Folie Furieuse - Chapitre 20

17h15, Metropolis, Kerwan


Le trio fit un nouveau voyage avec le MTPATUP. Le temps leur sembla bien long car ils voulaient absolument rentrer chez eux. Ils commençaient à brûler d’impatience et craignaient qu’un nouvel incident ne les séparât encore une fois de la machine. Mais cet incident n’arriva pas.

Le ciel Kerwannien annonçait qu’il allait faire bientôt nuit. Ratchet avait délicatement posé l’invention de Minucius sur l’une des nombreuses plateformes du quartier en ruines de la ville, de sorte à se retrouver près de l’immeuble où vivaient normalement actuellement Ratchet et Clank, avant de retirer le grappin magnétique du vaisseau.


Ils se trouvaient à présent tous les trois devant le fameux MTPATUP. Minucius se trouvait entre son invention et le duo Solanien. Soudain, il se tourna vers eux, l’air de leur en vouloir, mais ils savaient qu’il jouait la comédie, ne le connaissant que trop bien, même en ayant vécu avec lui pendant seulement trois jours et trois nuits. Les folles aventures qu’ils avaient vécues leur avaient permis d’apprendre à le connaître bien plus rapidement.

-Surtout, lança-t-il à Ratchet d’un ton plus inquiet qu’énervé, surtout, ne pense à rien d’autre qu’à ton chez-toi !
-C’est promis, Docteur, répondit-il en souriant. De toute façon, on a tellement envie de rentrer chez nous qu’on ne pourra penser à rien d’autre.

Le savant fou quitta sa mine mécontente et sourit. Il était sûr que cette tête avait été de la comédie destinée à avertir sérieusement le renard jaune. Puis il se tourna vers la porte de son invention, l’ouvrit et invita ses amis d’un signe de main.

-Entrez. Je ne vais pas vous laisser là.

Le duo Solanien obéit. Aucun membre du trio n’avait envie de rester là, bien sûr. Ils se retrouvèrent dans la machine. Minucius prit le casque et le mit sur sa tête.

-Allez, fit-il sans se tourner vers ses amis. Essayez de ne penser à rien d’autre que la ville de Metropolis de votre Univers.

Il ferma les yeux, se concentrant. Ratchet songea de toutes ses forces à son Univers d’origine. Il vint même à en fermer les yeux lui-même pour mieux y parvenir. Toute la volonté du monde de rentrer enfin chez soi, dans sa propre galaxie, dans sa propre Solana, dans sa propre Metropolis, avec sa propre Sasha, bouillonnait en lui. Sa propre Sasha ! Il lui avait promis de revenir le lendemain de son départ, convaincu qu’il allait rencontrer les collègues du savant fou ; et il ne l’avait pas fait. Elle devait le croire disparu, voire mort. Il fallait la revoir, la rassurer et… trouver une bonne excuse pour cette absence inquiétante. Il ne devait pas lui dire qu’en rencontrant Minucius, il avait voulu se rendre dans son monde pendant seulement une journée et que, comme il avait pensé trop fort à son grand combat contre Nefa, il s’était bêtement rendu dans le mauvais Univers, un Univers où le chef des robots contrôlait auparavant Solana après en avoir bioblitéré tous les habitants et, qu’en perdant le MTPATUP en cours de route, il n’avait pas pu revenir à temps. Elle ne le croirait sûrement pas ou, si c’était le cas, les conséquences pourraient être désastreuses. Il fallait inventer une histoire bien plus simple et crédible. Il réfléchit quelle excuse il allait inventer lorsqu’il lui parlerait, cherchant à ne pas trop y penser non plus de peur d’emmener le trio par erreur dans le mauvais Univers.

Après il ne savait combien de temps, la voix de Minucius mit un terme à ses courtes pensées.

-Nous sommes arrivés, annonça-t-il en posant le casque sur le plateau de bord. Il n’y a plus qu’à prier pour qu’on se retrouve bien dans votre Univers d’origine.

Le savant fou s’approcha lentement de la porte, mit une main dessus et hésita d’abord à l’ouvrir, comme si le suspense le rassurait. Puis il la poussa très lentement. On perçut un grincement, puis des bruits de circulation aérienne se firent entendre. Le duo Solanien espérait aussi de tout cœur d’être chez lui, dans sa vraie Solana. Ratchet croisait même les doigts dans son dos, de sorte à ce que personne ne le vît. Clank étant concentré sur la porte, il ne le remarqua pas. Enfin Minucius ouvrit entièrement la porte et une lumière du soir entra dans l’appareil. Le savant sortit du MTPATUP et Ratchet et Clank firent de même beaucoup plus précipitamment, impatients de savoir s’ils étaient vraiment dans leur monde.

Déjà, le paysage Metropolicien avait l’air normal : les véhicules circulaient dans des sortes de routes invisibles, de nombreuses plateformes aux gazons occupaient l’espace et les immeubles se dressaient vers le ciel, hauts et fiers, ne montrant aucun signe de ruines. Le trio souffla de soulagement – sauf pour Clank, qui ne le fit qu’au sens figuré –, mais il fallait encore s’assurer qu’il n’eût pas atterri dans le mauvais monde.

-Oui ! Fit Minucius. Tout a l’air normal ! Mais il faut rentrer dans votre appartement. Les apparences peuvent être trompeuses.
-Vous avez raison, lui répondit Clank.

Tout en se dirigeant vers leur possible chez-eux, eux devant, Minucius les suivant, Ratchet entendait le savant fou chuchoter rapidement. Il n’en distinguait pas les mots, mais il pensa qu’il suppliait le ciel qu’ils fussent vraiment dans le bon monde. Pendant ce court trajet, les étoiles commençaient à apparaître et la ville à s’illuminer.

* *

*

Ils arrivèrent au balcon près de l’immeuble. Ratchet sentit son cœur battre la chamade pendant qu’une immense joie s’emparait de lui : son vaisseau reposait sur le balcon, exactement comme il l’avait laissé ! Il se précipita vers lui en criant de joie, s’agenouilla et le caressa tendrement.
-Wouaaah ! S’exclama-t-il sans se donner la peine de regarder ses amis. Mon vaisseau ! C’est mon vaisseau ! Le mien !
-Oui, fit calmement la voix satisfaite de Clank derrière lui, c’est parfaitement comme cela qu’il a été laissé pendant trois jours.
-C’est super, ajouta Minucius, mais il faut vérifier une dernière chose : que rien d’étrange ne soit à l’intérieur.
-D’accord, fit Ratchet en se relevant et en se tournant vers ses amis. Je vous suis.


Ils entrèrent dans l’appartement. Dans la pièce, l’holotélé existait, de même taille et de même couleur, la même petite table reposait entre le canapé et le grand écran, et le sang séché de Ratchet, les bandes, les cotons hydro-oxygénés et l’holo-télécommande se trouvaient même sur la table. Tout prouvait qu’ils étaient revenus au bon endroit. Ratchet sauta de joie.

-Oui ! S’écria-t-il. C’est chez moi !

Il se tourna vers Clank, se baissant légèrement pour s’adresser à lui.

-On est chez nous, mon pote !

Il entendit Minucius rire. Clank souriait. Toute cette aventure était enfin terminée. Et quelle aventure ! La plus folle qu’aucun membre du trio n’avait jamais vécue de toute sa vie ! Chacun se remémorait tous les épisodes qu’il avait traversés, étant séparé ou non de ses amis, et semblerait parfois se dire : « Et me voilà revenu, bien vivant ! ». Regardant son salon avec émerveillement, Ratchet crut entendre Minucius frotter ses mains sur sa blouse, puis il l’entendit dire calmement :

-Bon, eh bien, je pense qu’il est temps pour moi de m’en aller.

Il se tourna vers lui.

-Vous n’y êtes pas obligé, lui répondit-il. Restez avec nous. La vie est super, ici !

Le savant fou secoua doucement la tête en la baissant, l’air en paix.

-Ce serait fantastique, mes amis, mais je ne peux pas. Il faut que je rentre chez moi.
-Je comprends, Monsieur, intervint Clank. Vous pouvez néanmoins rester pour la nuit.
-Je regrette. Il faut que je parte immédiatement. Mes collègues s’inquiètent. Ils ont dû me croire mort depuis peu. Je dois leur apprendre que l’opération a bien réussi et que je ne reviens si tard qu’à cause de quelques petits incidents non prévus.
-Vous reviendrez ? Demanda le Lombax, sentant le regret de le quitter seulement après trois jours, et trois jours formidables qui avaient soudé le trio.

Minucius garda le silence pendant quelques secondes en souriant, l’air sur le point de pleurer de joie – étrange, car personne ne l’avait jamais vu pleurer malgré toutes les situations qu’il avait rencontrées jusque là –. Puis il répondit simplement :

-Je vous le promets.

Il s’approcha de lui et le serra doucement dans ses bras. Le renard jaune se laissa faire : cette étreinte n’était pas violente ni brusque comme celle du Capitaine Qwark. Puis il le lâcha, s’approcha de Clank, s’agenouilla près de lui et l’embrassa à son tour. Puis il se releva.

-Merci beaucoup, dit-il enfin en souriant. Vous avez toujours été de vrais amis. Dans tous les moments. Je vais vous avouer quelque chose : en fait, je crois que vous êtes mes seuls amis. Il est vrai que mes collègues sont un peu comme moi, mais ils n’ont jamais été rien de plus que de bonnes connaissances. Vous m’avez fait vivre une chose grandiose, même si je n’étais jamais sûr de survivre.

Il s’approcha de la porte de sortie menant au balcon, puis se tourna une dernière fois vers eux.

-Vous êtes sûr de ne pas vouloir que l’on vous accompagne jusqu’au MTPATUP ? Demanda Clank.
-Non, ça va.

Un silence dura une seconde.

-Je reviendrai, et ce jour-là, je ramènerai du champagne !

En entendant cela, Ratchet sourit malicieusement. Il reconnut le savant fou. Celui-ci leur fit signe de la main.

-Au revoir, lança-t-il.
-Au revoir, Monsieur, répondit Clank.
-À la prochaine ! Répondit Ratchet.

Se retrouvant dans sa formidable invention qui lui avait permis de rencontrer Ratchet et Clank, ses deux meilleurs amis, de vivre de folles aventures, aussi joyeuses que tristes ou effrayantes, de se battre contre un Docteur robotique ayant perdu la moitié de sa raison et son empire, de s’évader de prison, de risquer la mort à de nombreuses reprises, d’enchaîner les gaffes, de participer à une grande bataille où il n’était pas obligé d’utiliser la violence, de passer à l’action, de reprendre espoir, de prendre l’apparence d’un Robot-Blarg, d’assommer ses ennemis à jets de champagne, de boire de cet alcool dans un vaisseau spatial, de voyager dans l’Espace et d’admirer des constellations inconnues, le Docteur Minucius prit le casque dans ses mains, songeant à tout ce qu’il venait de vivre.

Cela lui rappela que, lorsqu’il était enfant, il avait rêvé qu’un jour ou l’autre, il se serait passé quelque chose de surnaturel dans son quotidien, annonçant le début seulement d’un formidable voyage qui ferait de lui le héros d’une grande histoire. Chaque soir, il y avait pensé. Mais rien ne s’était produit. En grandissant, il avait abandonné ce vœu tant souhaité, se disant que des évènements pareils ne se produisaient que dans les films d’actions. Il était devenu adolescent, puis adulte, puis enfin scientifique. Il était devenu docteur.

Beaucoup plus tard, en construisant son MTPATUP sans vraiment y croire, il pensait qu’il ne pourrait voyager seulement que dans des Univers parallèles ressemblant au sien. En tentant son premier voyage, il s’était dit qu’il pourrait imaginer un monde où des animaux bipèdes dotés de la parole domineraient. Des chats, des renards, des fennecs,… Peut-être aussi de drôles d’humanoïdes. Et pourquoi pas aussi des robots ? S’étant perdu dans ses pensées, Minucius s’était rendu dans l’un des nombreux Univers confirmant ces caractéristiques. Et cet Univers fut celui de Ratchet et Clank. Il ne s’était imaginé le moins du monde coincé avec ses amis dans un monde où les robots commanderaient la galaxie, où un certain Dr. Nefarious en serait le chef, où quelques êtres organiques, quels qu’ils fussent, se cacheraient dans le grand désert d’une des planètes les moins peuplées de ce lieu immense appelé Solana. En quelque sorte, même si auparavant il ne désirait plus vivre de folles aventures comme étant petit, n’y croyant plus, son rêve qui existait depuis si longtemps s’était finalement réalisé, après plus de cinquante ans de patience, il ne savait plus combien exactement.

Minucius mit le casque sur sa tête. Il regrettait de devoir partir, mais c’était une nécessité. Ratchet et Clank lui avait fait retrouvé sa croyance d’antan. Ces deux personnes étaient incroyables. Il ne pouvait se décrire avec des mots ce que ce duo extraordinaire lui avait apporté et rapporté et ce qu’il ressentait pour eux. Si on lui demandait, il ne pourra que répondre : « Ce sont les meilleurs amis que l’on puisse espérer dans tous les Univers. Tous ceux qui les rencontrent ont de la chance. Vraiment, ces gens hors du commun m’ont rapporté plus d’espoir que je ne pouvais me l’imaginer. Vraiment, ils sont fantastiques ! ».

Minucius ferma les yeux en activant le casque. Ça y était. Il ne fallait plus penser à autre chose que son Univers d’origine jusqu’à la fin du voyage. Cela ne se voyait pas de l’extérieur, mais il était mentalement très difficile d’arriver dans le monde voulu. C’était la quatrième fois qu’il devait se concentrer au maximum. Ce premier prototype du MTPATUP n’enregistrait malheureusement pas les destinations. Il mit Ratchet, Clank et tous les autres de côté le plus possible. Cette pensée persistait à revenir et le savant fou plissait les paupières de toutes ses forces. Il ne la laissera pas rejoindre son esprit.

Après quelques instants qui lui semblèrent être une éternité d’efforts psychiques, il arriva à destination. Il espéra de toute son âme qu’il était bien chez lui. Il entendit sans attendre des murmures à travers la porte, puis des bouches retenir leur souffle. Soudain, il plaqua sa main sur son crâne en éclatant de rire. Quel idiot ! Il avait oublié d’activer la fonction RECALL, une fonction du MTPATUP permettant de laisser les souvenirs de son apparition devant les personnes l’ayant vu, même s’il venait à quitter le même Univers où ils se trouvaient ! Ratchet, Clank et Qwark ne se souviendraient donc d’aucun épisode de ces incroyables aventures pourtant inoubliables ! Mais ce n’était pas grave : lorsqu’il reviendrait voir ses amis, ils se rappelleraient absolument de tout.

Quand il fut un peu calmé, il s’approcha de la porte, hésita avant de l’ouvrir, comme il le faisait toujours en arrivant dans un autre Univers pour s’assurer de ce qui se trouvait de l’autre côté, puis s’élança. Entrouvrant la porte, heureux d’être à nouveau dans son monde et chiffonné d’avoir quitté Ratchet et Clank, il distingua les cris de joie de ses collègues qui réalisaient avec un immense bonheur que non seulement il avait survécu, mais qu’en plus le MTPATUP devait sûrement bel et bien fonctionner.

Soudain, en un éclair, sans transitions, ils se retrouvèrent dans le salon, où l’holotélé était éteinte et où des bandes et des cotons hydrogénés reposaient tranquillement sur la table devant laquelle ils se tenaient debout.

-Qu’es aquò ?! S’exclama Ratchet, surpris.
-Que s’est-il passé ? Demanda Clank en se tournant vers lui.

Le Lombax mit une main sur sa tête, complètement désorienté.

-Ben, fit-il. J’étais en train de rentrer chez nous, et tout à coup, bam ! Je suis ici ! T’y comprends quelque chose, toi ?

Son ami, l’air incertain, fit non de la tête.

-Moi, répondit-il, j’étais sorti au balcon pour guetter ton arrivée, parce qu’il se faisait tard, et je ne sais comment, je suis ici, avec toi.
-C’est pas normal, ça, fit le Lombax en se grattant le menton. Ça sent la venue d’un nouveau super-méchant diabolique, ça.

Il se souvint alors de sa blessure faite lorsqu’il avait dû prendre la fuite dans les égouts, poursuivi par les Amibes Géantes, et constata avec un grand étonnement qu’il n’avait plus mal. Il regarda son pied et s’exclama de surprise : sa blessure était cicatrisée !

-Je m’étais fait ça en faisant de l’Hoverboard, et maintenant, c’est comme si ça faisait une semaine que c'est passé ! Mais c’est quoi, ce binz, à la fin ?
-Ratchet… fit Clank, l’air stupéfait et fixant le visage du Lombax. Que t’es-tu donc fait au visage ?

Mais de quoi voulait-il donc parler ? Curieux, Ratchet passa sa main sur sa tête et sentit deux longues griffures diagonales sur son front.

-Quoi ? S’écria-t-il. Mais ça vient d’où, tout ça ? C’est n’importe quoi ! Y en a marre ! Si c’est un type louche qui l’a fait, il va le regretter !

Clank le fixait, l’air de ne rien comprendre. Ratchet fit un mouvement d’épaules, laissant tomber.

-Ouais, dit-il calmement. Après tout, c’est pas la première fois qu’il arrive des trucs bizarres dans la galaxie. Si un nouveau méchant apparaît, n’importe quel type, je ne serai pas étonné.

FIN