Survivre - Chapitre 1

Auteur : Mielou33

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Rafaël bailla à s’en décrocher la mâchoire.

Comme toujours, un vrai bordel régnait dans la classe de Première S1. Tandis que la prof de français tentait en vain de ramener le calme, les élèves riaient à tue-tête, jouaient aux jeux vidéos dans le fond de la salle ou finissaient leur nuit passée sur l’ordinateur. Il ne fallait pas espérer pouvoir faire cours pendant la première heure de la journée, encore moins lorsqu’il s’agissait d’étudier Camus ou autre littérature jugée poussiéreuse.

L’Espagne lui manquait.

Ici, la pluie et le froid semblaient éternels, le ciel maussade décidait de se condamner au gris et le petit lycée perdu dans un trou paumé qu’il avait rejoint contenait à peine assez de jeunes pour se donner la peine de construire une cantine. Bienvenue en Bretagne !

A la pensée des plages chaudes du sud, Rafaël s’affala un peu plus sur sa table. Ses mèches noires rebelles tombèrent sur son front et vinrent chatouiller ses yeux tout aussi sombres. Il repoussa ses cheveux d’un geste agacé, observant la peau mate de sa main devenant plus pâle de jour en jour.

Pourquoi diable ses parents avaient choisi de déménager dans un endroit pareil ?

Ah, oui. Sa mère.

Ils avaient vécu 7 ans en Espagne avant qu’elle ne demande à son mari de revenir en Bretagne : sa région natale lui manquait. Raf ne pouvait pas en vouloir à sa mère pour cela, elle qui se donnait corps et âme pour sa famille sans vraiment demander grand-chose. Et de toute façon, son père ne pouvait jamais rien lui refuser.

Ainsi il s’était retrouvé à vivre dans ce nord hostile, héritant une année plus tard d’un petit frère, ne parvenant jamais à s’habituer au rythme plus matinal, au paysage gris et au soleil froid. Les adieux à la joie de vivre, aux visages chaleureux, aux odeurs du sud, aux grillons, aux fêtes de villages, aux soirées feu de camp à la plage, aux rires… Cela s’était révélé bien plus dur que prévu. Il ne s’en était d’ailleurs toujours pas remis.

Raf s’ennuyait infiniment ici.

Il n’avait pas essayé de développer une amitié avec les gens d’ici, ne parvenant pas à dépasser sa haine naturelle pour la Bretagne et ses habitants. Il préférait ne pas se lier, se concentrer simplement sur ses études et sa famille. Dans son lycée, il avait choisi de porter de l’attention à ses seuls professeurs et gardait avec ses camarades de classe une grande distance. Il restait silencieux et discret, se faisait oublier de chacun par un comportement détaché, agréable mais formel, sans plus.

Seul son amour inconditionnel de la mer lui permettait de tenir.

Mais tout était voué à changer.

« Bonjour ! Je m’appelle Alisméa, et je suis une nouvelle élève dans votre classe ! »

Le silence tomba brusquement dans la salle.

Une jeune fille, 15 ans tout au plus, venait de s’adresser à la classe entière. Sa présence aux côtés de la prof venait d’être remarquée alors que sa voix fluette et heureuse s’était élevée dans le chahut complet.

« … Voici donc votre nouvelle camarade, que je tente de vous présenter depuis le début, soupira la prof de français.
- Je suis enchantée de vous rencontrer ! »

Comment n’avaient-ils pu la voir avant ?

Sa silhouette incontestablement féminine, son sourire lumineux, ses fossettes joyeuses… Elle irradiait une énergie pure : la douceur et la joie de vivre. Elle était si belle. Si simplement belle, naturelle. Ses longs cheveux cuivrés descendaient en cascade sur ses épaules menues, sa peau pâle et ses fines taches de rousseurs évoquant une grâce certaine. Sa petite robe blanche parsemée de fruits colorés lui donnait une touche étrange et décalée, mystérieuse et innocente. Mais le plus captivant restait ses yeux. Deux billes d’une couleur fascinante, entre le marron et le vert, pailleté d’or et de roux autour de la pupille.

Tout en elle évoquait la symphonie des couleurs d’une forêt en automne.

« Soyez sympa avec elle, ok ? Va t’installer à la place libre là-bas, ma chérie. »

Le charme perdura alors que la petite déesse s’en allait d’une démarche lutine vers sa nouvelle place. Rafaël, ravi, libéra le siège pris par son sac et la jeune fille s’installa rapidement en déballant ses affaires.

Il ferma (enfin) sa bouche restée béate puis se pencha vers la demoiselle :

« Salut… Alisméa, c’est ça ? Moi c’est Rafaël.

Elle leva son regard – incroyable ce regard – vers lui et lui sourit.

« Salut Raf’. Je suis contente de te rencontrer enfin. »



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