace a été anéantie, dans ce cas, quel rapport avec la crise actuelle ?
Talwyn eut un mouvement de recul. Alors que les événements sur Magnus lui revenaient en tête, elle comprit enfin. Le Cragmite répondit à une question dont elle connaissait déjà la réponse.
- Qui l'aurait cru ? Une supernova n'a pas suffi à complètement détruire Toranux... les Lokis ont disparu, mais leurs esprits sont retournés dans les fragments de la planète. Ils ont été dispersés à travers l'espace, et certains ont croisé la route d'autres planètes, et ils se sont lentement régénérés. Désormais, ils veulent reconstruire leur monde. Et se venger. Et l'ironie de l'histoire, ce que vos sauveurs, les Lombaxs, ont banni mon peuple. Les Lokis vont devoir trouver d'autres espèces sur lesquelles se défouler... En commençant bien sûr par les désarmer et détruire toute forme de technologie. Avec leurs pouvoirs psychiques, rien ne pourrait plus les arrêter.
***
- Et vous croyez à son histoire, Amirale ?
- Elle tient la route, Monsieur le Président. Et l'inspecteur est un psychologue extrêmement compétent. Il n'a pas détecté de mensonge dans son discours, et je lui fais confiance.
Le Tharpod saisit une nouvelle fois la tablette où était affiché le rapport de l'interrogatoire. Après quelques secondes, il reporta son attention sur Talwyn.
- Ce qu'en pense l'inspecteur ne doit pas altérer votre jugement. Qu'en pensez-vous, personnellement ?
- ...Je pense que nous devrions accepter cette piste. Cela répondrait à nos questions sur l'identité de nos ennemis, leur force militaire, et leur objectif.
Le président Wencalas se leva et fit face au trafic aérien, derrière la fenêtre.
- Et puis, ajouta-t-elle, j'ai de bonnes raisons de faire confiance aux Cragmites.
- Malgré nos... antécédents ?
- Justement. Malgré nos antécédents, ils nous ont livré leurs armes, ont accepté de porter un implant inhibiteur, et nous ont livré toutes leurs informations. Je n'ai certes pas de preuve de leurs intentions sont bonnes, mais ils n'ont aucun allié dans cette galaxie, et ils ne peuvent pas vraiment compter sur le soutien de leur race.
Wencalas se retourna vers elle.
- Bien, répondit-il après avoir laissé s'écouler quelques longues secondes. Vous êtes une des rares personnes en qui j'ai entièrement confiance, et cela ne changera pas cette fois-ci. Je suis un piètre militaire comparé à vous, je ne vais pas vous encombrer d'ordres inutiles. Sauf un. Qu'on appelle désormais nos ennemis par leur nom, les Lokis. Et mettez fin à cette situation, s'il-vous plaît.
- À vos ordres.
Talwyn se leva et commença à se diriger vers la sortie.
- Ah, l'interpella-t-il, une dernière chose. Les Cragmites sont-ils en possession du journal de ce fameux général Baggog ?
- Excellente idée. Je vais voir si je peux nous en procurer.
- Bien. Et... des nouvelles de Ratchet et Clank ?
Talwyn jeta un coup d'œil à sa tablette, et soupira.
- Pas pour le moment. Mais je pense en avoir bientôt.
- Tenez-moi informé. Amirale ? Pensez à vous reposer, vous avez l'air épuisée.
- C'est un luxe que je ne peux pas m'offrir, répondit-t-elle avec un léger sourire. Au revoir, Monsieur le Président.
***
Et pourtant, Talwyn était bel et bien épuisée. Elle ordonna qu'on envoie à tous les membres de l'état-major un exemplaire du journal de Baggog et que l'on mobilise toutes les Forces disponibles pour chercher les fragments de Toranux, en espérant pouvoir devancer les Lokis. Ceci fait, elle regagna ses quartiers. Elle entra dans sa chambre, déposa sa tablette sur la table de chevet et eut seulement la force d'enlever sa veste d'uniforme avant de s'effondrer sur son lit. Elle s'endormit presque instantanément. Quelques minutes plus tard, sa tablette émit le bip indiquant un message entrant. Mais Talwyn était déjà bien trop loin pour l'entendre.
***
Le président Wencalas avait lui aussi terminé sa journée. Il ouvrit le fichier que l’Amirale Apogée lui avait fait parvenir et se plongea dans la lecture de l'une des plus célèbres histoires des Cragmites.
***
ENREGISTREMENT_POST-6.30
DATE STELLAIRE_Six-6/Boreas-9/4351
LOCALISATION_1827.2456.238
//.../Erreur_536/Activation des protocoles d'urgence/Enregistrement-Boîte Noire
5.00_Avant Mise Hors service Des Systèmes
...Quatre-4_Utilisateurs_détectés
Retranscription en cours...
[u-1] : Timonier, rapport de situation !
[u-2] : Nous perdons le contrôle de l'appareil, mon Général. Cette planète émet un champ d'énergie inconnue qui dérègle nos systèmes.
[u-1] : Passez en pilotage manuel et activez les stabilisateurs gravimétriques, et relancez la propulsion interstellaire !
Explosion audible
[u-3] : Nous avons perdu les stabilisateurs. Propulsion interstellaire hors-service. Nous chutons vers la planète. Impact dans cent-vingt-six secondes.
[u-1] : Les moteurs à impulsion et les stabilisateurs aériens sont-ils toujours opérationnels ?
[u-3] : Affirmatif.
[u-1] : Très bien. Lors de l'entrée dans l'atmosphère, utilisez les ailerons pour nous placer en position rétrograde et lancez les propulseurs à pleine puissance.
[u-2] : Mon Général, cette manœuvre ferait encaisser trop d'accélération à l'équipage, et il n'est pas sûr de pouvoir rester conscients dans ces conditions... de plus, nous risquons une surchauffe des moteurs lors de la rentrée dans l'atmosphère.
[u-1] : C'est la seule solution ! Si nous conservons cette vitesse, nous serons tous désintégrés par l'impact. Si nous devons mourir aujourd'hui, autant essayer de survivre jusqu'au bout.
[u-2] : Mais, mon Général...
[u-1] : Timonier, je vous ai donné un ordre !
Silence perceptible
[u-2] : À vos ordres. Manoeuvre enclenchée dans 3...2...1...Engagement.
Parasites
ENREGISTREMENT_POST-7.48
DATE STELLAIRE_Six-6/Boreas-9/4351
LOCALISATION_1827.2456.238
//.../Erreur_167/Aucun système détecté
Activation-Enregistrement-Vocal-Post Erreur Système
...Un-1_Utilisateur_détecté
Retranscription en cours...
Je suis le général Baggog. Si je meurs sur cette fichue planète, cette boîte noire sera tout ce qui reste du Tempétueux. Nous étions en mission d'exploration dans un système inconnu, le vaisseau a subi une défaillance et s'est écrasé à Post-6.32 sur la troisième planète du système. Heureusement, les manœuvres aériennes ont fonctionné et le vaisseau n'a pas explosé en touchant le sol. Enfin, heureusement... l'impact a tué la majeure partie de l'équipage et a rendu pratiquement tous les systèmes inutilisables. Pour le moment, le vaisseau est éclairé par l'alimentation d'urgence. Pour le moment, il y a toujours du courant... Je me relève et regarde autour de moi. Je ne suis pas blessé, mais je ne constate aucun survivant sur la passerelle. Nous sommes à Post-7.48, soit exactement une heure et douze minutes après le naufrage. Il y a peut-être des membres de l'équipage encore en vie. J'accroche la boîte noire à ma ceinture et me dirige vers la sortie. Le vaisseau et légèrement incliné vers l'arrière. Avant d'ouvrir la porte, j'ouvre le casier pour les situations d'urgence, et j'y trouve un respirateur, un fusil pulseur et une trousse de secours. Parfait. D'après les capteurs, l'air de l'autre côté de la porte n'est pas respirable mais la température et la pression sont viables. J'enfile le respirateur et ouvre la porte.
Ah !
...
J'ai failli tomber dans le vide. Une partie de la coque a été déchiquetée. La coursive qui devait se trouver devant moi est éloignée de quinze mètres. D'ici, je peux voir l'extérieur. C'est plutôt dépaysant. Le sol est rocheux, sombre, je ne vois de traces ni de faune ni de flore, mais j'aperçois d'étranges formations de cristaux violets un peu partout. Je vois les deux étoiles dans le ciel, mais elles sont masquées par des nuages bleu électrique. Leur lumière donne deux ombres à tout le paysage. Je suis resté planté quelques instants devant le décor. J'ai une sensation bizarre...
D'un saut téléporté, j'ai franchi l'obstacle. Me voilà dans la salle commune. Il y a des membres de l'équipage étendus un peu partout. Aucun n'a survécu. Je vais me diriger vers la salle des machines en passant par tous les points sensibles du vaisseau.
*Enregistrement mis en pause*
J'ai passé l'heure précédente à fouiller le vaisseau. Aucun signe de vie, si ce n'est deux membres d'équipage qui agonisaient et que je n'ai pas réussi à sauver. J'arrive devant la salle des machines. Il fait de plus en plus froid. D'un coup d'œil à travers une cloison éventrée, je vois que la luminosité a baissé. La nuit va bientôt tomber. Pourtant... les étoiles n'ont pas bougé, je les aperçois toujours à travers les nuages. Comment est-ce possible ? En entrant dans la salle des machines, j'obtiens aussitôt le même constat que depuis une heure : il n'y a personne. Je connaissais le nom de tous les membres de l'équipage. Et j'ai retrouvé tous leurs cadavres. Cette maudite planète m'a pris le Tempétueux, mon équipage, et je les rejoindrai bientôt. La température et la luminosité continuent de chuter.
...
Hors de question. Cette planète n'aura pas ma peau. Il suffit que je tienne cette nuit. Le vaisseau peut encore m'aider. Le réacteur principal est encore assez chaud pour me sauvegarder du froid nocturne. Je devrais pouvoir passer la nuit. Espérons qu'elles seront aussi courtes que les journées. Je m'aménage un coin pour dormir à proximité des bobines à fusion. C'est presque confortable, en fait. Je m'installe comme je peux et paramètre ma combinaison pour qu'elle me réveille un peu avant le lever du jour. Je dois être prudent. Quelque chose me dit que ce caillou veut ma peau. Je n'arrive toujours pas à me débarrasser de cette sensation. Si je m'écoutais, cela sonnerait comme une évidence.
Je ne suis pas seul.