Raven - Chapitre 9

Auteur : gag_jak

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Chapitre 9
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« Le temps est une notion compliquée, qui est, en tout cas, très relative. Une seconde s’écoulera toujours en une seconde ; une minute s’écoulera toujours en une minute ; telle qu’une heure en une heure ou qu’une journée en une journée. Ensuite, tout dépend de la façon dont on vit chacune de ces secondes, de ces minutes, de ces heures et de ces journées. Les secondes de stress, de peur, de tristesse paraîtront toujours longues, interminables ; si bien que ces secondes, en terme de durée, peuvent être assimilées à des minutes ou des heures. Alors que les minutes ou les heures d’exaltation, de bonheur, ou encore de pure démence passent tellement rapidement que l’on ne s’en rend même plus compte ; à ce moment là, on peut les comparer à des secondes.
La monotonie est cependant un moment différent car elle réunit les deux précédents facteurs énoncés, mais en les modifiant quelque peu. Les jours y sont tellement semblables qu’il devient difficile de déterminer le temps qui passe. Ainsi, on finit par se demander quel jour on est, depuis combien de temps tel événement dure, combien de semaines se sont écoulées depuis que…
Bref, si l’on n’a pas de calendrier sous la main, il devient difficile de s’y retrouver…

Et c’est pourquoi je fus incapable de compter le nombre de jours et semaines durant lesquels j’avais travaillé pour ces malfrats, à leur fabriquer des armes illégales. Tout ce que je savais, c’était que ça avait duré un paquet de temps. Plusieurs semaines, et peut être bien plusieurs mois.
L’appartement que m’avait fourni les hors-la-loi était complet, je ne manquais de rien… toutefois, ils n’avaient pas pensé à me fournir un calendrier.
Un des rares jours où je demandais la date à quelqu’un, je pus constater que mon anniversaire était déjà passé depuis quelques jours.

J’avais donc quatorze ans. Un an de plus. La plus déplorable année de mon existence… du moins jusqu’à maintenant. L’année où tout a basculé, où j’ai découvert la vrai nature du monde dans lequel je vivais, où toutes mes illusions futiles, naïves et puériles au sujet de mon ordure de père, de moi-même, et de cette foutue réalité se sont effondrées.
L’année où le démon en moi s’était réveillé. Ce démon, aussi infâme que cruel, m’apportait une puissance incroyable… ainsi qu’une dépravée envie de voir le sang couler. Un démon que je crus toutefois avoir anéanti l’espace d’un moment… mais qui revint à la charge avec l’envie de puissance.
Mais ce n’était pas pour autant que je cavalais dans les rues pour tuer le premier venu… Cependant, à présent, je savais que dans le besoin j’aurai le cran d’enfoncer mon épée dans les tripes de quelqu’un, ou encore de serrer le cou d’un autre jusqu’à ce qu’il ne puisse plus respirer… et que la vie quitte son corps.
Aujourd’hui, si cela avait été à refaire, j’aurais tué cette adolescente et ce marchand de journaux. Je ne devais plus laisser qui que ce soit me faire obstacle. Je devais stopper tout être capable de faire devenir mon avenir plus sombre qu’il ne l’était déjà.

J’avais donc eu quatorze ans il y a une semaine, ce qui voulait dire que j’avais travaillé un peu plus de deux mois pour ces vendeurs d’armes. Deux mois que, tous les matins, je sortais de l’immeuble dans lequel se trouvait l’appartement où j’étais logé pour me rendre dans ce Quartier Général souterrain, à entreprendre la fabrication d’armes et autres gadgets.
Ce boulot était assez bien ; j’exerçais quelque chose de bien simple, à mes yeux, et qui en plus me plaisait. Travailler de cette manière me permettait d’éloigner mes pensées de ma mère… et de son assassin. Même si, bien sûr, je me rappelais que la prochaine fois que je croiserai Slim, je le tuerai… A ce moment là, je le ferai souffrir longuement, pour que sa mort soit lente et douloureuse. Pour qu’il souffre comme il m’avait fait souffrir.
Telle était ma, sombre et cruelle, justice.

Enfin bref, pour l’heure, il était temps que j’aille au travail…
Je sortis donc de mon appartement et atterris dans un des couloirs de mon immeuble.
Mon appartement, d’ailleurs, était incroyablement grand. Il y avait au moins une bonne vingtaine de pièces, avec un balcon en plus. Ces salles étaient réparties tout le long d’un immense couloir (dix de chaque côté, donc) ; et au bout de ce dernier, il y avait la pièce principale : le salon, avec le balcon sur le côté droit. Ce salon était toujours éclairé : il n’y avait pas de murs le délimitant, à part celui de l’entrée… tout le reste, ce n’était qu’une immense baie vitrée où les rayons des soleils passaient à longueur de journée – quand il ne pleuvait pas.

A quoi pouvait servir un tel nombre de salles ? Je n’en savais rien. Peut être à organiser des réceptions, ou autres… Il fallait dire que l’immeuble dans lequel je résidais était aisé et la plupart des personnes qui y vivaient étaient hautement reconnues… dans le milieu du crime. Je n’avais donc pas de soucis à me faire, ils ne risquaient pas de me dénoncer s’ils me reconnaissaient.
J’étais loin d’utiliser toutes ces salles… je me servais du salon, d’une des chambre, de la cuisine, de la salle de bain et les autres pièces banales… Cependant, j’avais emménagé à ma façon l’une des plus grandes pièces de l’appartement. Elle se situait non loin de la porte d’entrée et contenait à tout casser environ cent armes et gadgets, rangés sur des étagères. Ces armes, je les avais construites moi-même depuis le jour où j’habitais ici… et j’étais fier du résultat, très fier. C’était soit des prototypes d’armes que j’allais construire pour mon boulot, soit justement des armes déjà construites dont j’avais gardé un model, ou soit encore des armes que j’avais élaborées pour moi et moi seul.
De quoi assurer ma défense en cas de problème majeur.

Les fabricants d’armes, il y a de cela un moment, m’avait acheté une longue veste noire à cape surmontée d’une capuche, pour que l’on ne me reconnaisse pas dans la rue. Ce qu’ils pouvaient me sous-estimer, ces fabricants… Ils ne se doutaient pas que je puisse me rendre invisible ; car, bien entendu, je ne leur avais pas dit. Je ne leur faisais pas confiance à ce point. A la limite, pour ne pas me faire repérer, je n’avais qu’à marcher en étant invisible… Mais bon, cette veste me plaisait. Elle m’allait parfaitement, et si je baissais un peu ma tête quand j’avais la capuche, je pouvais être certain que personne ne verrait mon visage. Et puis, personnellement, je trouvais que ça me donnait quelque peu la classe… tout en me donnant un air un peu plus effrayant, bien que ce ne soit pas le but. J’adorais sentir la cape balloter derrière moi à chaque fois que je faisais un pas… et comme tu as pu le constater, j’adore toujours ça.
Je marchais donc dans la rue, tête baissée, en direction du Quartier Général des fabricants d’armes.

Comme tous les jours, je passais devant un des rares panneaux qui n’avait pas été enlevé, sur lequel il y avait ma photo en grand format avec la mention « Ennemi Public N°1 : Slim Cognito ». Comme tous les jours, je lisais ce nom avec dédain. Ces imbéciles de flics avaient rassemblé assez de preuves pour inculper Slim. Déjà, il y avait la ressemblance entre la photo et lui-même ; puis ensuite, l’épée que j’avais laissée sur le lieu du crime. En effet, cette épée, c’était lui qui l’avait volée, il y a de cela une ou deux décennies… Ils en ont donc conclu que c’était lui qui avait fait le coup. Mais ce que les policiers ignoraient, c’était que Slim avait un fils qui lui ressemblait beaucoup : moi.
En effet, il avait prit soin de cacher mon existence et celle de ma mère aux yeux du monde, pour ne pas nous attirer d’ennuis. La seule différence qu’il y avait entre le profil du suspect et Slim, c’était les empreintes digitales… Mais les enquêteurs s’étaient dit que s’il avait pu venir à bout de la banque la mieux gardée de la galaxie, il avait pu se fabriquer de fausses empreintes, par on ne savait quel subterfuge…

Moi, cette situation me faisait rire. Slim payait pour mes erreurs. Comme moi j’avais payé pour les siennes, à l’époque de ma scolarité. Et le mieux, c’était que Slim était en prison : quand la police était arrivée dans mon ancienne maison, à Nastia, il n’avait manifesté aucune résistance. Il s’était laissé capturé et emmené dans une prison galactique des plus sécurisées. Slim était foutu, piégé. Dans quelques semaines, ça allait être son jugement.
Mais comme la peine de mort avait été abolie dans cette galaxie, j’allais devoir la rétablir… à ma façon.
Ça allait être le moment idéal pour agir… pour lui faire la peau. Son procès ! Il allait être menotté et sous surveillance dans un foutu tribunal…Il suffisait que je place une bombe, que je tire un missile ou autre sur le bâtiment… et il en serait fini de lui ! J’avais la possibilité de le tuer !!
… Mais bizarrement, je n’étais pas sûr d’en avoir envie…. Non, pas comme ça… Car si je l’explosais de loin, je ne pourrais pas lire l’expression sur son visage… je ne le verrais pas mourir…
Et je voulais le voir mourir. Il le fallait… Ça me ferait plaisir… terriblement plaisir.
Il fallait que je fasse autre chose, que je le tue autrement…. Mais pourtant, c’était le moment idéal. Je n’aurais peut être jamais plus d’occasion de l’assassiner. Je ne savais pas quoi faire. Le tuer maintenant ou plus tard ? Le tuer d’une façon pitoyable ou probablement ne jamais le tuer ?
Je ne savais pas… Mais j’allais y réfléchir une prochaine fois… après avoir finit de travailler. Pour le moment, il fallait que je centre mes pensées sur la fabrication des armes et des gadgets.

Au bout de dix minutes, j’arrivais enfin au centre-ville. Je me rendis directement à la minuscule bâtisse qui servait de cache à l’ascenseur. Désormais, je possédais un badge. Il me suffisait de le poser à un certain endroit pour que l’hologramme solide qu’était le mur disparaisse un court instant et me donne la possibilité de rentrer dans la pièce. C’est ce que je fis.
Une fois à l’intérieur, le sol descendit dans les entrailles de la planète. J’adressai un sourire à la caméra tout en retirant ma capuche… il fallait que les fabricants d’armes vérifient que ce fût moi, comme d’habitude… Si par malheur ils s’apercevaient que quelqu’un avait pris ma place, ou que j’amenais un suspect, ils activeraient alors un système défensif qui envoyait une décharge électrique de cent mille volts… de quoi tuer les occupants de l’ascenseur sur le coup. Mais heureusement, j’étais bien moi, et j’étais seul. Aucun souci.

La porte de l’ascenseur s’ouvrit enfin. J’entrai dans l’immense base, prêt à me rendre à mon « stand » - c’était ainsi que les fabricants d’armes nommaient les zones de travail – où je fabriquais mes armes et gadgets, et à commencer mon boulot. A ce moment, j’envisageai la construction d’un lance-missile révolutionnaire qui pourrait tirer jusqu’à cent missiles en deux secondes… J’avais les plans de l’arme en tête, mais je savais d’avance que ça allait être compliqué. Enfin bon, c’était mon boulot, après tout.
Mon stand était en réalité un espèce de bureau avec table, chaise et tout le bordel… mais en plein air – enfin, quand je dis en plein air, je veux dire que cela ne se situait pas dans une des maisons de la base… mais simplement comme ça, en plein milieu de l’immense sous-sol, sans aucun mur pour limite.
Dessus, j’avais tout un tas de matériel… de quoi pouvoir travailler, en somme. Une fois arrivé, j’inspirai profondément… Il était temps de se mettre à travailler.

J’étais donc en train de rassembler tout ce dont j’allais avoir besoin pour la construction de cette arme, quand je vis mon patron, Steph, se diriger vers moi, l’air sérieux. Il n’était jamais très souriant, mais là il avait vraiment une mine déterminée… et à ce point, ça ne le lui ressemblait pas.

« Bonjour, Steph – lui lançai-je – Il y a quelque chose qui ne va pas ? » Et apparemment, oui, quelque chose ne devait pas aller, car il ne me répondit pas. Cependant, il continua d’avancer dans ma direction, à grands pas. Il s’arrêta juste devant moi et me toisa longuement. Au bout de quelques secondes, je finis par prendre la parole à nouveau « J’ai fait quelque chose qui ne va pas ?
- Non – dit-il enfin – non… Ce n’est pas ça le problème.
- Et ben quoi alors ?
- Tu es viré, Raven ».

Cette phrase me fit l’effet d’une pelle que je me serais pris en pleine tronche. Viré ?! N’importe quoi ! Et en quel honneur, déjà ?

« Quoi ?! – m’exclamai-je.
- Oui, tu as bien entendu…. Tu es viré… Tu as cinq minutes pour t’en aller.
- Et pourquoi ? Pourquoi suis-je viré ?
- Ne me poses pas de questions, tu es viré, point barre. J’ai mes raisons, et tu n’es pas en droit de les connaître. Maintenant tires-toi, et sans histoires… »

Alors là, c’était n’importe quoi… Steph m’énervait déjà. Il croyait que j’allais partir, comme ça, subitement ? Il pensait vraiment que j’allais me laisser faire ?! Mais il n’en était pas question ! Il allait savoir à qui il avait à faire.
Rapidement, je l’empoignai par le col et le soulevai.

« Tu crois vraiment que tu peux me virer ?! – rigolai-je tout en me saisissant d’un objet pointu sur une table avec mon autre main – Tu crois que tu peux me renvoyer, comme ça, sans raisons ? Tu crois que je ne vais rien dire ?! Mais tu es en plein délire mon pauvre vieux !! »

Sans rien ajouter de plus, je l’envoyai sur ma droite, contre mon bureau. Il s’y étala de tout son long. Je m’approchai de lui, l’objet tranchant en main. Déjà, je sentais la colère prendre possession de moi…

« Tu as trois secondes pour t’expliquer, Steph. Ça fait un long moment que je n’ai plus tué personne… ça me manque, tu sais ? Si après ces trois secondes tu ne m’as toujours pas donné de réponse, je te tuerai… et sans pitié. Alors ! Pourquoi me renvoies-tu ?! Un ! »

Steph soupira, l’air épuisé. Il n’avait pas l’air de vouloir me donner une réponse… et bien tant pis, qu’à cela ne tienne ! Le tuer allait me défouler… Car c’était vrai, ça faisait longtemps que je n’avais plus arraché de vie, moi. Et ça me manquait vraiment…

« Deux ! »

Soudain, j’entendis tout autour de moi le bruit de fusils se chargeant. Un simple regard me permit de constater qu’une trentaine de fabricants armés m’entouraient, les canons de leurs fusils pointés vers moi. Apparemment, Steph non plus ne comptait pas se laisser faire. J’esquissai tout de même un sourire.

« Raven – fit-il – Je me doutais que tu allais agir ainsi…. Alors j’ai pris les devants. Tu auras peut être le temps de me tuer, moi… mais sitôt que tu l’auras fait, tous ces hommes là t’achèveront… Ils ont l’ordre de te tuer si tu me tues. Tu n’es pas si stupide, hein ? Tu ne ferais pas une telle erreur, pas vrai ? Tu es quelqu’un de sensé, malgré tout… »

Décidément, Steph n’en savait que très peu sur moi, et sur ce dont j’étais capable… Il était temps de le mettre au courant… parce que là, ça en devenait lamentable, une telle naïveté…

« - Et qu’en sais-tu ? – crachai-je d’un air sournois – Des erreurs j’en ai déjà commises… Une de plus, une de moins… »

Je fis un pas en avant, toujours ma lame en main. Déjà, je le sentis moins sûr de lui.

« Ecoute, Raven ! Tu es juste viré ! Mais tu peux garder l’appartement, et nous ferons en sorte que tu trouves un nouveau travail, promis ! »

Steph craignait pour sa vie, et ça se sentait. Ah… cette aura de peur… elle m’avait manqué. Terriblement manqué. Cette sensation de force, de pouvoir… c’était si bon.
Toujours adossé contre mon bureau, il tremblait de plus en plus, au fur et à mesure que je m’approchai de lui. Les hommes armés aussi étaient stressés, ils remuaient sur place. Chacun hésitait sur ce qu’il devait faire. Ils ne me faisaient même pas peur.
Alors, si je tuais Steph, ils me tuaient ? Mmh… sauf si je me servais de ma vitesse et de mon invisibilité pour leur échapper… Oui, ça avait de grandes chances de réussir. Cette embuscade était pathétique. Je pouvais tous les tuer, aussi facilement que ça. Et le pire, c’était qu’ils y croyaient… Ils croyaient vraiment qu’ils pouvaient me tuer ? Ils croyaient réellement qu’ils allaient m’effrayer, moi, Raven Cognito ?
Non… là c’était décidément n’importe quoi…

« Si tu tiens à ce point à ce que je trouve un nouveau travail – lançai-je à Steph – pourquoi me renvoies-tu ? Ta logique est insensée… Je veux une explication, et tout de suite !
- Heuuu… une de tes armes n’a pas bien fonctionnée… Alors je te vire, c’est tout. »

Mais quel mensonge…. Ça se percevait dans sa voix, dans son ton : il mentait. Et puis, de toute façon, toutes mes armes fonctionnaient parfaitement….
En plus, d’autres constructeurs dans ce QG en produisaient des défaillantes et n’étaient pas virés… Le mensonge de Steph n’était pas du tout crédible.

« Ah oui ? » – fis-je alors que j’étais juste en face de lui.

Je m’accroupis et plaçai mon objet coupant sur sa gorge. Je sentis son pouls ainsi que sa respiration saccadée… Il ne me regardait même pas, il ne l’osait pas… Car il savait quel genre de regard je lui lançais : noir et meurtrier.
Il puait la peur. J’en riais intérieurement. Le grand et respecté Steph était donc si émotif que ça ? Difficile à croire… Il était temps de se marrer pour de bon.

« Trois ».

A cet instant, je sentis tous les hommes autour de moi se crisper, s’étonner, se prendre de peur. Une goutte de sueur coula le long de la joue de Steph, tandis que moi je rigolais. C’était là que tout se jouait… Là qu’ils se demandaient tous : « Va-t-il le tuer, ou non ? » …
La réponse à la question allait sûrement les surprendre.
En tombant sur le sol, l’objet tranchant que je tenais dans la main émit un son métallique.
Je me relevai et marchai d’un pas décidé en direction de l’ascenseur, sans même me retourner. J’avais décidé de lui épargner la vie…
Mais je n’en riais pas moins.

« A une prochaine fois, Steph… Et cette fois-ci je ne serai pas si clément….
- Merci de ta compréhension, Raven… - souffla Steph – mais encore un détail…. Evidemment, si tu venais à nous dénoncer, nous agirons en conséquence…
- Ouais… c’est cela, oui… »

Je montai dans l’ascenseur et les portes se refermèrent derrière-moi. L’appareil me ramenait à présent à la surface.
J’étais énervé, complètement furax… Je ne comprenais pas grand-chose. Bordel, pourquoi m’avaient-ils viré ??! Ils n’avaient aucune raison !! Je ne pigeais vraiment pas… Putain mais il devait bien y en avoir une, de raison, pourtant ! Alors, pourquoi ne me l’avait-il pas dite ?!
Je donnais des coups de poing contre les parois de l’ascenseur pour atténuer ma colère… mais ça ne faisait qu’accentuer ma hargne.
Oh oui… j’étais énervé, d’humeur noire, terrible, destructrice, meurtrière ! Il fallait que je me défoule, que je décharge ma haine !! Mais quel enfoiré ce Steph, bordel !! Pourquoi ne l’avais-je pas tué ? Ce n’était pas l’envie qui me manquait… Je l’avais sous la main, il ne pouvait pas s’échapper ; les hommes derrière moi ne pouvaient pas m’abattre ! Je n’avais rien à craindre… Alors pourquoi n’avais-je rien fait ?!! Je n’en savais rien… Pourtant, cela faisait si longtemps que je n’avais plus sentit le sang couler sur mes mains, le long de mes bras… Si longtemps…
Mais non, je n’avais pas tué cette enflure, même si elle le méritait.
Et du coup, ma colère était restée en moi… Et elle s’amplifiait au fil des secondes… Aussi, je cognai les murs. Je détruisis également la caméra de l’ascenseur.
Je savais qu’à tout moment, les membres du QG pouvaient m’envoyer cette fameuse décharge électrique de cent mille volts… Mais je m’en foutais, c’était le cadet de mes soucis… Ils ne le feraient pas… Car sinon, ils m’auraient déjà tué…

D’ailleurs, pourquoi ne l’avaient-ils pas fait ? J’étais une menace pour eux… à tout moment je pouvais les dénoncer… Evidemment, ils m’avaient prévenu que si je disais quoi que ce soit ils « agiraient en conséquence »… Mais leurs agissements m’importaient peu.
Et de toute manière, je ne comptais pas les dénoncer. A quoi bon ? Pour la vengeance ? J’en avais déjà une plus grande à mener…

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, me laissant vagabonder dans le centre-ville de Métropolis. Je n’avais même pas fait cinq mètres lorsque j’entendis le faible bruit d’une petite détonation à l’intérieur d’une des poches de ma veste : le badge pour aller dans le QG venait de s’autodétruire. Je ne pouvais désormais plus y aller… et ça ne me dérangeait pas le moins du monde.
A bosser pour eux, j’avais perdu pas mal de temps de ma vie… et pour rien ! Si encore j’avais pu devenir influant dans cette entreprise, mais non… je m’étais fait éjecter avant. Quelle bande de salopards…

Je me rendis directement dans mon immeuble. Je montai les soixante-dix-sept étages en ascenseur et entrai dans mon appartement. De colère, je donnai un coup de pied dans un truc qui trainait par terre.
Sans plus de cérémonie, j’entrai dans mon salon et m’affalai sur mon canapé, juste en face d’une table-basse et d’une holo-télé. Le soleil tapait fort et par conséquent, grâce à la baie vitrée, la pièce était incroyablement bien éclairée.
J’en avais marre, marre de tout, de cette putain d’existence. Tout allait mal pour moi. J’avais perdu mon boulot, et je ne savais toujours pas ce que je comptais faire pour assassiner Slim.

Le boulot passait encore… ça m’énervait juste, faute d’avoir de réponse ; mais c’était l’affaire avec Slim qui occupait le plus mon esprit.
Qu’allais-je faire ? Où, quand et comment allais-je le tuer ?
Je pris soudain une décision. J’allais tout simplement me rendre à son procès et le tuer sur place…
Bien sûr, les gardes me prendront pour cible… mais je n’aurai pas de mal à m’enfuir ; et au pire, je tuais tout le monde et c’était réglé…
Oui, c’était la bonne solution… avec mon invisibilité, j’allais pouvoir m’approcher de lui sans que l’on ne me voie… J’allais pouvoir le tuer en le regardant mourir, en voyant s’éteindre la lueur de vie dans ses yeux…
Rien qu’à y penser, j’en salivais presque… Oh… ça allait être un moment fantastique, extraordinaire. J’avais hâte d’y être…
Son procès commençait dans trois semaines, j’avais largement le temps de me préparer… Et en attendant, lui pourrissait dans la prison la mieux gardée de toute la galaxie de Solana.

Tout cela me mettait tellement de bonne humeur que j’en oubliais que j’avais été renvoyé le matin même. Et puis en fait, c’était mieux ainsi… j’allais avoir plus de temps pour m’entraîner, au lieu de construire des armes toute la journée. Oui, c’était bien mieux.
Avec toutes les armes dans mon appartement, j’avais donc déjà l’équipement, il ne restait plus que l’entrainement… Et j’avais trois semaines pour cela. Slim allait souffrir, terriblement souffrir.

D’ailleurs, j’allais commencer à m’entrainer dès maintenant ! Dans un élan précipité, je me relevai de mon canapé, et, par mégarde, appuyai sur une touche de l’holo-télécommande qui alluma l’holo-télé. Alors que j’allais l’éteindre à nouveau, quelque chose attira mon attention. Un flash spécial était diffusé sur la chaîne, deux présentateurs – une femme robotique et un type organique – discutaient, l’air bouleversé :

<style:italique>« … la prison d’Oromir, située dans le Secteur Z-9 de Solana, alors que le prisonnier évadé n’a toujours pas été retrouvé par les autorités de la planète.
- En effet, très chère, pourtant, les équipes mobilisées sont nombreuses, très nombreuses. Les unités d’élites ont même été appelées… Malheureusement, les deux héros galactique, Qwark et Ratchet, ont disparus de la galaxie depuis peu de temps… par conséquent, ils ne peuvent participer aux recherches. Autour de nous, il y a des tas d’hélicoptères qui circulent, tous à la recherche du fugitif… mais d’ailleurs, on sait qui c’est, ce type ?
- Pas encore, le directeur de la prison n’a pas encore divulgué son nom…
- En tout cas, ce qui est sûr, c’est que quand on le connaitra, il restera dans les annales ! Oromir est la plus grande prison de tous les temps, la plus protégée, la plus surveillée… et pourtant, et pourtant !
- Et oui, Dallas ! Et pourtant un criminel a franchi les murs hier, dans la soirée… et quelle évasion !
- Spectaculaire, en effet, à ce que j’ai ouï dire. Il a fait sauter la moitié du mur d’enceinte droit – avec on ne sait quel explosif – et s’est tiré, comme ça, tout simplement. Par contre, je n’ai pas compris pourquoi les autres prisonniers ne se sont pas échappés, en suivant l’exemple du premier…
- Et bien certains ont essayé ! Mais les gardes les ont abattus avant qu’ils ne fassent dix mètres… Ces gardes là avaient affirmé qu’ils n’avaient vu passer personne, et que tous ceux qui avaient tenté de s’enfuir avaient trouvé la mort… donc pour eux, personne n’était sorti… Mais c’est en faisant l’appel il y a quelques heures ce matin que les dirigeants de la prison ont remarqué qu’il manquait un prisonnier.
- Impressionnant, très impressionnant… Il est donc passé sans que les gardes ne le voient… c’est incroyable !
- Impensable serait un terme plus approprié, Dallas…
- En tout cas, ça restera l’évasion la plus impressionnante de tou…
- Je vous coupe, Dallas ! On vient de me transmettre le nom de l’évadé !
- Je vous écoute, Juanita, quel est son nom ?!
- Il s’agit de Cognito, Slim Cognito !
- Slim Cognito… Ce ne serait pas le dangereux psychopathe qui a sévit à Métropolis ?
- Tout à fait, mon cher ! Après avoir violé la plus inviolable des banques de l’univers, voilà qu’il s’évade de la plus protégée des prisons de l’univers ! Ce Slim bat tous les reco… »</style>

L’écran de mon holo-télé explosa en une centaine de morceaux. Il venait de se prendre une table basse en pleine face. J’avais craqué, je n’avais pu en supporter davantage.
Je l’avais compris dès le début. Dès qu’ils avaient donné le nom de la prison, je l’avais su. C’était évident…
Moi, contrairement à tous les agents travaillant sur l’affaire, j’avais parfaitement compris comment il avait fait pour s’évader. Les explosifs, il les avait toujours sur lui, ou plutôt en lui : dans son bras droit, il s’était implanté une capsule contenant un de ses explosifs fait maison, le tout étant invisible au scanner. Slim s’était donc retiré la capsule et avait tout fait péter. Ensuite, avec sa vitesse de pointe supérieure à six cents kilomètres par heure, il s’était échappé en tapant un sprint. Evidemment, les gardes n’avaient pu le voir…

Slim était donc évadé, il était dans la nature… Mais merde !! Ce n’était pas possible ! Pourquoi fallait-il que tout se passe tout le temps mal, hein ?! Je ne pourrais pas le tuer avant un long, long moment… Putain mais quelle merde ! En plus, il avait une demi-journée d’avance sur les autorités… Il ne fallait pas rêver, elles ne le retrouveraient jamais.
Peut être était-il déjà dans une autre galaxie…
Ce qui était sûr, c’est que Slim Cognito allait rester introuvable.

Et moi pendant ce temps ? J’allais faire quoi, bordel ? Je n’avais rien à faire… et j’étais prêt, prêt à le tuer ! Mais comment faire, si je ne savais même pas où il se trouvait ?! C’était impossible…
Je pouvais toujours partir à sa recherche… mais c’était inutile. Où commencer à chercher ? Il y avait tant d’endroits où il pouvait se trouver… Il pouvait être n’importe où dans la galaxie entière, et même dans plusieurs autres…

Mais il fallait que je le retrouve ! Il fallait que je l’assassine !
Ma décision était prise. J’allais y aller, même si ça devait me prendre des années, j’allais le retrouver. J’étais sûr qu’en me rendant dans les quartiers les plus mal famés de l’univers, je finirais bien par entendre parler de lui… Et puis, ma quête n’était pas si désespérée… Un type qui venait de s’évader de prison ne devait pas avoir tellement d’endroits où aller, puisqu’il était en cavale…
Slim, pour survivre, allait donc sûrement se rendre chez des amis à lui ou quelque chose comme ça, même momentanément, c’était évident !
Je finis par retrouver le sourire. En torturant quelque peu ses connaissances, j’allais bien finir par apprendre des choses intéressantes… et s’ils n’avaient rien à dire, ils pourraient toujours dire adieu à leurs vies.
Cette chasse à l’homme commençait à me plaire, avant même qu’elle n’ait commencée.

Oui, c’était ça que j’allais faire. Il n’y avait que cela à entreprendre, de toute façon. Mais il fallait que je m’y mette le plus tôt possible… et de préférence en étant en pleine forme. Malheureusement, je n’étais pas au mieux de ma condition, à cet instant ; aussi décidai-je de piquer un somme avant de commencer mes pérégrinations. Il était seulement dix heures, j’allais donc me réveiller en milieu voire en fin d’après-midi, à peu près… Avec le temps de faire les préparatifs, j’allais partir à la nuit tombée… je laissai par conséquent un jour d’avance à Slim.
Ce n’était pas si énorme.

Sans plus attendre, je marchai en direction de ma chambre et, une fois à l’intérieur, me couchai sur mon lit. Je m’endormis quasiment instantanément. Il fallait croire que j’étais pressé de me réveiller, pressé de commencer à enquêter pour savoir où était ce salaud, pressé de lui arracher la vie…
Slim n’avait plus qu’à bien se tenir, dans quelques heures seulement, j’allais partir pour le retrouver… Et je me promis qu’au moment où j’allais être face à lui, je décuplerai mes forces pour lui faire la peau… Je n’allais pas être aussi faible que la dernière fois, où je n’avais pas osé le tuer.
Non, à cet instant là, j’oserai abattre mon courroux sur lui… et mieux encore, j’allais le vaincre. C’était évident.
Sur ces pensées, mes paupières se refermèrent pour rester closes durant de longues heures…

Lorsqu’elles se rouvrirent, il devait être le milieu de l’après-midi. Je voyais ça grâce aux rayons des soleils qui s’infiltraient dans ma chambre par la fenêtre, l’éclairant d’une forte lumière. Cela aurait pu être un réveil normal, de celui qui se réveille parce qu’il a suffisamment dormi… mais non : ça avait été un réveil brusque. Quelque chose m’avait réveillé. Je mis quelques instants avant de comprendre quoi.
Quelqu’un sonnait à ma porte.

Bordel, mais qui est-ce que ça pouvait être ? Le facteur ? Non… les seules fois où il montait à l’étage, c’était pour apporter des colis… or je n’avais rien commandé ces derniers temps. Qui d’autre alors ?
Les fabricants d’armes ? Possible… ils venaient peut être me proposer ce nouvel emploi, comme ils me l’avaient promis… Si c’était ça, il fallait qu’ils s’attendent à se faire cracher à la figure… Ou alors venaient-ils pour me liquider… M’enfin, ils auraient pu le faire au QG et ils ne l’avaient pas fait… alors pourquoi le feraient-ils maintenant ? Ce ne devait pas être ça, c’était trop illogique.

Je me levai de mon lit, bien décidé à en découdre. L’individu sonnait toujours… Décidément, il était bien entêté…
J’attrapai mon épée soigneusement posée sur une table… Si la personne que j’allais avoir en face de moi me déplaisait, elle allait passer un sale quart d’heure… Au fond de moi, je priais pour que la personne me déplaise… juste pour m’amuser un peu ; ainsi que pour m’entraîner à réduire quelqu’un en charpie, comme j’allais le faire pour Slim un beau, très beau jour.

J’étais à présent devant la porte, toujours habillé de ma veste à cape, la main gauche posée sur la poignée, prête à l’ouvrir à grande volée, et la main droite tenant fermement l’épée. A quelques mètres seulement de moi se trouvait la pièce contenant toutes les armes… mais je n’avais pas envie de me servir d’une arme à feu. Après tout, même si un danger me guettait derrière cette porte, j’avais toujours mon épée pour me défendre… et pour fendre, justement.
Pour simple précaution, je me rendis invisible…

L’inconnu sonnait toujours… preuve qu’il était encore là. J’ouvris alors la porte à toute vitesse et brandit mon épée, pour me retrouver nez-à-nez avec…
… avec rien. Il n’y avait personne, pas un chat… Seulement un couloir vide contenant de l’air, mais nulle trace de qui que ce soit de vivant… ou qui ait été vivant un jour.

Alors là, je ne comprenais vraiment pas, mais alors pas du tout. C’était quoi ce délire ? Un dixième de seconde avant que je n’ouvre la porte, quelqu’un sonnait… Mais là, il n’y avait rien ! Personne ! C’était incroyable, impossible !
J’entrai à l’intérieur du couloir pour mieux l’examiner. Je levai les yeux au plafond… on ne savait jamais, les appareils permettant de s’accrocher à des surfaces semblables, ça existait…. Mais non, il n’y avait pas l’ombre d’un individu.
Alors quoi ? Quelqu’un s’était-il servi d’un appareil permettant d’actionner ma sonnette à distance ? Possible… mais dans quel but ? Me faire sortir ? Ouaw, tu parles d’une utilité…
Non, je ne voyais vraiment pas…
Ce qui était sûr, c’était que quelqu’un ou quelque chose avait été là, mais qu’il n’y était plus. Je me rendis à nouveau visible. Faute d’avoir de réponse, j’allais rentrer dans mon appartement pour vaquer à mes occupations…

N’empêche que c’était troublant, terriblement troublant. La personne qui avait sonné n’avait pas pu s’enfuir… car pour pouvoir atteindre le coin du couloir en un dixième de seconde, il fallait courir à au moins six cents kilomètres par heure ! Autrement dit, c’était impossi…
… A moins que…

Soudain, quelque chose me heurta à pleine puissance au niveau de la poitrine et me propulsa contre le mur du couloir. La puissance du choc fissura le béton tandis que je poussais un cri de douleur.
J’avais compris… mais trop tard.
Je me retrouvai en position assise, juste contre le mur. Un homme vêtu d’une veste noire, de grande taille, se tenait devant moi, l’air sombre et effrayant. Ses longs cheveux noirs tombaient sur son visage et ses yeux blancs aux iris bleu océan me fixaient d’un regard noir et terrible, avec un soupçon de cruauté. Ses lèvres n’affichaient pas le moindre sourire, elles étaient fermées et serrées… rendant l’air de l’homme encore plus dur et obscur.
Si je ne l’avais jamais vu auparavant, j’aurais pu croire que je me retrouvais devant mon reflet… Mais je connaissais cet homme, et que trop bien.
C’était celui que je haïssais le plus au monde. Celui que je comptais traquer, puis tuer violement. C’était d’ailleurs le seul homme que je connaisse qui soit capable de courir à une vitesse supérieure à six cents kilomètres par heure… et c’était sûrement le seul dans l’univers.

Il ouvrit la bouche et murmura d’un ton inexpressif :

« Que tu me fais honte, mon fils… »

C’était Slim, évidemment. L’homme que je comptais retrouver me retrouvait le premier… ironique, n’est-ce pas ?
Je le jaugeai de la tête au pied… J’aurai dû comprendre que c’était lui plus tôt… S’il s’était évadé de prison, ça ne pouvait être que pour me retrouver !
Mais il était là, devant moi… il s’offrait à moi ! J’allais pouvoir le trancher en rondelle, oui, enfin !! J’allais me relever et l’attaquer… mais je n’en eus pas le temps.

Alors qu’il était debout à me regarder sans bouger un millième de seconde plus tôt, il était désormais contre moi, m’avait relevé, et me maintenait contre le mur en me serrant la gorge d’une main et en m’immobilisant le bras droit de l’autre ; il retenait mon bras gauche à l’aide de son coude. Que c’était beau d’avoir la rapidité d’un éclair… je ne le savais que trop bien, j’en faisais assez souvent l’expérience.
J’étais piégé, foutu… Il me tenait et m’étranglait presque, j’étais parfaitement immobilisé. Je ne pouvais même pas lui porter de coup puisque mon épée était dans ma main droite, qui elle-même était plaquée contre le mur.
C’était atroce à supporter… Slim était là, en face de moi, c’était l’occasion pour le tuer !! Et elle était insaisissable… Il contrôlait tout.
Il me contrôlait.

Je n’en revenais pas d’être ainsi maitrisé… ce n’était pas possible ! Et… bien que j’aie encore aujourd’hui honte à l’avouer… j’avais un peu peur.
Slim était plus fort, il l’avait toujours été… sa puissance était terrifiante.

Il me regardait toujours dans les yeux, me toisant plus que jamais… Je ne l’avais jamais vu dans un tel état de colère. Il m’en voulait… comme moi je lui en voulais. Tel père tel fils, hein ?

« Tu as commis une grande erreur en te rendant visible – me souffla-t-il – Tu m’as donné la possibilité de te voir…
- Et comment tu as fait pour me voir ? – demandai-je en tentant, en vain, de me libérer – Tu n’étais même pas dans cette zone du couloir !
- J’ai sur moi des lentilles qui permettent de voir à travers les murs, mon cher fils… Tu me sous-estimes tant que ça ? »

Il marqua une pause qui dura quelques secondes.

« Regarde-toi ! – me cracha-t-il en m’étranglant un peu plus – Regarde ce que tu es devenu !! Es-tu fier de l’être que tu es désormais ?! Réponds-moi !! »

Sa question était pertinente… je n’y trouvais aucune réponse. Mais même s’il m’impressionnait, je le haïssais trop pour ne pas cacher ma colère et ma haine.

« Parce que tu crois que tu vaux mieux que moi ? – raillai-je.
- Là n’est pas la question, Raven ! Je sais ce que je suis… Je suis un criminel, je travaille pour des organisations illégales… mais je ne tue pas d’innocents, moi !! »

Là, c’en était trop.

« Et ma mère, hein ?! – beuglai-je –Ta femme… Elle n’était pas innocente peut-être ? Tu l’as tué parce que tu avais un différent avec elle ! Elle n’avait rien fait !
- Ne parle pas sans savoir ! – vociféra-t-il – Ta mère n’était pas plus innocente que toi aujourd’hui !!
- C’est faux !! Tu mens !! »

Pris d’une fureur incroyable, je réussis à libérer mon bras gauche et à lui envoyer un coup en pleine face, ce qui le fit reculer. Sans plus attendre, je dégageai mon bras droit et tentai de lui assener un coup d’épée en revers. Cependant, il para le coup avec brio : de sa manche gauche était sortie une lame d’à peu près cinquante centimètres et il s’en servit pour contrer mon attaque. Maintenant, avec sa main droite, il s’empara d’un petit pistolet dans une de ses poches et le braqua sur ma tête.

« Tu es si faible, Raven… Et le pire c’est que tu te crois fort. »

Il le faisait exprès ! Il savait que ça allait m’énerver, de pareilles remarques ! Mais tant pis, je n’avais d’autres choix que de rester dans son jeu… puisque de toute façon je l’étais déjà, énervé.
Je reculai précipitamment et frappai à nouveau ; il contra encore l’attaque. Avec ma vitesse, je me rendis derrière lui ; mais alors que j’allais le frapper, c’est lui qui m’assena un coup de pied en plein torse. La puissance de mon paternel m’envoya contre la porte de mon appartement, qui, n’étant pas correctement fermée, s’ouvrit à la volée. Je fis une roulade sur le sol dur mon logis.

« Qu’est-ce qui t’arrives, Raven ? Tu ne te bats pas réellement, je le sens… Tu retiens tes coups… Tu n’as pas le courage de me tuer, c’est ça ? »

Le plus terrible dans ce qu’il disait, c’était que j’avais la sensation que c’était vrai. Non, je ne me battais pas vraiment. Car si je le faisais, j’aurai déjà donné plus de coups que j’en avais donné jusqu’à maintenant. Mais pourquoi ? Pourquoi me contenais-je ? Il ne le fallait pas !
Je devais le tuer !! Je m’étais promis de donner le meilleur de moi-même lors de cet affrontement, je me devais de tenir promesse !

Rapidement, je me relevai et pénétrai dans l’armurerie en y attrapant la première arme qui venait – celle-ci pouvait, au choix, être une mitraillette ou un lance-missile. Je sortis de la pièce pour me retrouver dans le hall d’entrée, juste au moment où Slim entrait lui-même dans l’appartement.

Je me dirigeai vers lui à toute vitesse, près à, cette fois-ci enfin, le frapper comme il se devait. Mon épée fendit l’air rapidement, mais là encore, Slim contra. Il m’énervait ! Ce n’était pas possible ! Je tentai à nouveau, essayant de l’atteindre au niveau de la tête… Encore et toujours, sa lame para l’attaque de la mienne.
Il repoussa violemment mon épée, et sans même que je puisse voir quoi que ce soit, il m’attaqua et m’entailla au niveau de mon bras droit. Je criai sous l’effet du choc.
Je fis de mon mieux pour tout contenir en moi… La douleur accentuait ma rage… aussi je repassai à l’assaut, et quand bien même mon bras me faisait souffrir, je continuai à m’en servir pour donner autant de coups que je le pouvais. Toutes mes attaques furent vaines, Slim contrait tout, encore et encore.
Bordel, mais ce n’était pas croyable ! Slim était là, devant moi ! Et j’étais impuissant…. Je n’arrivais à rien ! Il était relativement plus puissant que moi !

Mais non… J’allais le continuer à lui assener des coups, toujours plus violents ! Il finirait bien par se fatiguer ! Et là… là il verrait de quoi j’étais capable…
… cependant, il fut plus rapide que moi… nettement plus rapide. A vitesse éclair, il disparut de ma vue… pour réapparaitre derrière moi en m’attrapant par le bras et en m’envoyant valser dans le couloir principal de l’appartement.
Je fis une roulade pour me rétablir et me remettre debout. J’allais repartir à la charge, lorsque soudain je le vis ranger son arme dans sa veste pour en ressortir une plus grande qu’il pointa dans ma direction. Aïe… ça se compliquait.

Il la chargea vivement et tira une rafale de balles. Je dus courir en utilisant ma pleine vitesse pour me réfugier contre un mur… Malgré le fait que j’avais été très rapide, quelques balles avaient toutefois frôlé ma tête.
Une fois abrité, je profitai de ce moment de répit pour charger ma propre arme.
S’il voulait qu’on en vienne aux armes, on allait y venir aux armes. Et là, pas de pitié.
Ma blessure au bras me faisait toujours aussi mal ; en l’examinant, je pus constater que je perdais pas mal de sang.

Slim continua à tirer un peu partout, puis, il s’arrêta. J’entendis les douilles tomber sur le sol, en rebondissant plusieurs fois avant de se stopper. Il utilisait une arme rare, celles utilisant des balles à douilles se faisaient de plus en plus précieuses… mais elles étaient moins puissantes. Mais bon, connaissant mon père, il avait dû la rafistoler… et elle devait être vraiment performante à présent.
Cette scène me prouva que Slim n’était pas là pour rigoler… ma lutte contre lui n’allait pas être une partie de plaisir…

« Alors, Raven – fit-il tout en marchant dans le couloir – tu te caches ? Je t’effraie ? Tu as peur de m’affronter ? Ce n’est pourtant pas ce que tu avais dit la dernière fois… attends, je cite : « Je te tuerai ! »
- T’as décidé de m’assassiner, toi aussi ? – lançai-je en guise de réponse pour dévier le sujet.
- Non, ce n’est pas ce que je souhaite… Par contre, si tu m’y obliges, je le ferai, oui… »

Le silence. Je détestais ce silence… il était trop… pesant. Cependant j’entendais Slim marcher, à petit pas, certes, mais il avançait tout le long du couloir. J’étais dans une des pièces, contre un mur… Il y avait tellement de salles qu’il lui aurait fallu un miracle pour qu’il me débusque du premier coup…
J’avais parlé trop vite, comme d’habitude.

Je l’entendis charger sa mitraillette ; l’instant d’après, des balles perforèrent le mur contre lequel je me trouvais, juste au dessus de ma tête. Je me baissai instantanément, ce qui m’évita de me prendre les balles qui suivirent. Je pointai ma mitrailleuse en direction du mur et appuyai sur la gâchette pour lui envoyer moi-aussi une salve de balles.
Bien entendu, je me doutais qu’il devait avoir bougé, mais bon… c’était pour le principe. Il me tirait dessus, je lui tirais dessus. Œil pour œil, dent pour dent.

« Ça ne te sert à rien de te cacher, Raven… Je t’ai dit que j’avais des lentilles pour voir à travers les murs, tu l’as déjà oublié ? »

Et merde… Oui, j’avais oublié. La poisse… Il s’était arrêté de tirer. Rien ne servait plus de rester à couvert. A la limite, j’étais même encore plus en danger, car lui me voyait et moi non.
Je me relevai donc et sortis de la pièce d’un pas lent.
Je n’eus qu’à tourner la tête pour le voir : il était juste devant le salon, au bout du couloir, et il me souriait.
Je marchais alors dans sa direction et chargeai à nouveau mon arme. Lui, en restant à sa place, chargea sa mitraillette également.

« Au fait, Slim – lui demandai-je en m’arrêtant à quatre mètres de lui – comment ça se fait que tu sois là ?
- Tiens… tu ne m’appelles plus « Papa » ? Intéressant…
- Parce que tu crois que tu mérites que je t’appelle comme ça, espère de pourriture… ? Je repose ma question, pourquoi es-tu là ?
- Pour toi… Pour que tu repartes avec moi.
- Plutôt crever ! »

Sur ces mots, je courus à toute allure ; l’instant d’après, je me retrouvai quasiment devant lui. Je frappai latéralement avec mon épée… mais ça ne servit à rien. Il attrapa mon bras, stoppant mon mouvement ; ensuite, il me tira jusqu’à lui et plaqua mon dos contre son torse. Ainsi, il put me mettre sa lame contre la gorge tout en me maintenant immobilisé.
J’avais bien géré…

« L’être que tu es devenu est dépravé, Raven ! – cracha-t-il – Ça te plait ? Ça te plait d’être un tueur sans cervelle ? D’exterminer des innocents sans raison ? Te rends-tu seulement compte de ce que tu fais ?!!
- Oui !! Oui je m’en rends compte ! – m’exclamai-je en essayant de me libérer ; mais plus je forçais plus il renforçait l’étreinte, et plus il appuyait sa lame contre ma gorge… et finir égorgé n’était pas vraiment dans mes priorités…
- Et tu en es fier ? – railla-t-il – Ton comportement est pire que le mien, figure-toi !
- Je n’en suis pas spécialement fier… Mais ce qui est sûr, c’est que je m’en fiche !
- Ce n’est pas du tout comme ça que je t’ai élevé ! Ce n’était pas pour que tu deviennes… ça !
- Et ben alors, il faut croire que tu t’es loupé !
- Je peux rattraper mes erreurs, Raven, de la même façon que je t’ai retrouvé !
- Ça m’étonnerait fortement ! Tes erreurs sont irréparables ! Et d’ailleurs, comment tu as fait pour me retrouver ?
- J’ai des relations… et les fabricants d’armes pour qui tu travailles m’ont révélé ta position.
- Tu mens ! Tu inventes ! Ils te haïssent trop pour te rendre service !
- Tu es plus naïf que tu ne le crois – dit-il en riant – ils me haïssent peut être… mais ils adulent l’argent. Et apparemment, ils étaient très intéressés par la somme que je leur ai proposée…
- Je ne te crois pas ! Ils ne m’auraient pas trahi pour un peu d’argent !
- Pourtant, comme je le voulais, Steph t’a viré ce matin… n’est-ce pas ? »

Cette révélation fut actionna de multiples rouages dans mon cerveau. Je comprenais, à présent…
Steph… quelle pourriture. C’était donc pour ça qu’il m’avait viré… Pour Slim ! Ça expliquait également pourquoi il ne m’avait pas dit pourquoi… J’aurais dû le tuer quand j’en avais l’occasion, cet enfoiré….
J’étais entouré de salauds… où que j’aille, il y en aurait tout le temps. Cette injustice m’insupportait plus que tout.
Je me débattis quelque peu, mais ça ne servit à rien, malheureusement.

« Sale enflure !
- Calme-toi !
- Comment veux-tu que je me calme alors que je sais que tu es là, et que je pourrais te tuer ?!
- Tu ne me tueras pas aujourd’hui, Raven. Et tu le sais déjà. Tu n’en as pas le courage et tu n’en as pas la force.
- C’est ce qu’on verra ! »

Joignant le geste à la parole, je renvoyai ma tête violemment en arrière, lui mettant un coup de boule. Il desserra son étreinte, juste assez pour que je puisse me libérer.
Je m’éloignai de lui d’au moins deux mètres, tout en restant dans le salon.
Slim lança alors sa mitraillette sur le sol et leva les bras.

« Tu veux me tuer ? – dit-il – Alors vas-y, je t’attends, tue-moi ! »

Il me prenait pour un imbécile… Il croyait vraiment que j’allais venir jusqu’à lui, comme ça ? Il me tendait un piège… il n’allait pas se suicider ainsi.
Voyant que je ne bougeai pas, il vociféra :

« Alors ? Je te l’avais dit… tu n’en as pas le courage ! Tu as tué des tas d’innocents juste pour te prouver que tu pourrais me tuer… Mais au final, tu en es incapable ! »

Mes sourcils se froncèrent encore plus tandis que je marchai autour de lui en décrivant un cercle. Il m’énervait ! Il fallait qu’il se taise, sinon mes nerfs allaient exploser !

« La vérité c’est que tu as un comportement instable, Raven. Tu tues, tu tues, et tu tues encore… Mais bien que tu affirmes le contraire, tu ne sais pas pourquoi, tu ne le comprends pas…
- Tais-toi !!! Si ! Je le sais ! J’aime ça ! J’aime tuer des gens ! Ça me rend bien, c’est tout ! Et ça me suffit comme raison ! »

Tout en disant ces mots, je frappai dans le vide avec mon épée, pour évacuer ma colère.

« C’est toi qui ne comprends pas – hurlai-je – tu ne comprends pas que je puisse être comme ça… Mais c’est ton problème, pas le mien ! Moi je m’en fiche ! Je ne retournerai pas avec toi !
- Non… je ne le comprends pas. Je ne comprends pas comment ma progéniture a pu devenir aussi morbide et cruelle. »

Il se passa la main dans les cheveux et soupira.

« J’aimerais changer les choses, si c’était possible… c’est pour ça que je suis là, pour te faire venir avec moi et faire en sorte que tu redeviennes quelqu’un de bien ! – acheva-t-il.
- Et bien ce n’est pas possible. Je ne repartirai pas avec toi, Slim. Je n’ai pas envie de changer. Et d’ailleurs, tu t’es loupé… je menais une vie stable avec mon travail, et tu me l’as enlevé. Tu n’arrêtes pas de gâcher ma vie, où que tu sois ! – crachai-je. »

Mon père… cet imbécile, à l’entendre on aurait vraiment cru qu’il s’attendait à ce que j’accepte sa proposition de bon cœur…
Pathétique.

« - Alors – questionna-t-il – que comptes-tu faire le restant de tes jours ? Continuer à errer misérablement, tu crois que c’est une vie, peut-être ?
- Je ne sais pas ! Mais ce qui est sûr, c’est que je vivrai pour pouvoir te tuer un jour ! »

Slim rigola d’une voix forte. Ce qu’il avait le don de me pousser à bout, celui-là…

« Tu n’en as pas le courage, je te l’ai déjà dit, tu n’es capable de rien contre moi !
- Ah oui ?! »

Il m’énervait. C’était plus que je ne pouvais en supporter. Il me sous-estimait, et grandement. J’allais lui prouver que j’étais fort, au moins aussi fort que lui… et ceci en le tuant.
D’un geste rapide, je passai mon arme dans le mode missile et envoyai une roquette dans sa direction.
Il l’évita somptueusement… et elle alla s’exploser contre le plafond.

La déflagration fut époustouflante. La baie vitrée vola en un million de morceaux qui plurent en direction du sol de Métropolis. Un trou se creusa dans le plafond, tandis qu’un mur de flamme et de débris décima la salle où nous nous trouvions, Slim et moi.
Je fus propulsé en arrière et atterrit violemment au beau milieu du couloir, en m’affalant sur le sol.
Je ne voyais plus rien, mes yeux restaient clos. Je n’entendais plus rien. J’étais incapable de faire le moindre mouvement, à ce moment-là.
J’étais face contre sol, au milieu de poussière et de débris ; je sentais du sang couler sur mon front… le choc tête contre sol m’avait ouvert légèrement le crâne.

Je finis par ouvrir les yeux, tandis qu’un horrible bourdonnement doublé d’un sifflement me tiraillait les oreilles. Ma vision était trouble. Autour de moi, tout était dévasté. Tous les meubles avaient été éradiqués ; certains objets de l’étage du dessus étaient tombés dans celui-ci. Des pans de mur, de plafond, ainsi que des morceaux de vitres jonchaient le sol noirci et empoussiéré. Il ne restait quasiment aucun mur encore debout, et les rares qui tenaient étaient dévorés par les flammes qui, d’ailleurs, produisaient une douce chaleur qui se répandait sur mon visage ensanglanté.
Une chose était sûre, je savais construire les roquettes.

Je me relevai, puis, me mis à tituber quelques temps. J’étais légèrement sonné. Ma joue droite était maculée du sang qui coulait de mon crâne, ma plaie au bras saignait moins, mais ne s’était pas arrêté ; de plus, j’étais égratigné dans tous le dos et ma joue gauche était écorchée. En gros, je m’en étais pris plein la tronche, mais ça aurait pu être pire. Mes vêtements aussi étaient amochés : certains étaient un peu déchirés, et il manquait un bout à ma cape. Et ce putain de sifflement n’en finissait pas, il me bousillait les tympans un peu plus à chaque seconde qui passait…

Je réalisai d’un coup que je tenais toujours mon épée entre mes mains… J’avais eu un sacré bol, j’aurai pu m’empaler avec lors de la déflagration…
Tu imagines la mort stupide que ça aurait été ? Bon, toi, ça t’aurais enlevé bien des soucis, j’en conviens… Mais c’est ça que je trouve le plus drôle, quand je te narre cette histoire… Toutes les fois où j’aurai pu mourir stupidement et où j’avais survécu… Il y a de quoi te dégouter, n’est-ce pas ?

Bref. Mon lance-missile, lui, je ne le tenais plus. J’avais dû le lâcher… Tant pis…
Une autre idée me traversa l’esprit : quelle que soit l’issu des événements qui allaient se dérouler par la suite, j’allais devoir fuir… Car je n’étais plus en sécurité ici, il allait y avoir une enquête concernant les événements qui venaient de se dérouler. Et s’il fallait que je fuisse, il valait mieux le faire le plus vite possible.
Aussi je décidai de faire un détour, avant d’aller dans le salon pour voir si Slim y était toujours. Je retournai en arrière, vers la salle qui contenait les armes et les gadgets. Celle-ci, étant éloigné de la zone de l’explosion, était à peu près en état. Un des murs était en proie aux flammes, mais c’était le seul problème que l’on pouvait déplorer. A l’intérieur, par contre, les étagères étaient toutes tombées, et les armes étaient éparpillées partout sur le sol. Néanmoins, je trouvais rapidement le gadget que je cherchais. Je le mis en poche et retournai dans le couloir.

Je marchai en direction du salon, il fallait que je retrouve Slim, que je voie s’il avait survécu.
Une fois à l’intérieur, je constatai d’abord que le balcon s’était effondré, et qu’il devait à présent joncher à présent les rues de la ville. Mais ce qui m’interpela le plus, c’était qu’il n’y avait aucune trace de Slim.
Où était-il passé, celui-là ? Avait-il été annihilé ? Etait-il passé par la fenêtre ? Je n’en savais rien.
A côté de ça, l’état de ruine de mon appartement et mes blessures diverses ne m’intéressaient pas… Tout ce qui comptait pour moi, c’était de savoir ce qu’il était advenu de Slim.
Et je n’en savais rien.

« Bien joué, fiston… Je vois que tu as bien retenu mes leçons en ce qui concerne la construction des armes, c’est déjà ça. »

Je me retournais promptement. Il était derrière moi, adossé contre un mur, juste à côté de là où se tenait il y a quelques minutes une baie vitrée, en me fixant de son regard le plus noir tout en affichant un sourire des plus machiavéliques.
Même s’il ne montrait aucun signe de douleur, je constatai que lui aussi avait été touché par l’explosion. Des morceaux de ses vêtements étaient partis en lambeaux, signe qu’ils avaient commencé à brûler, mais que Slim avait éteint le feu qui les consumait. Je remarquai également une entaille au niveau de sa joue.

« Cette déflagration aurait bien pu me tuer – annonça-t-il –Tu m’impressionnes. »

C’est alors que j’eus un déclic. Mais bordel, moi qui étais assez éloigné de l’explosion, j’avais été propulsé et blessé, alors comment Slim, qui s’en était trouvé très proche, avait-il pu s’en sortir avec si peu de dommage ?
S’était-il simplement enfui avec sa vitesse ? Peut être… Mais c’était improbable.
Il s’avança vers moi, en marchant lentement. J’en fis de même.
Sa lame de cinquante centimètres était dégainée, et mon épée était toujours prête à frapper. Au dessus de nous, des morceaux de plafond tombaient par moment, donnant à la scène une allure encore plus délabrée. Dehors, on entendait les sirènes de police et de pompier se rapprocher, l’explosion les avait alertés. Dans quelques minutes, les véhicules voleraient à la hauteur de mon appartement et la police nous arrêterait, Slim et moi, si nous ne nous échappions pas. Mais vu les regards noirs que nous nous lancions, aucun de nous deux n’avait dans l’idée de s’en aller. Pour l’instant, tout du moins.
Nous nous tournâmes autour pendant de longues secondes, moi en faisant remuer ma lame à proximité du sol, lui en ne faisant rien de spécial. Il était parfaitement concentré. Cette concentration avait quelque chose d’effrayant.
Pour troubler le silence qui s’était à présent installé, il murmura :

« Et maintenant ?
- Et maintenant je vais te tuer, comme je me suis juré de le faire.
- Puisque tu le désires… Mais tu n’as plus beaucoup de temps, la police arrive…
- C’est pourquoi il faut que je m’y prenne dès à présent !»

Sans ajouter un mot de plus, je me précipitai dans sa direction et frappai de mon épée à une vitesse remarquable. Le coup le manqua de peu, mais je me servis de mon élan pour le frapper, et encore plus vite. D’un simple mouvement du bras gauche, il intercepta mon attaque puis réussit à me taillader au niveau du torse. Je me retenais de crier sous l’effet de la douleur et utilisai mon adrénaline pour assener des coups, toujours plus forts, et toujours plus rapides. Il les contra tous.

« Tes coups sont trop rapides – lâcha-t-il tout en me parant une nouvelle fois – Tu ne contrôles pas ton épée, tu ne maitrises pas sa trajectoire. Par conséquent, tes attaques sont plus faciles à contrer. »

L’enflure… en plus de me dominer dans le combat, voilà qu’il s’arrangeait pour m’humilier à présent ! Il me faisait la leçon, comme dans le temps où j’étais sous sa garde ! Et ça m’énervait encore plus… J’étais donc plus hargneux, et contrairement à ce qu’il me conseillait, je frappai encore plus vite. Une nouvelle taillade au niveau de l’épaule me fit comprendre que je devais peut être l’écouter, même si c’était à l’encontre de mes principes.

« Tes attaques sont maintenant trop lentes, tu me laisses trop souvent l’occasion de te tuer… Ressaisis-toi ! Tu m’as habitué à mieux !! »

Putain… il le faisait vraiment exprès. Il était bien plus fort que moi, et il le savait. Il savait que même si je me battais aussi bien que lui, il avait encore des chances d’y réchapper. Mais je n’avais d’autres choix que de suivre ses conseils, sinon j’allais y rester.

« C’est mieux – déclara Slim – mais ça pourrait l’être d’avantage. Tu es loin d’être aussi fort que tu ne le crois… Quand je me battais contre-toi, lors des entrainements, je n’étais pas au sommet de ma force, contrairement à ce que je te faisais croire… J’étais bien en dessous. Tu ne vaux pas grand-chose, là ! Je peux t’améliorer, faire en sorte que tu progresses, que tu deviennes aussi fort que moi ! Mais pour ça il faut que tu repartes avec moi ! Alors je te refais ma proposition… veux-tu revenir ?
- Je te refais ma réponse – crachai-je en tentant une nouvelle attaque – Je ne viendrais pas avec toi ! »

Il soupira.

« Alors il va falloir que je te ramène par la force. »

Là, on sentait qu’il avait finit de rigoler. Déjà dans son timbre de voix – qui était passé de calme à dur, sec et ferme – mais aussi dans ses coups. Il frappait plus fort qu’avant, et plus vite aussi. Sauf qu’à ma différence, lui frappait peut être vite, mais il maitrisait sa lame. Je ne parvenais pas à parer ses attaques, et les rares fois où mon épée se trouvait sur le chemin de la sienne, la puissance du coup me la faisait presque lâcher. Il me taillada à divers endroits, sans toucher aucun point vitaux… et il le faisait exprès. Il le faisait pour que je souffre et que j’abandonne.
Mais je ne pouvais pas abandonner. Ça m’était impossible !! Je ne devais pas lui offrir la victoire, pas maintenant… Je ne devais pas repartir avec lui… Désormais, il n’était plus question de se battre pour la vengeance, mais pour rester libre… et vivant.
Aussi, je me rendis invisible et partis, à toute vitesse, me réfugier à un autre bout de la pièce.

« Espèce de lâche – siffla Slim entre ses dents.
- Lâche ? Non. J’emploie mon pouvoir à des fins professionnelles pour ne pas mettre ma vie en danger, comme tu me l’avais enseigné. »

J’avais marqué un point… mais Slim était trop énervé pour l’admettre, ou même le remarquer… Dans tout son professionnalisme, il était plus concentré par ses futurs mouvements que par ce que je pouvais bien lui débiter comme conneries. Aussitôt, il se précipita jusqu’à l’endroit où je me trouvais ; ma voix avait dévoilé mon emplacement. Mais à peine avait-il bougé que j’étais positionné ailleurs. Il jura à voix haute.
A pas feutrés, j’arrivai derrière lui et lui scarifiai le dos d’un coup de lame. Il posa un genou à terre et fit de son mieux pour contenir son cri de douleur.

« Ceci – fis-je – était lâche, j’en conviens… »

Il se précipita à nouveau sur moi, mais cette fois-ci, je n’eus pas le temps de bouger. Il assena de puissants coups. Je réussis à les contrer, mais la puissance des attaques me fit tomber sur le dos. Sur le coup, involontairement, je me rendis visible. Cela permit à Slim de frapper avec encore plus de précision.
Il était dans une fureur incroyable. Son but était de m’assommer, mais s’il continuait ainsi, il allait me tuer. Il ne se contrôlait plus. Il se laissait dominer par ses pulsions, par sa fureur, par sa folie.
Il se comportait comme moi, lorsque la colère, la démence et la soif de puissance me contrôlaient. J’étais donc bel et bien comme mon père… Sauf que lui était plus fort… et plus dangereux.
# Et là, je ne pouvais pas le nier, j’étais mort de peur. Mais comment ne pas l’être, après tout ?

Je maintenais mon épée au dessus de moi, pour qu’elle pare ses coups… et il en assenait de plus en plus, et de plus en plus fort. Si je restais ainsi, j’étais perdu. Ma défense allait céder, et ça allait être sur mon corps que sa lame allait s’abattre. Je ne savais vraiment pas quoi faire… mais il fallait que je fasse quelque chose… Sinon, good bye Raven, et à une autre vie…
Les sirènes de police se firent plus proches.
Par je ne savais quel miracle, je réussis à faire une roulade et à échapper de l’emprise de mon paternel. Sa lame s’enfonça dans le sol avec une puissance ahurissante.
J’avais eu du bol, je ne savais pas si j’aurais pu parer ce coup-ci. Il s’en était fallu de peu…

Je me relevai en quatrième vitesse. Il retira son épée et me lança un regard de fou. Je ne savais pas ce qu’il avait en tête, mais je devais bien l’avouer… j’étais fichu. Il était bien trop fort, et j’avais réussi à le mettre dans une rage destructrice. Sa respiration saccadée, son regard de tueur, son air noir et son sourire machiavélique me montraient bien qu’il avait perdu son calme, ainsi que la raison. J’avais l’impression d’être en face de moi-même, et que j’étais une des victimes que j’avais sauvagement assassinées. J’avais l’impression d’être un condamné à mort que l’on allait faire décapiter… Perdu, sans aucune échappatoire.
La police était désormais dans la rue voisine, à peu près. Si je restais, en plus d’avoir neuf chances sur dix de me faire empaler, j’allais finir en prison.
Bien que cette idée me dégoutât, je dus m’y résoudre : il fallait que je me tire… lâchement.

Cette fois, c’était terminé, j’abandonnais. Sans autre sermons, je me précipitai devant l’ancienne baie vitrée pour admirer la distance entre le sol et ici. Je me retournai vers Slim, qui semblait interloqué. Il semblait revenir à lui-même, petit à petit… Mais il n’en restait pas moins une impitoyable menace…

« Désolé, Slim – lui dis-je – j’ai beaucoup apprécié notre petite discussion… Mais maintenant je dois y aller, je n’ai pas de temps à perdre…
- Tu vois je te l’avais dit – railla-t-il – Tu ne peux pas me tuer.
- Si… je le peux, mais pas tout de suite, en tout cas.
- Laisse-moi deviner, tu vas me traquer jusqu’à ce que je périsse ?
- C’est à peu près ça…
- Tu pourrais m’assassiner maintenant, alors pourquoi fuis-tu ?
- Tu l’as dit… je ne peux rien contre toi. Ne me cherches pas, ne me cherches plus. Oublie que j’existe, oublie que tu as eu un jour un fils. Mais prépare-toi à me revoir un jour, cependant. »

Il ne sut quoi répondre. Il aurait certainement voulu protester, mais il n’en fit rien. Je n’allais pas m’en plaindre. Sur ces mots, je me mis à l’extrémité de la baie vitrée et finit par me laisser tomber dans le vide, tel un homme au bout du rouleau ayant décidé d’en finir avec la vie.
Les bras ouverts, je sentais le puissant souffle du vent sur ma peau, comme une violente caresse qui s’abattait sur moi. Je descendais à toute vitesse, il ne me restait plus qu’une centaine de mètres à tout casser avant d’heurter le sol. Mais peu importait, ce n’était pas un problème. J’allais y réchapper. Je le savais… je ne me faisais pas de soucis. En attendant, je profitais de la chute… C’était une bien bonne sensation… qui donnait une impression de liberté. Evidemment, je tenais encore mon épée dans les mains… et elle me donnait l’impression d’être plus lourde que jamais. Ce devait être à cause de la force du vent qui s’exerçait sur elle.

Cependant, même si la chute était d’apparence paisible, il y avait un problème. J’avais omis de prendre en compte le fait que c’était l’heure de pointe… Des milliers de véhicules volants passaient devant mon nez, me frôlant presque. Si je continuais ainsi, j’allais finir écrasé contre un pare-choc avant même d’avoir eu peur de toucher le sol.
Très vite, je sortis de ma poche le gadget que j’avais récupéré. C’était une petite plaque noire de forme hexagonale. Je la plaçai sur mon dos et elle s’y colla immédiatement grâce à des ventouses incorporées. Puis, j’appuyais sur un bouton situé en plein milieu de l’objet.
Aussitôt, l’hexagone se déplia et en sortit des deux côtés une longue aile bleu. Ces deux ailes étaient conçues pour que l’air les soulève, permettant ainsi à l’utilisateur de voler. Autrement dit : c’était un planeur.

Et je l’avais activé juste au bon moment, car en dessous de moi un embouteillage venait de se former et des centaines de voitures volantes m’obstruaient le passage. Si je n’avais pas mis en route l’appareil, je me les serais pris en plein figure.
Et ça faisait une nouvelle mort évitée de peu… Que j’aime te narguer ainsi.

Je pus donc grâce à ça redresser ma chute et éviter les véhicules. Désormais, je ne descendais plus, je montais. Mais c’était loin d’être plus facile. En effet, il y avait toujours des milliers d’engins à éviter soigneusement… De plus, c’était la première fois que j’utilisais le planeur… et donc par conséquent je ne savais pas très bien le manier…
Mais je finis par trouver le truc – après tout, je l’avais tout de même construit, ce gadget – et je réussis à aller dans le même sens que les autres vaisseaux. Ainsi, je risquai moins de m’en prendre un, et je prenais des distances par rapport à mon appartement.

… Appartement que Slim devait avoir quitté, lui-aussi… bien que je ne sache pas comment. Il n’allait pas s’offrir une nouvelle fois à la police, ce n’était pas son genre. D’ailleurs, je ne comprenais toujours pas pourquoi il s’était rendu la première fois, si c’était pour s’évader plus tard….
Mais bref… je devais fuir, pour le moment. Je doutais que Slim abandonne les recherches… et même s’il le faisait, les autorités ne s’arrêteraient pas, elles. Je devais probablement quitter Métropolis… mais pour aller où ? Telle était la question.
Je traversais la ville à grande vitesse… Bien que simple, le planeur était très rapide, ce qui me permit de voyager dans les rues à une allure parfois supérieure à celle des autres véhicules.
Les rues étaient toujours aussi surchargées, mais on y circulait facilement, grâce à l’importance de leur largeur.

J’étais épuisé, exténué… Et j’avais de plus en plus de mal à tenir mon épée… Je voulais la lâcher, mais je ne le pouvais pas… c’était ma seule arme, après tout. J’avais beau avoir dormi il y a peu, mes muscles étaient engourdis en plus d’être meurtris. J’avais versé pas mal de sang, et de certaines plaies s’écoulait toujours de l’hémoglobine. J’avais besoin de repos, il fallait que je récupère, après cette…
… cette cuisante défaite. Il fallait le dire, je m’étais fait rétamer, et en beauté.
Slim avait été plus puissant qu’il ne l’avait jamais été sous mes yeux… et encore, il était sûrement capable de mieux… C’était déprimant. J’avais promis de le tuer, de me venger, de le faire souffrir… J’en avais eu l’occasion, et j’avais échoué. Et lamentablement, qui plus est.
Il fallait que je réessaie plus tard… mais qu’est-ce qui me garantissait que le résultat allait être différent ? Rien… absolument rien.
Et pour que ça change, il fallait que je m’entraîne, que je devienne plus fort. Je n’avais pas le choix. Ma stupide motivation me tourmentait encore l’esprit, même après une telle défaite : je devais tuer mon père. Rien n’y personne n’allait me faire changer d’avis, c’était sûr.
Du moins, je le croyais, en cet instant….

Après plusieurs minutes qui s’étaient probablement changées en heures sans que je ne m’en rende compte, je sortis enfin de la ville. A présent, je survolais la plaine… Bon, bien sûr, il y avait encore des centaines de routes en dessous de moi, mais j’avais décidé de ne pas les suivre. Les routes menaient inévitablement vers les autres villes de Kerwan, et je devais m’en éloigner. Je devais passer la nuit seul, ça allait me faire réfléchir un peu plus. Très tôt le lendemain, j’allais commencer à m’entraîner… et après ? Et après je verrais bien.
S’il fallait que je vole de la nourriture pour survivre, je le ferais. Car évidemment, tout mon argent se trouvait dans mon appartement… et s’il n’avait pas brûlé ou volé en éclat, il devait être en les mains de la police.

Cette journée ne pouvait pas être pire… J’étais passé par le renvoi, l’humiliation et la ruine totale. Encore une fois, j’allais devoir repartir de zéro. Ça commençait à sérieusement me saouler. Foutu Slim… je le haïssais plus que tout.

Après un long moment à voler au dessus de rien – car Kerwan, bien qu’abritant la plus grande ville de l’univers, était quasiment déserte à côté… mais ça tu le sais déjà, c’est un simple rappel – je finis par me poser au milieu de nulle part. J’étais sur un plateau rocheux, semblable à celui sur lequel je m’étais trouvé il y a deux mois de cela. A deux mètres de moi, il y avait une colline totalement constituée de roches ; elle était haute d’environ dix mètres et s’étendait sur une longue distance, m’empêchant de voir ce qu’il y avait de l’autre côté.
Il faisait déjà nuit depuis longtemps et les cinq lunes de Kerwan brillaient cependant de tous leurs éclats.
Je repliai le planeur et le posai sur le sol, juste à côté de mon épée, puis me couchai. Je ne pus m’empêcher de penser à Slim… Où était-il ? Que faisait-il ? Comment s’était-il tiré de ce pétrin, lui ?
Mais il fallait que j’arrête d’y penser… cela ne me mènerait à rien, c’était évident.
Mes plaies me faisaient encore mal… et je n’avais rien pour les soigner. Elle risquait par conséquent de s’infecter… et c’était problématique.
Mais pour l’heure, je ne pouvais rien y faire… Je devais commencer par me reposer… Je fermai les yeux, et quelques minutes plus tard, m’endormis.

Le soleil s’était déjà levé lorsque je me réveillai. Décidément, j’avais l’impression de toujours me réveiller de la même manière… Des rayons de soleils dans la figure, m’éblouissant, et le fait que je ne m’étais pas extirpé de mon sommeil tout seul. En effet, là encore, c’était un bruit qui m’avait réveillé, comme il y a peu, dans mon appartement.
Allons bon… qu’est-ce que ça allait être, à présent ? Slim, encore ? Si c’était le cas, alors c’est qu’il commençait sérieusement à m’emmerder ! Il ne pouvait pas me foutre la paix deux jours d’affilés ? Bon, en même temps, je le comprenais… moi si on me disait « Oublie-moi, parce que quand je te reverrai je te tuerai ! », je prendrais mon interlocuteur pour un taré profond.
Enfin… de toute façon, ce n’était pas lui.

Je me mis à examiner le bruit avec plus de concentration. C’était un cri. Un hurlement provenant d’une bouche féminine. Un hurlement qui devait être plus précisément un appel au secours…
Bordel, qu’est-ce qu’il se passait ? Je me relevai, la tête encore brouillée par le sommeil. Ça commençait à m’énerver d’agir toujours dès le réveil… Le repos ça existait ou quoi ?
Je mis un moment avant de savoir à peu près d’où venaient ces cris. Ils provenaient de derrière la colline de roches.
Putain… j’avais envie de ne rien avoir entendu, car je n’avais pas envie de me mêler à de stupides histoires… Rien ne m’y obligeait, certes, mais de tels appels au secours, ce n’était pas anodin. Il fallait que j’y aille, d’autant plus que la fille ne semblait pas avoir envie de s’arrêter d’appeler « A l’aide !! » ou encore « Aidez-moi !! »… Ce qui, avouons-le, n’était pas d’une très grande utilité… C’était même pitoyable. Déjà, cette fille me faisait mauvaise impression… Mais bon, même si ça ne me plaisait pas d’aller voir ce qui était en train de se dérouler, ce n’était pas comme si j’avais mieux à faire pour le moment…


Aussi, j’attrapai mon épée qui pour l’instant jonchait le sol. Je me mis en route. La colline n’étant pas très loin, j’y arrivai rapidement. Par contre, la gravir était un peu plus compliqué… elle était vraiment pentue… Mais heureusement, ce n’était pas assez pour m’arrêter. Après une minute au maximum à la monter, je finis par arriver au sommet.
Une fois là haut, je constatai qu’il y avait une pente descendante de l’autre côté. Et juste en bas, il y avait la fille…
La fille… Si j’avais su ce que me réservait la suite, je me demande si je serais descendu…
Probablement que oui…
Mais quoique, peut être que non.

Bref. Elle était de taille moyenne, d’à peu près mon âge, les cheveux longs et bruns coiffés en queue-de-cheval. De là, je ne voyais pas tellement son visage. Mais ça ne faisait nulle doute, elle devait être assez jolie. Alors voilà qui était cette fille qui appelait pour qu’on vienne l’aider… Quelle devait être stupide et complètement conne…
Bordel, ça me fait vraiment mal de l’insulter, à présent…

Sur son visage, je pouvais néanmoins lire une expression plus apeurée que jamais. Mais c’était compréhensible… elle était entourée d’une dizaine de Rgolzs.

Des Rgolzs… ça devenait intéressant. Les revoilà, ces salopards… eux et leur immonde couleur de poil orange… Et en plus, à première vu, c’était les mêmes que ceux que j’avais rencontrés – même si c’était évident, il n’existait pratiquement plus aucun Rgolzs dans l’univers… alors il ne devait pas y avoir deux « tribus » à Kerwan…
J’avais un compte à régler avec eux… Il m’avait terrassé la dernière fois, je devais en faire autant à présent. La revanche contre mon père, je ne l’avais pas obtenue… Il fallait que je me rattrape comme je pouvais. Et ces Rgolzs tombaient à pic.
Je regardais ma lame entre mes doigts… elle allait servir, elle allait trancher. Cela faisait bien longtemps que je n’avais plus ressenti cela… L’excitation avant de passer à l’acte fatidique… Que c’était bon.

Il y avait en tout et pour tout neuf Rgolzs… Parmi eux je reconnaissais Brend, le chef du groupe qui m’avait tabassé l’autre jour, ainsi que l’autre dont je ne connaissais pas le nom, celui qui avait été à deux doigts de me coller une balle entre les deux yeux. Bien… j’allais pouvoir m’amuser. Ils étaient à deux mètres de la fille, et ils lui tournaient autours, en la regardant comme si elle n’était rien d’autre qu’un morceau de viande qu’on leur offrait…
Ils s’approchèrent lentement d’elle, prêts à lui bondir dessus. Il était temps que j’agisse.

« Eh vous là ! – criai-je en brandissant mon épée vers le ciel » Ils tournèrent tous la tête dans ma direction, l’air énervé, comme si je venais de gâcher un moment intense… Ce qui d’ailleurs devait être le cas. Brend me fixa d’un regard ironique, que je lui rendis gracieusement. « Vous vous souvenez de moi ?
- Bien sûr – déclara Brend – comment oublier un si pitoyable adversaire… ?
- Pitoyable… je l’étais peut être. Mais j’ai bien changé.
- Oui… nous avons suivi tes exploits… On parle beaucoup de toi à l’holo-télévision, Slim. Même ton nom, on le connaît, à présent… »

Putain… encore des types qui me prenaient pour mon père… Ça aussi, ça m’énervait… Il était temps que je fasse connaître mon nom…
Je dévalai la pente à toute vitesse pour me retrouver à la même hauteur que mes ennemis. Brend s’était avancé, lui-aussi.

« Je ne suis pas Slim ! – tranchai-je – Il s’est attribué mes mérites, juste parce que nous nous ressemblons !
- Ah ouais ? – rigola le Rgolz – Et t’es qui au juste, alors ?
- Je suis son fils… »

Ma révélation le surprit quelque peu… Mais il s’en foutait tout de même. Mon regard croisa brièvement celui de la fille… elle n’était pas plus en confiance qu’auparavant… Peut être l’était-elle moins. Elle ne savait pas encore de quel bord j’étais.

« Eh bien alors… « Fils de Slim », que nous veux-tu ?
- De deux choses, l’une : je veux que vous relâchiez cette fille ; et de deux : je veux me venger. »

Joignant le geste à la parole, je m’avançai dans leur direction.

« Allons… Tu ne voudrais tout de même pas que l’on te refasse mal, pas vrai ? – railla Brend.
- Et pourquoi pas ? – dis-je en esquissant un sourire des plus sournois.
- Bien… Si tu en as tant envie… Je ne vois pas pourquoi je te le refuserai… D’ailleurs, quand nous t’aurons tué, nous pourrons nous partager le pactole que tu as ramassé à la banque de Métropolis…
- Encore faudrait-il que tu me tues, pas vrai ?
- Ça ne devrait pas être trop difficile… »

Il claqua des doigts et, aussitôt, tous les Rgolzs dégainèrent une mitraillette à plasma et la braquèrent dans ma direction. Je leur souris d’un air froid… et je disparus à leurs yeux. J’adorai ce moment… Ils étaient là, préparés, attentifs, concentrés, prêts à me tirer dessus, à m’assassiner, me dégommer, me flinguer, me réduire en poussière au moindre ordre… quand tout à coup, alors que leur doigt titillait seulement la gâchette de leur arme, je n’étais plus là… Mais où étais-je ? Héhé… Cette question se lisait sur tous les visages, dans un mélange d’étonnement intense, de déception immense et de peur à outrance… Ils tournaient la tête de tous les côtés, même dans les airs pour les plus imbéciles – ce qui équivaut à dire : tous. La fille, elle, était interloquée… mais semblait moins pétrifiée par la peur. C’était déjà ça… Et dire que j’étais devant eux, tout simplement… je n’avais même pas bougé d’un poil… Que c’était beau l’invisibilité… D’ailleurs, vu en noir et blanc, leur horrible pelage semblait moins laid…
Ce qui se déroula par la suite fut assez rapide… Comme tu peux l’imaginer, je n’étais pas resté là à ne rien faire… surtout dans une telle situation de force, ça aurait été du gâchis.

A toute vitesse, je me dirigeai devant le plus avancé des Rgolzs et l’attaquai d’un mouvement vif. Mon épée traversa son abdomen avant de s’extirper. Je laissai tomber le corps à terre. Les autres eurent à peine le temps de comprendre ce qu’il se passait que déjà, je leur tombai dessus. Je tranchai vivement, poignardai monstrueusement et fis couler le sang inexorablement. Les Rgolzs autour de moi poussaient des cris de souffrance et de terreur… mais plus aucun cri de guerre. Etrange non ?
Durant la lutte, certains tirèrent dans le vide, mais aucune balle ne me toucha… Quelle chance. Certains de mes ennemis tentèrent de me repérer, mais ils n’y parvinrent pas… Ils ne pouvaient qu’attendre que mon épée transperçant leurs cœurs ne vienne sonner leur glas… Aucun d’eux n’eut le loisir de se défendre… Je bougeais trop rapidement. Dès qu’ils croyaient m’avoir repérer, voilà que j’apparaissais à un autre endroit. Le sang giclait de partout et inondait presque le sol sec. Cette vision de l’hémoglobine me rendait mieux… je me sentais puissant, à nouveau. Cela faisait si longtemps… si longtemps que je n’avais pas massacré un tel nombre de personne… Et je me sentais bien, oui !! C’était génial ! J’étais tellement sous l’effet de cette sensation que j’en riais presque de démence… Pour compenser l’absence de ce rire, un sourire dépravé s’afficha sur mon visage… que tout le monde – enfin, ce qu’il en restait… – pouvait contempler, à présent…
Je m’étais rendu visible.

Il ne restait plus que trois Rgolzs debout, Brend était parmi eux. Leurs visages étaient arrosés du sang de leurs compagnons… Tout comme le mien, ainsi que mes vêtements. Ils tremblaient. Ils étaient terrifiés. Mais c’était probablement justifié, non ?
Et même maintenant… même quand j’étais visible, qu’ils avaient l’ombre d’une chance de m’attaquer et de, peut être, me tuer… ils ne faisaient rien pour. Ils restaient là, les uns contre les autres, serrés, attendant…. Attendant quoi ? Leur fin… ? Quelle stupidité…

« Alors ? – raillai-je – Entre-nous, qui est le pitoyable adversaire, Brend ? »

Il ne répondit pas… Il fit même semblant de ne pas entendre. Normal…
A ma vitesse maximale, je vins jusqu’à eux et décapita net celui le plus à droite… Dans ma lancé, je tranchai le bras de l’autre, qui s’affala. Seul Brend restait debout à présent, et il me vit planter ma lame dans le crâne de son « frère » pour l’achever. Je retirai mon épée lentement… Tant de sang coulait dessus… Tant de corps avaient été transpercés, tant de membres avaient été sectionnés… et tout ça grâce à elle. C’était une belle arme, il fallait l’avouer. On ne vivait peut être plus au temps des épées, mais elles restaient néanmoins des armes d’une puissance incommensurable…

J’attrapai Brend par le col et le soulevai. Lorsque ses yeux apeurés regardèrent les miens, déments et fous, il dut comprendre qu’il n’avait que peu de chance de réchapper à cet affrontement… Et pourtant…
Je le jetai au sol violement, en plein sur le cadavre d’un de ses confrères. Je fis passer ma lame juste devant sa figure et l’arrêtai au niveau de son front.

« Estime-toi heureux… Je te laisse en vie, toi… »

D’un mouvement prompt, j’abattis la lame sur son poignet droit. Le Rgolzs hurla de douleur sur le coup et s’empressa de se le tenir pour ralentir l’hémorragie.

« Tires-toi !! Tout de suite !! »

Il se releva rapidement, et sans se faire prier, courut en direction de la colline de roches et la gravit à toute allure. Ce qu’il était lamentable… Un bon exemple pour son espèce, en somme.

« Racontes-leur, à tes semblables, à celui qui te commande ! Raconte-leur comment j’ai tué huit de tes camarades avec la plus grande des facilités…. Raconte-leur !! Et n’oublie jamais mon nom ! Je suis Raven !! Et si toi ou un autre de ton espèce croise un jour mon chemin, il faut qu’il sache que je le massacrerai, membre par membre, c’est clair ??! N’oublie pas mon nom ! Tu continueras à entendre parler de moi : Raven !! »

Bon… j’avoue… c’était un peu égocentrique comme tirade… Mais c’était la pure vérité. J’étais énervé… mais dans un état de joie immense. J’avais fait une belle impression auprès de Brend, et l’espère Rgolz allait me haïr… Mais que pouvait-elle me faire ? Pas grand-chose… Ils étaient trop faibles…
Je me retournai pour admirer à nouveau la scène. Tous ces cadavres, baignant dans une seule et même marre de sang… C’était presque de l’art. Ah… je me sentais bien. J’étais puissant et fort ; j’étais le meilleur. L’échec contre mon père me semblait loin, terriblement loin… J’avais l’impression de l’avoir dépassé depuis déjà une année. J’avais loupé une de mes vengeances pour mieux en réussir une autre… Je n’étais donc pas mécontent de moi.

« Heu… Monsieur ? – fit une voix plaignante. »

La fille… Je l’avais zappée, celle là. Qu’est-ce que j’allais en faire ? Rien, absolument rien… J’allais lui demander de s’en aller… En quoi pouvait-elle m’être utile, de toute façon ? Elle ne m’avançait à rien dans ma quête pour devenir plus fort…

« Qu’est-ce que tu veux, toi ?
- Rien… rien… Je voulais juste vous remercier.
- Ouais… de rien – fis-je d’un ton qui prouvait que je m’en fichais royalement de son remerciement. »

J’allais la renvoyer chez elle, mais avant cela, il fallait que je lui pose une question.

« Ces Rgolzs… ils te voulaient quoi ?
- Je… Je ne sais pas. Je me suis crashée sur cette planète ce matin, et en vagabondant, je suis tombée sur eux. Ils m’ont agressée et… c’est à ce moment là que vous êtes arrivé. »

Etrange, cette adolescente… Elle débarquait sur Kerwan en se crashant ? Toute seule ? Exactement comme moi. Voilà qui m’intriguait d’autant plus.

« Tu t’es crashée ? Comment ça ?
- Et bien… mon vaisseau s’est pris une météorite, et j’ai perdu le contrôle, Monsieur.
- Arrêtes de m’appeler « Monsieur », ça m’énerve – tranchai-je ».

C’était bizarre, très bizarre… Mais après tout, je m’en fichais, pas vrai ?

« Bon… Tire-toi, toi aussi…
- Je… je voulais juste vous demander, pourquoi avez-vous pris ma défense ?
- J’avais un compte à régler avec eux…. Et puis je n’allais pas les laisser tuer une innocente… Tout simplement… maintenant dégage… Et sans tarder. »

Bon, j’avais peut être déjà tué des innocents, mais ce n’était pas une raison… Cette excuse sonnait vrai, n’est-ce pas ?
Malgré l’ordre que je lui avais donné, elle ne bougeait pas… Elle le faisait exprès ou quoi ? Elle n’avait pas compris que j’étais capable de tuer sans remords ?!

« Tire-toi, je t’ai dit !
- S’il vous plait… je n’ai rien à manger ni à boire ici… Je n’ai rien à faire… Je suis perdue. Est-ce que je peux rester avec vous, quelques temps ? Je ne serai pas dérangeante… Promis »

Et voilà… Comment pouvais-je refuser ? Moi aussi j’étais paumé, complètement seul… Je n’avais rien à bouffer ni à boire, contrairement à ce à quoi elle s’attendait… Mais bon, un peu de compagnie n’allait pas me faire de mal, non ? J’allais peut être pouvoir penser à autre chose.

« C’est d’accord… Mais pas trop longtemps… sinon tu risques de me déranger durant mes projets… Et par pitié, tutoies-moi… et appelles-moi Raven.
- D’accord ! Et merci… Raven ! »

Elle semblait tout de suite plus confiante, mais n’était néanmoins pas rassuré à cent pourcent…

« Ton nom à toi c’est quoi ?
- Lange.
- Bien… Ne restons pas là, les charognards vont bientôt arriver pour profiter du festin que je viens de leur offrir… »

Aussitôt, je me mis en marche, et elle me suivit.
Avoir cette fille à mes côtés me semblait bizarre. J’avais toujours été seul, ces derniers temps, même quand je travaillais pour les fabricants d’armes. Et voilà que d’un seul coup, elle tombait du ciel – ce qui était le cas de le dire – et qu’elle se mettait à faire un bout de trajet avec moi… Moi qu’elle avait vous massacrer sous ses yeux huit êtres vivants… Bon, d’accord, ceux-ci lui voulaient du mal, mais quand même… Elle était bien étrange ; courageuse également… et très insouciante.

Lange… Un prénom très bien choisi, tu en conviendras… J’ai su qu’il s’écrivait ainsi plus tard… Mais il se prononçait « Landge ». L’orthographe de son nom était par contre plus intéressant… Avec lui, on pouvait faire « L’ange », ou encore « Angel » en faisant une anagramme – ce dernier mot veut dire « ange », dans une ancienne langue morte terrienne… langue que j’apprécie particulièrement, va savoir pourquoi.

Bien que j’affichais sans arrêt mon air morne, dur, sombre et froid… j’étais content quelle soit là. Sans savoir exactement pour quelle raison.
Mais ce qui était sûr, c’est que j’étais loin de savoir ce qui m’attendait, avec elle en ma compagnie…
Oh oui, j’en étais loin… Mais après tout, comment aurais-je pu le deviner ? »

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