Amandine/la coéquipière - Chapter 3

Author: ratchetandyann

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La lecture consistait à traduire des images stylisées. Chaque représentation signifiait un mot magique ou non. Certaines étaient assez faciles comme les choses abstraites : « arbre », « pierre » ou « cheval ». Mais celles qui représentaient des concepts tels que « la vérité », « la beauté » ou « l’honnêteté » paraissaient plus ardues.
Bien qu’Amandine eût de grandes facilités, elle éprouva quelques difficultés à se faire à la situation. De la nourriture apparaissaient sur la table quand elle avait faim. Les premières fois, cela la fit sursauter. Mais au bout d’un moment, elle n’y prêtait plus une grande attention. Même les miracles cessent d’étonner quand ils se produisent souvent.
L’hiver arriva à la maison ; tandis qu’elle s’installait, le soleil disparut, cédant la place à la nuit perpétuelle. La chatte lui expliqua patiemment ce phénomène, mais la jeune fille ne comprenait toujours pas pourquoi le soleil ne tournait pas rond ici. A bien y réfléchir les journées n’existaient plus.
Mais des questions tracassaient Amandine :
- Tu n’as pas toujours été une chatte pas vraie ?
- Effectivement je peux changer mon apparence constamment mais j’aime bien être une chatte. C’est…reposant.
- Je m’en doute. Mais pourquoi le nom d’Emeraude et pas autre chose ?
- Pour deux raisons : d’une j’aime énormément ce prénom magnifique et de deux avant j’avais une émeraude merveilleuse et j’aimais faire jouer la lumière du soleil dessus.
- Donc tu avais des bras et des jambes avant.
- Bravo. Maintenant, veux-tu deviner combien et à quels endroits de mon corps ils se rattachaient ?
- Je pense avoir ma petite idée sur le sujet.

Quelques années plus tard le passé s’éloignait encore plus dans les souvenirs d’Amandine maintenant elle savait lire et le livre s’emparait totalement d’elle. Elle pouvait lire des passages entiers par cœur tellement de fois elle l’avait lu. Plus le texte imprégnait sa mémoire plus la conception des mondes et l’utilisation de la magie s’altérait dans sa tête. Les choses qu’elle avait vécu avant d’arriver dans la maison étaient maintenant floues.

- Etais-je vraiment si petite Em ?
- Em ?
- C’est un diminutif affectueux.
- Oh. Et bien en effet tu n’es qu’une petite pièce sur un plateau très vaste Am’.
- Am’ ?
- Oui c’est un diminutif affectueux, dit la chatte avec un sourire au coin des lèvres. Où veux tu en venir pour ta question précédente ?
- J’aurais pu faire bien autre chose de ma vie non ?
- C’est pour cela que tu es ici Am’. Que cela te plaise ou non, tu vas en faire bien davantage qu’avant ! J’y veillerai. Et je pense qu’il est temps pour toi d’apprendre à utiliser le livre.
- Qu’entends-tu par « utiliser » ?
- Faire arriver certaines choses. D’où tu crois qu’il vient ton dîner chaque soir ?
- C’est ton boulot, Em. Il ne serait pas poli pour moi de mettre mon nez là dedans.
- Poli ou pas tu vas apprendre ! Certains mots du livre portent en eux des actions : « couper » ou « creuser » par exemple. Si tu sais comment l’utiliser, tu pourras faire toutes ces choses en disant juste le mot. Mais sache qu’un mot seul n’est rien qu’un mot. Pour pouvoir l’utiliser correctement il faut te faire un image dans la tête de ce que représente l’action sinon rien ne se passera.
- D’accord alors je commence par ce mot « Gwem ».
-Il veut dire vient, ou plutôt soulève toi et viens.
- Gwem… Je savais que sa foirerait.
- Il faut que tu lui donne un ordre Am’, soupira Emeraude. Crois-tu qu’un chiot t’obéirait si tu le disais sur ce ton ?
- Je vise la chaussure et je donne un ordre OK. GWEM ! cria la fille à sa chaussure.

Ne s’attendant pas à ce qu’elle réagisse, elle se laissa prendre par surprise…et reçut la chaussure en pleine figure.

- Une chance que nous n’ayons pas commencé par une épée, constata la chatte. En général, il vaut mieux tendre les mains devant toi avant de donner un ordre. Pour que la chaussure ou tout autre objet sache où il doit aller
- Ma parole mais ça marche ! s’exclama Amandine stupéfaite.
- Evidemment, tu ne m’avais pas cru ?
- Eh bien… D’une certaine façon, mais… Je ne pensais pas que cela marcherait si vite ! Et je m’attendais à ce qu’elle revienne en rampant sur sol, pas qu’il lui pousse des ailes !
- Tu l’as juste dit un peu trop fort mais tu verras ça va venir. Le ton est très important.
- Je m’en souviendrai. Me prendre ma propre chaussure en pleine figure est un excellent moyen pour se rentrer une leçon dans le crâne.

Au fil des semaines la chaussure avait parcouru plusieurs kilomètres sans aller dans un seul pied. Amandine s’entraînait à moduler son ton. Mais elle appris aussi d’autre mot tel que « Dheu » qui faisait s’envoler la chaussure et « Dhreu » qui la reposait sur le sol.
Elle eu alors l’idée d’utiliser ces mots sur autre chose que sa chaussure. Elle fixa Emeraude et murmura « Dheu ». La chatte se leva dans les airs.
Emeraude foudroya la jeune fille du regard.
- Bhlag, siffla t-elle
Amandine se prit alors une claque, venant de nulle part, qui la fit voler à l’autre coin de la pièce.
- Repose moi maintenant chérie.
- Dhreu !
La chatte revint à sa position précédente.
- C’est mieux ainsi, approuva Emeraude. Vas-tu te lever ou rester allongée par terre toute la journée ?
Puis elle reprit son travail : se nettoyer les oreilles.
Amandine avait alors comprit qu’il y avait des règles à ne pas enfreindre et aussi que l’on pouvait utiliser de la magie sans baguette.
Elle continua à s’entraîner avec sa chaussure plus familière que les autres biens, et dépourvue de bords coupants. Juste pour le plaisir elle lui fit carrément pousser les ailes, la regardant se balader dans la pièce en se cognant partout.
Elle songea alors que sa chaussure volante aurait sûrement effrayé son père qui aurait arrêté de la maltraiter. Mais c’était il y a si longtemps…
Puis Amandine essaya d’estimer le nombre d’années passées dans la maison. En vain.
- Cela fait combien de temps que je suis ici Em ?
- Un bon moment pourquoi ?
- Par curiosité je suppose. Je me souviens à peine de ma vie avant mon arrivée dans cette maison.
- Le temps ne signifie pas grand-chose je te l’ai déjà dit. Tu es ici pour apprendre et certains enseignements du livre sont très complexes. Il t’a fallut longtemps pour les appréhender. Quand tu buttais sur l’un deux, je laissais tes yeux se fermer pendant que ton esprit continuait à fonctionner. C’était beaucoup plus tranquille tu te disputais avec le livre pas avec moi.
- Alors si j’ai bien compris tu prétends que je me suis endormi pour me réveiller une semaine plus tard ?
Emeraude lui adressa alors un de ses regards suintant de supériorité qui avait le don de la mettre en rogne.
- Un mois ? suggéra t-elle incrédule.
- Continue.
- Tu m’as laissé dormir pendant des années ?
- Le sommeil est bon pour toi.
- Combien de temps, Em ? Depuis combien de temps suis-je là avec toi ?
- Deux mille quatre cent soixante-sept ans depuis la semaine dernière.



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