Auteur : Linkinito
- Planète Kerwan, quartier des Origines, avenue de Solana, 13 h 00 heure galactique. -
« Ici Patricia Lossland, et bienvenue sur Infos 64 Metropolis, pour cette édition de la mi-journée. Dans les titres de l'actualité aujourd'hui : la remontée spectaculaire du XIE 1500 et de près de quarante points suite à l'annonce des plans d'embauche massifs de Gadgetron suite à l'élection du nouveau président, la signature du traité de Celgap qui visera à renforcer les liens commerciaux et politiques entre les galaxies de Solana et de Relvas, et une information qui vient juste d'être confirmée : Clank, le célèbre acteur et compagnon du héros galactique Ratchet, vient de rempiler pour une nouvelle saison de la série Agent Secret Clank, et aurait d'ores et déjà commencé le tournage. On parlerait d'un cachet d'environ cinq cents millions de boulons, soit quatre fois plus que pour l'apparition du défunt Capitaine Starshield dans Menace Galactique 2. »
L'holovision Gadgetron XT-7 était allumée dans cet appartement. Un appartement aux grandes baies vitrées, offrant un accès à une terrasse donnant une jolie vue sur une des avenues les plus huppées de Metropolis, celle qui porte le nom de la galaxie. La circulation n'était pas très grande comparée à certains jours où elle était beaucoup plus chargée.
« La météo d'aujourd'hui sur la capitale : de la pluie partout ! En effet, les plantes manquent d'eau et le centre de météorologie a décidé d'installer du mauvais temps pour toute la semaine. Les populations robotiques devront donc se vêtir de peinture hydrophobe pour éviter tout court-circuit. »
Mais comme l'a précisé Patricia sur la déclinaison locale d'Infos 64, le soleil ne brillait pas aujourd'hui, caché par d'épais nuages crachant une pluie légère, sans orage. Tant que c'est pour la bonne cause, toute pluie est bénéfique pour la planète… Ce ne sont pas les trois cent cinquante milliards d'habitants qui diront le contraire. Mais il était vrai que cette grisaille pouvait être déprimante, d'autant plus que c'était un lundi. Les véhicules qui volaient sur l'avenue avaient équipé leur essuie-glace laser pour éviter que la pluie brouille la vue des conducteurs. Les plus chanceux disposaient de pilotes automatiques, ou alors de champs de force empêchant toute goutte d'eau de s'écraser sur la carrosserie et les vitrages. Malgré le temps maussade, tout semblait aller pour le mieux.
« Mais quel temps de merde… Et y a vraiment rien à faire cette semaine, » grommela Ratchet, affalé sur le canapé. Car en effet, Clank n'était plus là, puisqu'il était parti en tournage. On se souvient des circonstances de son renvoi quelques années plus tôt, suite à des oublis de texte trop fréquents. Et malgré ses multiples sauvetages de la galaxie, s'il a reçu nombre de récompenses méritantes, sa notoriété était quand même assez limitée comparé à son ami robotique, bien que sa participation à DreadZone ait quelque peu boosté sa popularité. Pour en revenir à Agent Secret Clank, les producteurs de la série ont tout bonnement décidé de couper les Studios Holostar du reste de la galaxie pendant les deux semaines de tournage intensif. Aucune communication possible, conditions d'accès draconiennes, et pour prétendre à entrer dans les studios, il fallait montrer une patte plus blanche que blanche. Ce niveau de sécurité a été décidé depuis les fuites de photos et de vidéos lors de la saison précédente, provoquées par les paparazzis et les fans avides de connaître les nouvelles aventures de l'agent secret. De ce fait, communiquer avec la star Clank, même pour Ratchet, était tout bonnement impossible.
« C'est vraiment soulant. Clank est acteur, Sasha s'occupe de cette ville à temps plein, mes potes ont un job ou un hobby dans lequel ils excellent, Angela a disparu on ne sait où et moi je me coltine les méchants. « Félicitations Ratchet, bravo Ratchet… » Mais voilà, tous les quinze du mois j'suis obligé d'attendre qu'un déglingué ait un plan suffisamment taré pour espérer sauver la galaxie… Tout ça pour des honneurs éphémères. Et cet appartement. Dans DreadZone au moins, on m'avait peut-être capturé, mais au moins j'avais du succès. Là, plus rien, que dalle. Je risque ma vie pour sauver des milliards d'autres, on me remercie « infiniment », et on retourne à la case départ ? Et puis quoi encore ?! Je veux pas être un héros éternellement si c'est comme ça. »
Ratchet se leva et commença à faire les cent pas. Il se dirigea vers une sorte d'armoire vitrée regroupant toutes les récompenses issues de ses aventures. Une médaille du mérite. Un gros diamant pour montrer la gratitude du président. Les clés de la ville de Metropolis. Et c'est tout. Alors que les étagères du dessous montraient les prix qu'avait reçu Clank, d'un tout autre genre : « acteur de l'année », « série révélation de l'année », « robot le plus classe », et bien d'autres. Son succès dans la série était sans conteste, et alors que Ratchet n'avait besoin que d'une étagère, Clank en avait déjà cinq.
« J'ai besoin d'être remarqué ! Reconnu ! Mais voilà, le problème, il est là, je m'emmerde s'il se passe rien, et dès qu'il se passe quelque chose, quand je m'en charge, au final ça sert presque à rien. Comme quoi, être un héros, si on suit pas les exploits et la promo derrière, c'est pas terrible… »
Ratchet parlait tout seul, c'était une attitude fréquente chez lui. Lorsqu'il n'était « que » mécanicien sur Veldin, cela lui arrivait déjà de se questionner sur son avenir. C'est pour cela qu'il s'est mis en tête d'explorer l'espace et devenir comme son héros d'antan, le capitaine Qwark. Ce qu'il a réussi, grâce à Clank. Mais aujourd'hui, il se rend compte plus que jamais que l'ombre de ce qui devait être à la base son système d'allumage robotique, a totalement éclipsé ses exploits et ses mises en danger.
« Et merde, le frigo est vide, faut que j'aille faire les courses. Et j'ai la dalle. »
Le lombax sortit de la pièce, descendit un escalier et une porte s'ouvrit à son approche. Ratchet entra dans le garage, avec son vaisseau, flottant au milieu de la pièce avec ses Lévitateurs. Le garage était peu éclairé, car ce genre de pièce ne sert réellement qu'au stockage. Le vaisseau s'ouvrit à l'approche de Ratchet, et ce dernier entra dans le cockpit.
« Réservoir de carburant à hydrogène ? disait Ratchet en interrogeant l'intelligence artificielle du vaisseau.
- OK, répondit l'assistante.
- Intégrité de fonctionnement des propulseurs ?
- Cent pour cent.
- Modules anti-gravité ?
- Opérationnels.
- Systèmes de sécurité ?
- Fonctionnels.
- Pressurisation de la cabine de pilotage ?
- Terminée.
- Ok, c'est parti mon kiki ! »
Ratchet démarra donc le vaisseau en appuyant sur le bouton de mise à feu des réacteurs. Cette action produisit un feulement audible mais pas assourdissant, car les progrès faits en terme de bruit par Gadgetron, l'oligopole galactique, étaient sans cesse incroyables. Le sas du garage s'ouvrit en deux parties distinctes, donnant accès à l'avenue aérienne sous la pluie. Ratchet avança, et parvint sans mal à s'insérer dans la circulation.
Gadgetron avait fait la une des informations la semaine dernière. En effet, le président historique de la firme, M. Siddina, après être resté plus de quatre-vingts ans à la tête de la société, a succombé à une maladie incurable. Cette mort signifiait beaucoup pour la galaxie, puisque Gadgetron est la seule société réelle à pouvoir subvenir aux besoins de tout le monde. Si la liberté d'entreprendre était toujours de vigueur, les petites sociétés locales, comme par exemple le Roborama d'Al, ne peuvent fonctionner sans l'apport de matériel provenant de chez Gadgetron. Cette société fait des bénéfices tels qu'il lui faut engager des centaines de calculorobots à plein temps (entendez par là en permanence) pour pouvoir enregistrer en temps réel les profits de la firme. Et les moyens de cette société sont tout bonnement démesurés. Des planètes entières servent à l'agriculture pour nourrir les populations, d'autres, impropres au développement de la vie, sont totalement démantelées pour fournir du minerai et des matières premières. Il en va de même pour les météorites. Et de nombreuses usines de production se situent dans l'espace, pour éviter d'empiéter sur les espaces vitaux des planètes.
La mort du PDG a considérablement fait chuter les cours de l'économie, car celui qui contrôle cette société domine, d'une certaine manière, la galaxie toute entière. Il fallait donc trouver un remplaçant qualifié et jeune, tout désigné pour cette lourde tâche. C'est finalement M. Derod Dramankar, trente-huit ans, de race sellosienne, qui a hérité du poste à l'unanime majorité du conseil d'administration. Ayant débuté à seize ans comme agent de maintenance sur la station DB18, il a peu à peu gravi les échelons (et ils étaient nombreux) et s'est adapté pour finalement devenir un des piliers de la société. La mort de Siddina était donc l'ultime barreau à grimper pour arriver au sommet. Un modèle de réussite, un exemple galactique.
Mais revenons-en à Ratchet. Il écoutait tranquillement une radio musicale, Hits HM Metropolis, mais à en voir son visage, il n'était visiblement pas très joyeux.
« C'est une vie tellement… Banale. C'est MOI qui ai sauvé la galaxie plusieurs fois, on me propose quoi ? Un stupide rôle de chauffeur dans une série ou mon tas de ferraille fait office d'agent secret super charismatique. Clank il doit bien s'éclater sur le tournage, avec toutes ces filles et tout… Et depuis que Sasha est trop dans ses affaires municipales, j'ai plus le temps de la voir. Ca serait franchement bien que j'ai une vraie petite copine, avec qui m'afficher dans les soirées, dans des films, dans des salons, etc. Mais bon, apparemment, les lombax sont pas très en vogue. Enfin, quand je dis « les »… J'en ai jamais croisé d'autre, en même temps. Que ce soit sur Veldin ou ailleurs. Angela m'avait dit qu'elle était issue d'un croisement entre les lombax et une autre race, j'me souviens plus de son nom… Ah, ça va me revenir… (Silence) Et non. M'enfin, je suis persuadé qu'il doit y avoir d'autres lombax dans l'univers, après tout, j'ai forcément des parents ! Quoi que je les ai pas trop connus. Rah là là, la vie, c'est vraiment trop compliqué et en même temps trop simple… »
Ratchet parlait tout seul à propos de son existence, il ruminait la célébrité que Clank lui avait « volée », et il avait même regretté, un jour, d'avoir refusé l'offre de Gleeman Vox pour devenir Exterminator à DreadZone. Mais voir ces images de la main du président de Pox lui montrer une véritable avalanche de produits à son effigie, ainsi que cet horrible écho « tu feras des pubs », tel un disque rayé, l'ont vite ramené à la raison.
« En gros, être héros galactique, ça marche, mais qu'à mi-temps. Je devrais appeler Qwark. Il s'y connaît mieux que moi… »
Ratchet demanda donc à l'ordinateur de contacter Qwark, après avoir pris soin d'être passé en pilotage automatique (comme tout le monde sait, contacter quelqu'un au volant d'un vaisseau est puni de deux mille cinq cents boulons d'amende et de trois points en moins sur la licence de conduite). Ce dernier était en train de se faire chouchouter à l'institut de beauté galactique. Il décrocha, pendant que sa pédicure était en cours.
« Capitaine Qwark, expert en héroïsme et en marketing en tout genre, quelle tâche attendez-vous de moi ?
- Qwark, c'est Ratchet…
- Ratchet ? Nom d'un parcours du combattant d'Helga ! Comment ça va ?
- Ben écoute…
- Oh tu sais, j'ai pas besoin de savoir, répondit Qwark en lui coupant la parole. Je sais que tu es dans une forme Qwarktastique !
- Oui, bon, Qwark, je voulais te parler de quelque chose…
- De quelque chose ? Quoi ? (Il commence à paniquer) J'ai oublié de fermer le combusteur à plutonium ? J'ai manqué un épisode d'Agent Secret Clank ? J'ai oublié de payer mes factures ?
- Nan, c'est pas ça… Ecoute, ça va pas très fort en ce moment.
- Ca ne va pas ? Mais va prendre un petit remontant de chez Spencer Café ! C'est seulement 10 boulons, ça va te redonner la pêche !
- Bon, ok Qwark, je te rappellerai plus tard.
- No problemo, j'suis toujours à ta disposition ! »
Ratchet raccrocha. Et son problème n'était définitivement pas arrangé, bien au contraire.
« J'aurais jamais dû l'appeler. Ce mec, je sais pas comment il a fait pour devenir héros galactique super reconnu avec son cerveau de mollusque… C'est le plus profond des débiles et il a quand même la gloire. Mais je suis pas si bête que ça pour pas qu'on me propose des contrats de millions de boulons !
- Si t'étais moins bête, t'aurais pris le numéro d'Aquagirl pour lui en parler… Rétorqua la console de commande.
- La ferme, toi ! C'est bon, j'peux plus la blairer celle-là, super le rendez-vous sur Aquatos. »
Le vaisseau traversa une zone de forte circulation, puisqu'il s'approchait du centre commercial. En effet, il y avait une sorte de file d'attente pour entrer dans les grands parkings du centre, mais Ratchet, fort heureusement, prit une déviation et emprunta le parking VIP en utilisant une carte spéciale.
« Accès autorisé. Bienvenue au centre commercial, Ratchet, disait l'automate qui contrôlait l'accès au parking.
- Oui, merci. Au moins ça sert à quelque chose d'être un héros… »
Il trouva facilement une place libre, puis éteignit son vaisseau en appuyant sur un bouton. Il sortit du cockpit, et les systèmes de sécurité s'activèrent automatiquement. Ratchet se dirigea vers les ascenseurs, et en emprunta un.
« Quel étage, monsieur ?
- L'étage du hall.
- Très bien, niveau cinq. »
L'ascenseur, aux parois vitrées, se mit à monter à une vitesse plutôt rapide. On pouvait voir divers magasins, et les allées et couloirs étaient bondées de robots, et d'êtres vivants de toutes races. Un véritable melting-pot galactique, qu'on pouvait admirer de l'ascenseur qui montait.
« Hall principal, niveau cinq. »
La porte de l'ascenseur s'ouvrit. Ratchet sortit et entra dans le hall principal du centre commercial. Ce dernier disposait de nombreuses portes d'entrées et la fréquentation pouvait atteindre vingt-cinq millions de visiteurs par jour. Le centre disposait de cent quatre-vingt-quinze magasins, le plus grand étant bien évidemment le Gadgetron G-Store, qui s'étendait sur les dix-sept étages du centre commercial. On pouvait y trouver tout ce que la firme galactique fabriquait, dans tous les rayons. Et pour éviter toute attente aux caisses, les acheteurs pouvaient mettre leurs courses dans un sac de compactage atomique, qu'ils n'avaient plus qu'à passer à la caisse en l'état. Le système de paiement intégré calcule ensuite le prix à payer. La technologie développée par Gadgetron est dans la vie de tous les jours : ce n'est pas pour rien que le quart des bénéfices de la firme va dans la branche Recherche & Développement.
« Hé, c'est Ratchet ! Criait un enfant à sa mère. Qu'est-ce qu'il fait là ?! Je veux un autographe !
- Ben comme tout le monde ici, il va faire ses courses. Vaudrait mieux pas qu'on le dérange, il a parfois tendance à être violent avec les inconnus…
- Mais c'est un héros !
- Oui, mais voilà, y'en a qui disent qu'il est pas d'humeur en ce moment.
- Et Clank, il est où ?
- Tu le sais très bien, il est en tournage. »
Ce genre de discussions se reproduisait partout où Ratchet passait. Certaines personnes lui adressaient un bonjour, un petit « salut Ratchet, ça va ? », pour le saluer.
« Ouais, ça va, » répondit nonchalamment Ratchet, à de nombreuses reprises. En vérité, tout le monde le connaissait, mais il n'y avait ni paparazzis, ni stars, ni tapis rouge ni paillettes. « Faut que je me rende à l'évidence, je peux pas toujours avoir les feux des projecteurs sur moi, pensa-t-il. Bon, allez, direction le G-Store. »
Ratchet fit ses courses dans la plus pure tradition, en ayant son sac de compactage et en prenant ses aliments pour remplir son frigo. Son chemin fut parfois interrompu par des petits enfants, qui lui demandaient un autographe. Chaque papier ou hologramme qu'il « signait » était une petite source de réconfort, un petit moment de gloire personnel.
« Diling diling ! Vous avez un appel ! Diling diling ! »
Le téléphone de Ratchet se mit à sonner. Il regarda l'écran holographique, et vit avec stupeur qu'il s'agissait d'un appel passé en masqué. Il décrocha néanmoins.
« Allô ?
- Oui, vous êtes bien Ratchet, répondit une voix grave, mais étrangement familière…
- Oui, c'est bien moi. Par contre j'aimerais bien savoir qui vous êtes.
- Je ne peux pas vous le dire comme ça, vous êtes dans une zone bondée et ça peut s'entendre. J'aimerais qu'on en parle plus au calme, vous comprenez ?
- Oh là, deux petites secondes. Primo, comment savez-vous où je suis, et secondo, où avez-vous eu ce numéro ?
- Restez calme, je vous prie. Dès que vous aurez fini vos occupations, j'aimerais que vous vous rendiez au seizième étage, au rayon des armements et des systèmes de défense du G-Store. A ce moment-là vous aurez un contact avec un de mes employés.
- Pourquoi je devrais vous faire confiance ? Je ne vous connais pas !
- Je suis sûr que vous m'avez déjà vu quelque part. On se s'est jamais rencontrés, c'est vrai, mais j'ai une proposition à vous faire. Par contre, il faut que vous vous pointiez. Sinon ça collera pas entre nous. Il faut dire, c'est très important pour moi.
- D'accord. Mais vous attendez pas à ce que je me jette dans la gueule du blarg mutant aussi facilement. J'ai toujours une arme sur moi au cas où.
- Vous n'en aurez pas besoin. »
L'interlocuteur avait raccroché. Ratchet resta dubitatif quelques secondes. Qui était-ce ? Un meurtrier ? Un agent secret ? Clank qui lui faisait une blague ? Cela pouvait être n'importe qui.
« Cela vous fera mille deux cent quatre-vingt-quatorze boulons, monsieur.
- Voilà, répondit Ratchet à la caissière tout en lui donnant sa holocarte bancaire.
- Ok… Très bien, merci beaucoup !
- Au revoir !
- Au revoir !
- Ca a encore augmenté ? Décidément… » Répondit Ratchet en aparté.
Ratchet se dirigea donc, méfiant, vers le seizième niveau du G-Store. Il prit un autre ascenseur, et demanda d'aller à l'étage correspondant. Une fois arrivé, Ratchet était arrivé près des rayons d'armurerie. Toutes les armes fabriquées par Gadgetron y étaient exposées, du best-seller plasmo-mitrail et ses versions plus haut de gamme comme le Tempête N60, aux lance-grenades et aux Annihilateurs. Évidemment, cette section ne faisait pas d'achat en direct, et il ne pouvait y avoir que des commandes.
« Mmmh, une nouvelle collection d'armes dévoilée dans deux jours ? Va falloir suivre ça.
- Je savais que vous alliez venir, Ratchet, répondit un individu, presque deux fois plus grand que lui.
- Oui ? Qui êtes-vous ? C'est vous qui m'avez appelé ?
- Moi non, mais mon chef, oui. Veuillez me suivre.
- D'accord… Mais attention, si jamais vous avisez de me faire la peau, je vous jure que…
- Nous ne vous voulons aucun mal, juste votre présence. Ne vous inquiétez pas. »
Ratchet se mit donc à suivre le blarg dans les couloirs de l'armurerie, en passant par les rayons des armures et des boucliers. Ils allèrent ensuite vers une porte blindée, qui nécessitait un digicode. Le blarg l'entra, puis la porte s'ouvrit. Elle donnait accès à un ascenseur de service.
« Niveau soixante-sept, répondit le blarg.
- Soixante-sept ? Y'a pas d'étage soixante-sept dans le centre !
- Tu oublies les étages de bureaux… Et c'est le dernier étage. »
L'ascenseur grimpait plus vite que ceux que Ratchet avait empruntés auparavant, et contrairement aux autres, celui-ci était blindé et on ne pouvait rien voir au travers des murs.
« Niveau soixante-sept. »
La porte s'ouvrit au moment où la machine prononça ces mots. Un long couloir était visible, et une porte était située au fond. Les deux personnes avancèrent, puis le blarg appuya sur la sonnette à côté de la porte.
« Vous venez m'amener Ratchet ?
- Il est à côté de moi, monsieur.
- Entrez. »
La porte s'ouvrit et donnait accès à un bureau demi-circulaire, les parois étant vitrées et offrant une vue spectaculaire sur la ville. En effet, c'était le plus haut bâtiment du secteur. Ratchet s'était souvent demandé s'il irait un jour en haut de cette tour, sur le centre commercial.
« Mes respects, Ratchet.
- Monsieur le président ? Président Dramankar ?!
- Lui-même. »
Ratchet observa Dramankar. C'était un sellosien : il mesurait un peu moins de deux mètres, et était anthropomorphe : deux bras, deux jambes, un torse et un visage . Sa couleur de peau bleu pâle, ses yeux fins mais larges, étaient caractéristiques des sellosiens. Cette race, issue logiquement de la planète Sellos, est une des plus répandues dans l'univers. Il portait un habit noir très sérieux, très en vogue et à la mode.
« Maintenant vous comprenez pourquoi je ne voulais pas tout vous dire au téléphone…
- Ca peut se comprendre… Je me disais que j'avais entendu cette voix quelque part. Alors, vous êtes le nouveau président de la société la plus puissante de la galaxie ?
- En effet. Je me souviens de vous, lorsque vous avez fait une « pub » (il plia deux de ses trois doigts à chaque main) pour nos hoverboards, lorsque vous avez rencontré notre ancien président.
- Ah oui, ça… Mauvais souvenir. Clank m'avait volé la vedette, je me suis débrouillé comme un manche.
- Il faut reconnaître que Clank, votre compagnon, est très charismatique. Il a une faculté d'adaptation à de nombreuses situations… Et il vous a sauvé de la mort plusieurs fois.
- J'avoue.
- Mais on est pas là pour parler de Clank. Si je vous ai appelé, c'est pour une mission de la plus haute importance.
- Je vous écoute, répondit Ratchet, tout fier.
- Vous attendez pas à casser du méchant, quoi que. Vous le savez, dans deux jours, notre nouvelle collection d'armes va sortir. Et j'aimerais que vous en fassiez la promotion.
- Euh… Nan mais vous le savez très bien, devant les caméras j'suis naze, vous l'avez insinué vous-même.
- Oui, mais à l'époque vous n'aviez pas l'habitude des caméras, de la célébrité, tout ça ! Maintenant, vous avez plus de réputation, plus d'aisance, sans oublier votre performance à DreadZone…
- En même temps c'est parce qu'on voulait me faire faire de la pub à outrance que j'ai refusé l'offre de Vox. C'est pas ce que je veux. Vous comprendrez peut-être que…
- Ne vous inquiétez pas, il s'agit juste d'une collection d'armes. Je ne suis pas là pour faire apparaître votre minois sur des paquets de céréales, des disques ou quoi que ce soit d'autre. En plus j'ai entendu que vous étiez en manque de gloire et de célébrité, ça tombe bien !
- Mais où allez-vous chercher tout ça ?!
- Je suis président de Gadgetron, je peux connaître l'état de votre frigo, ce qu'il reste de batterie dans votre portable, où vous allez avec votre vaisseau, et je lis la presse people aussi.
- Vous m'espionniez ?! Répondit Ratchet, étonné et furieux en même temps.
- C'est ça la célébrité, on ne peut jamais rien cacher aux autres… Mais bon, oublions cela. Donc après-demain matin, il va y avoir une cérémonie de présentation au siège de Gadgetron, vous devez savoir où ça se trouve, non ?
- Kalebo III.
- Oui. Vous verrez, ça a un peu changé. A dix heures, après mon discours, vous ferez la démonstration des armes sur des parcours d'obstacles devant tout le monde. Ce sera le moment de montrer vos capacités héroïques… Bien évidemment, on ne peut pas prendre le risque de tuer quelqu'un ou de le blesser, vous aurez donc des répliques d'armes, ce ne seront pas des munitions réelles. On va faire des attaques bidon, et vous « sauverez » le public.
- Ca me botte bien. J'aurais préféré une véritable attaque, mais tant que ça me fait gagner en popularité… (Ratchet se mit à sourire).
- C'est vrai. Evidemment, plus vous serez efficace, plus nous vendrons d'armes. N'oubliez pas, de votre prestation dépend la crédibilité de notre société dans ce domaine. Nous sommes les leaders incontestés, mais il faut mettre un coup de pied aux fesses aux petits concurrents, leur montrer que leurs armes artisanales ne font pas le poids face au géant Gadgetron.
- D'un autre côté, y'a des bonnes armes artisanales fabriquées par-ci par-là…
- Oui, mais bon, seule notre entreprise propose une garantie à vie et une couverture complète des dommages accidentels. Vous serez payé cinquante millions de boulons, plus les bonus et royalties en fonction du succès de cette promotion. Une offre juteuse, vous ne trouvez pas ?
- Je fais pas tellement ça pour l'argent, quoi que si ça me permet d'avoir des équipements luxueux… Une autre question, pourquoi ne pas avoir pris Clank ?
- Primo, il est pas disponible, et deuzio, il est trop petit pour porter les armes ! »
Dramankar et Ratchet se mirent à rire. Les deux s'approchèrent d'une des baies vitrées et admirèrent le paysage. Bien qu'il pleuvait, la vue restait très belle à voir. Dramankar recommença à parler.
« Presque la totalité de ces infrastructures ont été construites avec des outils Gadgetron, ou par Gadgetron. Tous ces véhicules qui circulent ont forcément un peu de notre entreprise dans leurs entrailles. Même la météo d'aujourd'hui est décidée par des mécanismes provenant de nos usines. Avoir un contrat avec Gadgetron, c'est s'assurer un avenir, une notoriété. Moi-même, j'ai gravi les échelons de cette société. Aujourd'hui, je suis à la tête d'un empire gigantesque. Gérer les décisions, faire les bons choix… Et je sais que vous avoir choisi pour la promotion de notre nouvelle collection d'armes est un bon choix. Enfin, si vous acceptez.
- Un peu que j'accepte, répondit Ratchet sur-le-champ.
- Superbe ! Bon, n'oubliez pas que cela doit rester confidentiel jusqu'à l'annonce d'après-demain. Vous pourrez rentrer chez vous après la signature du contrat, mais nous voulons que vous soyez au QG de Gadgetron demain à seize heures. Nous nous préparerons à la grande cérémonie du lendemain. Essayez d'être le plus discret possible, histoire de ne pas attirer trop de gens.
- C'est d'accord.
- Bon, on signe ce contrat ? »
Ratchet s'installa sur le fauteuil devant le bureau, tandis que Dramankar s'était installé de l'autre côté, la « place du boss ». Il lui tendit le contrat qui s'avérait être un mini-écran holographique. Ratchet le prit, et se mit à lire attentivement les clauses du contrat.
« Vous êtes quelqu'un qui se laisse pas avoir, hein, demanda Dramankar.
- J'aime pas trop qu'on m'arnaque. Je préfère m'assurer. »
Après dix secondes de lecture… Ratchet « signa » en posant son empreinte de doigt sur le bas de l'écran.
« Vous avez déjà fini ?
- D'habitude c'est Clank qui traduit tout ce charabia pour moi… Donc là vous comprenez que je ne comprends rien.
- Ah, les formalités administratives, va falloir vraiment tout simplifier. Je vous remercie infiniment, Ratchet. On se retrouve demain à seize heures, comme prévu.
- Très bien. Merci à vous aussi, monsieur Dramankar. »
Ils se serrèrent la main, synonyme d'accord passé entre les deux parties. Gadgetron pouvait compter sur un héros galactique, expert en armes et en gadgets, pour la promotion de sa nouvelle collection d'armes, tandis que Ratchet, impatient d'acquérir une nouvelle notoriété, était heureux d'avoir passé un véritable accord, dont la star, ce serait lui. Un contrat qui sembla leur convenir, au vu de leurs sourires.