Fragments de Regards - Chapitre 1

Auteur : KidNova

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Souffrir. Souffrir. C'est ce qu'elle ressentait. La douleur, l'horreur, le désespoir. Elle ne ressentait ni la chaleur, ni la fraîcheur, si la douceur. Juste cette douleur, qui rampait sous sa peau… Elle cria à nouveau. Elle sentait quelque chose couler le long de son corps… Quelque chose de chaud… Du sang… Un autre cri. Elle ne voyait pas, elle n'entendait rien. Elle ne s'entendait pas hurler… A l'aide, à l'aide ! Cette souffrance est insupportable ! Ses poings se serraient, ses yeux se cachaient, ses dents grinçaient… Mais où était-elle ? Que lui arrivait-il ? Un autre cri, déchirant les cieux de ténèbres… Elle voulait mourir… Faire cesser la douleur… Chacun des es muscles tremblait… Elle n'arrivait plus à réfléchir… La douleur… Était… Trop… Forte… A l'aide… Elle… Elle avait l'impression… Qu'une lame… Passait à travers son corps… Encore et encore… Elle avait l'impression… De se faire transpercer…. Que son cœur.. Allait lâcher… Qu'elle allait mourir… A l'aide… A l'aide…

Céleste se leva d'un bond et poussa un hurlement effrayé. Ce cri déchaîné résonna dans tout le pavillon. Ses yeux émeraude, affolés, furetaient rapidement autour d'elle… Son souffle, haletant, tentait de se calmer, en vain… Son cœur battait à tout rompre… Elle était crispée sur le lit, assise… Une peur trop intense avait couvert son front de sueur… Elle souffla longuement, avant de s'écrouler sur le matelas… Un cauchemar… Un simple cauchemar… Ses yeux verts examinèrent un instant le réveil digital qui siégeait à côté d'elle… Elle poussa un long soupir en apercevant l'heure… Six heures vingt… On toqua à la porte. Céleste se leva, fit quelques pas et approcha sa main de la poignée. Lentement, elle la fit tourner… Elle craignait qu'il ne s'agisse d'un inconnu… C'était stupide, certes, mais le cauchemar l'avait quelques peu retournée… Elle ferma les yeux et tira la porte…

« Céleste, est-ce que ça va ? »

Ses yeux s'ouvrirent lentement, dévoilant ses iris chlorophylle. Son regard s'abaissa ensuite vers le petit visage enfantin qui s'était dévoilé, inquiet. Il s'agissait de Neothilde, qui s'était levée au cri perçant qu'avait lancé sa sœur Céleste s'agenouilla, portant son visage au niveau de celui de la petite. Lentement, elle porta la main à ses cheveux et les ébouriffa tendrement.

« Ne t'inquiète pas… Juste un mauvais rêve… »

La petite aveugle sourit en sentant la main de sa grande sœur la décoiffer. Elle attendit un instant, tourna les talons et prit la direction de sa chambre. Céleste l'interpella :

« Bon anniversaire, Neo ! »

La jeune fille aux cheveux d'ébène se retourna, répondit d'un sourire rougissant et repartit vers sa chambre. Céleste resta figée un instant, pensive, avant de se retourner et de balayer sa chambre du regard. Lentement, elle s'approcha de la petite table de noyer qui faisait office de bureau, et s'assit sur une chaise qui attendait juste à côté. Elle resta quelques minutes, perdue dans ses pensées, à observer sans relâche la rose écarlate, qu'elle avait doucement posée dans un vase la veille au soir. Si belle… Si fascinante… Un léger soupire se fit entendre. Elle prit la rose et se coucha sur le matelas, en fermant les yeux. Les pétales effleuraient sa poitrine, son cœur, qui semblait s'apaiser…Lentement, son souffle s'adoucit, et elle tomba à nouveau dans les abysses de l'âme. Morphée, de ses bras majestueux, l'aura sûrement rattrapée dans sa chute…
A nouveau, la jeune fille ouvrit le yeux. Ceux-ci se tournèrent vers le petit réveil mécanique, éclairé par un rayon de soleil orangé. Le petit mécanisme, coloré d'or et d'argent, émettait sans discontinuer un affreux bruit, strident, perçant. Céleste abattit lourdement sa main juvénile sur un petit bouton de cuivre qui, une fois enfoncé, coupa net l'affreux chant de l'objet. Elle patienta quelques instants, perdue dans ses pensées. Son cauchemar la tourmentait encore. Que pouvait-il bien signifier ? Céleste n'avait jamais été superstitieuse, et pourtant, ça la troublait… Elle s'assit sur son lit et laissa son regard vert se balader devant elle. Après quelques réflexions diverses et variées, portant notamment sur la benjamine, ses yeux verts s'abaissèrent ensuite vers les couleurs que le rayon de soleil faisait ressurgir. Deux ou trois pièces de menue monnaie, quelques notes, un dessin fait pour tuer le temps… Et, parmi ces artefacts de la vie humaine, un pétale. Un seul. Rouge, vif, prenant. Elle s'abaissa, porta ses doigts fins à l'objet et, doucement, le prit. Elle l'observa longuement : Le rouge-passion, ressortant de manière sublime avec le soleil, la fascinait. Les courbes voluptueuses de l'objet semblaient esquisser un infime sourire. Ce sourire, elle le rendit, avant de poser le pétale à côté d'elle : La rose était juste devant. Elle s'avança, tendit la main et s'en saisit, avant de l'observer à son tour. La jeune fille lâcha un petit soupir et, d'un geste lent, la glissa dans ses cheveux mi-longs, derrière son oreille. Sans plus attendre, elle se leva, et se mit en marche, prenant la direction de la salle de bain. Elle en ressortit une petite demi-heure plus tard, lavée, peignée, habillée. La rose, plus resplendissante encore, était toujours couchée dans sa chevelure, prête à suivre sa vie jusqu'à la fin, s'il le fallait. Céleste, d'un pas lent, encore un peu embrumé par une nuit agité, entra dans la salle à vivre. Elle jeta un rapide coup d'œil à sa montre : Sept heures quinze. Céleste attrapa son manteau, son sac, et sortit.

Le soleil, d'une magnifique teinte dorée, lui sauta au visage. Assaillie par tant de lumière, Céleste plissa les yeux, portant sa main rosée devant elle. Après un court instant, enfin, elle put apercevoir les quelques teintes que la ville lui offrait : Le blanc des bâtiments, auxquels l'aube confiait un joli voile doré, se faisait éclipser ici ou à par un gris sombre que le sommeil confiait aux fenêtres. Un vert légèrement assombrit par l'heure matinale troublait, çà et là, le gris mi-sombre des trottoirs, esquissant la forme d'un arbre. Ces chênes, cerclés dans la brique, offraient à la rue un semblant de prairie boisée que seuls les quelques matinaux pouvaient espérer comprendre. Devant elle, à ses pieds, se tenait un petit rouleau de papier enfermé dans un petit anneau chétif. Elle l'attrapa, le libéra de sa faible prison et l'ouvrit. Céleste jeta un regard à sa montre, avant de se mettre en marche vers la are, d'un air pressé. Pendant qu'elle marchait, ses yeux émeraude parcouraient ledit journal. Si la rubrique économique la laissait indifférente, la rubrique faits divers attira d'autant plus son attention. Elle la lut, la relut et la re-relut, complètement abasourdie par le récit qui y était conté. La première fois, la lecture fut désintéressée, la seconde attira plus son âme. A la troisième, elle fût obligée de lire à haute voix pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas :

« Hier après-midi, aux environs de seize heures, la petite Ambre, disparue l'avant-veille, a été retrouvée sans vie sur les bords de la Seine, non-loin de légers rapides. La jeune fille, âgée de treize ans, se serait noyée alors qu'elle faisait du canoë. »

Voilà ce qu'affirmait l'article, avant de s'adonner à la narration des réactions de la famille,détruite. Mais Céleste, déjà, ne lisait plus. Elle continuait de marcher, le regard perdu, les lèvres tremblantes. Sans cesse, presque involontairement, elle répétait son âge, si cruel… « Treize ans ». Et, peu à peu, une affreuse théorie se forma dans son esprit encore embrumé par ce qu'elle avait lu. Treize ans… Un frisson accompagna l'idée qu'elle n'eût été à sa place… En effet, la jeunesse d'Ambre était absolument effrayante… Une vie si courte… Céleste eût un nouveau frisson, et elle se prit les coudes, baissant la tête, sans cesser de marcher. 13 ans. Une intervalle si courte… Le temps d'un clin d’œil, d'un sourire, d'un espoir, plus rien. Une idée, une discussion, un rire, plus rien. Et encore. Il y avait pire… Que ce ne soit pas elle qui s'éteigne si brutalement, mais Neo… Là, Céleste savait exactement comment elle réagirait. Tout d'abord, elle se considérerait comme unique responsable . Responsable de ne pas l'avoir suffisamment surveillée. Ensuite, elle sombrerait dans une profonde dépression. Elle se renfermerait sur elle-même, dans sa chambre, et n'en sortirait plus. Et après quelques mois, des idées suicidaires lui viendrait à l'esprit… Et là , elle ne savait pas si elle y résisterait… Céleste porta sa main à son visage, pour tenter de cacher au monde ses petites lèvres tremblantes… Une larme, une seule, coula le long de sa joue, esquiva gracieusement son nez fin, contourna doucement ses lèvres roses, descendant quelques instants encore avant de s'écraser au sol. La jeune fille secoua vivement la tête, afin de se réveiller. Abattue, elle pressa le pas, le journal sous le bras, en voyant la gare se profiler au loin. Doucement, d'un geste souple, elle rabattit une mèche rebelle derrière son oreille. Le blond quasi-platine de ses cheveux mi-longs se fondait joliment avec ses yeux chlorophylle, qui esquissaient les courbes de ladite gare. Celle-ci troublait, à son tour, la brume matinale qui enveloppait Paris.

La lumière du soleil, timide encore, se reflétait timidement dans les portes vitrifiées. Lesdites portes étaient bordées de bois, d'ébène. Ce noir profond contrastait avec l'intérieur, un parquet de sapin, d'une couleur renforcée par les marques sombres, au sol. Le ciel s'assombrit alors : Doucement, quelques larmes gelées se mirent à chuter, volant, dansant, virevoltant avec les gouttes de pluie et les rayons de soleil. Après ces quelques périples, ces cristaux de neige s'agglutinaient au sol, formant un doux matelas neigeux, propice au sommeil et aux rêves. Mais d'autres flocons, déjà, arrivaient. Céleste eût un maigre sourire : C'était là l'annonce du voyage qui approchait, à chaque seconde. Un voyage au cœur de la montagne : la petite avait choisit de faire son stage dans une station de ski. Un cadre calme, serein, plongé dans une ambiance des plus reposantes. En tant que secouriste-stagiaire, elle devait aller récupérer des gens, prisonniers d'avalanches en tout genres. Soit elle resterait tout le long du stage à faire du ski à son tour, aux côtés des moniteurs, soit elle serait au cœur de l'action : Un choix judicieux, bien plus, en tout cas, que de faire son stage dans une usine, ou dans un placard à paperasse, à attendre impatiemment la fin de la journée. Cependant, elle n'était pas la seule à avoir fait ce choix en ville : Quelques autres, attirés par la fraîcheur de la neige et par la chaleur d'une fondue savoyarde, avaient entreprit le même parcourt que Céleste. Que cela ne tienne : Ni rien, ni personne ne l'empêcherait de profiter de ces vacances. Sa main juvénile se porta à la poignée de cuivre, et elle l'abaissa. La porte en verre s'ouvrit, la laissant entrer dans ces lieux ferroviaires. La fille rangea le journal dans son sac à dos, en profita pour sortir le billet de train, et le tendit à la guichetière : Celle-ci fit entrer Céleste dans le train, et poinçonna son billet. Le train était relativement confortable : Les sièges en mousse, d'un rouge chatoyant, n'attendaient que la petite pour qu'elle s'y installe, ce qu'elle fit sans plus attendre. Son sac à dos, relativement lourd, fut placé à ses pieds. Céleste se coucha ensuite à moitié sur le siège, ressortant à nouveau le journal. L'article des faits divers l'attirait, c'était un fait. Elle voulait en savoir plus. Où, précisément, s'était-elle noyée ? Dans quelles circonstances ? Était-elle surveillée ? Seule ? Savait-elle nager ? Était-ce un accident ? Son esprit s'amusait malgré lui à élaborer les théories les plus folles et les plus insolentes. Elle se permit même d'imaginer un meurtre, ou, du moins, une mort désirée. Les enquêteurs effectueraient une autopsie dans les jours qui suivraient. Son visage resta figé, glacial, tout au long de la lecture, qui retenait toute son attention. Si bien qu'elle se sentit pas que quelqu'un s'était assis à côté d'elle. La lecture, la lecture, toujours la lecture, il n'y avait que ça qui comptait.

L'inconnu jeta un regard à Céleste, puis au journal, sans rien dire. La jeune fille, la rose dans les cheveux, ne bougeait pas d'un poil, complètement absorbée par sa lecture. Exactement comme sa sœur pouvait l'être. Prise dans un autre monde, gigantesque, unique, magique. Mis à part un détail : Neothilde voyageait dans l'imagination d'auteurs, et Céleste dans les récits d'un fait divers des plus tragique. Par ailleurs, pendant sa lecture, elle mordillait ses petites lèvres roses jusqu'à ce qu'elles deviennent écarlate. La sœur de la dénommée Ambre déplorait une surveillance honteuse de la jeune disparue par les moniteurs. Une enquête était en cour, pour tracer précisément le parcours de la jeune fille. La personne s'assit aux côtés de Céleste. On pouvait voir une photo de la dénommée Ambre : Une petite fille aux cheveux châtains, souriante, aux yeux couleur résine qui, à partir d'aujourd'hui, ne verraient plus jamais. Ses cheveux descendaient le long de sa nuque, pour remonter, s'arrêtant au niveau de ses épaules, qu'ils chevauchaient avant de disparaître. A côté d'elle, on pouvait apercevoir la sœur, dont le témoignage était rapporté plus haut : Une fille aux apparences calmes, pensive, posée, aux cheveux mi-longs et d'un châtain plus automnal. Un regard se glissa vers le journal, puis vers le visage de Céleste. Les yeux de cette dernière se tournaient lentement vers ce visage inconnu… Céleste poussa un cri de surprise, refermant tout-à-coup le journal. Cet inconnu avait faillit lui faire faire une crise cardiaque… Céleste pencha la tête, se calmant peu à peu. Son sourcil s'arqua et elle fit la moue, avant de s'asseoir normalement, croisant les bras, le journal dans la main gauche. Une mèche rebelle tomba devant son œil, couvrant l'émeraude ardente d'une lueur de platine. Un sourire s'afficha sur le visage de l'inconnu, que Céleste refléta comme un miroir. La jeune fille posa le journal sur la table et eût un petit rire.

« C'est dangereux de surgir comme ça ! »

Il y eût un nouveau rire, puis un instant de silence, que la fille à la rose mit à profit pour observer son interlocuteur. Un homme de taille acceptable, brun, aux cheveux lisses, et aux yeux gris-bleus. Il portait une chemise bleue, à moitié ouverte, cachant mal un t-shirt blanc. Céleste l'examina de haut en bas, plus animée par la surprise que par un quelconque sentiment. Le jeune homme jeta un regard au journal, avant de regarder à nouveau la jeune Hyllia.

« Alors, on aime bien la lecture ? »

L'inconnu mit son sac sur ses genoux, avant de l'ouvrir lentement. Il en sortit un petit violon, joliment cuivré, dont les courbes rougissaient en approchant de la base. Un archet le suivit, très rapidement. Le jeune homme mit l'instrument en place, appuyé sur l'épaule gauche, l'archet dans la main droite. Il mima de jouer quelques secondes, avant de regarder Céleste, qui ne l'avait pas lâché des yeux. Un sourire s'afficha sur le visage de l'inconnu, bien conscient qu'il troublait la jeune fille :

« Moi, c'est plus la musique. Je sais… La plupart des filles de ton âge sont raides dingues de guitare sèche. Manque de chance : J'en joue tellement mal que mes voisins sont devenus sourds ! Je crois que je suis condamné à jouer du violon jusqu'à la fin… »

Il se mit ensuite à jouer quelques accords de base, sous l’œil attentif de Céleste. Après ces quelques notes, il fit mine de faire la révérence, sous les applaudissements tout aussi mimés de la fillette à la rose. Le jeune homme rangea ensuite prudemment son instrument, observant à nouveau le journal. Il arqua un sourcil et tendit la main vers le papier :

« Je peux ? »

Après approbation de la jeune fille à la rose, il l'attrapa, et le feuilleta quelques instants.

« Ah oui, la petite… Tu sais, c'est affreux, mais ça ne sert à rien de se morfondre. Ça n'arrangera rien. Au pire, si ça te touche tellement, parles-en avec eux… Enfin… »

Il se tut, conscient d'avoir dit quelque chose de stupide. Pourquoi la fillette qu'il avait en face de lui oserait aller parler à cette famille de la pire chose qui leur soit arrivée ? Mais Céleste, cependant, ne voyait pas la chose comme ça. Elle avait besoin d'en parler, et cette fille pouvait la comprendre. Elle regarda le paysage, par la fenêtre, qui défilait. Le vert, le jaune, le bleu, qui dansaient, couraient, riaient et jouaient derrière la fenêtre. Neo… Dire qu'elle ratait tout cela. Et la jeune fille, la sœur de la petite Ambre, qui devait totalement ignorer ces merveilles, à présent.
Le train continua sa route vers la montagne, alors qu'au loin, un petit nuage apparaissait…



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