Sly Cooper : Destin de Voleurs - Chapitre 4

Chapitre 4 : Le Dernier Maître-Voleur

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Auteur : cooper13

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Paris. Les cheveux au vent, un petit raton-laveur courait sur les ardoises d’un toit de la capitale. Le son de ses baskets bleues résonnait au rythme de sa course. L’enfant était souriant, et son visage exprimait toute la joie qu’il ressentait. Les poings serrés, balancés par le dynamisme de sa course, il se dirigea droit devant lui, où son père l’attendait les bras grandement écartés. Afin de mieux prendre son fils, ce dernier jeta près de lui la serpe qu’il tenait. Il s’accroupit ensuite. Son béret masquait ses yeux, mais dévoilait son sourire radiant. Leurs pelages étaient semblables, d’un gris clair accompagné de régulières rayures noires. Tous deux étaient vêtus en bleu marine, le père doté d’une chemise, le fils d’un t-shirt. L’élan du fiston ne surprit pas son paternel lorsqu’ils finissent enfin par s’entrelacer. Leurs retrouvailles s’effectuèrent devant un magnifique soleil levant. Malgré l’été, la matinée conservait ses derniers instants de fraicheur. Ce qui rendit l’instant encore plus chaleureux. Lorsque le jeune raton fut reposé au sol, il ne put s’empêcher de briser le silence, à travers une question trahissant toute son excitation :

- Maman m’a dit que tu allais enfin me montrer ! C’est vrai papa ?! Tu vas me montrer ?!

- Oui Fils... Je vais commencer ton éducation de Maître-Voleur dès aujourd’hui.

Un grand sourire se dessina sur le visage de Sly, alors âgé de huit ans.



Écrit et imaginé par Cooper13

Sly Cooper in : The Last Master Thief

Fan fiction pour Ratchet Galaxy

Bonne lecture !

Écrit à partir d'août 2017


 Comme à son habitude, le jardin des Champs Elysée fut bondé. Depuis leur position sur la toiture d’un immeuble haussmannien, l’adulte pointa du doigt la foule. En regardant son fils, il déclara : « C’est là-bas que nous allons nous rendre. Aperçois-tu cet animal habillé en marcel ? » Le soleil aveuglait Sly lorsqu’il regarda son père. L’astre dessinait sa fine et musclée silhouette dans les cieux parisiens. Au claquement de doigt de ce dernier, l’enfant se concentra sur la direction indiquée. Il ne réussit pas à reconnaitre la bonne personne dès le premier coup d’œil. En fronçant les yeux, il parvint enfin à distinguer l’individu en question. Il s’agissait d’un guépard, assez grand en comparant sa taille avec celle des patients. Tout en continuant son observation, il écouta son père qui continua ses explications : « C’est lui qui a dérobé en mars dernier Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée de Rembrandt van Rijn. J’ignore encore comment il a exporté ce tableau des Etats-Unis, mais il a réussi. Nous allons le suivre ! ». Bien que ce protagoniste fût habituellement calme et pragmatique, il ne put s’empêcher de laisser exprimer l’adrénaline qu’il ressentait. Sly eut l’impression de découvrir son père. Néanmoins, une légère hébétude, quoique naïve, l’envahit :

- Pourquoi on ne l’attaque pas juste dans une ruelle où y’a personne ?

- Fils, tout vient à point à celui qui sait attendre. Ne l’oublie jamais. Je vais t’expliquer en temps voulu, le raisonnement de notre mission.

 Le père de Sly dandina légèrement sur lui-même, tel un archéologue sur la piste du Graal. Courbant ainsi son apparence droite. Il préparait cette tâche depuis longtemps. Outre le fait de prendre suffisamment de précaution pour pouvoir emmener son enfant sans danger, notre protagoniste comptait enfin rendre justice à l’un de ses peintres préférés. Mais avant, un dernier détail restait à régler.

 Il se pencha au niveau du regard de Sly. Il admira les yeux de son fils avant de lui remettre un masque en main propre. Le petit rongeur regarda la lanière dans la paume de la main. Il comprit qu’il devait s’en munir. Il sut naturellement s’en vêtir, tel un réflexe familial traversant les gênes de la lignée ancestrale. Son père mit le sien en restant accroupi. Tandis que notre héros noua seul son masque noir, le paternel avança : « Ta discrétion est vitale. Il faut toujours veiller à rester incognito et prudent dans chacune de tes actions. Lorsque nous serons dans la foule de ce parc, nous serons invisibles. Non pas grâce à nos masques, mais par notre aspect « père-fils » commun à une foule classique. Lorsque nous suivrons l’individu, s’il nous démasque par un quelconque hasard, nous serons en sécurité. Non pas grâce à un bouclier, mais par la préservation de notre identité… et un bon sprint ! »

 La voix berçait l’ouï du jeune rongeur. Bien que le discours le captivât, il ne put s’empêcher de retenir sa hâte. Il lâcha : « On peut y aller ? ». Or, le regard strict de son père le rappela immédiatement à l’ordre :

- Tout vient à point…

- Heu ? beugla l’enfant.

- … à celui qui…

- … Sly ne saisit pas le message. Il resta silencieux de courtes secondes.

- Fils ?!

- Ah ! Qui sait attendre ! Gronda-t-il fièrement lorsqu’il comprit enfin où son père voulait en venir. En insistant sur la dernière syllabe.

 Voyant son ennemi disparaître dans la foule du parc, le parent prit immédiatement son enfant sur les épaules, reprit sa fidèle serpe posée sur une ardoise avant de glisser au sol à l’aide de la première gouttière qu’il croisa. Comme un pompier s’apprêtant à éliminer un incendie. Tout en gardant une allure naturelle, le Maître-Voleur augmenta le rythme de ses pas. Il traversa la route puis entra majestueusement dans le Jardin. Il se dirigea aussitôt vers le guépard, dont l’habillage saugrenu l’aida à le retrouver plus facilement. Sly, sur les épaules de son père ne put s’empêcher de penser « Heureusement qu’on est quand même pas resté parler trop longtemps ! ».

 Après une douce accélération, la marche diminua de vitesse. La distance entre le suiveur et le suivi demeura raisonnable. Ni trop proche, ni trop éloigné. Le père profita du bruit de la foule pour discuter secrètement avec son élève : « Vois-tu, ta réaction ne m’a guère surpris. Effectivement, pourquoi suivre cet individu, alors qu’un coup de serpe bien placé suffirait à le nuire ? » Sans laisser le temps à Sly de répondre, il continua, tout en suivant du regard le fameux individu. La foule, peu bondée finalement, lui facilita le trajet : « L’attaquer revient à s’abaisser directement à son niveau de criminel peu scrupuleux. En attaquant par la violence, nous prônons ce que nous supposons combattre. Tandis que voler un voleur en flagrant délit, là, c’est vaincre directement son adversaire sur son propre terrain de jeu. En plus de rendre justice, à notre façon, nous lui donnons une leçon ! »

 Ces termes faisaient écho dans l’esprit du petit rongeur. Sans perdre lui aussi leur cible de vue, il se tenait fermement à son père par son visage. Comme si lui toucher la tête, enfin le béret, revenait à transmettre son savoir. Mais il ne comprenait pas encore tout. Il questionna : « Quelle leçon ? ».

 Mais son père ne répondit pas. Il vit son objectif quitter le Jardin des Champs-Elysées, côté Sud. Où diable comptait-il se rendre ?! Cela devenait intéressant... Un voleur d’art en plein Paris... Ville de la culture avec ses musées omniprésents. Oh que oui, ce Cooper était malin. Il comprit où ce scélérat comptait se rendre ! Il stoppa la marche sur les graviers du parc. Puis observa le prédateur s’environner près du parc à travers les grilles. Il traversait actuellement la grande Avenue des Champs-Elysées :

- Mais papa, avance ! On le perd ! ordonna doucement Sly.

- Non Fils, nous l’avons déjà rattrapé ! railla son parent.

 Malgré l’aspect inédit de ce moment-père fils, Sly eut l’impression de découvrir son géniteur. Il n’était pas comme « à la maison ». Il semblait malin, méthodique, calme, charmant et déterminé… Comme si son destin en dépendait. A cet instant précis, l’enfant souhaitait tellement ressembler à la personne qui le portait. Alors qu’il assistait directement à une prestation de son savoir-faire familial, il ne sut où donner de la tête. D’un côté il contemplait Paris, en étant sensible à la beauté du Jardin verdoyant, à son atmosphère paisible, ou encore à l’ensoleillement présent. De l’autre côté, il observait son père, priant pour que l’individu ne lui échappa guère, tout en restant en suspens vis-à-vis de l’issue de la mission. Sly observa aussi un immense oiseau survoler les cieux, avant de se poser sur le bord d’un façade quelconque, au loin. Bref tous les sens du petit rongeur furent exploités. Le corps immobile, l’esprit en mouvement.

 Les secousses des pas soudainement accélérés de son père lui fit s’accrocher plus fort au visage. Ce dernier venait de reprendre la marche. L’individu mystérieux était actuellement en train de traverser la dangereuse avenue des Champs Elysées. Noire de véhicule, le brigand failli provoquer plusieurs accidents en passant perpendiculairement cette voie. Les crissements des pneus freinant agressaient l’ouïe du père de Sly, qui voyait son ennemi prendre une longueur d’avance. Refusant de prendre ce risque avec son fils sur les épaules, il piqua un sprint vers le premier passage piéton qu’il croisa. Geste peu impressionnant étant donné la situation dans laquelle le duo se trouvait.

 Malgré un petit forcing, les voitures laissèrent la voie libre au raton-laveur, qui put rattraper son faible retard par un pas de course discret. Sly pointa du doigt l’individu à son père : « Il entre dans le bâtiment ! ». Son paternel ne put s’empêcher de répondre avec arrogance : « Je sais, Fils ! ». Ce qui accentua, volontairement, l’envie que ressentait son enfant à lui ressembler. Cette phrase, dite sous cette forme, lui fit écho : « Je sais, Fils ! ».

 Effectivement qu’il savait ! Plus l’ennemi avançait, plus l’hypothèse du père se confirmait ! L’individu se rendait, sous les yeux ébahis de Sly, à l’intérieur du Grand Palais de Paris ! L’enfant ne put s’empêcher de lâcher un son d’étonnement. Ce que son père ne put rester sans répondre, en continuant sa filature : « Est-ce vraiment surprenant Fils ? Où se rend un voleur d’Art dans une ville telle que Paris ? » A cet instant, alors que son père s’arrêta devant la première marche du Grand Palais, Sly comprit. Ses yeux s’arrondirent. Il répondit en même temps que son professeur : « A une exposition d’Art… ». Le scélérat était sur le point de récidiver. Cela offrait deux hypothèses :

- Soit les flics étaient au courant, et comptaient l’arrêter en flagrant délit. Auquel cas, il fallait partir au plus vite.

- Soit ils étaient seuls.

 Afin de s’assurer de la deuxième hypothèse, le paternel se munit aussitôt de son téléphone portable. Sly n’eut pas le temps de voir à qui allait s’adresser l’appel, ni de comprendre pourquoi son père sembla soudainement être aussi pensif. Néanmoins il écouta la conversation : « Sweenie, vieux fourbe… Oui et toi ?... Oui... Je n’ai pas le temps pour des trivialités…. C’est ça je suis sur un coup. Ce n’était pas prévu j’te jure. A la base c’était seulement du repérage… Oui : Pour mon garçon à vrai dire. Dis, je sais que t’es en taule là, mais j’aurai besoin d’un service. Renseigne-toi sur un certain Levinson. C’est un guépard, organisé dans le vol d’art. OK, à plus. Enfin, par téléphone. »

  Tandis que l’individu mystérieux se faufila discrètement à l’intérieur du bâtiment, Sly fut descendu des épaules de son père, dont il orienta le regard vers le sien. L’enfant admirait le Grand Palais derrière les épaules carrées de son paternel. Le ciel bleu surplombant la capitale rendait l’endroit accueillant. Loin de toute cette agitation dont seulement papa semblait avoir le secret. Il posa enfin ses yeux sur ceux de son interlocuteur. Afin que cette expérience lui serve d’apprentissage, l’adulte lui exposa sa théorie et son plan :

- Sly, nous sommes normalement seuls sur ce coup. Nous avons une chance inespérée pour ta formation, tâche d’en faire bon usage. Nous allons empêcher ce renégat de dérober une œuvre.

- Il va voler laquelle ?

- J’attends un message textuel. Nous n’allons pas tarder à connaitre quelle œuvre il compte se munir. Mais restons prudent. Peut-être d’autres acteurs, policiers comme brigands, sont de la partie.

- Comment on va faire ?! rétorqua le petit rongeur, à peine après la fin de la phrase de son paternel. Ce dernier le lui signala de manière autoritaire mais bienveillante.

- Calme-toi, Fils. J’y viens. Nous n’avons malheureusement pas le temps pour établir un plan. Nous ne connaissons ni le lieu, ni l’individu, ni même ce qu’il compte voler. Ceci n’est pas un cas habituel, mais une situation d’urgence ! Nous allons donc improviser, simplement.

- Le suivre ?

- Nous allons d’abord prouver sa culpabilité. Quelques photos où nous le voyons tenter de dérober le tableau. Cela prouvera l’intérêt de notre acte. A peine son crime sera dévoilé, je lui tomberai dessus. On sauve le tableau, et on dérobe cette crapule. Toi, tu prendras la photo. Au milieu de tous ces touristes, tu passeras inaperçu.

Après quelques minutes de filature, le duo père-fils observèrent le scélérat admirer l’un des tableaux du musée. Sans plus d’originalité, mais pas sans manque d’ambition, le voleur semblait intéressé par La Liberté guidant le peuple. Sly, du haut des épaules de son père, prit discrètement une première photo. La hauteur de la foule, camouflait subtilement leur espionnage. Le père reprit l’appareil et observa la photo.

Au moment du flash, le félin semblait sortir un outil de sa poche. Une sorte de télécommande. A la vue de cet outil, sur la photo, le rongeur releva instinctivement la tête vers sa cible. Non seulement il comptait voler ce tableau aujourd’hui… mais il allait le faire tout de suite ! En plein jour !

Malgré les passants, le duo observait nettement l’individu. Il appuya sur un bouton de sa zapette, et plongea aussitôt la pièce dans le noir pendant quelques secondes ! Au retour de la lumière, le Delacroix avait disparu.

Le binôme fut témoin du spectacle qui s’offrait à lui. Les dernières actions s’étaient déroulées à une vitesse invraisemblable. Les gardiens criaient au vol. Les issues de secours étaient en train d’être fermées, pour bloquer le périmètre. Le voleur, avait également disparu. Ils allaient être enfermé dans cette grande salle, blindée de monde, sans le coupable, qui avait déjà pris la fuite à cet instant. Le petit Sly observa une trappe au plafond, en train de pivoter. Il tapota aussitôt l’épaule de son papa et lui montra du doigt l’issue cachée. Ni une, ni deux, le paternel s’élança vers la trappe. Il escalada une armoire remplie de bibelots historiques et bondit sur la trappe entrouverte. Les pieds dans le vide, à la vue de tous les touristes, et des gardiens, il se hissa à la force de ses bras au plafond. Ces derniers le prirent pour le cambrioleur. L’un d’entre eux crut reconnaitre l’un des Cooper. « C’était bien une queue de raton-laveur ? »

La trappe donna lieu dans un faux-grenier. La trace du guépard était proche. Il n’avait pas encore pu partir bien loin, avec une toile aussi grande. Le rongeur couru dans le mince couloir qui s’offrait à lui. Il veilla à ne pas cogner son fils contre les murs.

Le guépard ne se pensait pas poursuivi. Ainsi, Cooper pu aisément le rattraper à la course. Il le vit longer les murs étroits, portant la toile à l’aide de ses deux mains.

Au même instant, il reçu un texto de Sweenie : « Levinson veut La Liberté Delacroix cet après-midi @+ ». La sonnerie gâcha son effet de surprise. Le guépard posa le tableau et tourna son regard menaçant vers le binôme. Sly vit son père sourire bêtement, l’air de rien. D’un réflexe bienveillant, il posa son fils au sol, puis bondit vers le félin, la serpe à la main. L’adversaire fit de même. La taille du couloir, sombre, ne rendit pas le combat facile. Personne ne pouvait jouer des coudes. Ce serait celui avec le plus de force qui l’emporterait.

Malgré les pectoraux du guépard, bien mis en valeur par son marcel, Cooper avait l’avantage. Il poussait le félin qui tomba les fesses sur les planches. Celles-ci s’ouvrirent, et firent tomber le duo de bagarreur à l’étage inférieur. En plein milieu d’une vitrine, dorénavant brisée. La nouvelle pièce de combat semblait bien plus large. Le combat était relancé. Les deux individus se remirent debout, de chaque coté de la vitrine. Sly et le tableau (soigneusement enroulé dans un tube) étaient toujours à l’étage. Il regardait le combat.

Les visiteurs du musée quittèrent la pièce dans un autre mouvement de panique.

Le félin brisa une autre vitre et s’arma d’une épée médiévale. Cooper, n’osant pas abimer le matériel, arracha la barre en bois d’un porte-manteau. Sa serpe était aussi restée à l’étage !

Les deux protagonistes se lancèrent dans un combat à l’épée improvisé. Enervé, frustré, le voleur frappait tout sur son passage. Il était littéralement en train de nuire cette partie du musée. Il s’agissait d’un avantage pour le raton. Il s’adossa au mur, contre un compteur électrique. Lorsque le guépard voulu lui donner un coup de grâce, il esquiva.

Sly était assez impressionné par le méthodisme de son père. Du haut du trou, le combat était assez épatant. Il observa son paternel qui restait calme et qui se servait de la colère de son ennemi pour l’abattre.

En évitant le rongeur, le guépard frappa violement le compteur électrique de la pièce. L’épée étant métallique, l’électrocuta. Cooper lui frappa la tête avec son manche. Il était aussitôt à terre.

Sly sauta de l’étage, pour atterrir dans les bras de son père. Il lui rendit sa serpe. Le tableau était sauvé, le voleur allait finir en prison. Des sirènes résonnèrent au loin. Il fallait fuir.

Le duo sortit par la porte principale. Un duo père-fils ne pouvait pas être soupçonné de vol. Surtout qu’il repartait les mains vides. Un flot de policier entra dans le long couloir d’entrée. A contre-courant, Sly, observa de haut le flux de policier déferler autour de lui. Tous les ignorait, courant dans la direction opposée.

Innocentés malgré eux, le binôme réussit à quitter le lieu aussi rapidement qu’ils en étaient entrés.

Le rongeur se munit d’une enveloppe, y écrivit « Interpol » sur le dos, y glissa les photos prises quelques minutes plus tôt, et la glissa dans une boite postale jaune.

Quelques ruelles plus loin, le père s’accrocha à la première gouttière qu’il vit et s’éleva sur les toits. Il y déposa son fils. La fuite fut rapide et efficace. Le paternel engagea la parole :

- Tout ne s’est pas passé comme prévu. Dans l’action j’ai oublié de t’enseigner quelques subtilités. Passons-les en revue. Premièrement, toujours avoir une longueur d’avance sur son adversaire. Nous ignorions qu’il allait plonger la salle dans le noir. Une fouille discrète de son repaire ainsi qu’une étude de ses précédents casses nous auraient sûrement permis d’anticiper son coup. Deuxièmement, toujours avoir un plan, complet. Dans notre précipitation, nous n’avions qu’un début de plan : la filature. Comprends-tu pourquoi j’évoque cela ?

- Oui…. Enfin, je crois.

Sly, par son jeune âge, semblait perdu parmi le flot d’information qui lui sautait au visage, mais qui l’intriguait malgré tout. Son père prit conscience de son manque subtile de pédagogie. Gêné, il s’accroupit, mit sa main sur l’épaule de Sly, et reprit :

- Nous recommencerons une autre fois, je te le promet. Je t’enseignerai ce que nous avons loupé aujourd’hui, mais tu reverras aussi ce qui a bien fonctionné. Tu verras, tout prendra du sens avec le temps.

- D’accord.

- Ah… et j’oubliais. A la toute fin, toujours laisser une carte de visite. J’en ai glissé une dans l’enveloppe. Interpol, et ton ennemi, connaitront la personne responsable de cet acte de bravoure.

- J’en ai laissé une près du tableau, resté bloqué à l’étage, avant que tu ne tombes avec le guépard. Je l’ai laissé avant de partir.

Incongru, son père le questionna :

- Pourquoi as-tu donc fait cela ?!

- Ca m’a semblé logique… le petit raton répondit timidement. Il eut peur d’avoir fait une bêtise, alors qu’il s’agissait de son unique initiative dans cette affaire.

Son père ria aux éclats, il se releva aussitôt :

- C’est excellent ! Tu vois, c’est le métier qui rentre ahah ! Très bien Sly. Allez, rentrons.

Le duo continua d’avancer main dans la main, cote à cote, sur les toits…. Ils retournèrent à la maison. Le soleil allait se coucher. Il brillait et laissait leur silhouette noire se distinguer. Tels des cowboys avançant dans le soleil couchant. Sly regarda son père :

- J’ai hâte de raconter ça à maman !

Le père blémit…

- Heu, soit gentil… Je choisirai quels passages lui raconter… Je n’ai pas envie qu’elle sache que je me suis battu avec un cousin du lion.




- - - Mer du Nord - - -

- - - 1031 ap. J-C - - -


 Il faisait nuit. Un peu froid. L'emploi rapide et récent de l'électro-gun lui réchauffa les mains. Carmelita Montoya Fox venait de refroidir, ou plutôt l'inverse, son nouvel adversaire lorsqu'elle continua ses tirs vers d'autres barbares. La précision de ses coups ne fut en aucun cas altérée par la neige et le vent qui firent basculer le navire sur lequel elle se situait. La tempête assombri le pont en bois sur lequel elle se battait. Les quelques torches, additionnées à la lumière de ses tirs rendirent le tableau plus coloré et clignotant. Cela contrasta avec le brouillard, qui lui rendit le champ de tir plus trouble.

 Pour elle néanmoins, il ne s'agissait que d'un combat parmi tant d'autre. Elle tira machinalement sur les silhouettes menaçantes qui, quittant le nuage de brume, s'avançaient vers elle. Leurs haches et leurs regards menaçants ne pouvaient pas l'atteindre. A l'issue de la bataille, elle quitta sa position pour rejoindre Egill Kôupheur, descendant viking de Sly, qui s'était occupé d'un autre groupe à l'arrière du pont. Alors qu'elle pénétra dans les épaisses lueurs, elle ne fit même pas attention aux différents barbares qu'elle dégommait. Ces derniers se jetaient sur la renarde, à l'arme blanche, en criant des odes quelconques à leurs Dieux. Machinalement, elle les électrocuta sans plus de cérémonies, sans grands gestes, et même sans le moindre regard. Le bruit des vagues masquait le son de ses tirs. Elle avançait, lassée mais d'un pas rapide et déterminé, vers l'ancêtre qu'elle devait sauver. Les caprices de la météo la ralentissaient plus que l'équipage du navire qu'elle combattait.

 Malgré la brume, elle parvient à reconnaître Egill. Il semblait grand, maigre, au pelage foncé. A moins que ce ne fut le temps qui lui donna ce ressentit. Il lança sa serpe, aux allures d'un saxe doré, contre le visage d'une silhouette. Cette dernière ne se relevant pas, marqua la justesse du lancer du raton. Lorsqu'il se retourna vers Fox, celle-ci distingua le vert clair de ses beaux yeux à travers les nuages nocturnes.

 L'empêchant de prononcer le moindre mot, l'inspecteur (mise-à-pied) entama calmement l'échange :

- Qui étaient ces hommes ?

- Ce fourbe d'Yggdrasil va être accueilli au banquet d'Odin avant moi ! Je vous en remercie. Il m'a calomnié auprès d'eux.

 Carmelita sembla l'apercevoir ramasser sa serpe à ses pieds. Le brouillard l'empêcha d'établir une description plus précise de l'individu. Cet "Yggdrasil" devait être l'un des nombreux sbires embauchés par Leparadox. La phrase suivante confirma l'hypothèse de Carmelita :

- Il voulait me voler mon outil. Il m'a d'abord proposé de me l'acheter. J'ai refusé. Par conséquent ce vif-höd m'a accusé d'avoir tenté de saborder le navire. L'équipage a voulu me jeter par-dessus bord. Après quoi, il se serait sans doute emparé de mon héritage… Mais vous êtes sortis tout droit de ce chariot bleu, puis vous vous êtes servi des pouvoirs de Thor pour l'enflammer ! Qu'Hel l'emporte !

- Carmelita se parla à elle-même. Elle ne put s'empêcher de lâcher un colérique "Cette vermine de Le Paradox !". En même temps, elle réfléchit très rapidement au cours dialogue qu'elle venait d'entreprendre. Elle avait sauvé l'ancêtre et confirmé ses hypothèses. Les pages du Volus-Ratonnus de cet ancêtre s'effaçaient à cause de la machinerie de Leparadox, mais également du mystérieux "Tireur de ficelles". Prenant les devants, ressentant le devoir d'alerter ses compagnons, elle reprit :

- Egill, vous sentez-vous capable de reprendre en main ce navire jusqu'à chez vous ?

- Bien-sûr ! Egill tenta de s'accrocher au gouvernail. Je vais m'assurer de regagner l'honneur que ce troll m'a enlevé. dit-il avant de perdre de vue sa sauveuse. Auprès de quelle côte souhaitez-vous que je vous dépose ?

A peine eut-il finit sa phrase qu'il aperçut Fox décoller du navire à travers une navette bleue. Elle disparut en un éclair. Egill le remarqua déjà trop tard. Incongru, mais sauvé.





- - - Dans le van - - -

- - - Cortex spatio-temporel - - -


 Sly resta admirer le volant sur lesquels étaient posés ses mains. Son absence. Son silence, avait semblé lui durer une éternité. Malgré sa vie d'aventurier, il n'avait jamais prévu s’éloigner aussi longtemps de chez lui. Si loin géographiquement, et temporellement. Depuis la fameuse nuit où le dirigeable de Leparadox l'emporta en plein Egypte Antique. Jusqu'à son combat contre un corsaire bien connu. Sans oublier sa rencontre avec son ancêtre londonien ou ses retrouvailles avec Carmelita. Oui, ce rongeur s'était absenté assez longtemps. Dû aux fourberies de son mystérieux et nouvel ennemi, lui et ses amis étaient contraints de sauver chacun de ses ancêtres...

 La vitre du véhicule fut plongé dans un vaste brouillard bleu. Sly conduisait sans trop savoir où et comment bouger le volant. Le module temporel du van s'occupait de les téléporter automatiquement en fonction de l'époque de l'objet placé dans le réceptacle.

Il tourna rapidement son visage vers son ami reptilien. En train de piloter le van à l'arrière, depuis son ordinateur. Il le surpris en train de parler à lui-même :

- Selon mes calculs, Camelita est en train de sauver Egill. J'ai donné un point de rendez-vous aux autres. Ils reviendront dès qu'ils auront sauvé quelques ancêtres supplémentaires.

- Pourquoi m'as-tu fais venir avant ? Généralement tu demandes à Murray de conduire le van en premier.

- Il faut qu'on nous nous entretenons.

- Au sujet de ma mort ?

- Il faut toujours que tu ramènes tout à toi Sly. Je pensais à Pénélope. râcla t-il sèchement. Les yeux plongés dans le regard de Sly, à travers le rétroviseur.

- Tu l'as laissé partir après qu'elle nous ai livré nos informations.

- Je l'ai abandonné sur Free Bay. Nuance. Elle a déjà dû trouver un moyen de revenir au présent, la connaissant.

La vision du parebrise s'éclaircit. Après un rapide flash, ils freinèrent sur du sable chaud. Murray ouvrit la porte du van et s'assit à la place de Sly, qui se poussa naturellement du côté passager. Bentley regarda son ami d'un air frustré. Sly sut qu'il réussit à échapper à cette conversation. Ils coururent vers leur nouvel objectif : récupérer Carmelita. Plus vite leurs escales se réalisaient, plus ils diminuaient leurs chances d'être repéré par le Tireur de Ficelles. Bentley plaça un crâne viking récupéré dans les affaires de Pénélope sur Free Bay dans le réceptacle.

 Le cortex était brumeux, et le trajet fut silencieux. Personne n'osa prononcer le moindre mot. Bentley était remonté contre Sly, de lui avoir caché sa connaissance de la présence de son ancienne petite-amie. Tout comme il lui avait caché sa mort. Le rongeur ressentait cette impression. Il n'en voulait pas à son ami, il espérait juste que cela passerait.

 Les feux du van permirent au duo d'avancer sereinement dans l'obscurité. Une fois arrivé sur un navire, Murray gara le van devant Fox, qui courrait vers le véhicule. Ce fut cette dernière qui prit la parole en ouvrant la porte latérale de l'automobile. Sly observa ses longs cheveux qui flottaient dans le vent :

- Ça va nous prendre trop de temps Bentley !

- Je sais, je sais !

Alors que Carmelita fermait la portière, elle continua aussitôt :

- Tu disais toi-même qu'il était dangereux de rencontrer trop d'ancêtre. Le dernier que j'ai sauvé m'a pris pour une déesse !

- D'autres nouvelles pages disparaissent. Bien plus qu'une seule cette fois ! enchérit Murray, retourné contre son volant. Pointant du doigt le Volus-Ratonnus que tenait fermement son voisin de siège, Sly.

- L'étau se resserre. conclut froidement le rongeur, le regard vide contre le parebrise. Il veut nous presser. Il nous teste.

- Il nous pousse à bout. La guerre est officiellement déclarée.

 Bentley verrouilla le van de l'intérieur. Il se tût. Alors que le van disparut dans l'habituel sbire bleue, personne n'osa interrompre ce long silence qui durait déjà depuis trop longtemps. Personne ne sut s'il reflétait la difficulté de la mission où alors les tensions qui heurtaient le groupe. Néanmoins ce silence fut implicitement exigé par la tortue, qui en avait besoin pour réfléchir. Il lui fallait trouver une issue quant à la dangereuse situation dans laquelle ils s'étaient embarqués. Il avait beau se remémorer l'intégralité des événements depuis le jour où Pénélope disparut de son laboratoire, changeant variable après variable, afin de voir comment aurait pu, ou plutôt aurait dû, tourner la situation. Il ne trouvait rien. Il s'avoua intiment qu'il était confronté au plus grand problème de sa vie.

 Combien de temps dura ce silence ? Quelques secondes ? Une dizaine de minutes peut-être ?

 Puis, il eut soudainement une idée. Un léger sourire trahissait son inquiétude. Était-ce la lumière au bout du tunnel qu'ils espéraient tant. Son nouveau plan lui sembla aussi inattendu qu'insolite. Aussi fou que la situation le laissât désirer. Néanmoins ce n'était pas leur première aventure, loin de là. Plus d'une fois, ce furent leurs plans les plus dingues qui les avaient sauvés des situations les plus extrêmes. Constatant l'intégralité de l'équipe à son bord, la tortue l'exposa théâtralement :

"Sly, tu dois arrêter de sauver tes ancêtres."

 Le rongeur tourna violement son regard droit dans les yeux de son ami. Les dernières actions venaient de s'effectuer très rapidement. La bouche plate, il ne sut comment interpréter ce nouveau plan. Il s'agissait là de la pire idée de Bentley aux yeux de Sly. Il avait besoin d'explication. Son ami ne pouvait ordonner ceci sans une quelconque raison valable... Mais certainement contestable : effectivement, Sly ne comptait pas suivre ce plan. Les idées fusèrent à grande vitesse dans son esprit. Arrêter le sauvetage de sa descendance revenait à abandonner le combat. Or, un Cooper n'abandonne jamais. Encore moins lorsque l'adversaire n'est même pas identifié. De plus, arrêter les sauvetages consistait à empêcher la naissance de Sly. Catastrophe temporelle à part, ceci ennuya égoïstement le rongeur. Pour la première fois, sous le regard ébahis, quoique ignorés aux yeux du raton, il compta contester Bentley. Néanmoins, avant qu'il n'ait le temps de répondre, un cri stridant résonna dans le véhicule :

"SLYYY !"

 Même Murray sursauta, donnant un léger à-coup aux membres du véhicule. Personne ne sut dire d'où cela venait. Pour être honnête, Carmelita avait à peine entendu ce bruit, toujours sous le choc de l'annonce de Bentley. Le son réitéra. La description de la voix s'affina. Elle semblait rauque mais relativement aigue. Elle leur rappelait quelqu'un. Pourtant, ce fut un autre prénom qu'elle énonça : "BENTLEEEY !". Puis très rapidement, cela fut suivi d'un "A L'AIDE ! CA SENT LE ROUSSI !".

 Une telle expression, si incongrue, d'un son si unique… Bentley devina d'où il provenait. Il fit rouler naturellement mais rapidement sa chaise à l'autre bout du van. Il contourna Carmelita. Puis il plongea violement sa main dans l'un des sacs qui leur servait de bagage, calés au fond du véhicule. A l'ombre du gang. Sly observa son ami fouiller une sacoche rouge, dont le logo du gang apparaissait en dehors de l'obscurité. Le reptile en sorti un gros diamant vert. Celui-ci leur était bien connu. Il leur avait jadis, permis de communiquer avec Dimitri au présent. Tandis qu'il conservait en sécurité l'ouvrage, à l'abri des sombres époques temporelles visitées par l'infâme LeParadox. Or l'ouvrage leur avait servi afin de retrouver Sly en Egypte, à la suite de son combat contre ledit scélérat. Le précieux livre avait quitté son époque, partageant les mêmes péripéties que le groupe : Free Bay ou encore Londres. Dans leur hâte de retrouver Sly, après leur lecture du mot, Bentley avait préparé ses affaires. Par reflexe, il s'était muni de ce téléphone lui permettant de conserver un pied au présent. Et c'était précisément depuis cet appareil que le son provenait. Lorsque Bentley le sorti du sac à dos, l'hologramme du visage de Dimitri leur apparut : "ILS SONT CHEZ MOI !"

 Alors que Bentley lui répondit par son prénom, la voix du lézard violet coupa, en même temps que son image qui disparut. Des voix sourdes pallièrent la perte de la communication. Chacun regarda le diamant avec appréhension. Sly eut peur pour son ami. Malgré ce qu'il avait pu lui reprocher, Dim' sembla fidèle au poste. Les voix semblaient directives et menaçantes : "Aucun signe du répertoire temporel. Allons l'annoncer à Spram..." suivi de d'autres grésillements semblables :

- Je rêve, ou on était à deux doigts de connaitre le nom du "Tireur de Ficelles" là ? grogna Murray. Mais Fox lui coupa la parole :

- Le répertoire temporel ! Dimitri l'a trouvé en plongeant dans la Seine ! J'ai moi-même tenté d'en extraire les données ! Avant que… je ne me fasse tirer dessus. Le son de la voix de la renarde diminua à la chute de sa phrase, tel un traumatisme. La curiosité scientifique de Bentley prit le dessus :

- Qu'est-ce qu'un "répertoire temporel" ?

- Il contient l'intégralité des appels passés de Cyril LeParadox lorsqu'il était en possession de son dirigeable. Celui où nous avons perdu Sly cette fameuse nuit.

Après tout, il n'y avait eu qu'un seul dirigeable. Mais cela lui sembla important de le rappeler. A ces paroles, elle regardait son ami droit dans les yeux. Il lui répondit avec un sourire neutre, avant qu'elle ne reprit :

- Je comptais te l'apporter Bentley. Pour que tu puisses en extraire les données. Ceci aurait alimenté mon enquête contre cette fripouille. Ils doivent penser que c'est Dim' qui le possède. On doit venir à son secours.

- Nous n'avons pas le droit de revenir dans le temps, rappela strictement Sly… comme si, finalement, sa vie en dépendait. Bentley saisit l'occasion pour énoncer le plan qu'il avait concocté avant l'intervention de Dimitri.

- Finalement, l'appel de détresse tombe à merveille ! C'est l'occasion parfaite pour te renvoyer au présent Sly. Enquête sur le "Tireur de Ficelles" à la source. Carmelita vient de nous l'expliquer : nous avons de quoi investiguer. Carmelita, Murray et moi continuons de sauver tes ancêtres… comme diversion. La voix de la tortue gagnait en intensité. Sly fut obligé d'admettre que son ami ait raison. Sly devait arrêter de sauver ses ancêtres. Ils avaient perdu assez de temps, et d'énergie. Il espéra seulement que Bentley ne servait pas de ce prétexte pour l'éloigner... le temps que passe sa colère. Il reprit durement mais sagement : J'ai vaguement réparé le bracelet temporel de Carmelita. Sert-en pour rejoindre le présent.

 Après un bref silence, soutenu par la sombre atmosphère du vortex spatio-temporel visible depuis le parebrise, Sly opina du chef. Fox brisa l'instant : "Je viens avec toi. On ne sera pas trop de deux."

 Après réflexion, Bentley approuva la décision de son amie. Il régla les coordonnées spatio-temporelles du bracelet à celles de Dimitri, connues grâce au diamant vert. Bien que Murray ne les vit pas partir de ses propres yeux, ces derniers étant concentrés sur la brume extérieure, il entendit l'habituel bruit du bracelet lorsqu'il était activé. La dernière fois qu'il l'avait entendu, ce fut face à Jordi Zaïne sur Mercy Island. Il comprit que ses amis étaient partis. Le groupe fut dorénavant séparé en deux. Il fut toutefois surpris qu'une telle décision fut prise en aussi peu de temps. Preuve que le temps pesait sur eux. Dans tous les sens du terme.



- - - Paris - France - - -

- - - De nos jours - - -


 Main dans la main, le couple se téléporta soudainement dans le salon même du lézard. Ces derniers durent conserver un contact physique pendant le transfert, afin que le bracelet présent sur le bras de Fox puisse les déplacer comme une seule et même entité. Alors qu'ils lâchèrent, bien que lentement, leur main respective, ils constatèrent un désordre sans nom au sein de l'appartement. Ce fut la deuxième fois que la renarde se trouvait en un lieu visité par les sbires du "Tireur de Ficelles".

 Elle ne fut à peine choquée par l'état lamentable des meubles et de la dispersion des affaires du propriétaire. Tout ce qu'elle espérait, c'était de ne pas terminer comme la fois précédente. Quant au rongeur, l'effet fut plus immédiat et important : ces gars-là n'étaient pas des débutants dans le milieu du crime organisé. Il saisit plus fermement sa serpe, et fronça instinctivement les yeux.

 Inutile d'être un grand enquêteur pour comprendre à qui appartenait ce logement. Les bibelots et affaires éparpillés dans tous les sens : scaphandre, jukebox des années 80s, palme, harpon ou encore boule à facettes. Ils étaient bel et bien arrivés chez Dimitri. Les carreaux aux fenêtres ainsi que les portes défoncées accentuèrent la tension de l'atmosphère, ainsi que le danger de leur présence. "Où était-il ?". Ou plutôt : "Où étaient-ils tous ?". Ni homme grenouille, ni homme de main au sein du logement. Puis soudain, le rongeur se frappa le front, devant le regard stupéfait de la renarde :

- Nous n'aurions jamais dû venir ! S'ils nous voient, notre ennemi connaitra notre position au présent ! Nous serons démasqués…

- Raison de plus de tirer Dim' d'affaire discrètement. Positiva son amie en guise réponse. Puis elle se munit du premier harpon qu'elle trouva au sol, parmi la pile de vêtement étendue.

 Un bruit extérieur vint interrompre leur réflexion. Cela ressemblait à un bruit de moteur. Son lourd et profond, qui inspirait une accélération. Alors que les deux compères se précipitèrent vers la première fenêtre (cassée) donnant vue sur la rue dont provenait le bruit, ils virent une camionnette kaki, ornée d'un "S" vert, prendre la fuite. Fox ne mit pas longtemps à reconnaitre ce logo. Le véhicule qui l'avait poursuivi à moto l'avait possédé aussi. Peut-être était-ce bien le même véhicule ! Elle cria en la pointant du doigt : "Dimitri est à l'intérieur ! On doit la suivre !"

 Il n'en fallu pas plus pour que Sly mouva. Il se retourna vers l'intérieur de l'appartement et bondit vers le diamant vert de Bentley, resté au sol depuis le moment où le lézard les avait contactés. Fox prit conscience de l'intelligence du geste. Il s'agissait du seul moyen pour le quatuor de rester en contact. Fox reposa aussitôt son regard sur la rue. Ils se situaient au moins au sixième étage d'un immeuble. Sly lui prit le harpon sans qu'elle ne s'en aperçoive. Il s'assit sur le bord de la fenêtre, puis visa le toit au-dessus d'eux. Tel un grapin, il s'en servi pour monter sur la toiture, afin de poursuivre plus aisément la camionnette. Après avoir lancé le câble, il grimpa à la seule force de ses bras sur les rebords en ardoise. Caractéristique principale des toitures de cette région parisienne.

 Il n'allait pas tarder à faire nuit. Le crépuscule était déjà bien installé. Cette observation fit remarquer à Sly qu'il ne connaissait ni l'heure, ni la date à laquelle ils s'étaient rendus. Mais en ces minutes sombres, cela ne représentait pas la première question qu'il se posait. Sans attendre Fox, le rongeur bondit sur le toit voisin, d'où il espérait se rapprocher de la rue prise par la dangereuse camionnette. A peine fut-il revenu dans son époque d'origine, que Sly fit ce qu'il savait faire de mieux : piquer un sprint sur des toitures. Lorsqu'il arriva au bout d'un immeuble, il regarda sous ses pieds. La vue fut plus haute qu'il ne l'aurait pensé. Faire attention à ne vraiment pas tomber. Mais son objectif le rappela à l'ordre. Il aperçut, un peu plus loin dans le boulevard, le fameux véhicule. Il s'était arrêté à un feu rouge… Pensant avoir échappé à tout soupçon, il avait dû reprendre une allure normale. Sly ne réfléchit guère plus longtemps, il continua d'avancer vers son but. Sans reprendre son souffle, il s'élança tête baissée au niveau du feux. Il fallait le rattraper avant qu'il ne redevienne vert, couleur pour laquelle la camionnette disparaitrait de sa vue. Il sauta du toit, et se rattrapa naturellement à la gouttière correspondante. Il descendit tel un pompier sur une barre de caserne. Ses gants empêchèrent ses mains de bruler sous la vitesse du geste. En moins de dix secondes il avait atteint le sol ferme. Dos à la route, à quelques mètres du van vert. Par l'inertie, il plia légèrement ses genoux au contact de ses pieds sur les pavés. Néanmoins, avant qu'il ne lâche le tuyau, un bruit lui fit froid dans le dos : le moteur du véhicule. En se retournant, il remarqua tristement le départ du van et la couleur verte du feu. Dimitri était perdu.

 Heureusement, une poignée de secondes à peine, Fox vint à sa rencontre depuis une moto : "J'ai un siège passager, ça t'intéresse ?"

 Rapidement, il observa le deux-roues : noir, monocylindre, légèrement courbé à son bout, et sans aucun autre signe particulier. Espérons qu'il soit assez rapide. Sans la moindre réponse, le rongeur bondit sur le bolide, avant que la renarde ne fonce à son tour sur ce boulevard de la capitale. La ruelle était étonnement dégagée. Ce qui permit au duo de rattraper leur retard sur le véhicule. Ils ne tardèrent pas à apercevoir l'arrière du van : une marche, deux portes avec des grilles en guise de fenêtre, et une barre verticale de chaque côté. Le logo d'un "S" kaki sur chacune des portes, en dessous de chaque fenêtre. Lorsque Fox talonna la camionnette, Sly comprit qu'il allait devoir faire un peu d'escalade. Leur temps était compté : personne ne savait jusqu'où l'adversaire comptait rouler. Il fallait sauver le lézard AVANT leur prochain arrêt.

 Malgré l'excellent équilibriste qu'il était, la vitesse folle du véhicule donna quelques peines au rongeur pour tenir sur le siège arrière, debout. Alors que Fox frôla l'arrière du véhicule, le rongeur bondit sur la camionnette. Une des deux barres verticales lui permit de s'agripper aisément. Son visage, collé à la fenêtre ornée de barres métallique, lui offrit une vue très proche (trop proche) sur le visage de Dimitri. Ce dernier lui hurla : "Sort moi de ce bousier !". Même en de telles circonstances, le lézard semblait fidèle à lui-même. Le trio semblait quitter la ville. Le paysage devenait de moins en moins urbain, laissant place à la nature et ses quatre-voies. Tandis que la renarde talonnait le duo, ces derniers échangèrent un regard plus efficace que n'importe quel échange verbal. Ces types étaient dangereux, et mieux valait ne pas trainer. Néanmoins le rongeur fut rapidement ralenti.

 Le cadenas qui maintenait fermé la serrure étaient de ceux qui résistaient à sa serpe. Du moins, il ne disposait clairement pas assez de temps. Heureusement, Dimitri lui cria :

- La clé est sur leur tableau de bord !

 Par un habituel sourire, celui qui montrait qu'il dominait la situation, Sly répondit qu'il s'en doutait. Alors que non. Cependant une idée l'éclaira. Il exigea à Dimitri de faire diversion. Puis il bondit sur le toit du véhicule. Rampant contre vents et marée, ou plutôt contre vitesse et secousse. Il parvint à atteindre en un temps record, sans tomber du véhicule, à rejoindre l'avant. Heureusement, la vitre passagère était entrouverte. En un rapide regard sur le côté passager, il observa les deux gardes, en train de parler à Dimitri. Ce dernier remplissait son rôle. Ils communiquèrent ensemble à travers une petite trappe. Comme celles dont les policiers disposent dans leurs propres véhicules d'arrestation. Sly trouva facilement un trousseau de clé sur le tableau de bord. Celle du cadenas devait forcément y figurer. Pas une, ni deux, le rongeur saisit l'opportunité. Il glissa son fidèle bâton à travers la fine ouverture, et rapprocha l'extrémité courbée et doré de sa serpe au trousseau. Le garde passager, regardant Dimitri, ne le remarqua pas. La vision de Sly du pilote fut cachée par les épaisses épaules du gardes passager, tournée d'un quart vers le lézard. Malgré le bruit du vent dans la vitesse, Sly parvint à entendre des morceaux de phrases de Dimitri. Il crut comprendre que ce dernier expliquait où trouver dans Paris des cours de danse disco en plein XXIe siècle. Dimitri jusqu'au bout.

 Certes, l'allure du véhicule rendait périlleux l'assaut du héros. Le pire resta pourtant le fait qu'il voyait tout à l'envers. Effectivement, Sly était le ventre posé sur le toit du véhicule, la tête face à la vitre côté passager, une main sur le carreau, l'autre tenant sa serpe, en train de jouer au "Docteur Maboul" avec un trousseau de clé, à travers une petite ouverture de fenêtre, sans que personne ne s'en aperçoive. Ouaw ?! Après ceci, il méritait la distinction du voleur le plus discret ! Carmelita l'observait en arrière, le cœur resserré. Elle craint le retrouver allongé sur le bas-côté en moins de deux. Après un essai raté, sous le regard impuissant du lézard qui examinait la scène derrière le buste de son geôlier, Sly parvint enfin à enfiler le trousseau sur sa serpe… Le rongeur suait grandement, mais la ventilation dont il disposait lui laissa le front sec. A 140 km/h, tout s'estompe. Sauf le stress.

 Les feux du véhicule s'allumèrent, la nuit tombait enfin. L'apparition soudaine des lumières surprit Sly, qui conserva professionnellement son bras statique. Il possédait toujours les clés. Il devait maintenant les ramener vers lui. Il commença à tirer d'une main sur sa serpe. Maniant ses doigts pour rapprocher son bâton. Alors qu'il se rapprochait du but, le passager sembla se retourner en position initiale… Sly le vit, impuissant encore, se retourner. Il gonfla ses joues, et élargit ses yeux. Mais Dimitri hurla : "NON ! Regarde ma main !". Ce dernier s'exécuta en grommelant. Il ordonna au lézard de la boucler, et ferma violement la petite ouverture qui autorisait la communication. Dimitri imagina la réaction de Sly à découvert. Il pouvait même sentir le garde s'être entièrement retourné. Sa peur fut palpable. Il allait mourir torturé, entraînant avec lui la chute de son ami.

Les secondes défilèrent… Néanmoins il n'entendit aucun bruit particulier. Que se passait-il alors ?

 Puis un bruit sourd se fit entendre à l'arrière du camion, toujours en mouvement. Il vit Sly, debout, en train d'ouvrir le cadenas. Les deux portes s'ouvrirent simultanément à la française. Sly triomphait, radieux, la lumière des feux de la moto de Fox dans son dos, avec une habituelle remarque sarcastique : "J'ai pris la bonne clé du trousseau dès le premier essai ! C'est bien la première fois de ma vie qu'une telle chance m’arrive !"

 Dimitri l'ignora et bondit à l'arrière de la moto de Fox. Il ne put s'empêcher de crier un "Banzaï !". Le rongeur le suivit à son tour. Il ne déposa pas cette fois sa traditionnelle carte de visite, qui pourrait trahir sa présence au présent. Une fois tout le monde en selle, la renarde fit demi-tour. Elle se redirigea vers la capitale. Le sauvetage fut réussi. Les ennuis allaient pouvoir commencer.


- - -

 Notre trajet nocturne se déroula dans un silence total. Bien que nous fussions à trois sur une moto deux places, personne n'osa prononcer le moindre mot. En citoyenne consciencieuse qu'elle était, Fox rendit la moto à l'emplacement même où elle l'avait prise. Sans la moindre égratignure. Puis nous prîmes tous les trois la fuite, à pied, dans les obscures ruelles parisiennes. Toutefois nous ne savions où nous rendre.

 Notre refuge avait été visité, celui de Dimitri également. Dans un ultime espoir, nous sommes partis visiter le logement de Carmelita. Etonnamment, et fort heureusement, il était encore intact. Les sbires du « Tireur de Ficelles » n’avaient pas encore eu l’idée de le visiter. Notre reflexe fut naturellement de prendre possession de tout ce qui pouvait nous permettre d’identifier notre ennemi. Carmelita se rendit immédiatement dans son bureau. Après avoir ouvert un tiroir précisément identifié, elle en sorti un appareil que je n'avais encore jamais rencontré : une sorte de boite noire. Renforcée et waterproof selon l'iguane. Ces derniers m’expliquèrent comment ils s’en étaient munis, ainsi que l’utilité d’un tel engin.

 Les quelques mois qui ont suivi leur pêche nocturne, Carmelita avait passé ses journées et ses soirées entières à analyser les objets que Dimitri lui avait récupéré. Situés sous les débris aquatiques du dirigeable de LeParadox, à l’issue de la fameuse nuit où j’avais disparu en Egypte. Ces objets se comptaient au nombre de deux : un bracelet temporel (bien connu) et une sorte de boite noire. Lors de ses recherches, Carmelita l’avait baptisé « le répertoire temporel ». En le reliant à divers logiciels, elle avait découvert que ce composant n’était autre qu’un disque-dur répertoriant l’intégralité des l'historique d'appels de LeParadox : ses contacts, ses conversations, ses sujets... La clé du mystère. Nous comptions bien entendu, nous en servir au plus vite.

 Elle comptait le livrer anonymement à Interpol. Masquant ainsi son enquête pendant sa mise à pied. Néanmoins, des événements imprévus en ont décidés autrement. Notre ennemi est puissant. Il possède peut-être même des infiltrés chez Interpol. Ceci motiva mon amie à vérifier elle-même, avec le matériel d’Interpol, le contenu du disque-dur. Autant dire qu’elle ne comptait pas attendre la fin de sa mise à pied pour cela !

 Nous quittâmes donc son habitation avant l’arrivée potentielle des hommes du « Tireur de Ficelles », emmenant avec nous tout ce dont nous avions besoin pour poursuivre l’enquête. Direction : le QG d’Interpol Parisien. J’allais entrer en infraction chez les flics, avec la coopération de cette chère Carmelita. Quelle ironie ! Le temps nous est compté. A la vue de notre adversaire inconnu, nous sommes des clandestins temporels. Tandis que Bentley et Murray continuent la lutte dans le passé, Carmelita et moi devons absolument découvrir QUI se trame derrière toute cette histoire. Nous pourrons ainsi contre-attaquer. L’heure de la revanche a sonné !





AVATAR 

Le Dernier Maître-Voleur


- - - Paris - France - - -

- - - De nos jours - 21 :00 - - -


 D’extérieur, le QG d’Interpol de Paris n’avait pas beaucoup changé depuis sa précédente excursion quelques années auparavant. Sa localisation géographique ainsi que sa fonction municipale rendaient probablement difficile toute rénovation extérieure. Le drapeau du pays ornant l’entrée du bâtiment flottait, en réponse au vent nocturne. Seuls les cris de chats errants ou de voitures klaxonnant vinrent briser l’atmosphère paisible du paysage. Depuis ses jumelles, Fox observait fermement le bâtiment. A genou sur le toit goudronné, à quelques rues plus loin, elle examinait son poste de travail. Les fenêtres dont provenaient les lumières lui indiquaient clairement quels collègues étaient présents, quels collègues étaient absents. Masqués par la pénombre d’un ballon d’eau, en pleine nuit où la lune était noire, ce morceau de toiture constituait dorénavant le repère du gang. Le rongeur et le lézard laissèrent leur amie agir, attendant patiemment ses informations. Elle connaissait l’endroit : ses locaux ainsi que ses habitudes. Ceci lui donna la responsabilité de décréter le moment propice afin de passer à l’action.

 De loin, Fox donnait l’impression d’épier l’intégralité de l’immeuble. Une sorte de quadrillage à vitre, dont la moitié étaient encore allumée en cette heure tardive. En réalité, elle n’attendait qu’une seule chose. Au sixième étage, elle patienta qu’un bureau s’éteigne. Elle savait à qui appartenait cette pièce. Il s’agissait de celle de son propre responsable. Le Gorille qui l’avait mise à pied quelques semaines plus tôt. Bien que cette décision l’ait pas mal impacté, la renarde ne lui en voulait pas. Il avait agi selon un principe protecteur, en tout professionnalisme. Elle éprouvait du respect pour cet individu. Néanmoins ce soir, elle bravait les règles. Attendre encore plusieurs semaines la fin de sa pause ne rendait service à personne. Sly était en danger, et elle comptait l’aider. Peu lui importaient les conséquences. De toute manière, elle craignait plus de perdre Cooper que n’importe quelle sanction professionnelle. De plus, c’était elle qui dirigeait les opérations ce soir. Le trio lui obéissait ! Elle possédait encore une fois sa propre brigade pour remplir un objectif !

 Leur objectif : obtenir la liste des appels de LeParadox. Cette dernière leur permettrait d’obtenir des pistes, concernant l’identité ou même la localisation du « Tireur de Ficelles ». Ainsi donc, ils devaient se rendre dans la salle des machines du QG d’Interpol. Brancher cette maudite boite noire à un quelconque appareil électronique. Partir avec les données. Lorsque Fox leva sa main, paume ouverte, Sly se releva pour la rejoindre. Elle lui tendit la lunette, qui n’était rien d’autre que son propre Binocom, puis il observa à son tour l’immeuble : « La dernière lumière de l’étage numéro 6 vient de s’éteindre. La voie est officiellement libre. »

 Depuis un talkie-walkie, Dimitri resterait sur place, pour les informer de tout éventuel imprévu : un collègue se rendant dans un bureau à une heure plus que tardive, un gardien pointant son nez… Concernant l’entrée dans le bâtiment, Carmelita laissa Sly aux commandes. Ce dernier ne se fit pas prier pour se rendre sur place. Son premier geste fut d’escalader l’immeuble voisin, situé légèrement en hauteur par rapport à celui d’où il partait. Il bondit du toit, traversa le vide en s’agrippant à la première gouttière du bâtiment. Fox admira l’athlète de dos. D’une main, il accompagna son saut pour atterrir sur le toit en pente. Debout, son ombre masquait le logo lointain du QG d’Interpol. Sa serpe rendait sa silhouette reconnaissable.

 En se retournant vers Carmelita, il s’accroupit et lui tendit la main. Elle ne tarda pas à l’imiter, à la différence qu’elle s’accrocha à la main du rongeur, et non à la gouttière. A la seule force de son bras, bien qu’avec difficulté, il la hissa à lui. Dimitri, à son tour, observa l’ombre du duo s’éloigner de lui. Il se fit remarquer l’assortiment de ces derniers.

 Après quelques minutes de course, le binôme n’était plus très loin du QG d’Interpol. Ils purent enfin l’observer en hauteur depuis le toit d’où ils se situèrent. Néanmoins, une grande route les séparait du bâtiment. Il s’agissait d’un immeuble classique de la ville de Paris. De forme carrée, un immense court extérieur et gazonné se trouvait au centre. Architecture haussmannienne classique. Sly fut surpris de voir autant de dispositif de sécurité autour du bâtiment. Dans ses souvenirs, celui de Venise était étonnement facile d’accès. Ici, on pouvait observer des caméras à chaque coin de bâtiment, des néons lumineux épiaient chaque centimètre carré du jardin central. Les lumières des lasers situés à l’intérieur du bâtiment réfléchissaient depuis l’extérieur. A vue d’œil seulement, le rongeur remarqua l’ensemble de ces dangereux dispositifs. Il n’osait même pas imaginer toutes les informations qu’il ne possédait pas sur le lieu, et quels autres dangers menaçaient la réussite de la mission. Ce casse semblait audacieux.

 Il fut également surpris par la confiance en laquelle Carmelita lui accorda cette mission. Sly était doué, mais n’importe quel vol nécessitait un minimum de préparation, de renseignements, d’actions… On ne pénètre pas dans un tel endroit ainsi. Il se remémora intiment les rares leçons de son propre père à ce sujet. Fox aussi observait ce lieu sous un nouvel angle. Sans invitation préalable, ce QG lui semblait bien plus dangereux. Ainsi, le rongeur s’arrêta net, debout. Il regarda sa cible pendant un long quart d’heure. Sous le regard compréhensif de Carmelita. Il posa son regard vers les grilles, le jardin, les caméras, les lasers… Il se représenta l’intérieur du bâtiment, en fonction des dires de sa dulcinée… Il alla même jusqu’à s’imaginer un moyen de s’infiltrer avec un déguisement de gardes… Cependant il devait se rendre à l’évidence. Sans autre préparatif, ce lieu n’était pas pénétrable. Il se rendit oralement à l’évidence :

- Nous ne pouvons pas infiltrer ce QG par l’extérieur, Carm’…

Faisant abstraction de ce diminutif pourri, elle resta concentrée sur sa mission :

- Pourtant, il va bien falloir s’y rendre. Nous n’avons pas de temps. Si on te parachutait au-dessus du jardin central ?

Faisant abstraction de cette idée pourrie, il resta concentré sur sa mission :

- Nous allons donc l’infiltrer depuis le sous-sol.

Elle sourit béatement. Elle avait raison concernant Sly : il avait toujours un plan pour rendre visite aux flics !


- - -

 Sans sa serpe, ces satanées plaques d’égout pouvaient s’avérer difficiles à retirer du sol. Leurs poids et leur prise rendaient fastidieuse toute entrée. Mais avec un peu de bonne volonté, Sly parvint à poser pieds sur le chaleureux bitume défoncé, puant les déchets aquatiques de la ville. En brandissant la lampe torche de Fox envers les deux directions, il statua la voie comme libre, puis lui fit signe verbal de la rejoindre. Heureusement qu’elle n’était pas du genre à courir en chaussure à talon. L’endroit resta tout de même nauséabond. Il fallait faire vite. Si l’odeur s’imprégnait sur eux, ils rencontreraient des difficultés à rester discret dans le commissariat. Lors de son saut, la renarde laissa retomber la plaque d’égout derrière elle. Un bruit lourd les plongea dans le noir.

 Faiblement éclairés par la torche de Fox, le binôme s’enfonça dans le tunnel. Depuis la faible luminosité artificielle dont ils possédaient, ils purent constater l’insalubrité de l’endroit. L’humidité et la fraicheur du lieu marquaient profondément l’atmosphère. La pénombre n’arrangea pas les conditions de l’expédition. La luminosité s’échappant de la lampe torche semblait bien faible par rapport aux ténèbres des lieux. Heureusement, les sens du rongeur, tous en alerte, lui permirent d’avancer sereinement. Les pas du duo étaient moins grands qu’en surface, de peur de marcher sur un obstacle quelconque. Plus ils s’enfonçaient dans les canalisations, plus le niveau de l’eau monta à leurs chevilles. Ce qui ne fut pas sans accentuer leurs précédentes précautions.

 De plus, Sly connaissait partiellement l’endroit. Certes ça avait un peu inondé, et l’odeur empirée (à moins que ce ne soit Sly qui soit devenu adulte entre temps). Mais ces labyrinthes avaient conservé les mêmes chemins que quinze ans plus tôt. Sa mémoire, additionnée à son sens de l’orientation, le rongeur sut se guider naturellement dans le labyrinthe lugubre.

Fox le suivait, tête baissée, les mains dans les poches de son veston jaune. Celui qui avait miraculeusement survécu à l’accident de moto sous le manteau de protection. Elle sentit quelque chose de fin sur sa main droite. Fin et coupant, comme du papier. Interloquée, elle sortit le document avec deux de ses doigts. Elle se souvint soudainement de quoi il pouvait s’agit, avant même de poser son regard dessus. La lampe que tenait Sly éclairait sombrement une petite photo, dévoilant ces deux mêmes individus, en tenue de soirée face à la Tour Eiffel. Elle se souvint de l’avoir ramassé dans l’appartement du gang, cachée dans le couloir, lorsque les mystérieux hommes du « Tireur de Ficelles » fouillaient leur appartement. La même touche de nostalgie que ce jour la saisit. Mais cette fois, elle avait vécu les évènements de Mercy Island. Sa bouche se crispa, ses yeux se froncèrent. Le silence de l’instant appuya ses sensations.

Était-ce le moment d’en parler à Sly ? Théoriquement, non. Emotionnellement, oui : « -On était bien à cette époque, pas vrai ? ». En se retournant vers elle, le rongeur se vit tendre une image. Il la reconnaissait. Non pas ce que celle-ci montrait à proprement parler, mais la photo en tant que telle. Il savait où elle avait récupéré ce cliché : dans ses propres affaires. Le regard de Fox lui fit se retenir de l’interroger : après tout, il ne souhaitait pas connaitre comment elle l’avait obtenue. Il répondit simplement, en reprenant la route : « - Oui… ». Était-ce un regret, ou un reproche ? Fox ne sut interpréter cette réponse. Ressentant le besoin de s’exprimer, elle alla droit au but :

- Pourquoi Sly ?

- Pourquoi quoi ? répondit-il, l’air surpris.

- Pourquoi as-tu menti ? Lorsque tu étais avec moi, et lorsque tu es parti…

S’ils s’étaient parlé en face à face, Carmelita aurait vu Sly tirer de grands yeux à l’entente de cette douloureuse question. Gêné, il réfléchit un court instant, pesant chacun de ses mots avant de les sortir de sa bouche. Carmelita comprit cet instant de réflexion. Se sentant proche de la réponse, elle lui laissa quelques secondes. Il répondit enfin, peut-être en marchant moins vite :

- Ce soir-là, j’ai failli mourir. Enfin, plus que d’habitude. Honnêtement, le fait de survivre, grâce à toi d’ailleurs, m’a tout autant secoué. Lorsque je regardais, les dents féroces du monstre qui me tenait, je n’ai même pas pensé à Bentley ou Murray. Ni même à mon père ou ma mère… Mais à toi. C’est bête à dire, mais j’ai compris que je te tournais autour sans passer à l’acte depuis trop longtemps.

Après un bref coup d’œil au-dessus de lui, il se retourna vers Carmelita, qui continuait de le regarder. Il ne l’avait encore jamais vu avec un tel air. Il continua :

- Regarde-moi. Je ne suis qu’un voleur à tes yeux. Le dernier de ma longue descendance. Orphelin, sans grande éducation, hors la loi… Toi, tu es de bonne famille, très brillante et… une flic. Nous sommes incompatibles. Nous sommes trop différents. Mais… je t’ai toujours aimé. J’ai donc triché. C’était le seul moyen de t’attirer vers moi…

Carmelita, émue, se tût. Sly n’avait pas fini de parler de toute manière. Son silence marquait simplement une reprise de respiration :

- Ensuite, y’a eu ce « LeParadox », qui m’intriguait. Je n’ai jamais pu sentir ce gars. Et, comme tu le sais, j’ai ensuite appris qu’il s’en prenait à ma famille. Au départ je souhaitais simplement m’occuper de lui sans t’y mêler. Mais comme d’habitude, depuis le début de cette maudite affaire, les choses m’échappent. Elles dérapent. » Il acheva sa plaidoirie par un sobre mais sincère « Je suis désolé, Carmelita ».

Le regard du rongeur était sombre. Fox aussi, n’avait jamais vu son amant avec un tel air. Il se munit de sa serpe, et frappa violement la trappe en bois se situant au-dessus de sa tête. Un léger rayon de lumière provenant d’en haut vint éclairer son visage. Ce dernier implorait de reporter la conversation qu’ils avaient engagé. Il avait raison : mieux valait continuer la mission. Le temps pressait, et Fox avait besoin de digérer tout cela. Après l’accord visuel de son amie, il bondit à travers la nouvelle issue. Rattrapée par l’urgence de la situation elle ne tarda pas à le rejoindre, après avoir rangé la photo là où elle venait de la retrouver.


- - -

 Henri Loiseau n’aimait jamais faire des heures supplémentaires. Il aimait avant tout son métier de bureaucrate car chacune des tâches qu’il avait à réaliser étaient rapides, et devenaient même répétitives avec l’expérience. En prenant son temps, il parvenait habituellement à joindre les deux bouts. Ainsi, ses habitudes consolidaient sa zone de confort et son quotidien simpliste. Il aimait commencer tard, prendre sa pause-café/donut, et finir à l’heure. Petit, grassouillet, regard cerné et miettes de gâteau sur la chemise. Oui, Henri Loiseau, un pigeon au physique peu avantageux, incarnait le triste stéréotype du fonctionnaire de police lambda. Néanmoins il subissait actuellement un pic de charge. Un de ses collègues était absent, pour une raison dont il ignorait. Peut-être était-ce un congé paternité. Il lui semblait avoir entendu parler de son vœu de devenir père. D’un naturel égoïste, il se fichait également pas mal de la vie de ses collègues. Son unique pensée reposait sur le moment (encore inconnu) où il reviendrait, afin qu’il puisse reprendre un quotidien normal. Il devait donc gérer la charge additionnelle, en plus de la sienne. N’étant pas du style à se presser au travail, ce dernier avait accumulé un retard non toléré par son supérieur. D’où les heures supplémentaires. Même le directeur de l’étage avait quitté son bureau. N’ayant même pas remarqué, ni même imaginé, la présence tardive de cet employé peu modèle, celui-ci avait éteint les lumières. Henri travaillait donc dans le noir. Seule la lumière de son ordinateur éclairait son bureau.

 Agacé par cette situation inhabituelle et insupportable, il quitta son bureau pour aller s’acheter une friandise au distributeur. En observant les bureaux, il fut surpris de constater un silence mortuaire. D’habitude, les sonneries de téléphones, les discussions et bruits d’ordinateurs meublaient l’atmosphère sonore de l’étage. Il s’agissait d’un grand espace rempli d’open-space. Seuls quelques employés possédaient leur propre bureau vitré comme le commissaire ou encore la capitaine Fox. Il prit l’ascenseur qui le fit descendre au rez-de-chaussée, puis termina son chemin dans la salle de pause. D’habitude, il aimait bien se rendre dans cette salle de pause, plutôt que celle de l’étage où il travaillait. Ceci lui évitait les remarques et moqueries de ses collègues qui avaient tous constaté son caractère paresseux. Mais surtout, cela lui permettait de s’absenter, de manière justifiée, une absence plus longue de son poste. Or ce soir, ce fut par simple reflexe qu’il choisit cette machine à celle de son étage. Il se fit la réflexion une fois face à la vitrine.

Malgré son cinquième passage dans la journée devant le comptoir, il prit le temps de parcourir visuellement les stocks de chacune des friandises. Il hésita entre une barre chocolatée et un sachet de bonbons. Puis il opta les deux. Il mit ses pièces et tapa le numéro correspondant à la barre de chocolat. Au moment où celle-ci tomba dans le réceptacle, un bruit sourd résonna au loin. Il détourna son regard vers l’origine du bruit, il constata la porte du local électrique, visible depuis l’autre bout du couloir. Il prit sa friandise, puis regarda à nouveau la petite porte. Il lui sembla entendre du bruit. Peut-être s’agissait-il d’hommes de la maintenance du bâtiment. Toujours dans sa quête de grignotage, il décida de taper le numéro équivalent au sachet de bonbon. Bizarrement, un bruit de porte claqua à l’instant même où l’emballage tomba de la machine. Pris de court, il sursauta vers l’origine de cet autre bruit. Toujours la porte du local électrique. Il se munit de sa sucrerie puis retourna illico à l’ascenseur, en essayant de ne pas paraître trop peureux.

 La remontée lui parut plus longue qu’à l’habituel. Il comptait débaucher d’ici une heure. Il avait hâte que cette mauvaise journée s’arrête. Néanmoins un nouvel événement troubla sa quiétude. A l’instant où les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, il cru voir un flash dans l’un des bureaux vitrés. Comme si une lampe s’était éteinte. Il demeura quelques secondes immobiles. Croyant avoir vu un simple éclair lumineux, il refusa de croire à un quelconque cambriolage. Ce QG d’Interpol n’était constitué seulement de bureaux et de machines d’analyses. Elle ne possédait aucune salle d’archive ou de communication directe avec un gouvernement particulier. Il empêcha la porte de l’ascenseur de se refermer avec la main qui ne portait aucune sucrerie, puis sortit enfin. Après tout, il ne pouvait y avoir personne d’autre que lui à cet étage.

 Il se réassit à son bureau puis continua, presque sereinement, son travail. Il n’aperçut même pas les rideaux du bureau vitré, situé quelques mètres face à lui se refermer. Sur la porte dudit bureau, on pouvait lire « Salle des machines ». Mais on ne pouvait plus voir si quelqu’un se trouvait à l’intérieur.


- - -

- Je croyais qu’il n’y avait personne à cette heure-ci ! murmura Sly, d’un ton colérique.

- Moi aussi ! A quoi penses-tu ?! répondit Fox, sur la même intonation.

- Peu importe, j’ai fermé le rideau. Si nous travaillons dans le noir, sans faire de bruit, et s’il ne vient pas ici, on devrait être tranquille.

- Rassure-toi. Je connais cet employé, il ne risque pas de prendre la moindre initiative. Cela me surprend même qu’il fasse la moindre heure supplémentaire.

- Que cherchons-nous maintenant ?

- Un appareil pouvant lire les données contenues dans ce bidule. Dit-elle en posant l’appareil sur le bureau le plus proche.

L’obscurité de la pièce empêcha le duo de se distinguer réellement du reste du mobilier. Leur discrétion était de rigueur. Un employé se situait à quelques mètres d’eux, avec aucun bruit autour de lui. Fox commença par se remunir de son électro-gun, rangé dans l’un des tiroirs du meuble. Elle avait été séparée de son arme depuis trop longtemps. Elle fut satisfaite de l’avoir récupéré. Néanmoins, elle ne montra aucun signe distinctif de joie. Après avoir vérifié son chargement, elle alluma aussitôt l’ordinateur, et régla l’allumage de l’écran au minimum. Malgré l’obscurité, Sly sentait la satisfaction de son amie quant à la retrouvaille de sa fidèle arme de service. Il regardait sa chevelure qui se dessinait dans la noirceur de la petite pièce. Finalement, il la préférait avec son flingue… dans de telles circonstance. Heureusement, l’épaisse vitrine qui les séparait du fonctionnaire les isolait du bruit sourd de l’ordinateur qui démarrait. Il brisa le silence :

- Tu sais comment récupérer les données de cet appareil ? questionna Sly.

- Je vais déjà tâcher de retrouver la machine qui va nous permettre de lire le répertoire temporel.

- Je présume qu’on ne peut pas avoir ce que l’on souhaite depuis cet ordinateur ?

- A quoi pensais-tu Sly ? Que j’allais brancher le répertoire à un ordi ayant le logo d’Interpol comme fond d’écran puis… Bip bip, hop ! C’est bon, on connait le « Tireur de Ficelles » ?

- Excuse-moi… L’informatique a toujours été obscur pour moi. C’est Bentley qui fait « bip bip hop » d’habitude.

- Mmmh… J’accède à la classification des machines du bâtiment. A en croire la technologie de notre objet, il faut employer une de nos machines du deuxième sous-sol.

- C’est reparti. Lâcha-t-il cyniquement.

Sly sauta sur le bureau, et décrocha silencieusement l’ouverture du conduit d’aération traversant le bureau. Aucunement besoin de tournevis, le système se déclipsait tout seul. La présence de l’employé les obligeait à trouver un autre moyen de déplacement que l’ascenseur. D’un mouvement élégant, il bondit à travers les tuyaux. Carmelita ne tarda pas à l’imiter, puis à le guider dans les étroits tubes.


- - -

Enervé, mais soulagé d’avoir rattrapé une bonne partie de son retard honteusement accumulé, Henri recula sa chaise de bureau puis se leva. A peine eut-il prit son manteau qu’il se dirigea droit vers l’ascenseur. Il ne prit même pas le soin d’éteindre sa lampe de bureau. Il appuya de son pouce droit sur la touche « Rez-de-chaussée » puis attendit impatiemment la fermeture des portes. Jamais la descente ne lui avait paru si longue. Même pour celle de la quatrième pause-café qu’il s’accordait tous les matins. Lorsqu’un bruit sourd, tel un boulet de canon, vient heurter le toit de la cabine. La lumière faiblit en intensité pendant ce court instant. Il sursauta et lâcha un cri évacuant toute trace semblable de virilité. Sa cravate dénouée était collée à sa chemise, par la capillarité de sa sueur. Il fronça légèrement des yeux, se demandant d’où provenait ce son si inattendu.

Le « ding » accompagnant l’ouverture des portes le fit sursauter une nouvelle fois. La porte de sortie du poste se situait droit devant lui. Sans demander son reste, il quitta la cabine d’un pas élancé. Les portes de l’élévateur se refermèrent avant qu’il n’ait le temps d’atteindre l’autre accès. Alors qu’il saisit la poignée de la porte, le bruit se répéta. A la différence qu’il provenait de l’intérieur de l’ascenseur cette nouvelle fois. Tout se passa soudainement très lentement dans l’esprit d’Henri. Y’avait-il quelqu’un d’autre que lui dans l’immeuble ?! Les gardes de sécurité conservaient uniquement les sous-sols, où se trouvait tout le matériel de grande valeur. Mais théoriquement, personne -à part lui- ne devait provenir d’un quelconque étage ! Lui qui n’avait plus qu’une seule hâte : rentrer chez lui, fut contraint de reconsidérer l’emploi du temps de ses prochaines minutes. Le silence mortuaire du couloir, renforçait la tension. Seules les lumières de la rue, traversant la porte transparente, éclairait de dos le contribuable. Il regardait fixement l’élévateur dans la pénombre. Loiseau se demanda s’il délirait. Le poids de la fatigue additionné aux ténèbres de la nuit lui jouaient de mauvais tours. Il resta peut-être deux minutes regarder la porte.

Contre toute attente, même la sienne, il prit une décision. Dans l’optique de se rassurer, il décida de vérifier qu’il n’y avait personne dans l’ascenseur. Il lâcha la poignée de la porte. Il se retourna vers l’autre. D’un pas élancé, il appuya sur le bouton « Aller vers en haut », symbolisé par une flèche. Curieusement, la porte ne s’ouvrit pas immédiatement. Comme si quelqu’un d’autre avait utilisé l’élévateur pendant ce court instant…


- - -

« Ces ascenseurs font un de ses bruits lorsqu’on y rentre depuis le toit. Heureusement qu’il n’y a personne dans les environs. »

Fox brisa ainsi le silence qui s’était créée depuis leur saut dans la cabine. Sly avait activé l’ascenseur, après avoir fermé la trappe située au-dessus d’eux. Ils attendirent la descente complète jusqu’au deuxième sous-sol. Sly se représentait mentalement la forme de la salle, ainsi que la position de l’équipement qui les intéressait. Grâces aux préalables explications de Fox, qui connaissait ce lieu par cœur, il fut ainsi capable de se représenter un chemin discret, évitant ainsi les gardes. La présence de ces derniers lui compliquait la tâche. Cependant il n’était pas inquiet. Ce n’était pas la première fois qu’une mission ne se déroulait pas comme prévue. Pourtant, quelque chose le tracassa. Il ne se sentait pas comme d’habitude. Il avait beau ignorer son précédent échange avec Carmelita, cette dernière le stressa davantage. C’était la toute première fois qu’ils agissaient ensemble, seuls, contre l’adversité. Elle ne l’avait encore jamais vu s’infiltrer de ses propres yeux dans un lieu où il n’était pas invité. Encore moins un commissariat. Sly le savait. Il lui fallait être exemplaire. Vis-à-vis de Carmelita. Vis-à-vis de lui. La mission semblait donc plus exigeante.

 Le tintement de l’élévateur marqua la fin de la pause. Un long couloir apparut devant le binôme. L’obscurité fut masquée par les rayons de la lampe torche de Carmelita, qui guidait son acolyte. On observait un long couloir, remplis de portes à la suite, toutes espacées de quelques mètres à intervalles réguliers. Le lieu était froid et silencieux. Néanmoins la présence de Fox suffit à Sly pour se rassurer. Outre le fait qu’elle connaissait l’endroit, il se sentait accompagné dans l’épreuve. Simplement. Elle s’arrêta devant une porte lambda, en plein milieu du long corridor. Après s’être retourné vers le raton, elle visa la poignée avec la torche et expliqua : « La machine nous permettant de lire les données du répertoire temporel se situe dans cette salle. Elle est logiquement gardée par deux gardes. Je connais ces gars-là. Ils sont d’une autre trempe que les fonctionnaires des étages. Ils sont féroces et professionnels. Ils ne quittent jamais leur poste. »

 Dans son ignorance du lieu, Sly suggéra :

- Nous n’avons qu’à employer la machine pendant qu’ils ont le dos tourné.

- Impossible. Elle fera trop de bruit. Nous ne pouvons pas la faire fonctionner sans qu’ils ne s’en aperçoivent.

- Comment fonctionne-t-elle au juste, cette machine ?

- Je vais brancher le répertoire aux ports de la centrale de l’appareil. Je vais ensuite lancer le protocole de lecture depuis l’application. Nous attendrons environ une minute ou deux le temps du traitement, puis nous pourrons avoir accès à l’intégralité de la liste des appels tenus par Leparadox : date, temps d’appel et… contacts. Lors du traitement, la machine va s’emballer, d’où le bruit qui alerterait les gardiens. Il faut trouver un moyen de les faire sortir d’ici. Et vite.

- L’alarme incendie ! Ricana le rongeur.

- L’alarme incendie. Approuva la renarde.

- L’alarme incendie ?! interrogea le rongeur, comme pour souligner le fait qu’il blaguait.

- L’alarme incendie. Acquiesça la renarde, une nouvelle fois. L’idée de Sly n’était pas si mauvaise. Elle était immédiatement réalisable, et certainement efficace. Néanmoins elle prit la peine d’ajouter, devant le regard incongru du rongeur : Si nous activons seulement l’alarme, ils vont se douter d’une présence. Nous allons devoir démarrer un feu. Du moins, en simuler un. Ceci abaissera leur vigilance et ils quitteront la pièce. Cependant nous n’aurons que quelques secondes pour extraire les données du répertoire. Le temps qu’ils sortent, comprennent la supercherie, reviennent sur le lieu de leur travail… En tenant compte des temps de montée et descente des ascenseur… Je dirai que nous aurons une bonne dizaine de minutes devant nous, environ. Espérons que cela soit suffisant.

- Désolé Bentley, je retire ce que j’ai dit.

- A quel sujet ?

- Carmelita a des plans encore plus suicidaires que les tiens !

- Très drôle.


- - -

 Lorsqu’Henri Loiseau sortit de l’ascenseur, il se trouva face à un long couloir. Tout comme le duo l’ayant précédé quelques minutes plus tôt, dont il ignorait la présence, il admira le corridor. C’était la première fois qu’il se rendait dans les sous-sols. Non pas qu’il n’était pas autorisé à s’y rendre, mais il s’arrangeait toujours pour ne pas travailler sur les machines. Le travail d’analyse qui suivait était plus difficile. Toutefois, il remarqua assez rapidement un nuage de fumée. Puis une première flamme. Il n’eut à peine le temps de comprendre qu’un incendie se dessinait devant lui, que la porte la plus proche du gaz du couloir s’ouvrit sur sa gauche. Deux individus en sortirent, croisèrent le regard du pigeon, et l’embarquèrent avec lui sur leur route. Le volatile n’eut une nouvelle fois aucun reflexe. Ses deux ailes étaient chacune maintenues par l’un des deux gardes canins, qui couraient vers la sortie. L’alarme incendie venait de s’activer, le son de l’alarme tinta au rythme que l’eau des douches s’écoula. En quelques secondes, ils étaient dans l’ascenseur, déjà en train de remonter en direction du rez-de-chaussée.

  « Tu as vu à quelle vitesse ils ont filé ? Ils vont mettre autant de temps à revenir alors dépêchons-nous ! » ordonna Fox en sortant du placard à balais.

Elle rentra immédiatement dans la pièce et s’attela à la tâche. Sly avait bondit au-dessus de l’ordinateur en question avec un large sac poubelle déplié, dans l’objectif de le protéger de la pluie anti-incendie. Les placards à balais étaient définitivement des endroits pleins de ressources. Ils détalèrent dans la salle des machines. A travers la porte entre-ouverte, ils purent apercevoir d’autres gardes, issues des autres pièces, se diriger vers l’ascenseur. Trop occupé à vouloir fuir le lieu pour remarquer le duo s’approprier les lieux. Sly se tenait debout sur le bureau, les bras écartés, tenant chacun un bout de la bâche, pour donner plus d’ampleur à sa zone de protection. Au sol, Fox venait de brancher le répertoire temporel à l’instrument. Elle ne tarda pas à extraire les valeurs et à les ranger sur une clé USB, qu’elle emporta. Effectivement, le transfert était rapide, mais bruyant. Sly pouvait entendre le bruit du processeur malgré le bruit de l’alarme et des gouttes contre le sac plastique. Une imprimante, posée à côté de l’ordinateur sortit une longue feuille. La fameuse liste des appels de Leparadox. La renarde la tenait enfin dans ses mains après l’avoir arraché de l’imprimante. Tandis qu’elle la plia puis la rangea dans sa poche, Sly lâcha la bâche et couru droit vers l’ascenseur. Il voulait le récupérer AVANT le retour des gardiens.

Les deux individus quittèrent aussitôt la pièce humide et bruyante. Lorsque Fox franchit le palier de la pièce, elle vit Sly qui attendait déjà au sein de l’ascenseur. Il l’avait déjà appelé, et avait déjà appuyé sur le bouton « 6 ». Fox vit les portes se refermer à un mètre d’elle. Elle bondit telle un félin, sa fine silhouette passa à travers les deux portières, sans même les toucher. Garantissant ainsi un gain de temps précieux. Cependant elle n’avait calculé seulement la trajectoire de son saut, ignorant son atterrissage. Seul le temps comptait, il était hors de question d’attendre l’ascenseur. Unique moyen de sortie, qui allait sûrement voir passer les gardiens d’ici quelques secondes. Heureusement, Sly se pencha et la rattrapa immédiatement au niveau de ses bras. Il la releva doucement, en même temps que lui. Les dernières actions s’étaient déroulées en un temps incroyablement court. Ils étaient trempés, essoufflés et un peu stressés. Leurs visages étaient en face-à-face. Comme à son habitude, le rongeur ne put s’empêcher de briser la glace :

- Tu sautes loin.

- Tu cours vite. Lui renvoya-t-elle aussitôt le compliment.

Le raton ne s’était jamais senti aussi proche d’elle. Dans leur remontée, il avait envie de l’embrasser. Il se pencha doucement vers elle. Il lui sembla qu’elle allait jouer le jeu. Hélas, les portes se rouvrirent. Ils durent quittèrent la cabine. Même cet instant s’était déroulé à une vitesse inédite. Les gardes du rez-de-chaussée devaient déjà être en train de rappeler l’ascenseur. Admettons que leur présence avait été douté, jamais la sécurité ne bouclerait les étages supérieurs. Du moins, pas aussi rapidement. Ils conservaient l’avantage. Fox ouvrit une fenêtre, s’agrippa au corps de Sly, et s’échappèrent en para-glisseur.

Ils avaient discrètement obtenu les informations nécessaires.

Mission terminée.



- - - Paris - France - - -

- - - De nos jours - 22 :20 - - -


Sly sortit de la salle de bain avec une serviette bleue autour de la taille. La dernière fois qu’il avait pris une douche, ce fut à Londres ! Puis, la précédente mission lui avait donné un coup de froid. Faire un saut en parachute après s’être fait humidifier était bon pour finir chez un médecin. Cet hôtel n’était pas le meilleur, mais il était le plus discret. Le groupe n’avait dorénavant plus de refuge, presque tous s’étaient déjà fait visiter par les sbires du « Tireur de Ficelles ». Seul celui de Fox manquait à la règle, mais il valait mieux prendre ses précautions. Contrairement à Sly, elle s’était déjà lavée et revêtue de vêtements classiques. Les cheveux encore humides. Seul Dimitri était resté assis à l’unique table ronde, pendant que ses deux amis se soient toilettés. Il lisait les informations que Fox avait obtenue plus tôt dans la soirée. Tachant de démêler les données utiles de celles qui ne l’étaient pas. Il en avait envoyé un double à Bentley. De ce fait, le trio attendait le retour du cerveau.

Néanmoins les premiers constats furent tristes. Aussi invraisemblable que cela le paraissait, LeParadox avait traqué tous les Cooper, un par un. Tous. Plusieurs centaines, peut-être des milliers de sbires avait été contacté et envoyé sur place. Les derniers sauvetages du gang tels que celui de Tennessee ou Imhotep ne représentaient qu’un coup d’épée dans l’eau. Ces sbires étaient à la recherche de leur serpe, mais sûrement pas seulement. Quelque chose d’autre, de bien plus important devait motiver de telles actions. LeParadox n’était certainement qu’un pion, dont son lien avec la famille Cooper justifiait une place hiérarchique. Il était certain que quelqu’un d’autre se cachait derrière un tel complot. Chacun lisait une pile de document dans une main, affalé dans son siège ou sur la table. A la recherche du moindre indice. Soudain, le regard de Sly s’assombrit. Un nom revint plusieurs fois dans la liste des appels entrants. Fox décela son regard, et plia son exemplaire pour observer le rongeur. Personne ne souriait. Dimitri remarqua à son tour le ton du raton. Un silence mortuaire vibra dans la pièce. Le rongeur se pencha sur son document. Un de ses doigts souligna sa lecture. Carmelita observa même des rides sur son front. Elle ne les avait encore jamais remarqués. Après tout ce temps, le gang put enfin poser un nom sur le responsable de cette affaire. Celui qui fut surnommé le « Tireur de Ficelles » pendant tout ce temps était enfin identifié, à travers la tirade de Sly :

- Salem Dolohan.

Un silence appuya le poids de l’information. Néanmoins Carmelita décréta :

- Avec la lettre « S ». Comme celle sur la berline qui m’a poursuivi.

- Comme sur les dossiers du bureau de Pénélope approuva Sly. D’après ces documents, il n’a aucune adresse fixe. Lui aussi, doit voyager dans diverses époques. Je vais demander à Bentley s’il possède des informations supplémentaires.

Dans chacun des trois esprits, le nom de « Salem Dolohan » résonnait.


- - -

Nous le tenions… Enfin ! Le nom de l’individu à qui nous devions tous ces problèmes. Bentley fut fou de joie à l’entente de la réussite de notre mission. Nous avions pu identifier notre ennemi sans même se faire remarquer par celui-ci. Du moins, pour le moment. Le simple fait de prononcer à voix haute son prénom me fit ressentir du mépris. Néanmoins, ce n’était qu’une demi-victoire. Nous devions encore connaitre ses motivations, sa position et même son visage. Nous n’avions qu’un simple nom.

Bentley, comme à son habitude, nous apporta des renseignements complémentaires via le diamant vert. Cependant ces derniers ne me satisfaisaient aucunement. Ils décrivaient un individu presque banal. Comme tant d’autres adversaires déjà rencontré, il était recherché par Interpol pour être lié à divers forfaits et délits commis à travers la surface du globe, sans toutefois la moindre preuve pour une incarcération. Qualifié et réputé pour être un être froid, cynique, discret, richissime et très intelligent. Il possède plusieurs industries et détient également les plus grands cabinets d’avocats de la planète. Combinaison parfaite pour exercer le crime dans la légalité. Non… pour une fois, mes amis et moi-même n’étions pas confrontés à un individu possédant un simple bout de terrain ou une petite armée. Un tel homme, possédant un tel empire… Cela cachait forcément quelque chose de plus gros.

En dehors de ce scélérat, je dois reconnaitre autre chose. J’ai peur de perdre mes amis. Bentley est différent depuis Free Bay. Carmelita et moi semblons nous rapprocher, néanmoins je n’ai jamais été franc envers elle… D’autres points ne sont pas sans attirer mon attention ailleurs. Je n’ai aucune idée de ce que représente cette « Grande Information », cause de ma future et imminente mort. De plus, Pénélope a soulevé un point essentiel lors de notre précédent entretien sur la plage : pourquoi Bentley a-t-il créée cette machine ? Il ne me l’a jamais dit… Trop de questions marquent au fer chaud cette affaire difficile.

Comme déjà dis plus haut, j’ignore encore pourquoi ce dénommé Dolohan a décidé de s’en prendre à ma famille. Mais je compte bien aller le lui demander, en personne. La prochaine étape consistait d’abord à le localiser. La seule chose dont nous sommes certains, c’est qu’il se trouve au présent !



- - - Mons - Belgique - - -

- - - 1916 ap. J-C - - -


- Wizzard. Ici lionceau. J'ai l'objectif en vue.

- Au diable les noms de code. Ne le perds surtout pas de vue Murray !

 Un biplan beige aux ailes kaki survola les cieux. A travers de gris nuages, le pilote rose suivait de loin un second avion. L'hélice tourna à la vitesse qu'elle pénétra dans le vent. La météo était agressive. Un orage se préparait. Le poids du temps, dans les deux sens du terme, menait l'action de l’hippopotame. Le véhicule vibra au bruit de son moteur. Rien de tel qu'un bon effet Doppler afin de commencer un sauvetage. L'avion du héros était décoré d'un dessin représentant un drapeau français. Le deuxième portait un logo plus connu aux yeux du pilote : celui des Cooper. Murray suivait cet avion depuis une dizaine de minute. Surplombant un champ de bataille boulonnais, il espérait ne pas se faire repérer par l'autre pilote. Trois nouveaux engins volants apparurent soudainement dans les cieux. Alignés, face au premier avion. L'action de ces derniers ne surprit pas Murray, qui communiqua à son habituel équipier :

- Ici Lionceau. Comme prévu Wizzard. Ils attaquent le sujet. J'applique l'opération "Rescousse Aérienne". Terminé.

 Le sujet : Ferdinand Cooper. Pilote d'avion lors de la Première Guerre Mondiale. Descendant plus ou moins direct de Walter Thaddeus Cooper. Débarqué en France pour servir au combat, il s'y installera en 1919. S'il y survit. Car, en effet, trois avions ennemis étaient en train de débarquer sur lui. Ces véhicules, envoyés par LeParadox, avaient logiquement pour objectif de l'abattre. Ce dont pourquoi le duo s'était rendu à cette époque. L'hippopotame chargea naturellement ses canons, avant de viser ses adversaires. Il espéra par-dessus le marché, ne pas se faire repérer par l'ancêtre. Lui-même le savait, le groupe avait suffisamment perturbé l'espace-temps de la lignée familiale. Le pilote rose effectua un premier tir, réussit, sur l'un des trois avions. Les deux survivants virent leur collègue s'écraser dans les sombres cumulus éclairant le probable "No man's land". Ce à quoi, ils décidèrent d'attaquer Murray, avant Ferdinand, qui ne s'était toujours aperçu de rien. Après un demi-looping contrôlé, l'hippo accéléra le rythme, dans la direction opposée à Ferdinand.

"Ici Lionceau. Ils mordent à l'hameçon. Le sujet est hors d'atteinte. Terminé."

 L'hameçon, n'était personne d'autre que notre "Grand Murray", attirant les avions ennemis hors de la trajectoire de Ferdinand. Le parasite bruyant de la radio s'était à peine arrêté, que Murray aperçu ses adversaires charger leurs canons. Tandis qu'il essuya les premiers tirs de ses ennemis, le pilote aguerrit se dirigea vers une terre isolée, éloignée des combats terrestres. Le ciel obscur rendit le trajet encore plus fastidieux. L'hippo pouvait seulement se référer aux capteurs de son véhicule, afin de déterminer sa position et sa direction. La météo, ténébreuse, installa un voile de brouillard sur sa vision. Ceci empêcha le pilote de s'attribuer tout point de repère dans l'espace. Accentuant la difficulté de sa mission.

 Les nuages grondèrent alors que Murray continua d'attirer ses adversaires loin de Ferdinand. La pluie de tir qu'il essuya empêcha toute manœuvre de défense. Il devait d'abord installer une distance considérable entre ses adversaires et l'ancêtre. Néanmoins il dut le faire rapidement. Ces hommes, gouvernés probablement par LeParadox, allaient perdre patience et retourner abattre Ferdinand ! D'où l'importance d'agir vite. L'hippo pressa le pas, accélérant plus que jamais à travers les obscurs cumulus. Dès qu'il obtient enfin un écart raisonnable, il chargea sa mitraillette. Aussitôt, il effectua un looping fonçant vers l'un des deux adversaires puis ouvrit le feu sur ce dernier. Une succession de tir surprit les deux ennemis. L'aile droit du biplan ennemi fut touchée, et rapidement, s'écrasa au sol. Autorisant l'avion du héros à voler sur son ancienne position.

 Il n'en resta plus qu'un. L'action s'était déroulée efficacement. Comme à son habitude, le gang agit de manière organisée, malgré l'incertitude des combats. Murray rechargea son arme, en même temps qu'il déplaça son véhicule afin d'esquiver les tirs ennemis. Un premier éclat de tir frôla son aileron gauche. L'adversaire restant s'avéra plus coriace. Murray ne pouvait faire demi-tour. Les balles de l'ennemi le talonnèrent de trop près, trop rapidement.

 Alors qu'un nouvel éclair alluma le ciel gris, Murray continua son périple. Durant le millième de seconde où l'éclair eut frappé, l'hippo rose sembla avoir aperçu la silhouette éclairée d'un gigantesque oiseau nu dans les cieux. Sûrement un tour de son imagination. Une musique du talentueux Peter McConnell ne serait pas inutile pour accompagner mélodieusement le danger mortel de la mission. Il eut une idée. Comme à son habitude, face à un combat régulier, il devait attendre que l'ennemi baisse la garde pour pouvoir le frapper. Il fit donc un effort de concentration et de coordination entre ses pensées et la conduite de son véhicule de manière à esquiver la pluie de munition s'abattant sur lui.

 Un troisième éclair frappa les cieux. Les deux avions se suivirent de près. L'un mitraillant l'autre. Jusqu'au moment où il n'eut plus de munition. Le tireur dû recharger. Ce fut l'instant que Murray attendait. Celui où l'ennemi baisse sa garde. Enfin, lors d'un ultime looping, le pilote rose visa en dessous de lui le malheureux véhicule ennemi. Un tir suffit à le mettre hors-jeu. Surpris, l'adversaire déchu s'écrasa à son tour dans les tranchées. L'explosion, provoquée par l'impact marqua le sauvetage de Ferdinand. Ainsi que la réussite de Murray :

"Wizard. Ici Lionceau. Objectif sain et sauf, je répète objectif sain et sauf. Terminé."

S'échappant de l'orage battant, le costaud fit voler son biplan vers la continuité de sa mission. Un dernier éclair plongea le lecteur dans un fond noir.



- - - Paris - France - - -

- - - De nos jours - 09 :20 - - -


Outre ses capacités aquatiques ou son sens humoristique peu commun, il fallait admettre que de posséder un ami tel que Dimitri représentait des avantages intéressants. Son passé de criminel avait en quelque peu garni son carnet d’adresse. Attribut qui permit à l’équipe de faire connaissance avec l’une des figures les moins philanthropiques du marché noir parisien : Madame Dupont. Si tel était son vrai prénom. Ancien avocat des plus grands hors-la-loi du monde moderne, l’individu connaissait un grand nombre d’individu issu du milieu criminel. Des anciens clients, dont elle cherchait aujourd’hui à tirer profit, anonymement. L’iguane leur avait obtenu un rendez-vous dans un endroit neutre. Sly et Carmelita uniquement se rendaient sur place, habilement déguisés en couple étranger, venu visiter la capitale française. Ceci afin d’éviter tout repérage par les sbires de Salem Dolohan. Ce même type, dont ils espéraient avoir des informations à ce même rendez-vous. Ils avaient convenu un code pour se reconnaitre. Le premier devait demander l’heure, le deuxième devait répondre cinq heure du soir. Ils arrivèrent en premier, pris possession d’une table et commandèrent chacun une boisson sans alcool. Ils avaient tous les deux des lunettes de soleil assorties. Fox était vêtu d’une veste rouge, et portait un chapeau à fleur élégant, en harmonie avec la météo étonnamment au beau fixe pour un mois de septembre. Sly portait un long manteau noir, avec une casquette habillée. On ne percevait presque pas leur race animale. Fox marmonna dans son foulard à soie blanc :

- Tu penses qu’elle va venir ?

- J’espère bien. La casquette m’a coûté cher.

- Nous n’avons pas un sou. Tu l’as volé !

- C’est bien ce que je dis ! railla-t-il.

Les genoux croisés, les doigts entremêlés, il ne regarda même pas Carmelita. Mais il était certain de lui avoir écorché un sourire. Elle continua toutefois l’air de rien :

- Si les choses se gâtent, je l’électrocute. J’ai pensé à apporter mon fidèle revolver.

Sly s’apprêta à la rassurer. La situation évoluait en leur avantage. Il n’était pas aussi angoissé que les jours précédents. Il se surprit agréablement de ce constat. Il opina simplement du chef. Sous ses lunettes de soleil, qui cachaient l’orientation de son regard, il chercha leur mystérieuse interlocutrice dans la foule. Contre toute attente, l’inconnue apparut devant eux en un éclair. C’était un uraeus, un cobra femelle. Vêtue d’une longue robe bordeaux, le buste blanc, le dos kaki. Ses yeux rouges hypnotisaient le duo quelques microsecondes. Sa voix, sensuelle et agressive à la fois, les fit trembler :

- Quelle heure est-il ?

- Cinq heure du soir. Répondit aussitôt Sly, d’une voix qui cachait sa perturbation.

- Bonjour. Je suis Madame Martin. Déclara l’inconnue. Elle prit la chaise libre.

- Vous n’étiez pas censé être Madame Dupont ? Questionna Carmelita.

- Cela est-il vraiment important ? lança-t-elle rhétoriquement.

- Effectivement. La question de votre identité n’est guère pertinente. Seule celle de vos connaissances l’est. Conclu-t-elle.

- En parlant de connaissances, je tiens à vous informer que vous vous attaquez à un gros poisson là. Dimitri m’a nommé votre adversaire, j’ai pu faire quelques recherches annexes à celles des miennes. Même moi, éternelle invisible, je risque ma vie à vous divulguer ces informations.

- Pourquoi donc nous les divulguer ? Questionna Carmelita une nouvelle fois. Sly grimaça. Bien qu’il se posât la même question, il n’avait pas osé la tenter. Le risque que l’individu change d’avis fut trop important.

- Dimitri a su me convaincre. J’avais perdu son procès, lorsque vous l’aviez arrêté quelques années plus tôt. Je lui devais un service. Mettez donc vos habitudes policières de côté, et tâchez de ne plus me poser trop de question.

Carmelita allait l’interroger sur ce fameux procès. Elle y avait assisté, à l’époque. Elle se souvient d’être étonné de la faiblesse de sa plaidoirie. Néanmoins, elle garda sa question pour elle, dans un coin de sa tête. En parlant de tête, elle se souvenait aussi de celle de l’uraeus. Comme dans ses souvenirs, elle lui semblait toujours aussi froide et stricte. Elle reprit la parole, et ne tarda pas à refaire sursauter le duo. Sa voix était toujours aussi charmante et autoritaire :

- Salem Dolohan. Elle marqua un blanc. Comme pour souligner la puissance et le danger qui alimentait la réputation de ce triste et mystérieux individu. Vous le retrouverez au siège de l’entreprise Rat Trap & Bomb. Il se situe au centre de Paris, au Quai des Gèvres. Hélas il est en déplacement jusqu’à demain. Il sera donc de retour le 23 septembre.

La réponse du reptile fut complète, et satisfaisante. Sly continua de remuer légèrement la tête, comme pour souligner le fait qu’il réfléchissait à ce qu’il venait d’entendre. L’inconnue se permit de questionner à son tour :

- Qu’espérez-vous y trouver ?

- Des renseignements… Ne serait-ce qu’un seul. Répondit Fox, d’un ton moins suspicieux.

- La raison qui motive cet ennemi à vous attirer tant d’ennui, je présume.

- La Grande Information, approuva Fox de manière poétique et innocente.

Sly ne put s’empêcher de froncer son regard, à l’entente de ces mots.

Ses jours étaient dorénavant comptés.



- - - Rome - Italie - - -

- - - 85 ap. J-C - - -


 Le bruit du métal contre le sable chaud. Un pilum tombant contre un sol, laissant échapper un bruit léger. Puis, un rat en combinaison de purificateur valsait dans les airs. S'écrasant contre une pile de rats lui ressemblant. Les mêmes gardes rencontrés par leur bourreau à travers les différentes époques qu'il avait voyagé. Murray, vêtu en tenue de gladiateur, se tenait triomphant contre la douzaine de gardes qu'il avait combattu à mains nues ! Buste en or, pieds nus et casque en acier lui voilant les yeux. Au centre du Colisée. Debout. Les bras tendus, les mains à hauteur du visage, écartées. Il s'exprima au public :

- Je demande la liberté à Volalatix Lotor, qui a courageusement combattu pour sa vie !

 Les spectateurs acclamèrent l'hippopotame en cœur. Ils levèrent tous leur pouce vers le ciel, symbolisant la grâce accordée au prisonnier. Ce dernier n'était qu'un raton-laveur au pelage relativement blanc. Torse nu, portant un pantalon en braie bleu foncé. Le torse taillé en "V". Il ne possédait qu'une serpe en guise d'arme. Son casque pointu et sa moustache grise renforcèrent son physique gaulois réduit à l’état d’esclave.

 Après une houle d'applaudissement, d'autres gardes entrèrent dans l'arène. Murray observa l'empereur, incompris. Un dernier animal, plus grand et plus musclé que les autres, pénétra sur le champ de bataille. Sa corne démontrait sa race : rhinocéros. Il fixa Murray de ses yeux rouges. Sa tenue indiqua à l'hippo' la trempe de l'individu. Il semblait effectivement plus fort que les autres sbires. Volalatix, l'ancêtre gaulois de la lignée des Cooper, n'était donc pas encore sauvé.

 L'adversaire tapa son buste avec ses poings, tel un gorille. Le public l'acclama également. Le soleil tapait sur Murray. Le sable chaud s'évapora en fumée au moindre mouvement des pieds. Et le rhinocéros chauffa le spectacle.

 D'un mouvement agile et rapide, le boss galopa jusqu'à Murray. Surpris, l'animal rose retint l'adversaire avec la seule force de ses mains. Elles tenaient fermement la corne de l'individu. Le visage de Murray était masqué par son casque de gladiateur. Ainsi, le gaulois ne put voir le visage de ce mystérieux sauveur. Il ne connaissait même pas son prénom…

 Bien que l'hippo' fut preuve d'une force inégalable, le rhino' n'eut aucun mal à le catapulter en soulevant brusquement son visage. Après une maladroite galipette arrière, Murray se releva. La partie était loin d'être gagnée. Le soleil dans les yeux, il contempla à nouveau son nouvel adversaire.

 Bien que Murray était habitué à se battre, il détestait toujours un certain type de moment dans les combats. Toujours le même type d'instant. Toujours la même angoisse. Lorsque l'adversaire n'attaque pas. Qu'il y a-t-il de plus anxiogène que d'appréhender le coup d'un adversaire ? Deux choix s'offraient à lui. Soit il frappait en premier. Prenant le risque de rater son attaque et de s'en prendre une par-dessus le marché. Ou alors il attendait. Prenant cette fois-ci le risque de passer pour un froussard, favorisant ainsi la confiance de l'ennemi.

 Malgré ses habitudes, il opta pour le deuxième choix. Patientant, l'acte attendu dudit adversaire. Le soleil italien tapait le front des deux individus, qui ne se quittèrent plus du regard. Malgré l'orientation de l'astre dans l’œil de l'hippo. Une sorte d'aigle surplomba le ciel durant un instant. Murray observa dans le coin de son œil, la direction que prit la silhouette.

 Enfin, le rhinocéros se mit en mouvement. Après avoir frotté son pied arrière gauche contre le sol, il prit son élan et fonça corne droite vers le ventre de Murray. Ce dernier para son coup. Dans un ultime réflexe, il se munit de la corne du rhino avec ses deux mains, avant de se servir de son élan pour le faire virevolter au-dessus de son visage. La chute fut rude. Un petit nuage de sable indiqua la violence de l'impact. L'ami rose l'acheva à l'aide d'un définitif hippopo-crash. Ce fut la fin pour l'adversaire.

 Une acclamation de la foule accompagna son relèvement. Murray venait de se débarrasser du dernier gladiateur en scène. Lorsqu'il tourna à nouveau son regard vers le maître des jeux, placé en hauteur du public, il constata un siège vide. Était-ce le Tireur de Ficelles ? Il regretta de ne pas avoir pris le temps d'observer plus amplement l'ennemi du gang. Toujours fut-il qu'il eut pris la fuite.

L'avantage étant que l'ancêtre fut tiré d'affaire.



- - - Paris - France - - -

- - - 21 Septembre (J – 2) – 10 :34 - - -


Effectivement, Sly n’avait pas tardé à réagir aussitôt après l’écoute des mots de cette prétendue Madame Dupont. Ou plutôt, de ceux prononcés par Carmelita. Se précipitant pour aller secourir Dimitri, Sly n’avait pas remarqué qu’il se téléportait quelques jours précédant le 23 septembre, soit le soir de la St Constant. Lui et Carmelita avait patienté quelques minutes après le départ de leur contact, avant de partir à leur tour. Alors que le duo marchait pieds joints dans les rues parisiennes, ils cherchèrent une rue déserte pour communiquer leur découverte à Bentley. Sly n’avait pas encore mis son amie dans la confidence. Il devait donc passer l’idée à Bentley sans tenir au courant Fox. Les deux inconnus entrèrent dans une ruelle vide. Sly la suivait machinalement, l’esprit ailleurs. Mais elle ne sembla pas s’en apercevoir. Elle semblait aller mieux. Sûrement le fait qu’elle voyait cette vieille enquête se résoudre. Il ne semblait, à son tour, ne pas être sensible à cette nouvelle bonne humeur.

Pourquoi lui cachait-il la vérité ? Tout comme à Murray d’ailleurs. Pourquoi mettrait-il en péril ces deux relations ? Carmelita le coupa dans sa réflexion, elle avançait devant lui :

- J’ai hâte de voir la réaction de Bentley lorsqu’il va entendre le nom de l’opération !

- Mm…

- Le Casse de La Grande Information ! Ça claque comme titre ! Dans une autre vie, j’aurai pu être un membre à part entière de votre gang !

Elle se retourna devant Sly, lui sourit, sans même remarquer son air songeur. Puis sortit le diamant vert de Bentley. Le duo captait la tortue instantanément. Elle semblait être dans le van :

- Par pitié, annoncez-moi une bonne nouvelle. Nous ne parviendrons jamais à sauver tous les ancêtres !

- On a un nom et maintenant, une localisation ! lança fièrement la renarde. A la grande surprise de Bentley, qui n’entendit Sly piper mot.

- Salem Dolohan, SARL Rat Trap & Bomb, Quai des Gèvres, Paris. Il y sera dans deux jours.

- Je tape ça… Aussitôt il se munit de son clavier d’ordinateur…

- J’imagine qu’il va falloir monter un casse pour le cambrioler.

- Attends, tu m’as bien dit « Quai des Gèvres »… « dans deux jours » ?

- Que penses-tu d’appeler l’opération : « Le Casse de la Grande Information » ?!

Un sourire éclaira le visage de la renarde. Mais elle déchanta rapidement lorsqu’elle ne remarqua aucune once d’enthousiasme. A l’inverse, les deux amis se dévisagèrent. Sly croisa le regard de Fox. Il eut peur qu’elle se doute de quelque chose. Son regard avait changé aussitôt. Avait-elle deviné quelque chose ?! Elle réagit : « Je le savais ! »

Sly crut à sa fin. Bentley fit mine d’être occupé à glaner des infos sur son Voleur.net. Avant même qu’il n’eut le temps de répondre, elle reprit la parole une troisième fois :

- Vous n’aimez pas le nom… D’accord, on le changera.

- Non ! s’écria Sly, comme s’il ne se situait pas à seulement un mètre d’elle. On garde le nom. Il est très bien…

« Peut-être un peu trop bien » songea personnellement le rongeur. La bonne nouvelle fut qu’il n’était pas obligé de passer subtilement l’information à Bentley. La tortue avait elle-même compris ce qu’impliquait ce casse dorénavant. La tortue tourna son écran pour le dévoiler à son public. Il exposa ses maigres informations sur ce fameux Dolohan, où plutôt son entreprise :

- Intéressant, si nos informations sur Dolohan étaient maigres, donc certainement erronées, celles sur RatTrap sont plus fournies. Il s’agit d’une entreprise qui a initialement été fondée à Londres, aux XIXe siècle. Comme c’est intéressant. Ça ne vous rappelle rien ?! D’ailleurs, son dirigeant se prénomme Spram. Sûrement un faux nom emprunté par Dolohan, certainement pour brouiller des pistes. Ce nom me dit quelque chose…

- Rien d’autre ? Coupa Fox. Qui espérait des détails d’ordre factuels.

- L’entreprise possède un immeuble entier, de 8 étages. Il s’agit uniquement d’un site bureau. Les lieux de production sont situés dans le monde entier, dont Londres au passage. Je n’en sais pas plus. Les autres informations concernent des articles vantant les mérites sociaux et environnementaux de la société. Pure propagande.

- Pas de photo ? demande Sly à son tour.

- Hélas non.

L’échange s’acheva sur cette touche négative. Bentley reprit :

- Tu connais la procédure Sly. Nous allons devoir rendre une petite visite à ce Dolohan. Mais avant….

- Nous devons organiser ce casse. Je sais. Je reviens vers toi dès que j’ai des clichés intéressants. Bonne chance avec mes ancêtres.

- Bonne chance à toi, avec ce casse.

Sly coupa l’appel. Il prit le diamant des mains de Fox, et le rangea dans sa besace. Ils se rendirent immédiatement au quai des Gèvres. Sly allait commencer à photographier le fameux bâtiment. Fox quant à elle, allait retrouver Dimitri au refuge, pour lui faire un point sur la situation. Le raton-laveur, ayant une parfaite connaissances des rues parisiennes, ne mit pas longtemps à rejoindre la rue souhaitée. Néanmoins, il attendit la tombée de la nuit avant d’agir.

Lorsque le crépuscule apparut, il se positionna sur une tour voisine à l’immeuble. L’avantage d’un tel QG, avec toutes ses vitrines transparentes, rendait facile l’espionnage à Sly. Il s’allongea sur le toit, à plein ventre. Une girouette était située près de son coude gauche, appuyé contre le bitume. Il tenait fermement sont binocom, près à photographier sa cible. En quelques clichés il put se faire lui-même une première description des différents étages. Les cinq premiers étaient entièrement constitués de bureaux, presque semblables au poste de police où il s’était infiltré la veille. Néanmoins un fait attira son attention. Les deux derniers étages étaient entièrement recouverts. Pas la moindre vitre. Pas la moindre enseigne. Pas le moindre éclairage. Un camouflage urbain parfait. Inutile d’être un criminel aguerri pour deviner l’importance de ce lieu. Sa discrétion caractérisait ses secrets.

Après cette brève remarque, son binocom vibra. Carmelita était à l’appareil :

- Dimitri a disparu. Notre chambre d’hôtel a été visitée. Nous avons été démasqués. J’ai pris la fuite. Nous devons agir vite.

Sly ne broncha pas. Il continua de scruter l’immeuble. Le regard sombre, il répondit :

- J’ai déjà un plan. Je recontacte Bentley.



- - - Dans le van - - -

- - - Cortex Temporel - - -


Bentley regardait tristement son écran d’ordinateur. Il admit intimement que la situation lui échappait. D’un côté, ils avaient réussi à déjouer un grand nombre de plan de leur adversaire, tout en contre-attaquant discrètement au présent. D’un autre côté, ils ne connaissaient pas les motivations de Dolohan ainsi que son lien avec Leparadox. La mort de Sly arrivait à grand pas, et personne hormis lui et Sly en personne n’était tenu au courant. Bentley, encore, admit ressentir une certaine rancœur envers son ami vis-à-vis de Pénélope. Fox agissait, aujourd’hui, avec eux. Dieu seul sait ce qu’elle avait prévu de leur faire une fois cette affaire résolue. Si un jour, elle le devenait. Et comme si cela ne suffisait pas, Murray était en train de risquer sa vie en se battant contre la moitié des scélérats ayant une dent contre les Cooper depuis la nuit des temps.

Enfin, lorsque Sly l’appela, il ne lui en fut pas plus pour s’étaler la main sur la figure. Dimitri avait disparu. Et la présence de Sly et de Carmelita au présent risquait, à tout instant, d’être déjà découverte. Il admit au groupe que la situation lui échappait. Son ami avait raison, il fallait organiser le casse dès maintenant.

Sly envoya les photos prises quelques minutes plus tôt à Bentley. Celui-ci les regarda attentivement.





- - - Voie Ferroviaire - France - - -

- - - 22 Septembre (J-1) – 14h05 - - -


Fox et Sly s’étaient revêtus de leurs déguisements civils, portés quelques jours plus tôt, lors de leur rencontre avec le contact de Dim’. Ils étaient assis dans un train, en face à face. En direction de Chartres, situés au sud-ouest de Paris. En quittant la capitale, ces derniers espéraient conserver plus aisément leur discrétion. En outre, Bentley leur avait concocté un plan. Le duo ne connaissait pas encore le contenu de celui-ci. Bentley lui-même ne l’avait pas encore finalisé. Néanmoins, devant l’urgence de la situation, la tortue leur demandait de se rendre au périphérique de Chartres. En temps masqué, il comptait conclure son opération. A première vue, son ordre semblait saugrenu. Comment effectuer un vol en plein Paris, en se rendant dans une ville voisine ? Toutefois, le groupe fit confiance à Bentley. Ce n’était pas le première fois que ses idées, bien que toujours aboutissants, paraissaient farfelue ou contradictoire. Une seule chose était certaine, demain soir aura lieu le Casse de la Grande Information. Cette idée ne sortait pas de l’esprit de Sly, qui était plongé dans un méditant silence depuis leur départ. Carmelita sentait quelque chose miner son ami. Lorsqu’elle évoqua le sujet, le raton maintenait qu’il se souciait pour la réussite de la mission. Cependant, bien qu’il semblait dire la vérité, Carmelita sentait un sous-entendu lui échapper. Elle n’insista pas. Jamais, elle n’avait vu Sly aussi tendu. Lui qui, même sous la présence d’une dizaine de gardes armés, ne pouvait s’empêcher de sortir une plaisanterie…

Le train avançait à toute allure, sous la pluie d’automne. Le duo était seul dans le wagon silencieux. Chacun regardait la fenêtre. Carmelita fixait le paysage. Sly fixait son reflet.

Le diamant vibra. La renarde laissa l’hologramme de la tortue apparaitre. Il lui avait fallu presque vingt-quatre heure, mais il avait un plan. Du moins, une partie de plan :

- Si l’on souhaite entrer dans cet immeuble, nous ne passerons pas par le sol. La sécurité y est trop élevée. Et votre précédent passage dans le commissariat d’Interpol n’a pas été sans donner des idées chez les bâtiments voisins.

- Nous étions entrés par les égouts. Corrigea Sly.

- Classique ! Tu te crois dans un jeu-vidéo ?

- Mm… lâcha Fox.

- Alors, comment allons-nous pénétrer dans ce satané immeuble ? s’impatienta le rongeur.

- Par les airs. Vous allez vous rendre à l’aérodrome de Chartres. Volez un avion. Puis… attendez, je vous transmets un diaporama.

Cette phrase fit sourire rapidement Sly. Il savait que Bentley ne faisait jamais le choses à moitié. L’image de l’immeuble, prit par Sly, apparaissait à l’écran. Le titre apparaissait en un jaune brillant « LA GRANDE INFORMATION ». La voix de Bentley reprit.

« Synchronisation des montres. Il est 14h48. Vous avez jusqu’à ce soir pour dérober un avion à l’aérodrome. Carmelita, je présume que tu sais toujours piloter un tel engin, en témoigne ton combat contre Clockey-La, quelques années plus tôt. Je vous aiderai au besoin.

En attendant, vous décollerez de la piste, le 22 septembre à 23h00 pile. Le temps d’arriver à Paris à 23h20. Ensuite, vous vous séparerez. Sly, tu sauteras de l’avion pour te parachuter sur le toit de l’immeuble. Rentre par le toit. Et… on supervisera.

Carmelita, maintient toi dans les airs, jusqu’à ce qu’arrivent les flics (Fox se retint de sortir un juron). Le vol de l’avion de l’aérodrome devrait attirer les forces de l’ordre. Dans le cas contraire, tu les appelles à 23h30 pour leur signaler le vol. Une fois qu’ils sont sur toi, je veux que tu poses l’avion sur l’immeuble. Je sais, c’est compliqué, mais le toit est relativement long. Fonce dans les antennes ou la porte d’entrée sur le toit, ça devrait stopper net l’avion.

Sly, en attendant, tu auras confronté Salem Dolohan. Met fin à son jeu.

Il sera cerné. Fox aura attiré la police par les airs. Ils ne tareront pas à intervenir depuis le rez-de-chaussée également, et en un temps très court.

Salem sera en prison. SARL Rat Trap & Bomb sera fermé. Le Paradox sera inculpé avec preuve. Fox redevient Inspecteur. Sly tu t’échappes. Murray viendra te chercher. On ne cherche pas à se re-contacter avant trois bons mois pour brouiller les pistes. »

- Ca, c’est un plan qui me plait ! Approuva fièrement la renarde. Le plus dur restera de tenir trois mois.

- Merci Bentley. Ca reste grossier, pas mal d’improvisation, mais vu le peu de temps et d’informations que nous disposons, ça fera l’affaire.

L’hologramme se coupa brutalement, en même temps que le train s’arrêta. Le binôme prit la direction de l’aérodrome de Chartres.



- - - Chartres - France - - -

- - - 22 Septembre (H-8) – 16h00 - - -


Le duo arriva enfin à l’aérodrome. Le chemin depuis la gare avait été plus long que prévu. Cachés derrière les arbres voisins, Fox et Cooper observèrent l’endroit. Ils virent plusieurs entrepôts, ainsi qu’un bâtiment, servant de tour de communication :

- Il faut se rendre à la tour. Nous aurons accès à l’avion, le plus susceptible de décoller à 23h00.

- Bonne idée Sly.

Ils avançaient, tout en se cachant derrière chaque bâtiment qu’ils croisèrent. L’un des entrepôts était un hangar rempli d’avion policiers, et de policiers. Sly s’arrêta derrière un mur, saisit les épaules de Carmelita et la retourna vers lui. Il tendit son pouce en direction de l’entrepôt :

- Va à la tour, trouve l’avion qu’il nous faut. On se rejoint à l’avion. J’ai une course à faire.

- Que comptes-tu faire de plus important ?

- Là, tout de suite, je ne peux pas t’expliquer… Fais-moi confiance…

A l’entente de ces mots, Carmelita n’insista pas, et continua seule la mission. Elle ne se retourna même pas vers Sly, qui s’était faufilé dans le hangar policier.



- - - Chartres - France - - -

- - - 22 Septembre (H-55 minutes) – 23h05 - - -


Un Waco Vela était posé à l’arrêt, à l’entrée de la piste de décollage. Un avion fabriqué en Italie, assemblé aux Etats-Unis, un cinq places, équipé d’un moteur Franklin Made In USA. Il datait du début des années 60s. Deux pilotes s’y trouvaient. L’un était un Bec Aigrette, en train de vérifier son tableau de bord. Le deuxième, un rhinocéros, dormait sur son fauteuil. Le premier fit une drôle de tête, lorsqu’il aperçut une renarde entrer dans l’avion, un flingue à la main. Elle lui fit signe de ne pas réveiller son co-pilote :

- Je n’ai pas assez de carburant pour aller en Russie !

- Ne vous en faites pas, nous souhaitons simplement nous rendre à Paris.

- « Nous » ?

Sly rentra à son tour, et ferma la porte. Il questionna à son tour :

- Sur une échelle de 1 à 10, 10 étant très bien, vous pilotez comment ?

- Heu… Je dirai 8.

- Ca fera l’affaire ! Décollez, et suivez nos directives. Sinon « couic » !

- O.K. N733W. Paré pour le décollage.

Sly n’était pas crédible lorsqu’il voulait ressembler à un tueur sans pitié. Ironiquement, cela fonctionnait car le pilote se mit aussitôt au travail sans contredire ses geôliers. Cela fit également éprouver à Fox encore plus de sentiments à l’égard de Sly : « C’était naturellement un mec bien, pas un criminel ».

- Hum… fit l’Aigrette.

- Ne faites pas l’idiot. Ordonna Fox.

Après plusieurs secondes où l’appareil roulait à haute vitesse, il se propulsa et décolla aussitôt. Etant donné que Fox n’avait pas conduit un avion depuis longtemps, elle ne se sentait pas capable de réaliser l’atterrissage exigé par Bentley. Tandis qu’un pilote avec licence pouvait le faire sans problème. De plus, une prise d’otage allait certainement attirer les forces de l’ordre plus rapidement. En plein vol, le pilote continua d’avoir peur :

- Si vous me tuez, nous allons tous nous cracher et mourir !

- Allons, personne ne va mourir, s’exclama Sly (il ne se comptait pas).

- Si vous faites ce qu’on vous demande, vous serez libre et vivant dans moins d’une heure. Confirma Carmelita, avec une voix plus douce.

Après une quinzaine de minutes en plein vol, le biplan se situait en plein ciel de la capitale française. Le duo était déjà de retour à Paris. A 23h16, le raton prépara son parachute. Il rencontra quelques difficultés à remettre son sac à dos. Carmelita l’aida. Il avait piqué ce parachute dans le hangar policier. Bien plus performant que son simple paraglisseur. Elle serra les sangles, sur chacune de ses omoplates. A cet instant, leur regards se croisèrent. Ils se sourirent. Contre toute attente, Carmelita l’embrassa. Le pilote émit un son plaintif :

- Roh.

- Conduisez, vous donc !

Ordonna-t-elle. Avant de replonger son regard dans les yeux de Sly. Ignorant parfaitement le pilote. Tout en gardant ses mains sur les sangles, elle lui sourit et dit :

- A dans trois mois !

- J’espère.

Cette réponse froissa intiment Carmelita. Les sous-entendus devenaient de plus en plus gros. Mais elle ne put répondre. Elle lâcha les lanières du sac de Sly, lorsque celui-ci se retourna pour ouvrir la porte du Vela. La nuit parisienne l’éclairait. L’immeuble, situé sous ses pieds. Même s’il ne souriait pas, il semblait plus beau que jamais. Il replongea son regard dans les jolis yeux de Carmelita. Prêt à sauter. Juste avant, il lui annonça toutefois : « Je t’aime ».

Puis il effectua le grand plongeon. Le cœur triste, il savait qu’il… ne la reverrait plus jamais. Il n’avait même pas pu observer sa réaction, à l’entente de ces mots.

Au moins, il lui avait avoué ses sentiments. Moins lâchement que la dernière fois. Mais il lui avait caché son secret… A cet instant, Sly s’interdit de mourir. Plus que sauver sa descendance, il voulait revoir Carmelita. Il devait alors trouver un moyen de feinter sa propre mort. Après les règles pénales, puis les règles du temps… il devait cette fois-ci violer les règles de la vie. A toute vitesse, en plein saut, il s’élança vers l’immeuble. Conscient de sa double mission. Un observateur aguerrit, pourrait voir sur le visage de Sly, un regard noir, plein de détermination. Le corps au garde-à-vous, la tête plongée vers le bas. La serpe fermement tenue.

Il observait sans relâche le QG de Rat Trap & Bomb. Lorsqu’il jugea se situer à une altitude raisonnable, il déploya son para-glisseur. En une minute, il atterrit doucement sur le fameux toit plat. Lorsque son deuxième pied foula le goudron, il lâcha son sac. Professionnellement, il regarda sa montre : 23h20. Pile dans le timing.



- - - Paris - France - - -

- - - 22 Septembre (H-40 minutes) – 23h20 - - -


Une porte s’entrouvrit pendant une fraction de seconde. Une silhouette se faufila à l’intérieur de la cage d’escalier. Puis elle descendit à l’étage inférieur d’où elle se situait. Elle avait réussi à pénétrer dans l’établissement. Devant la porte dudit étage, elle posa sa main sur son oreillette. Il faisait noir absolu. Seule la voix du raton-laveur sortit du contexte : « J’y suis Bentley ». Derrière cette porte, Sly allait trouver la réponse aux mystères qui l’ont tant fait courir. Il saisit la poignée. Il la caressa presque. Puis il l’actionna. Il ouvrit la porte. Il franchit le palier. Puis il ferma silencieusement la porte. Bentley avait raison. L’immeuble était entièrement sécurisé, excepté le toit. Personne n’est jamais supposé arriver par un toit ! Il regarda la pièce à travers son binocom, équipée d’une vison infrarouge. Ce qu’il vit dépassa son imaginaire.

La pièce était circulaire, très haut de plafond, et peu éclairée. On y trouvait un grand bureau, face à un gigantesque atelier. L’étage était entouré de vitrage miroir sans tain. Ainsi on pouvait observer toute la ville sans être vu de l’extérieur. Tel ce que Sly avait photographié. Le bureau était classique. Néanmoins, les documents posés dessus avaient un aspect inédit beaucoup plus appuyé. Cela ressemblait à des dessins industriels, des schémas de câblage… Ces derniers prenaient la forme de Clockwerk. Un « S » cacheté ornait chacun des papiers. Quel était cette plaisanterie ? Le rongeur bondit sur les autres documents. Il creusa dans l’épaisse masse de paperasse. Après de longues secondes, il en sortit une longue frise chronologique. Elle comportait chacune des époques que le gang avait visitées, avec le nom des ancêtres visés et des scélérats engagés. Le nom de LeParadox apparaissait plusieurs fois. Rien n’indiquait son rôle dans cette affaire où sa relation avec Salem. Le héros était intrigué et excité. Ce dont il avait tant attendu depuis ces précédentes semaines était enfin en train de se produire. Il allait connaitre son adversaire !

Pour éclaircir ce mystère, Sly s’éloigna du bureau, et fit deux pas en direction de l’atelier, séparé d’une vitre transparente. Un changement de bitume séparait également les deux pièces. Tout le reste de l’étage n’avait pas la moindre cloison. La vue verte qu’offrait la vision infra-rouge rendait l’endroit glaçant. Le reste de l’étage ressemblait un garage. Des étagères pleines de métal coiffaient les murs. Pas un bruit traversa la pièce. Sly était seul, dans une atmosphère froide et mystérieuse. Au centre du cercle, un cerceau en acier se tenait debout, en hauteur au bout de quelques marches d’escalier. Des câbles électriques et pneumatiques enrobèrent l’anneau, qui était apparemment relié à un ordinateur mitoyen. Celui-ci possédait un écran LCD à quatre chiffre, ainsi qu’un écran tactile. Une armoire électrique, de taille relativement moyenne encoffrait l’arrière de l’écran. L’appareil, dont l’utilité était encore mystérieuse, fascina le rongeur. Il était sûrement important, à en croire sa position centrale dans la pièce. Mais il n’en avait jamais entendu parler. Etait-ce… un portail ? Une autre porte permettant de voyager dans diverses époques ?

Concentré sur l’appareil, il remarqua seulement au bout de quelques minutes le contenu d’une des étagère. Il pensait y trouver des blouses, ou autres vêtements de travail. Or, il n’en était rien. Sly tomba nez à nez avec un robot Clockwerk. Clockwerk. Clockwerk ?!

Après avoir lâché un léger cri d’horreur, le rongeur bondit observer le volatile. Il s’aperçut qu’il était (fort heureusement) éteint. Ses yeux morbides étaient vides et inanimés. Donc, hors état de nuire. Néanmoins la situation était surprenante. Sly ne perçut pas immédiatement ce qu’il vit. Le constat était trop surréaliste. Quel était le lien entre Salem, Le Paradox… et Clockwerk ?! Ce qu’il devait être une expédition apportant des solutions, rendait la situation, découverte après découverte, de plus en plus complexe.

Il fit deux pas de plus en arrière, et observa le reste de l’étagère. Il vit une rangée d’autres Clockwerk, tous alignés, tous identiques, tous éteints. Il devait y avoir une dizaine de robots ! Il recula pour reprendre son esprit. La surprise violente le frappa. Il recula pour s’éloigner du danger évident. Mais surtout pour reposer sa tête. Il eut l’impression de voir son pire cauchemar en double. En décuple plutôt. Il perdit l’équilibre.

En reculant vers le centre de la pièce, dos au portail, il observa les autres étagères. Tous les murs logèrent des Clockwerk. Il y en avait peut-être une cinquantaine, une centaine ?! Tous éteint, les ailes repliées, le regard morbide. Sly failli s’asseoir. La surprise était trop grande. La vision infrarouge fit briller les yeux des oiseaux, comme s’ils étaient tous vivants. Qu’est-ce que cela signifiait ? Placé au cœur de l’atelier, Sly observa l’arrangement des hiboux. Il se retournait sur lui-même. Son mouvement contrastait l’inanimation des spectres ferreux. Ils étaient tous en cercle. Autour d’un grand portail, lui aussi éteint. Situé près de l’ordinateur de la grande porte, le rongeur s’assit par terre, sur une des marches. Il observait impuissant, ce dont il avait complètement ignoré. Cet ennemi avait sûrement plus d’un tour d’avance.

Puis, quelques secondes plus tard, il bondit et retourna sur ses pas. Il courut vers le bureau du fond. Il se replongea dans les documents. La réponse à l’atrocité qu’il venait de voir devait s’y trouver. Plusieurs dessins, avec designs différents, du même oiseau sortaient de ces papiers. Il regarda à nouveau la frise. Il l’observa plus attentivement. La lumière arriva. Quelqu’un était là. Sly tourna aussitôt son visage vers l’interrupteur.



- - - Dans l’avion - - -

- - - 22 Septembre (H-30 minutes) – 23h30 - - -


L’aigrette survolait l’immeuble en tournant en rond. Son co-pilote à corne continuait de dormir. Carmelita surveillait les cieux. Toujours pas la moindre trace de policier. Elle se munit d’un téléphone et composa le numéro 17 :

- Que faites-vous ? questionna le pilote.

- J’appelle la police.

- Mais… Pourquoi ?

- Vous vous êtes fait kidnapper. Il faut prévenir la police. Ce n’est pas parce que je vous menace avec un électro-gun, qu’il faut perdre tout sens de compassion.

Le pilote regarda le ciel. Dans son hébétude, il ne dit rien :

- J’oubliais, ajouta la renarde.

- Mm ?

- A mon signal, vous atterrirez sur ce toit. Elle pointa Rat Trap & Bomb du doigt.

- Vous rigolez j’espère ?!

- Sinon, je… Je vous tue !

- Ça se passe bien avec le téléphone, la ligne passe bien ?



- - - QG de Rat Trap & Bomb - - -

- - - 22 Septembre (H-30 minutes) – 23h30 - - -


Sly observait la personne qui venait d’entrer dans la pièce. Là encore, il n’en crut pas ses yeux : Madame Martin. Le contact de Dimitri. Une uraeus, vêtue de la même longue robe bordeau. Le même animal avec ce buste blanc, ce dos kaki et ces yeux rouges agressifs qui leur avait parler quelques jours lus tôt. Il ne put s’empêcher de constater sa silhouette sensuelle. De même, il ne put s’empêcher de l’interroger en premier, tous en retirant sa jumelle infrarouge :

- Madame Martin ?

- Madame Martin, mouha ! ria-elle. Il n’y a pas de noms plus banal et cela ne vous a même pas choqué. Suivi d’un silence, elle reprit : Je vous en prie, appelez-moi… Salem !

Sly ne répondit pas immédiatement. Il s’était précipité. Mais… son hébétude, additionné au fait qu’il devait entretenir l’échange prit le dessus :

- Salem Dolohan… C’est donc vous. Mais… vous nous avez aidé, vous connaissez Dimitri et…

Il réfléchissait en même temps qu’il parlait. Il fit immédiatement le lien avec la disparition soudaine de Dimitri :

- Qu’avez-vous fait de lui ?

- Ne soyez pas insultant M. Cooper. Je vous ai invité ici, chez moi, ce soir.

- Pourquoi ?

- Pour en finir avec cette affaire qui tarde. Je veux exécuter mon plan, qu’on n’en parle plus.

Elle claqua des doigts et trois individus masqués et armés apparut derrière Salem. Ils visèrent tous Sly avec leur arme :

- Ah ah. Ria-t-elle froidement. J’ignore comment vous êtes monté jusqu’à cet étage, mais pas un seul garde ou système de sécurité ne vous a repéré. J’aurai aimé, vous montrer moi-même, tous ces Clockwerk flambant neufs. Avant qu’ils ne soient utilisés.

- Avant que… Quoi ? Que comptez-vous faire avec de telles armes ?

- Dorénavant, c’est moi qui pose les questions M. Cooper. A quoi sert un Clockwerk ?

- A rependre la terreur et le chaos sur son passage. D’autant plus lorsque le nom de famille est « Cooper ».

- Exactement ! Finalement, je préfère autant que vous soyez revenu au présent. Je vais tout vous expliquer. Puis je vous tuerai. En cette belle veille de la St Constant, tout va s’achever. Le Dernier Maitre-Voleur va mourir.

- Comment ?

- J’y viens ! Petit pressé.

Le serpent glissa furtivement jusqu’aux centre de l’atelier. Elle alluma l’ordinateur de la grande porte, puis commença son monologue :

- J’ai engagé Cyril LeParadox, pour qu’il piège des Cooper. Mais cet idiot, ayant un eu un litige passé avec ton père, m’a trompé en dérobant les Cooper après les avoir piégés. C’est une bonne chose que tu te sois débarrassé de lui. Néanmoins, j’ai beaucoup d’ennemi. Je tire donc les ficelles, en reprenant votre expression, pour retarder la procédure judiciaire. Néanmoins, tous les types que Leparadox a engagé, eux, sont tous restés dans leurs diverses époques. Je vous ai donc menacé, pour que vous vous occupez d’eux à ma place. Ainsi je vous ai laissé un jeu de piste, en vous déposant des objets de diverses époques, vous menant à votre prochaine cible. Je voulais, que votre gang s’occupe lui-même, des conséquences temporelles de mon plan (échoué) qui visait à vous faire tomber hi hi ! C’est d’un génie pas vrai ?! Une fois tous ces incapables débarrassés, j’allais pouvoir exécuter mon plan.

Elle lâcha le clavier pour se retourner vers Sly. Elle se dirigea vers un robot Clockwerk, lui ouvrit le crâne et trifouilla des fils :

- Quel est donc ce plan ?

- Mais… Là encore, tout ne s’est pas déroulé comme prévu. Toi et Carmelita, avez décidé de jouer aux héros, en revenant au présent. Je devais donc m’occuper de vous. Heureusement, vous aviez laissé Murray et Bentley terminer le boulot. J’ai donc kidnappé Dimitri (malgré une première tentative échouée à cause vous). Je me suis fait passer pour lui, puis j’ai inventé cette histoire de contact pour te rencontrer. J’avais besoin de toi pour ce plan.

- Pourquoi avoir anéanti les projets de Leparadox ? En un sens, il a agit pour nuire à ma famille.

- Je voulais effacer toute traces, toutes preuves. Regarde, pourquoi l’affaire judiciaire est-elle aussi lente à avancer ? TOUS les sbires de Leparadox sont enfermés dans leur époques respectives ah ah ! Ainsi, tous mes sbires, toutes les preuves pouvant m’inculper, ont été éliminées, grâce à vous ! Et maintenant que tu es là, je vais pouvoir lancer mon arme secrète !

- Quelle-est-elle ?! Sly attendait impatiemment le fin mot de l’histoire. Il n’agirait qu’une seule fois qu’il connaissait les réelles intentions de son adversaire.

- J’ai besoin de ta serpe !

Elle claqua des doigts. Deux gardes saisirent aussitôt Sly par les bras. Salem s’avança au niveau de Sly, et lui arracha la serpe des mains. Elle retourna prêt du robot, puis scanna la serpe depuis le crane du volatile. Elle ferma le crâne du Clockwerk, puis jeta la serpe au sol. Elle retourna vers son ordinateur. Immobilisé, le rongeur observa le reptile tapoter l’écran du portail. Soudainement, l’année de l’assassinat de ses parents apparut à l’écran LCD. Le raton refusa de comprendre ce qu’il se passait. Elle était en train d’activer le portail. Un vortex temporel apparaissait. Son hypothèse préalable se confirmait. Il s’agissait d’une autre machine à remonter le temps. Salem exposa :

- Je vais te montrer un exemple.

Elle continua de taper sur son clavier. Au même instant, Sly vit le Clockwerk, où sa serpe de Sly avait été scannée, allumer ses yeux. Un jaune horrifiant éclaira ses yeux. Presqu’aussi intensément que pendant sa première rencontre avec Reshef. L’énorme monstre déplia lentement ses gigantesques ailes. Il était en train de prendre vie. Ses mécanismes bougeaient lentement. Puis, violement, il lâcha un cri strident. Sly revit son cauchemar renaitre. L’oiseau s’arracha de son étagère et s’envola à toute vitesse dans la pièce. Les ampoules grésillaient. Le bruit de l’envol assourdissait l’atmosphère. L’oiseau tournait autour du portail allumé. Lors de son envol, il regardait droit devant lui, tentant de maitriser ses mouvements. Il renaissait. Sly regardait à nouveau la date. Cette maudite année où il avait été envoyé en orphelinat. Il venait de tout comprendre. Il tenta de se débattre, mais les deux gardes le maitrisait. Ses pieds ne touchèrent même pas le sol. Le cri de l’oiseau l’effrayait. La lumière clignotante l’excitait. Sly voulait crier. Après deux tours, le Clockwerk fonça dans le portail, et disparut.

La lumière revint lentement. Les yeux rouges de Salem s’éclairaient. Elle annonça fièrement à Sly : Je viens de téléporter ce hiboux précisément au jour où ton père a été assassiné !

Un déclic apparut dans l’esprit de Sly. Il se débattit, mais il était retenu par les immenses gardes :

- Maintenant, passons aux autres époques. C’est pour ça que j’ai tenu à faire enfermer ta famille. Pour récupérer leur serpes ! Pour voyager dans le temps, à un endroit, près d’une personne précise, il faut posséder l’objet de cette personne. La machine de Bentley fonctionne elle-même de cette manière. Chacun des Clockwerk que tu vois dans cette pièce est déjà programmé pour tuer chacun de tes ancêtres ! Voilà pourquoi j’ai tant agis ! Voilà pourquoi j’ai demandé à Cyril de me récupérer ces serpes, dans ma totale discrétion. Dans toutes les époques où tu es allé, tu n’avais jamais remarqué la présence de ces oiseaux ?! Tu t’es vraiment satisfait de la raison d’agir de Cyril : une simple revanche ? Je ne voulais pas vous tuer VOUS, dans l’ignorance historique. Je voulais faire de ta soi-disant grande lignée, une famille de persécutée ! Je n’ai pas simplement tué les Cooper, j’ai aussi ruiné votre réputation !

- Pourquoi ? Pourquoi me vouloir autant de mal ?!

Elle s’apprêta à appuyer sur un deuxième bouton :

- Pour gagner du temps, tous les prochains oiseaux vont faire le voyage à la suite… En un clic.



- - - Dans l’avion - - -

- - - 22 Septembre (H-15 minutes) – 23h45 - - -


- Atterrissez sur cet immeuble MAINTENANT !

- Oui madame.

- Mademoiselle.

Le biplan était entouré d’hélicoptères. Ils exigèrent tous de le faire se poser. Carmelita ne tarda pas à s’exécuter. Le pilote, aguerrit, posa violement les roues de l’avion sur le toit. Celui-ci roula assez rapidement jusqu’à rentrer dans le cube d’évacuation de l’immeuble. Fox sauta aussitôt de l’avion, et accouru vers Sly. Pourvu qu’il allait bien. Son adieu était bien trop formel et froid. Il n’avait pas le droit de mourir. Pas après ce qu’il lui avait enfin dit.

Au moment du crash, l’aigrette bondit de son siège, avant de se rasseoir sur celui-ci. Le rhinocéros qui dormait se retrouva par terre. Réveillé, et de mauvaise humeur :

- Mais enfin. Didier !

- Regarde par le hublot, elle s’échappe ! s’excita l’aigrette. Ignorant presque les patrouilles de police.

- Qu’est-ce qu’on fabrique sur un toit ?

- Lève-toi Maurice ! Regarde par le hublot bon sang. Tu ne vas jamais me croire !

- Oui, je vois bien que l’on est sur un immeuble parisien.

- Trop tard. Elle est partie !

- Tu vas nous ramener tout de suite à l’aérodrome. On a perdu assez de carburant avec tes blagues.

- On s’est fait détourner l’avion ! Une femme est arrivée, et elle m’a menacé de venir nous poser là.

- C’est ça, mais bien-sûr.

- Tu ne me crois pas ?

- Mais bien-sûr. Au retour, arrête-toi à l’étage restaurant de la Tour Eiffel. J’aimerai bien voir la tête du caissier quand il verra un avion lui demander deux cafés à emporter !

- Imbécile !

Loin de cette agitation, Fox dévalait les escaliers, devançant les policiers. Devant la porte, elle entendit un boucan. Comme si des volatiles se déplaçaient dans la pièce. Le bruit sourd ne l’effraya pas. Elle ouvrit la porte d’un coup de pied, et pointa son arme vers le cœur de la pièce.

Néanmoins, le spectacle dont elle était témoin lui fit perdre ses moyens. Elle resta à regarder, de manière impuissante, la violence de la scène.

Une centaine d’oiseau volait dans tous les sens. Des cris et des battements d’ailes remplissait la pièce de son pesants. Les lampes grésillaient. Ceci offrait une atmosphère mortelle inédite. Fox mit quelques secondes à reconnaitre, puis à accepter, la ressemblance des hiboux avec celle de l’unique Clockwerk qu’elle avait connu.

Sly était maintenu par deux gardes. Un troisième le visait avec une arme. Elle crut apercevoir Madame Dupont (ou Martin) devant un portail. Elle rigolait. Sa langue sortait abondamment de sa bouche dentée et pointue.

Au regard de Sly, elle vit que l’heure était grave. Elle voulut tirer sur les oiseaux, mais ses balles n’avaient aucun effet sur de telles machines.

Le tourbillon accélérait. Elle ne remarqua même pas les autres policiers entrer dans la pièce. Comme Bentley l’avait prévu, ils arrivèrent aussi bien depuis le toit que depuis le sol.

Tous les oiseaux entrèrent dans le portail, sous les yeux impuissants de Sly. Un écran LDC défilait des nombres à quatre chiffres. La scène dura plusieurs minutes. La violence et la vitesse des oiseaux empêchaient Fox de s’approcher du centre du cercle. La foule de robot l’empêchait également d’établir un contact visuel à Sly. Qui ne l’avait probablement ni vu, ni entendu entrer. Il regardait, impuissant, la scène qui s’offrait à lui. Là encore, elle ne savait pas interpréter son visage, qui était à la fois triste et colérique.

Une fois le dernier oiseau disparu, le portail se ferma. La lumière et le calme revinrent à la normal.

Chacun constatait la tonne de policiers dans la pièce.

Salem se sentait piégée. Dans son succès, elle n’avait même pas remarqué qu’elle était en train de perdre son bâtiment, et son anonymat. Son QG tombait aux mains de la police. Elle regarda Sly, d’un regard noir. Craignant ce regard, les gardes relâchèrent le rongeur. Elle pesta :

- Tu n’es qu’un misérable parasite.

Agenouillé, il s’apprêta à se relever :

- Non. Je suis un Maître-Voleur. Je suis… Le dernier Maître-Voleur.

- J’ai toujours voulu me débarrasser des voleurs…

- Non, pas un voleur. Mais un Maître-Voleur. Le plus honnête qui existe, je dirai.

Elle brandit une arme vers Sly. Son heure était venue. Il le savait. Impuissant, il ramassa calmement sa serpe au sol. Il refusa le combat à corps. Il bomba le torse, prêt à faire face à sa mort.

Elle adressa tout de même un sourire au rongeur. Froidement, elle appuya sur la détente. Elle tira. Plusieurs fois. Telle un déchainement. Une pluie de balle lui entra dans le torse. Le bruit fut incroyablement fort. Le choc physique également difficile à supporter. Le temps était singulièrement long. La mort embrassait le héros. Enfin, une dernière balle, volontairement perdue, brisa la vitre derrière lui. Les étagères étaient vidées de tout corps robotique. Sly, étonnamment toujours débout, avait reculé d’un pas à chaque impact. Le vent extérieur fit flotter ses cheveux. Ses yeux étaient vides, dépourvus de vie. Ses lèvres ne se touchaient plus. Après avoir regardé le vide sous ses pieds pendant une longue seconde, il tomba à la renverse, sur le dos. Le poids de son corps, inerte, le fit s’écrouler. Il chuta dehors, dans Paris. Son corps avait quitté l’étage.

Tout le monde resta fixe. Personne n’osa regarder à travers la vitre. Aucune personne ne souhaitait voir le corps de Sly en bas. Seule Salem explosa dans un rire de satisfaction. Elle tendit un bracelet, ressemblant au chrono-déplaceur de Fox. Elle fixa froidement Fox. Avant de disparaitre dans un éclair lumineux, elle lâcha :

« Je reviendrai plus tard pour toi et ses deux acolytes ».


Une larme coula des joues de Carmelita.


Elle regarda dehors, en pleine nuit. Sans savoir quoi faire.


Tout s’était déroulé très vite. Personne n’avait maitrisé la situation. Le chaos s’était abbatu sur Carmelita.



- - - Paris - - -

- - - Dix-huit années plus tôt, un fameux soir - - -


- Et là, papa lui a carrément donné une patate en plein dans le pif ! Tu aurais dû voir comment il a protégé le tableau !

Sly était excité, plein d’enthousiasme, suite à sa première journée. Sa maman était pleine d’attention, à la fois pour son fils que son mari, dont elle fit un regard traduisant son inconscience. Le père était mitigé. Fier d’avoir initié son fils, avec brio. Gêné, car il avait promis d’éviter les bagarres inutiles, moins de vingt-quatre heures auparavant. Mais la bonne humeur du petit Sly prit le dessus. L’ambiance était chaleureuse dans ce petit appartement parisien. Son destin commencait à être tracé. Dans le sens souhaité. Le paternel s’était promis de ne jamais forcer ses enfants à empreinter une voie qui ne leur aurait pas plu. Mais apparement, Sly été attiré par la profession de Maître-Voleur. Il fallait fêter ça !

Sly était aux anges. Sa maman avait cuisiné des cookies, son dessert préféré. Il les croqua à pleine dent. Entre deux bouchées, il racontait pour la troisième fois comment la filature l’avait excité et impliqué dans l’histoire. C’était comme jouer aux espions pour de vrai !

L’appartement était petit, discret, mais chaleureux. L’enfance du rongeur avait été marqué par cet endroit. Il avait ses premiers souvenirs entre ces quatre murs. Alors qu’il regardait son père, en train de manger lui aussi un cookie, un silence vint enfin reposer la scène. Chacun se regardait, sans rien dire. Savourant la fin d’une bonne journée. La fatigue commencait à peser sur les paupières du petit raton. Ses parents ne semblaient pas tellement fâché suite à cette histoire de bagarre dont il n’avait pû tenir le secret. Au contraire, chacun semblait plein de bienveillance ou de reconnaissance envers l’autre. Oui, chacun savourait ce moment.

Soudain, un bruit sourd, suivit d’un éclair illumina les fenêtres. Ca provenait sûrement de l’extérieur.

La lumière résilla, certainement une panne de courant dans le voisinage.

La sonette tinta.

Les yeux des parents se croisèrent. Inquiets et braves à la fois.

Sans piper mot, la main de Sly fut prit dans celle de sa maman et ils s’enfermèrent dans la chambre. Ils étaient dans le noir. Son papa était resté dans le salon.

Des coups de porte résonnèrent. Cela provenait de l’entrée.

Un éclair fit surbriller la porte de la chambre. On reconnut le bruit d’un feu d’artifice. Sly n’avait jamais été tenu si fermement dans les bras chaud de sa maman. A l’expression de son visage, terrorifée, il compris qu’il devait rester silencieux.

Des voix s’échangèrent. Le petit Sly entendait tout :

- Lâche moi Clockwerk !

- Où est le livre ?

La voix de l’inconnu glaca instanténement le sang de l’enfant. Il ne remarquait même pas que sa maman le serrait plus fort :

- Je ne sais pas de quoi tu parles !

- Raleigh, cherche-le. Il doit être caché derrière un tableau.

Des coups de poings s’échangèrent. Son père avait dû se libérer. Une voix de femme cria de douleur :

- Mais prenez-lui sa serpe bon sang !

- Je l’ai trouvé, cria une voix aigue, provenant certainement d’un petit individu. J’ai trouvé le Volus-Ratonnus !

- Je le tiens enfin ! La même voix glacante avait reparlé. Ruby, force-le.

Le père de Sly cria. Un cri mortel.

Sly fut lâché par sa maman qui quitta précipitement la chambre. Il n’osait pas aller les rejoindre.

Elle cria un « Non ! », long et triste.

Le massacre continua :

- Chacun a sa propre partie du livre ? On peut partir ? aboya un chien. Oh… Mais qui voilà ?

Un coup de feu tinta.

Le rongeur quitta la chambre. Il pénétra, discrètement, dans le couloir. En accélérant légèrement, Sly avait enfin une vue sur le salon. Jamais ce couloir lui avait semblé aussi long. Une vision de l’horreur s’offra à lui. Il vit son père abbatu, une trace de griffe sur le long de son corps. Sa maman était aussi allongée, abattue par une arme à feu.

Il vit ensuite un hiboux se retourner. Un hiboux gigantesque, métallique. Les yeux jaunes, profonds. Il tenait dans sa serre ansanglantée des pages du Volus-Ratonnus. Ignorant le petit garçon, qui ne se cachait même plus, choqué par ce qu’il venait d’assiter, le hiboux fit signe à son équipe de quitter les lieux.

Un chien galeux, très grand et très musclé rappela son collègue. Il pointait, du bout de son arme, le petit Sly :

- Et lui, je peux le tuer aussi ?

L’oiseau ténébreux ordonna :

- Laissez l’enfant. Je veux qu’il vive. Je veux qu’il devienne le dernier Maître-Voleur.














Suite à l'Episode 5 !










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Fan Fiction réalisée par cooper13
Sur et pour :
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Texte achevé en 2019

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Sly Cooper : La Nouvelle Page (2014-aujourd'hui)

Sly Cooper est un personnage de jeux vidéo ainsi que de bande dessinée créé par le studio Sucker Punch Productions, puis reprit par Sanzaru Games. Il s'agit d'une marque déposée. Je ne sais pas pourquoi je l'écris, mais ça fait plus sérieux !

Oui, je compte copier-coller ces lignes à chaque fin de chapitre !

Tschüss ! emoji




- - - Quelques heures plus tard - - -


Le petit Sly était entouré de policier, assis sur un banc. Les reflets des lumières bleues et rouges éclairaient son visage triste. Les larmes sèches marquaient l’instant difficile qu’il avait vécu. Emmitouflé dans une couverture chauffante, il observait deux agents en costards, dont les mines étaient sombres. Ils échangèrent quelques mots pendant une poignée de minutes. Puis l’un des deux agents se dirigea vers l’enfant :

« Tout va bien se passer maintenant. On va prendre soin de toi, tu ne risques plus rien. On va t’emmener dans un orphelinat. »
























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