Aöny Solitaire - Chapitre 12

Auteur : Ratchet_Dadou

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Après avoir un peu longé la rivière pour nous éloigner davantage de l’« Équipe Incassable », nous nous étions arrêtés près de quelques rochers de taille moyenne. Assis dans l’herbe, nous attendions Volco depuis un bon bout de temps. Je surveillais les alentours, guettant l’arrivée très probable du trio de bras cassés ou de quelques gardes de Rivebois, m’inquiétant pour le renard bleu. Siny me rassurait, me disant que ce renard était très malin et audacieux et qu’il pouvait se sortir de toutes les situations.


Le crépuscule approchait, le ciel s’était obscurci et le vent annonçait qu’il allait bientôt pleuvoir, que le jeune garçon me montra du doigt une bête bleue au loin, marchant sur ses deux pattes arrière, tenant par ses pattes de devant deux autres petites bêtes brunes. Un moment je distinguai qu’elle nous rapportait deux lièvres, tenus par les oreilles et trainant les pattes de derrière par terre. Je remarquai alors que Volco devait avoir la capacité de chasser comme un véritable renard.

-Regardez ce que je vous rapporte ce soir ! Nous lança-t-il joyeusement.

-Ça n’a pas été trop dur avec l’« Équipe Incassable » ? Lui demandai-je en plaisantant, mimant des guillemets avec mes doigts.

-Pfff ! Fit-il, tout fier. De vrais incapables ! Je n’ai jamais vu d’aussi sombres crétins de toute ma vie !

Le renard bleu posa les lièvres sur un des rochers, s’assit dans l’herbe de manière quadrupède, puis scruta le ciel.

-La nuit va bientôt tomber. On s’installe ici. Il faut construire quelque chose qui va résister à la pluie. On ira demain dans les collines Herber.

-D’accord, allons-y, fit Siny en se levant.

-Attendez, dis-je, sachant que je n’étais pas habituée aux nuits en pleine nature. On dort ici ? Et il faut construire en plus ? Pas de refuge nulle part déjà tout fait ?

-Évidemment ! Fit Volco en se levant quadrupèdement.

-Tu nous as dit qu’il fallait éviter tous les villages, répondit Siny. Alors il faut dormir par nos propres moyens.

-Mais je ne sais pas construire d’abri. Je n’ai jamais fait ça.

Le jeune garçon m’adressa un gentil sourire.

-Qui te dit que tu ne l’as jamais fait ?

Après un silence, il ajouta :

-On peut toujours t’apprendre, Aöny.

Je lui souris à mon tour, non sans ressentir de la tristesse, car Dave était plus présent en moi, comme à chaque soir.

-Par quoi dois-je commencer ? Demandai-je.

-On commence par rapporter ce dont on a besoin. La forêt Herbienne est visible au Nord.

Il me montra du doigt la forêt que je regardai. Ensuite il reprit :

-Commence par rapporter des pierres. Un bon nombre. On va les assembler en cercle pour pouvoir faire du feu.

Du feu ? Ce n’était pas une bonne idée. L’« Équipe Incassable », les gardes de Rivebois ou, pire, les monstres d’Yrisha pouvaient nous repérer ! Mieux valait rester discrets.

-Mais on risque d’être repéré, répondis-je. Le feu, c’est visible de très loin.

-Ça ne va pas durer longtemps. De toute façon, la pluie va bientôt tomber. On ne va que cuire les lapins et nous réchauffer un peu.
-Les lièvres, corrigea Volco.

Siny se tourna vers le renard bleu, l’air honteux de s’être trompé devant moi, qui souriais désormais, et agacé que son compagnon le fît remarquer. Ce canidé extraordinaire me plaisait toujours plus.

-Oui, bon, c’est pareil, grogna l’arka bleuté.

-Non, justement. Le lièvre est un peu plus grand et ses oreilles plus longues. De plus, les lapins sauvages sont plus rares.

Je souriais devant cette scène du bon vieux duo se connaissant depuis très longtemps.

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Nous cherchâmes deux par deux des pierres, des brindilles et des branches droites plus ou moins solides, l’un d’entre nous restant pour garder le camp et commencer à construire ce qu’il pouvait à lui seul, prêt à nous alerter en cas de problème. Aucun pépin ne sembla cependant venir. Nous nous mîmes ensuite à construire une sorte de « cabane triangulaire », pouvant nous accueillir tous les trois, avec les grandes branches. Siny m’apprenait, m’aidait et me conseillait. Les branches furent liées par de la ficelle très épaisse que le garçon gardait toujours sur lui. Une fois la « cabane » terminée, nous la recouvrîmes du plus de branches de sapin que nous pouvions rapporter, car nous n’avions rien pour les couper aux arbres, et faire du mal aux arbres ne m’a jamais plu. Je sais qu’un arbre est un être vivant qui vit, grandit souffre et meurt comme nous. Nous plaçâmes ensuite des fougères et de la mousse à l’intérieur. Puis enfin, nous pûmes allumer le feu à l’extérieur grâce à une technique que Siny et Volco connaissaient. Il me fut alors tenté d’au moins faire des étincelles avec deux pierres.

-Écoute, m’apprit le garçon, plus une pierre ou une partie d’une pierre cognant une autre pierre fait un son aigu, plus leur frottement peut créer facilement un feu. Essaie.

Après plusieurs tentatives et conseils de l’arka bleuté, je n’y parvenais toujours pas. Même une étincelle refusa de venir. Découragée, je fus rassurée lorsqu’il me dit que ce n’était pas grave, qu’il fallait de l’entraînement et que je pourrais réessayer un autre jour.

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Notre travail ne fut terminé que quand le soleil avait presque disparu derrière l’horizon, magnifiquement rouge, et quand quelques étoiles, les plus proches, commençaient à paraître. Je l’avais trouvé un peu fatiguant à cause du manque d’habitude, mais il m’avait plu. M’installer au milieu même de la nature en construisant notre foyer pour une nuit me changeait de trouver un lit déjà tout fait au milieu d’un village. Je me sentais ainsi plus libre et plus forte. Grâce à ce travail que je n’ai pratiquement jamais connu, même peut-être avant ma perte de mémoire, je sentais une émotion sereine nouvelle. Je ne m’étais jamais sentie aussi proche de la nature.

Nous fîmes cuire les lièvres et nous mangeâmes près du feu tout en discutant. Seules quelques étoiles étaient visibles par quelques trous creusés dans les nuages gris et sombres. La pluie tomba bien vite alors que notre repas n’était pas encore terminé et nous dûmes nous réfugier sous notre cabane dont le toit avait bien l’air de ne laisser passer quasiment aucune goutte.

Je voulus me coucher les pieds vers l’entrée, de façon à ce que la forêt Herbienne fût à ma gauche, mais Volco me donna un conseil dont lui seul semblait connaître le secret.

-Aöny, lorsque tu dors, il faut de préférence que ta tête soit vers le Nord ou l’Est. Ça te permettra de mieux dormir.

Il n’y avait aucun ton orgueilleux ni moqueur dans sa voix. Il semblait sérieux, pour une fois. J’obéis, persuadée que le duo connaissait plus de choses que moi dans ce domaine.

-Comment tu sais ça ? Demandai-je en m’installant.

-Tout vrai animal qui se respecte le sait, me répondit fièrement le renard bleu.

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J’étais allongée au fond de notre cabane, Siny dormait déjà à ma gauche et Volco était roulé en boule près de l’entrée, mais pas en face d’elle. Incapable de m’endormir pour le moment, je repensais à Dave, quelques larmes coulant sur mes joues, camouflées par l’obscurité. Je pensais également à la douceur de la nature et aux dangers qui nous menaçaient et je réfléchissais à notre plan de route pour entrer à Avariny. Puis je m’endormis.

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Alors que je me trouvais au-dessus de la plaine, pouvant marcher dans le ciel comme s’il y avait un mur horizontal invisible sous mes pieds, une lumière apparut, devenant très vive et très violente. Aveuglée, je cachai les yeux d’une main. La lumière apaisée, je rouvris les yeux et regardai. Un coup cogna dans ma poitrine et les larmes cherchèrent à couler : c’était Dave. Émue de le retrouver, je brûlais d’envie de lui sauter au cou, mais mes jambes refusèrent de bouger. Je voulus crier son nom, mais n’y parvins pas. Mon cœur s’emballait de joie et de tristesse.

-Ne sois pas triste, petite, me dit-il de sa voix rassurante tandis que son sourire me fit pleurer de joie. Je suis heureux. Continue ton voyage. Bien des choses t’attendent, Aöny, encore plus nombreuses et inattendues que tu ne peux te l’imaginer. Mais tu réussiras.

-Dave… parvins-je seulement à murmurer, les larmes me noyant et la lèvre tremblante.

-Ne t’inquiète pas. Je serai toujours avec toi.

La dernière phrase qu’il prononça m’accompagna alors que j’étais réveillée, les yeux encore fermés. Je les ouvris et me mis à pleurer en silence pendant quelques instants, l’émotion étant devenue trop forte. Je me souvins alors que j’avais déjà rêvé de lui deux fois et que je l’avais oublié. Comment avais-je pu oublier cela, tout de même ? Cela semblait pourtant impossible. Trop épuisée pour continuer à pleurer, je me rendormis d’un coup.

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Je me réveillai alors que le soleil ne s’était pas encore levé, mais je ne sentais pratiquement plus le sommeil. Il faisait plus clair qu’avant, signifiant que l’aube n’était pas loin. Je levai la tête et aperçus Siny, qui dormait sur le ventre, la tête tournée vers moi et la bouche ouverte. Volco était toujours roulé en boule. Entendant leur respiration régulière, je pouvais voir le visage du renard bleu. Il est si mignon quand il dort !

Un serpent bioluminescent, aux bandes de couleurs – jaune fluo, bleu sombre, vert brillant et violet – sur tout son corps, rentra silencieusement dans la cabane. Curieuse, je l’obser-vais. Quel serpent était-ce donc ? Ne semblant pas m’avoir aperçue, l’étrange animal s’approcha de Volco. Je me mis assise très doucement et silencieusement pour ne pas l’effrayer, car je pensais qu’il ne faisait que satisfaire sa curiosité.

Mais soudain il ouvrit en grand la bouche d’où dépassaient deux crochets, projetant de mordre le cou du renard bleu. Sans attendre, je sortis mon pisto-laser en poussant une exclamation. Alors que je me déplaçai pour ne pas blesser le renard en même temps que le serpent à cause de la direction du tir, celui-ci ouvrit les yeux d’un coup et glapit en voyant la méchante tête violette voulant le mordre. Une fois déplacée, je visai rapidement le reptile, la peur de perdre Volco me faisant accélérer le cœur, et tirai. Le laser le percuta en pleine tête, le faisant voler hors de la cabane et atterrir dans l’herbe.

Je me mis à quatre pattes pour passer la porte, entendant Siny marcher derrière moi, et me précipitai dehors pour voir la créature défunte.

Elle était visible dans l’herbe grâce à ses anneaux qui brillaient encore. Nous nous tenions tous les trois à côté d’elle. Tandis que Volco et moi l’observions, Siny chercha quelques secondes un bâton dans l’herbe, en trouva un, le ramassa, revint vers nous et souleva le serpent jusqu’à la hauteur de sa poitrine avec le bâton. La tête et la queue du reptile pendaient à même hauteur de chaque côté du morceau de bois. Visiblement, Volco ne songea pas à me remercier.

-Mais qu’est-ce que c’est que ce serpent ? S’interrogea Siny en fixant la bête, fronçant les sourcils.

-Vous ne connaissez pas cette espèce ? Demandai-je.

-Mmh… fit Volco en plaçant sa patte droite sous son museau, l’air de réfléchir. Je n’ai jamais vu une bestiole de cette espèce. C’est bizarre. Le mieux que j’en puisse dire, et je n’en suis pas sûr, c’est que, vu ses couleurs, elle devrait peut-être venir d’un pays chaud.

D’un pays chaud ! Ce devrait alors être une créature d’Yrisha ! Je me souvins de l’hypothèse d’un des asfards, disant que cette sorcière invoquait uniquement des reptiles venant du Sud. J’appris donc que ses créatures pouvaient bien être aussi énormes et puissantes que petites et discrètes. Je compris alors qu’après avoir échoué par la force, elle avait envoyé de quoi tuer par la ruse, pendant notre sommeil. Je me sentis lasse, les mains sur le visage, en pensant qu’il fallait maintenant faire des tours de garde la nuit. Que d’efforts à faire ! Décidément, quand Yrisha décidait de vous tuer, elle n’abandonnait jamais avant d’avoir réussi.

-Qu’y a-t-il ? Me demanda Siny en remarquant mon geste de lassitude.

Je découvris mon visage et répondis résolument :

-C’était une bête d’Yrisha. Ce n’est le seul serpent auquel nous aurons affaire. Il faut faire des tours de garde la nuit, maintenant.

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