Andromede - Chapitre 5

- Où est Erik? demandais-je en frappant la table du poing, furieux.
- Je ne vous dois rien! cria le fermier, je ne sais pas où il est et même si je le savais, pourquoi vous le dirais-je?
- Etant son père, vous savez très bien à quel point il est devenu dangereux et qu'il faut mettre un terme à ses agissements!
- Je sais pertinemment qu'il joue avec le feu, mais il s'en prendra à moi si je vous révèle où il est! avoua t-il
- Ecoutez, dis-je en reprenant un ton neutre, si vous me dites où il est, rien ne vous arrivera, je vous le promets. Il faut l'arrêter à tout prix.
- De toute façon, je pense qu'il m'aurait fait rejoindre ses rangs tôt ou tard, dit-il en poussant un soupire. Il est au nord d'ici, dans les ruines de Dalin. Faites attention à vous, certains disent y avoir aperçu des créatures qui n'existent que dans vos cauchemars.

Mes recherches m'avaient amenées jusqu'aux confins du royaume, à l'ouest, dans une région où plusieurs paysans avaient disparus mystérieusement. Dalin se trouvait au centre des montagnes les plus hautes du continent, habituellement un lieu inaccessible. Une grande cité réduite en cendre en quelques jours seulement, par une seule personne. Je devais m'y rendre sous les ordres des Flamberdge pour mettre fin aux machinations de celui qui commandait aux morts. Erik m'avait été décrit comme quelqu'un de manipulateur et d'abjecte qui avait fait plusieurs victimes dans les villages alentour. Il s'attaquait aux femmes et aux enfants qu'il enlevait à la tombé de la nuit pour mener à bien ses chimères. C'était l'un derniers mages au monde, la magie devenant de plus en plus rare parmi les Hommes. Lorsqu'il était jeune, il avait montré un talent prometteur pour la manipulation des éléments, mais en grandissant, il était devenu incontrôlable, avait succombé à la folie. Les démons l’avaient corrompu et sa soif de pouvoir ne cessait de s'accroitre.

Je venais de dépasser les anciennes tours de guets, qui n'étaient plus qu'un tas de gravats, lorsque le fracas d'un arbre qui s'écroula au loin sur le sol me tira de ma rêverie. Des gémissements plaintifs s'élevèrent des bois qui m’entouraient, des bruits de pas se rapprochant et des épées qui s’entrechoquent se firent entendre. Des animaux se trouvant dans la forêt prirent la fuite. Des énormes buissons et feuillages qui jalonnaient le sentier menant à Dalin sortirent une vingtaine d'êtres pourris par le temps, à la chair flasque et putréfier guidés par Erik, le nécromancien.

- Retourne d'où tu viens, mortel…somma l'un d'eux d'une voix métallique, comme irréelle.

Une armée infatigable, qui ne fait qu'obéir sans jamais rechigner, qui combat sans peur. C'était un mauvais rêve, je n'en croyais pas mes yeux, Erik avait réussi l'impossible; ramener à la vie les morts. Il avait dépassé les limites en se prenant pour un Dieu, il s'était engagé sur un terrain aussi périlleux qu'hasardeux. Je devais faire aussi vite que possible. Je dégainai mon épée et laissa mes jambes me porter aussi rapidement qu’elles me le permettaient en direction des ruines. J'étais sûr qu'Erik m'y attendait. Les guerriers de l'au-delà se ruèrent sur moi en brandissant leurs armes, ils avaient saisit mes intentions. En slalomant entre ses abominations un doute me vins à l'esprit: Pouvais-je tuer ces monstruosités?

Je stoppai net ma course et trancha de sang-froid la tête d'une des dépouilles vivantes proche de moi. A mon grand soulagement, l'hideuse créature s'écroula à mes pieds. Ils n'étaient donc pas imbattables. Un phénomène inexplicable se produisit alors. Le corps tout entier de ma victime se désintégra en une fumée cendrée qui fut aussitôt emporté vers les cieux par le vent. Les morts-vivants commencèrent à m'attaquer sans relâche. Je devais éviter et parer leurs coups sans pouvoir répondre, j'étais submergé par la quantité de lame. Je repoussais chaque assaut de toutes mes forces. Le manche de mon épée ne cessait de trembler, je fatiguais petit à petit. Une vive douleur dans le dos me fit comprendre que j'avais été touché. Faisant volte-face, je portai ma lame dans l'abdomen de l'un de mes adversaires qui s'écroula lui aussi à son tour et disparu. Je laissai tomber ma garde, préférant passer à l'offensive. Je frappais aussi vite que possible, le nombre d'ennemis diminuait à vue d'œil. J'avais conscience du contact des lames glacées de mes opposants qui découpaient ma peau avec une rage barbares, mais je devais continuer. Bientôt, mes muscles endoloris me laisseraient tomber et ce serait la fin alors. Ce fut un véritable combat contre moi-même. Je sentais tout mon corps se déchirer, du sang se mit à sortir des entailles, j'arrivais à peine à tenir debout. A plusieurs reprises, je faillis lâcher mon épée et m'affaler par terre, sans vie. Lorsque plus aucun revenant ne se dressa face à moi, j'avais atteint un stade où je ne pouvais même plus bouger. Il m'était impossible d'affronter Erik et il le savait. Il était vraiment très rusé.