Auteur : VideoGammerMan
L’armurerie était gigantesque. D’une cinquantaine de mètres de long pour trente de large, elle était composée de multiples étagères triées par types d’armes. Les armes blanches d’un côté, celles à feu de l’autre. On pouvait également noter un coin composé d’un tas d’objets non identifiables. Le tout brillait par son organisation et sa netteté. En effet, toutes les armes, quelles qu’elles soient, étincelaient de mille feux.
-Trouvons nos effets et partons, lâcha Cervantes. L’endroit est malsain.
Les membres de l’Elite acquiescèrent et se mirent à chercher parmi les rayons. On y trouvait de tout. Des épées, des lances, des couteaux, des arcs, des arbalètes, mais aussi des magnums, des blasters, des canons lazer et autres armes de destruction massive. Chacun récupéra ses armes, non sans difficulté pour certains d’entre eux. Enfin, le groupe fut prêt.
-J’ai programmé le droïde pour qu’il nous mène vers un vaisseau de secours, lança Clank en désignant le robot éventré par Cervantes.
-Et le lombax ? lança Lara. On ne peut pas le laisser ici.
-Il n’est sûrement déjà plus là, riposta Kilik. Et puis même, on doit se tirer d’ici au plus vite.
-Chui d’accord avec lui, cracha Dante. Il ne vaut mieux pas traîner.
Les membres de l’Elite sortirent de la salle, suivant le robot ménager qui, même mutilé, semblait les conduire efficacement. Il flottait au dessus du sol, ses fils électriques rafistolés par Clank pendant dans tous les sens. Ils errèrent ainsi dans les couloirs du vaisseau d’Unknown~Soul, tous semblables, tous aussi tristes et mornes. Enfin, après de longues minutes d’errements, ils débouchèrent devant une porte bien plus grande que les dizaines d’autres à côté desquelles ils étaient passés. Celle-ci s’étalait sur une dizaine de mètres, et était constitué d’une matière aussi noire que l’extérieur même du vaisseau. Le robot s’approcha d’un ordinateur de contrôle présent sur le côté droit de la porte et sembla taper quelque chose sur le minuscule clavier de la machine. Il y eut alors un déclic, et la porte coulissa.
« C’est trop facile… », songea Kilik.
Le groupe avança de quelque pas et se retrouva dans une salle immense, ou des dizaines de soldats armés les attendaient de pied ferme.
La pièce s’étendait sur plusieurs centaines de mètres carrés. Des dizaines de vaisseau y était entreposés. Il y en avait de toutes les tailles, de toutes les formes, de toutes les carrures en fait. Et entre ces vaisseaux, il y avait des milliers d’hommes armés qui attendaient. Et l’ouverture de la porte n’était pas passée inaperçue.
-Et merde… jura Dante.
-Totalement d’accord, murmura Jak.
-On fait quoi ? couina Daxter. Si on ne bouge pas, on va se faire détruire.
-Et alors ? lança Cervantes, sarcastique.
Et il se mit à marcher d’un pas déterminé, Soul Edge dans une main, Nirvana dans l’autre. Cela faisait plus de vingt-quatre heures qu’il n’avait pas massacré quelque chose. Et cela lui manquait cruellement. Les soldats le repérèrent, mais ne bougèrent pourtant pas. Blindés dans une grosse combinaison de métal et armés d’un joli canon dont les effets étaient sûrement dévastateurs, il semblait difficilement possible d’en venir à bout.
Lorsque le pirate eut franchi la moitié du terrain qui le séparait des soldats, ceux-ci épaulèrent leurs armes d’un geste mécanique. Mais bien loin de s’arrêter, le flibustier se mit à courir, avide de sang frai. Néanmoins, il n’alla pas très loin. Toujours sans un bruit, les soldats appuyèrent alors sur leurs gâchettes respectives. Dans un sifflement jaillirent alors des dizaines et des dizaines de roquettes qui se précipitèrent vers le pirate. Celui-ci ralentit et les regarda arriver, d’un air hébété, comme s’il ne s’y attendait pas. Il avait tellement pensé qu’il pourrait tous les tuer que mourir ainsi lui semblait trop bête. Néanmoins, il n’avait plus aucune carte en main. Les missiles explosèrent, détruisant la roche et la chair dans un nuage de poussière.
Les membres de l’Elite restèrent ébahis devant la vitesse à laquelle les soldats avaient agis. C’étaient comme s’ils avaient aperçu Cervantes seulement au moment où ils avaient armé. Ils avaient désormais repris leur position immobile et menaçante.
-À quoi ils jouent ? lança Lara.
-Il y a quelque chose qui cloche, murmura Kilik. C’est comme si…
-Regardez ! le coupa Rayman.
Il désignait l’endroit où Cervantes avait disparu sous un amas de fumée et d’explosions. Le brouillard gris se dissipait, et on pouvait distinguer une forme debout dans l’air trouble.
-Chaud, il est vivant, s’étonna Daxter.
À quelques mètres de là, Cervantes était intact. Il n’en revenait pas. Il avait vu ces roquettes. Il les avait vu exploser. Il avait vu le bitume gicler ! Et pourtant, il n’avait pas senti l’explosion. « Il y a quelque chose qui cloche », murmura-t-il pour lui-même. Il s’agenouilla au ras du sol et examina les débris de la déflagration. Le sol était fissuré et de nombreux éclats rougis gisaient sur les lieux du sinistre. Le pirate rapprocha sa main d’un deux, mais une vive brûlure le fit aussitôt renoncer. « Ce n’est pas normal, songea-t-il ». Il se releva et s’avança vers les soldats, qui ne bougeaient plus. Il arriva à la hauteur de la première ligne et les toisa du regard. Leurs yeux fixaient toujours l’entrée. C’était à croire qu’ils n’avaient pas vu que le forban s’était rapproché. Derrière lui, Cervantes savait que ses compagnons avaient les yeux rivés sur lui. Il fit quelques mètres en longeant la première ligne, choisit une victime, et arma Soul Edge. Mais il sembla hésiter. Il avait l’impression qu’il allait tuer un innocent. À cette pensée, le pirate émit un ricanement. Depuis quand se souciait-il de tuer des innocents ?
La lame fendit l’air pour plonger dans la combinaison du soldat, qu’elle traversa sans aucune difficulté. Sans résistance en fait. Emporté par son élan, Cervantes traversa littéralement le soldat et ne reprit son équilibre que de justesse. Alors il comprit.
-Des hologrammes ! gueula-t-il à ses compagnons. La mise en scène était parfaite. Quiconque n’est pas au courant du subterfuge prend directement ses jambes à son cou en voyant pareille armée. Et je suppose que les stigmates de l’explosion sont également de très bons hologrammes. Maintenant partons ! Nous n’avons perdu que trop de temps.
-Je ne le croyais pas aussi intelligent, murmura Lara comme pour elle-même.
-Chacun de nous a des ressources cachées, diagnostiqua Clank.
-Bon, allez les gens, on y va, coupa Dante en se précipitant vers les vaisseaux.
Les membres de l’Elite rejoignirent Cervantes et se mirent à errer dans la mer de soldats virtuels, à la recherche d’un vaisseau qui pourrait tous les contenir. Ce ne fut pas long. Farah trouva bientôt un bâtiment relativement long, mais bas et aplati, de façon à ce que sa forme profilée lui permette de passer outre les vents cosmiques. Il était fait d’un métal noir et lisse. Cervantes, avec sa délicatesse habituelle, s’empressa de forcer la porte en en rabattant chaque moitié d’un côté latéral. L’intérieur était digne des vaisseaux de croisière. On y trouvait une cuisine meublée d’acajou avec four carbonisateur, hololaveur et cryogéniste, un petit salon avec canapés en cuir de Léviathan, et enfin la salle de pilotage, remplie de dizaines de boutons colorés.
-Ouah, le luxe ! siffla Daxter, admiratif.
-On va enfin pouvoir manger un truc consistant, se délecta Kya tout en vérifiant que le cryogéniste était plein.
-Je vous signale qu’on est en état d’évasion, leur lança W3RM avec un regard noir. On doit se tirer d’ici au plus vite.
-J’espère que quelqu’un sait comment faire décoller ce truc, lâcha le Prince de Perse, parce que ça a pas l’air simple.
Le silence qui s’en suivit fut très explicatif : personne ne savait utiliser ce type de vaisseau.
-Je veux bien essayer, tenta Clank au bout d’un moment.
Comme personne ne le contredisait, il se rendit à la salle des commandes et observa les différents boutons et manivelles. Il lisait les minuscules inscriptions laissées par-ci par-là, en dessous des commandes, essayait de deviner à quoi pouvaient bien servir tous ces trucs. Il commençait à douter qu’il arriva à trouver la solution un jour lorsque une alarme retentit dans le hangar, perçant le silence qui s’y était installé.
« Alerte, alerte, alerte, résonna une douce voix féminine. Des prisonniers se sont évadés de leur cellule et tentent de s’enfuir du vaisseau. À toutes les unités. Retrouvez-les et capturez-les. S’ils ne coopèrent pas, tuez-les. »
-Et merde, jura de nouveau Dante. Hey le robot, c’est quand tu veux qu’on décolle.
-J’y… J’y travaille, balbutia Clank en cherchant fébrilement la bonne commande.
Et le calme retomba.
Une minute plus tard, le bruit d’une porte qui coulisse brisa le silence tendu qui s’était de nouveau installé. Dante sortit voir ce qui se passait et, pour surmonter l’océan d’hologrammes, grimpa sur la coque du vaisseau. Ce qu’il vit faillit lui faire lâcher prise. Des centaines de robots armés jusqu’aux dents entraient par la porte en un flot continu. Ils le repérèrent aussitôt, et un tir de blaster vint s’écraser sur le métal noir, à trente centimètres de lui.
-On a comme un petit problème les amis, cria-t-il avant de dégainer ses deux Smith & Wesson.
Il visa dans le tas et tira une rafale de plomb. Quelques robots tombèrent, mais furent aussitôt remplacés par d’autres.
-Et ceux-là ils sont vrais ! ajouta le fils de Sparda en évitant un nouveau tir bien ajusté.
Les hologrammes lâchèrent bientôt leurs roquettes virtuelles mais les droïdes connaissaient le subterfuge et de ralentirent pas.
Les tirs s’intensifièrent, et l’un deux toucha Dante à l’épaule. Il perdit l’équilibre et glissa au sol.
-Surtout ne venez pas m’aider ! ironisa-t-il. Je maîtrise parfaitement la situation. Laissez-moi encore quelques secondes et ils seront tous hors d’état de nuire.
« Alerte, alerte, alerte, reprit la voix féminine. Les fuyards ont été localisés. Ils se trouvent dans le hangar principal. À toutes les unités, allez au hangar. Messieurs les ingénieurs du système de défense, veuillez activer les tourelles automatiques. »
Au même moment, le plafond coulissa et laissa apparaître des dizaines de tourelles qui pointèrent leur canon vers le vaisseau. Dante les fixa, l’air surpris.
-Oh putain…
Il se jeta par la porte ouverte du vaisseau en même temps que celle-ci se refermait et que les tourelles lâchaient une première salve de balles sur la navette.
-Bande d’enfoirés ! cracha Dante après s’être assuré qu’il était bel et bien en vie. Vous avez faillis m’enfermer dehors !
-On a rien fait, plaida Kaileena. C’est Clank qui dirige tout.
Au même moment, le vaisseau s’ébranla et une voix au moins aussi douce que celle qui annonçait à tout le monde qu’ils s’échappaient perça le bruit de la mitraille se heurtant au vaisseau : « Bienvenue dans le SpaceTour69. Mesdames et messieurs, si vous voulez bien attacher votre ceinture, nous allons démarrer. Pendant que vous vous préparez, sachez que le SpaceTour69 a été construit par la compagnie Unknown Corporation. Ses créateurs… »
-Putain le robot, cracha Cervantes, fais-la taire et démarre.
-On ne peut pas passer l’intro, répondit Clank.
-Je vais te la passer moi.
Il se rendit au poste de pilotage et, l’instant d’après, il plantait Soul Edge au cœur du poste de commande. La voix grésilla, puis s’interrompit et annonça.
« Mesdames et messieurs, la coque de votre navette est en train de tomber en miettes et le tableau de bord a légèrement souffert, mais ne paniquez surtout pas. Nous allons nous diriger vers le centre de réparation le plus proche. »
-Mais putain bouge ton cul vaisseau de merde ! jura Cervantes. Tu veux un deuxième coup de boost, c’est ça ?
« Attention chers passagers. La télétransportation du SpaceTour69 va commencer dans un instant. »
Le vaisseau se mit alors à trembler si violemment que ses passagers perdirent presque tous l’équilibre. Au même moment, une plaque du toit se dévissa et tomba aux pieds de Dan ; un robot apparut aussitôt dans l’ouverture ainsi créée. Un missile de TELT IV lui fit comprendre qu’il ne faut jamais être dans les premières lignes. Le vaisseau, quant à lui, tremblait toujours. Alors qu’une deuxième, puis une troisième plaque se détachaient de la coque, le vaisseau s’immobilisa. L’instant d’après, le SpaceTour69 avait disparu du hangar d’Unknown~Soul.
Le bruit de la bataille s’estompa immédiatement, aspiré par l’immensité de l’espace. Le vaisseau filait désormais dans une nuit étoilée, loin de tout robot, ou presque. L’espace était calme en cet endroit, et les vents cosmiques n’avaient pas lieu d’être. Aussi, les dégâts provoqués par les droïdes se s’aggravèrent-ils pas.
-On a réussi ! s’exclama Lara.
Les autres restaient bouche-bée. Ils n’arrivaient apparemment pas à y croire.
-Ne vous réjouissez pas trop vite, intervint Kilik. On est encore perdu en plein espace dans un vaisseau en décomposition, je vous signale.
« Mesdames et messieurs, j’ai l’honneur de nous annoncer que nous arrivons à destination. Pendant notre escale à AquaDeep, où le SpaceTour69 sera réparé par de vrais spécialistes, vous pourrez profiter de l’hôtel cinq étoiles SpaceTour. »
-AquaDeep, c’est pas une planète à Relique par hasard ? demanda Rayman.
-Si, et ce putain de vaisseau va nous y mener, répondit Cervantes. Aurait-on enfin de la chance ?
À quelques milliers de kilomètres d’ici, dans une chambre reculée du vaisseau d’Unknown~Soul.
L’Ombre regardait par la fenêtre d’une immense baie vitrée. Il sentait que l’infinité de l’Univers et de l’Au-delà serait bientôt à lui. Comme il avait hâte que tous ces points lumineux qui brillaient à l’horizon lui soient soumis. Mais patience… Il ne fallait surtout pas précipiter les choses. C’est alors que la porte à laquelle il tournait le dos coulissa. Un colosse apparut alors et franchit l’entrée de la pièce. C’était un être de métal de plus de deux mètres cinquante, extrêmement barraqué. Sa forme humaine lui laissait supposer des origines qu’il n’avait pas. En effet, ce sbire était entièrement né de l’imagination d’Unknown~Soul.
-Quelles nouvelles m’apportes-tu, fidèle sujet ? résonna la voix caverneuse de l’Ombre.
-Ils se sont enfuis.
-Bien. Ils ont mis tellement de temps à comprendre le subterfuge des hologrammes que je me demandais s’ils allaient réussir.
-Quels sont vos ordres, désormais ?
-Envoyez des troupes à AquaDeep, mais n’intervenez pas. Attendez qu’ils récupèrent la Relique. Si vous êtes repérés avant qu’ils ne l’aient, vous aurez à faire à moi.
-Bien Seigneur. Autre chose ?
-Oui. Amenez-moi notre prisonnière préférée, je vous pris.
La créature hocha la tête, puis se retourna et disparut par la porte qui se referma derrière lui. Unknown~Soul laissa échapper un rire de satisfaction. Son plus fidèle agent était en train de s’occuper du lombax sur DeadFire, et pendant ce temps, ses alliés allaient lui trouver la Relique d’AquaDeep. Son plan fonctionnait à merveilles.
AquaDeep était une petite planète oubliée de l’histoire de la galaxie, car trop insignifiante et inintéressante. En effet, si un semblant de croûte lui permettait de garder une forme définie, elle n’en était pas moins entièrement composée d’eau. Le seul continent de la planète était une grande ville s’étendant sur une centaine de kilomètres carrés. Celle-ci avait été établie sur l’unique langue de terre du globe. La population était donc bien évidemment maritime, et vivait prestigieusement du commerce spatial de produits régionaux avec les rares planètes environnantes. Le gouvernement en place était fort, ce qui n’empêchait guère le fait que le quart de la population vive de piraterie. Le tout était relativement paisible, et la violence assez peu usitée. De la part des habitants du moins… En effet, si les profondeurs de la planète hébergeaient de multiples monstres, il existait une créature que tous craignaient. C’était le fléau local, celui contre qui personne ne cherchait à résister. Chaque semaine, le dernier jour, il apparaissait, des fois entouré de son armée aquatique, et réclamait son du. Si on ne lui accordait pas, il dévastait tout, et le prix du sang était plus cher que celui demandé au départ : trois jeunes filles vierges droguées à l’opium. D’où l’existence du plus atroce bâtiment de la planète : un couvent où était regroupée la moitié des filles de la ville, et où pendant seize années de leur vie, elles étaient élevées dans la drogue et l’absence totale de mâle.
Le SpaceTour69, encore en état de marche, venait de pénétrer dans l’atmosphère bleutée d’AquaDeep. L’absence de tout hublot empêchait à son équipage de voir l’immensité d’eau se trouvant sous leurs pieds.
« Mesdames et messieurs, j’ai l’honneur de vous annoncer que nous sommes arrivés à destination. Dans une poignée de secondes, le SpaceTour69 reposera dans le port spatial. Veuillez boucler vos ceintures, il est possible que l’atterrissage soit brutal. »
Le vaisseau, bien loin de ralentir, continua à foncer tout droit vers JFSky City, l’unique ville d’AquaDeep. Enfin, alors que la bande de terre se faisait vraiment proche, la navette freina brutalement, propulsant ses occupant au sol. L’instant suivant, le vaisseau percutait violemment le sol, réduisant ce qui en restait en une bouillie de métal.
Kilik émergea le premier des restes du vaisseau et fut agréablement surpris par ce qu’il vit à l’extérieur : le port spatial était un bel endroit, composé de multiples zones d’atterrissage en bordure de maisons colorées et agréables à l’œil. Des habitants s’affairaient ici et là, et certains s’étaient rapprochés du SpaceTour69 pour observer les dégâts.
Les autres s’extirpèrent bientôt du tas métallique et montrèrent la même surprise. Après JungleMania et le vaisseau de l’Ombre, cette planète semblait très chaleureuse. Alors qu’ils n’avaient encore rien dit, un homme rond et à l’air jovial s’approcha d’eux.
-Je peux vous réparer votre vaisseau pour trois fois rien ! lâcha-t-il d’une voix enjouée.
-Foutez-moi cette ordure à la casse, répondit violemment Cervantes. C’est tout ce qu’elle mérite.
-Sombre crétin, siffla Lara, on en aura besoin pour repartir d’ici.
-Elle n’a pas tort, murmura Dante. Peut-on vous le laisser lors de notre séjour ? reprit-il en s’adressant à leur visiteur. Nous paierons ce que nous vous devrons lorsque nous repartirons.
-Pas de soucis, je m’en charge. Allez en paix, et profitez bien de JFSky City.
Sans dire mot, le groupe s’éloigna de la carcasse du SpaceTour69, mais il n’avait pas fait dix mètres qu’un vieil homme, les joues rouges, le teint cireux et l’air fatigué se dressa devant eux.
-Je vous attendais impatiemment, dit-il.
-Vous nous attendiez ? répéta Kya.
-Bien sûr. À vrai dire, tout le monde ici vous attendait.
-Euh, je ne suis pas sûr de tout saisir, se hasarda Daxter. On est connu ici ?
-Non, pas encore. Mais cela ne saurait tarder. Venez, suivez-moi. Il y a des lustrions que l’auberge que je tiens doit accueillir des héros comme vous.
Les membres de l’Elite se dévisagèrent, puis ils haussèrent les épaules et suivirent le vieil homme à travers le dédale des rues de JFSky City.
L’auberge, vaste et agréable, était construite au bord de l’eau, avec une jolie vue sur le port. L’homme qui était venu les chercher en était le patron. Ses clients le nommaient Ness. Il servit gratuitement à manger et à boire aux nouveaux venus, puis, une fois leur repas terminé, s’assit avec eux près d’un feu de cheminée ronronnant, et leur demanda :
-Alors, vous allez vous y prendre comment ?
Ses yeux pétillaient de reconnaissance, et Lara eut l’intelligence de rentrer dans le jeu avant que Cervantes ne casse tout.
-Nos méthodes de travail sont secrètes, dit-elle. Je ne peux pas vous en informer.
-Oh oui, je comprends, répondit-il d’un air déçu. Dans ce cas, je devrais peut-être vous montrer votre chambre, que vous puissiez vous reposer. La nuit tombe.
Ils acquiescèrent sans dire mot et montèrent à l’étage. Ness leur montra une vaste chambre composée d’un beau mobilier dont une bonne poignée de lits, puis leur souhaita une bonne nuit et les enferma à double tour. Néanmoins, avant de disparaître, il prononça une phrase vide de sens pour tout étranger : « Faites attention, nous sommes le dernier jour de la semaine. »
Les membres de l’Elite n’étaient pas fatigués, et pour cause : ils avaient quitté le vaisseau de nuit, pour se retrouver sur une planète où l’après-midi touchait à sa fin. Lorsqu’ils furent sûrs que Ness était parti, ils se tournèrent tous vers Lara, qui s’assit prestement sur le premier lit venu.
-On peut savoir ce qu’il se passe, peut-être ? demanda sarcastiquement Cervantes.
-Je n’en sais strictement rien, répondit Lara en haussant les épaules et en regardant à travers l’unique fenêtre le soleil se coucher sur la ville. Mais il attendait quelque chose de nous, et il faudrait mieux chercher à savoir quoi.
-Alors tu nous as embarqué dans une histoire que tu ne connais même pas ! cracha Dante.
-Tu as mangé, bu, et tu as un toit au-dessus de la tête, répliqua Lara. De quoi te plains-tu ? Sans moi, on serait sûrement à la rue.
-Tu oublies l’hôtel SpaceTour, fit remarquer Daxter.
-Un endroit pour kéké de l’espace !
-Ça ne sert à rien de s’engueuler pour ça, intervint Kilik. On verra en temps et en heure. Quelqu’un a-t-il compris la dernière phrase du vieillard ?
-Celle où il parlait de la semaine ? demanda Jak.
-Oui.
-Aucune idée.
Kilik dévisagea ses compagnons et comprit qu’ils en savaient autant que lui.
-Maintenant, reprit-il, il faut savoir comment on va s’y prendre pour trouver la relique.
-Y’a qu’à aller demander aux passant s’ils connaissent le Gardien, proposa Daxter avec un sourire ironique. Comment qu’il s’appelle déjà ?
-Odin, affirma Dan. La Divinité protégeant la Relique, c’est Odin.
Il s’ensuivit un long silence. Chacun réfléchissait. À l’étage du dessous, on pouvait entendre les cris et les rires des autres clients de l’auberge. L’ambiance était très tranquille. Et puis soudain, les lampes de la pièce s’éteignirent et les bruits du rez-de-chaussée s’étouffèrent. Dans la rue, les hololumière disparurent. En cinq secondes, JFSky City fut plongée dans les ténèbres et le silence.
Les trois jeunes filles étaient magnifiques. Vêtues d’un pagne qui ne masquait en rien leur nudité, elles suivaient le prêtre qui les conduisait à leur mort. Le frère avançait lentement, les deux mains jointes en une prière continue. Il ne voulait absolument pas accomplir cette tâche. Au cas où le Dieu n’accepterait pas l’offrande, il serait sa première victime. Sous sa toge noire qui le recouvrait entièrement, il tremblait. Mais cette semaine était particulièrement intéressante. Des triplées… Les cheveux bruns, le visage angélique, et la taille en huit ; le corps parfait en fait. Et quand il pensait qu’elles étaient vierges, ses instincts de mâle se réveillaient. Mais il n’y toucherait pas. Le prix à payer serait sûrement pire que la mort. Alors il marchait, droit vers le port, droit vers le lieu du sacrifice. Et les triplées, sous l’influence de l’opium, riant de naïveté, le suivaient gaiement.
Lorsque toutes les lumières de la ville s’éteignirent, le frère tressaillit. C’était le signal. Il devait se dépêcher, ou il arriverait en retard. Et la sentence serait terrible. Il hâta le pas et finit par arriver au port. Tous les bateaux avaient disparu, éloignés pour la nuit, nuit qui était froide et noire. Il n’y avait ni lune, ni étoile. Odin attendait son du. Le prêtre hésita un instant. Le Dieu était caché ici, quelque part sous l’eau. Et il attendait. Il pouvait lui sauter dessus à n’importe quel moment. Son visage se tordit en un rictus de terreur. Il n’avait pas le choix, il devait y aller. Il reprit sa marche, lente et saccadée. Il haletait. Sa tunique l’étouffait et il était tétanisé. Lorsqu’il arriva sur la jetée, la force lui manqua et il tomba à genoux. Derrière lui, les trois jeunes filles riaient toujours. Elles ne savaient pas ce qui les attendait. On leur avait juste dit qu’elles allaient aujourd’hui rencontrer leur destin, accomplir le but de leur vie. Le frère commença à marmonner une incantation. Sa bouche était sèche et il mangeait la moitié des mots. Enfin, après une minute à débiter quelque chose d’incompréhensible, il leva la tête et attendit, plus terrorisé que jamais. Alors l’eau se mit à tourbillonner et Odin apparut.
Il sortit de l’eau, élégant et terrible. Il était grand, deux mètres environ, et avait une forme tout à fait humaine. Il était paré d’une armure en écailles d’hydre et d’un pantalon en peau d’AquaDeepien. Il flottait quelques centimètres au-dessus de la surface et fixait le prêtre avec des yeux bleus dévastateurs. Le visage de celui-ci se décomposa, et il tomba en avant, pétrifié par la peur.
-Tu es mauvais, gronda une voix qui semblait plus venir du torse que de la bouche de la Divinité. Que m’apportes-tu ce soir ?
Le frère essaya d’articuler quelque chose de compréhensible, mais n’y arriva pas.
-Tu me fais perdre mon temps, erreur de la nature, cracha le Dieu.
Il tendit alors son bras et ouvrit sa main. Le prêtre s’éleva, en lévitation au-dessus du sol. C’était plus qu’il ne pouvait en supporter. Il poussa un dernier gémissement et s’évanouit.
-Si faible, souffla Odin avec mépris.
Et d’un geste négligent, il précipita le frère à l’eau. Son corps flotta quelques secondes, puis deux mains crevèrent la surface, l’attrapèrent, et l’attirèrent vers le fond.
Le Dieu reporta alors son attention sur les triplées, qui avaient cessé de rigoler. Si elles ne semblaient toujours pas comprendre la gravité de la situation, la disparition de leur accompagnateur les laissait songeuses. Odin lévita jusqu’à elles et leur tourna autour.
-De beaux morceaux, mes jolies, susurra-t-il. Vous allez provoquer un plaisir fou à votre très cher Dieu. Maintenant, il est l’heure de partir.
Il saisit la première des trois par le poignet, puis la seconde. Il allait s’emparer de la troisième lorsqu’une détonation se fit entendre. L’instant d’après, une balle percutait de plein fouet le crâne de la Divinité, la faisant lâcher ses victimes. À quelques pas d’ici, à la fenêtre d’une vieille auberge se tenait une jeune femme pointant deux 9mm vers le Dieu.
Lara sauta par la fenêtre et atterrit prestement sur le port, puis se remit à canarder la Divinité qui, surprise, se mit à reculer sous l’impact des balles. Lorsque celles-ci le touchaient, ce n’était pas du sang, mais de l’eau qui jaillissait.
Mais Odin reprit bientôt sur lui. Une gigantesque vague se matérialisa aussitôt devant la jeune femme. Celle-ci ne put éviter la masse de liquide qui la percuta de plein fouet. Elle fut projetée contre la façade de l’auberge et perdit connaissance. Mais les autres membres de l’Elite étaient déjà là, sautant les uns après les autres par la fenêtre de leur chambre. Le Dieu fut bientôt assaillis de tous les côtés : flèches, lames, balles, lazers, explosifs… Rien ne lui fut épargné. L’eau qu’il maniait propulsait, étouffait, déséquilibrait, mais sans plus. Enfin, après une courte bataille, il tomba à genoux. Cervantes, qui s’était écroulé, se releva aussitôt et se mit à lui tourner autour.
-Où est votre Relique ? cracha-t-il d’un ton méprisant.
Odin éclata de rire. Un rire grave et profond, provenant des entrailles même d’AquaDeep.
-Vous débarquez sur ma planète en toute clandestinité, dit-il. Vous osez m’affrontez. Et ensuite, vous réclamez la Relique… Vous êtes fous de m’avoir défiés.
Soudain, son armure se mit à étinceler et sa peau prit une consistance gazeuse.
-Nous nous reverrons bientôt, reprit-il avec un sourire.
Cervantes se précipita sur lui, mais lorsque Soul Edge fendit l’air, elle ne traversa qu’une masse liquide qui s’empressa de s’éparpiller sur le quai.
-Et merde, jura le pirate. On le tenait. Si seulement…
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Un énorme tentacule perça la surface de l’eau, l’attrapa, et replongea immédiatement, l’emportant dans les profondeurs abyssales de la planète.
D’autres tentacules émergèrent et s’emparèrent de Farah et Kaileena avant qu’elles n’aient pu les voir arriver. Le groupe se mit alors en position de défense, mais leur résistance était veine. Les énormes membres sortaient de l’eau, puis s’emparaient de leur victime sans qu’elles ne puissent esquisser un geste. Jak, Daxter, puis Dante, Jade, Kya… Les appendices captaient tout. Les triplées furent également emmenées. Lorsque les derniers survivants comprirent qu’ils devaient fuir, il était trop tard. La retraite fut catastrophique. Le Prince de Perse, Dan et W3RM furent saisis avant d’avoir franchis une dizaine de mètres. Kilik et Rayman tentèrent de se cacher derrière l’auberge, mais la créature la démonta pièce par pièce. Les clients, qui, malgré le raffut, n’avaient pas voulu sortir auparavant, commencèrent à courir dans tous les sens. Mal leur en prit. Ils furent également emportés. Seule Lara réussit à s’échapper. Profitant de la confusion des clients délogés, elle piqua un sprint vers le centre de la ville, échappant ainsi aux tentacules. Quant à Clank, il était tombé à l’eau lors de la bataille contre Odin, et coulait désormais vers le centre de la planète, les paupières closes. De tous les membres de l’Elite, une seule avait échappé à la colère du Dieu d’AquaDeep.
Loin de là, sur le vaisseau Unknown~Soul.
L’Ombre avait le regard fixé à travers la baie vitrée de sa chambre personnelle. Il fixait l’espace comme s’il pouvait voir au-delà de ses limites. Il était contrarié. Odin s’avérait plus coriace qu’il n’y avait pensé. Il devrait peut-être envoyer des troupes d’attaque. Mais dans ce cas, il serait repéré… Ce n’était pas une bonne idée. Il en était là de sa réflexion lorsqu’un bruit de succion se fit entendre derrière lui. Il se retourna, sur ses gardes. Devant ses yeux inexistants se tenait Avatar, à genoux et ruisselant de sang. Unknown~Soul eut un mauvais pressentiment.
-Qu’est-ce qu’il s’est passé ? s’empressa-t-il de demander.
-Kratos… murmura le mourant.
-Quoi Kratos ? Ce spartiate est mort.
-Non… Il a vaincu le Dieu des morts et s’est approprié son armée.
-Et tu l’as laissé te détruire ?
L’Ombre n’éprouvait aucune compassion pour le sorcier. Au contraire, sa voix était emplie de haine.
-Ils étaient trop nombreux…
-Tu n’as aucune excuse. Tu connais la sentence qui s’applique à ceux qui échouent.
La Main de Dieu scintilla et Avatar hoqueta de souffrance. Il était trop faible pour pouvoir résister. Son combat l’avait exténué. Néanmoins, même dans la mort, il tenait à garder sa dignité. Aussi foudroya-t-il Unknown~Soul du regard. Malgré la douleur qui explosait en lui, il tint bon et ne poussa pas un cri.
-Vas-y, jeta-t-il d’une voix pleine de hargne. Tue-moi ! Tue-moi et perds ton meilleur élément !
L’Ombre poussa un grognement de rage et, d’un brusque mouvement de bras, envoya balader le sorcier à l’autre bout de la salle. Ses plans avaient changé. Il venait d’en trouver de biens meilleurs.
-Je te laisse une dernière chance, dit-il. Si tu échoues, alors je n’aurais plus aucune pitié.
-Tu n’as jamais eu aucune pitié. Tu ne me laisses en vie uniquement pour que je puisse te servir, encore et toujours.
-Et alors ?
Il s’ensuivit un silence, puis l’Ombre continua :
-La vie, c’est ce que tous les Hommes recherchent…
-Tu oublies que je ne suis pas un homme.
-Alors que cherches-tu Raziel ? La mort, la destruction, l’annihilation ?
-La rédemption.
Unknown~Soul éclata de rire. Un rire froid et malsain, un rire nauséeux.
-Tu n’as aucune morale, et tu voudrais me faire croire ça ? Bref, passons. J’ai une nouvelle mission pour toi.
-Je t’écoute.
-Arrête de me tutoyer, je suis ton Maître !
-Mon seul et unique Maître est dans les cachots de ton vaisseau ! Alors, cette mission ?
-Tu vas te rendre sur AquaDeep.
-Et que devrais-je y faire ?
-Oh, rien de très compliqué. Quelque chose que tu apprécieras en plus.
-…
-Tu te rends là-bas, tu anéantis la dernière survivante de l’Elite, Miss Croft, puis tu récupères la Relique après avoir envoyé Odin aux Enfers.
-Facile, ironisa Avatar. Et c’est tout ?
-Non. Je voudrais que tu tues tout le monde lorsque tu auras réussi. Oh, rien de méchant. Le génocide d’un petit million de personne, si tu vois ce que je veux dire. Un de plus ou de moins, l’Univers ne sera bientôt plus à ça près.
Et il éclata de rire, glaçant le sang dans les veines d’Avatar, obscurcissant son esprit, étouffant son cœur, détruisant tous ses espoirs.