Insomniac remet ça sur PS3 !
Début de l'année 2006. L'arrivée de la PlayStation 3 a d'ores et déjà été confirmée, ainsi que le premier projet d'Insomniac Games destiné à cette nouvelle console, nommé Resistance et s'inscrivant dans le genre surpeuplé du jeu de tir à la 1ère personne.
Alors que les fans commencent à perdre tout espoir de revoir un jour le duo emblématique du studio, Insomniac dévoile lors de la Games Developers Conference un teaser vidéo qui laisse clairement paraître l'existence d'un nouveau projet R&C. Il s'agit d'une démo technique bluffante, montrant la célèbre cité futuriste iconique de la saga, Metropolis, plus belle et animée que jamais.
Aucune date de sortie n'est indiquée, et il faudra attendre la sortie de Resistance en Amérique du Nord, courant novembre, pour entendre à nouveau parler de ce qui allait devenir Ratchet & Clank : Opération Destruction ; le premier volet PlayStation 3 de la saga, qui marque également le début d'une réelle trilogie, la trilogie Future, même si cette mention sera étonnamment absente des titres européens.
Un an plus tard, en novembre 2007, et après de longs mois d'attente, R&C : OD est enfin commercialisé, et s'impose comme le premier jeu de seconde génération sur PlayStation 3. Un fait rapidement constaté avec la superbe réalisation graphique du jeu, qui en met plein les rétines du début à la fin, à l'aide de textures soignées, d'environnements gigantesques s'étalant à perte de vue (une habitude dans la saga, il est vrai), et d'effets spéciaux tous plus réussis les uns que les autres. Une fois encore, la maîtrise technique du studio transpire à l'écran, et le jeu se pose encore aujourd'hui comme l'un des très rares titres de la génération actuelle de consoles dont le moteur 3D peut se targuer de tourner à un régime de 60 images par seconde.
Le premier niveau du jeu incarne le parfait exemple du passage à la «next-gen» de la saga, et est en fait la version jouable de la fameuse démo technique de Metropolis dévoilée en début d'année 2006. En comparant les deux versions, il est d'ailleurs surprenant de constater que la version jouable fait valoir de sérieux atouts comparée à son homologue pré-calculée, et s'avère tout autant animée.
Aucun doute, Ratchet & Clank ont réussi leur transition graphique vers la nouvelle génération de consoles.
Si l'évolution technique est évidente, il n'en est pas pour autant de même en ce qui concerne le gameplay. Rapidement toutefois, de petites améliorations et de nouvelles trouvailles se font connaître, mais autant être franc : Opération Destruction n'allait pas révolutionner la saga, et n'avait de toute façon pas été conçu dans cette optique. Efficace et peaufiné à l'extrême, cet opus ne se montre néanmoins pas aussi varié que R&C 2 et 3, en laissant une grande part à l'action et au shoot. Une observation surprenante, d'autant plus qu'Insomniac espérait revenir à la balance plate-forme/action du premier opus, mais aura probablement eu du mal à remettre le pied sur le chantier de la saga, abandonné à la fin du développement du mal-aimé Ratchet Gladiator, soit l'opus le plus orienté action. Tout cela étant rejoint par les deux années passées à travailler sur Resistance, un jeu très focalisé sur le shoot également.
Cependant, l'on reprend vite ses marques et le nouvel univers de la trilogie Future parvient sans soucis à immerger le joueur, et à l'embarquer dans une aventure à l'univers riche et travaillé, et au ton plus mûr et émotionnel qu'auparavant, sans oublier une nouvelle fournée de personnages hauts en couleurs.
Bien entendu, les armures font leur retour, tandis que le système d'évolution des armes diffère quelque peu en reprenant une partie du concept de customisation proposé dans Ratchet Gladiator. On peut désormais faire évoluer les armes manuellement, et ce grâce aux cristaux de raritanium que l'on peut trouver à foison sur les différentes planètes. En soi, ce système est appréciable mais révèle rapidement ses limites. Le fait est qu'il ne change pas concrètement la façon d'utiliser les armes et ne se montre pas aussi riche qu'il aurait pu l'être.
Opération Destruction met complètement de côté les phases avec Clank géant, les mini-mondes, ainsi que les courses, mais propose malgré tout les traditionnels crochetages de serrures sous forme de mini-jeux fort réussis, ainsi que l'utilisation d'une sorte de motocycle futuriste, qui n'est pas sans rappeler les Super Monkey Ball de Nintendo. Un minimum de variété donc, mais dans l'ombre de l'action qui, elle, trône sur le devant de la scène.
Au final, le plaisir de jeu provient en grande partie du plaisir de découverte, chaque monde profitant d'une forte identité visuelle et d'une ambiance différente, et de l'arsenal, incroyablement riche et varié dans les perspectives de gameplay qu'il permet. Un plaisir de jeu qui est toutefois malheureusement entaché par une trop grande facilité ; les ennemis se montrent peu agressifs et facilement contournables, le joueur récupère constamment une quantité d'énergie, de munitions et de boulons sur-dosée, et la très faible résistance des boss n'arrange rien. Le jeu se parcourt sans quelconque challenge, et les phases de plate-forme s'avèrent bien trop sages.
Le plaisir de jeu n'est pas le seul à souffrir de ce manque de difficulté, en effet, la durée de vie en pâtissant également. Les armes évoluent à grande vitesse, et seuls les fameux points de compétence viendront rajouter des heures au compteur d'un engin essoufflé bien trop rapidement. Dommage.
Il est clair, en somme, que les principales qualités d'Opération Destruction sont avant tout dues à la grandeur esthétique de son univers, mais aussi, et c'est une première pour la série, à sa relative maturité scénaristique. Bien que l'on ait toujours à faire à une confrontation directe avec un grand vilain dont les désirs représentent un danger imminent pour l'univers, l'intrigue cherche davantage à questionner la relation Ratchet/Clank que cet éternel conflit entre le bien et le mal. Néanmoins, Tachyon et l'ensemble du contexte maléfique qu'il incarne ne sont pas pour autant à sous-estimer, car, rappelons le, nous sommes bel et bien face au premier opus d'une trilogie scénaristique. Si l'histoire ose un changement de ton, elle demeure toutefois plutôt bonne élève et classique. Son principal intérêt repose ultimement dans la relation liant Ratchet à Clank, secouée et mise à mal jusqu'à un ultime cliffhanger qui n'aura pas manqué de surprendre son audience. Le duo a définitivement gagné en profondeur et en personnalité, et c'est un effort qui se doit d'être salué.
Le tout est soutenu avec brio par la musique de David Bergeaud, qui montre cependant des limites quand il s'agit de porter à deux mains une histoire mise en scène de façon cinématographique. Chaque planète bénéficie incontestablement d'une grande personnalité musicale, et dans son ensemble, la bande son est sans nul doute la plus diversifiée et la plus cohérente que David ait composée pour la saga. Difficile d'en dire autant pour les cinématiques, ces dernières n'étant pas aussi bien accompagnées qu'elles auraient dû l'être. Attention, on reste malgré tout devant un travail de grande qualité, mais qui manque quelque peu de consistance et d'émotion.
La force tranquille, voilà comment l'on pourrait qualifier R&C Opération Destruction, si le peu d'évolution apportée à son gameplay n'était pas au final transcendée par sa splendeur visuelle, et la richesse de son univers, aussi bien dans le fond que dans la forme. En effet, on pourra pester durant les premières heures de jeu face à un manque d'innovations flagrant, mais, rapidement, une connexion s'établie et plus que jamais, on se sent proches de Ratchet et Clank dans leur quête, une quête dont le principal enjeu n'est non pas la préservation de leur monde, mais de leur amitié. Insomniac parvient ainsi à réinventer notre plaisir de jeu par le seul fait d'un univers nouveau, et étonnamment homogène, chose rare pour une saga vidéoludique. Peut-être, au final, est-ce ce que l'on avait toujours attendu sans le savoir depuis le premier opus : que Ratchet et Clank trouvent leurs marques, et posent des repères qui seraient à même de nous transporter bien plus loin dans leur relation que ce que l'on espérait. Une véritable aventure avec un grand A, dans laquelle diverses émotions rejoindraient l'habituel humour propre à la saga.