Ratchet DeadZone - Chapter 14

Le choc projeta Lara contre une paroi rougeâtre où elle resta collée deux secondes, avant de plonger dans le gouffre. Un harpon traversa le mur juste en dessous d’elle. Elle voulut s’y accrocher pour éviter la chute, mais l’arme se transforma en eau au contact de sa peau. Elle tombait, inéluctablement. Tout était noir autour d’elle. Enfin, après un laps de temps qui lui sembla une éternité, elle atterrit, roulant sur un sol d’une mollesse rare. Elle se releva, l’esprit désordonné. Il lui semblait avoir fait une chute de plusieurs centaines de mètres, et elle était intacte ! Elle aurait pensé s’écraser, être réduite en bouillie, mais force était-il d’admettre qu’il n’en était rien.
Le sol était bizarrement instables, et Lady Croft y était enfoncée jusqu’au genoux. L’endroit était plongé dans l’obscurité la plus totale, et Lara n’y voyait pas à deux mètres. Un bruit se fit entendre à sa droite. Elle dégaina ses 9mm, sur ses gardes. Un nouveau bruit, encore plus étrange, se fit entendre. L’atmosphère était étouffante et de la sueur dégoulinait sur le front de la jeune femme.

Soudain, un bruit de cascade se fit entendre au-dessus de sa tête. Elle leva les yeux, mais ne vit rien, tant la visibilité était réduite. Et puis d’un coup, elle se sentit compressée, entraînée dans un tourbillon d’eau. Le liquide eut comme effet de la sortir de la sorte de transe dans laquelle elle se trouvait. Tout lui revint en mémoire : Unknown~Soul, les Reliques, JungleMania, la rivière, le lac, le monstre… Et soudain, elle comprit avec horreur qu’elle se trouvait dans la bête du lac. Et que celle-ci, par un moyen qui lui était inconnu, était en train de couler ! Miss Croft était désormais entièrement submergée. Elle commença alors à nager relativement rapidement vers ce qu’elle pensait être la surface. Elle s’était déjà aventurée dans des eaux plus hostiles, et avait parcouru nombre de temples submergés. Aussi possédait-elle une capacité respiratoire énorme et, lorsqu’elle arriva à la sortie, il lui restait encore beaucoup d’oxygène en réserve. Elle s’aperçut qu’elle était libre lorsqu’elle vit que l’eau, noire à l’intérieur du monstre, était devenue bleue. L’endroit dans lequel elle se trouvait lui apparaissait enfin clairement.

Le monstre gisait, gueule entrouverte, sur le sol rocailleux du lac. Des pierres étaient amassées sur le fond sans presque aucun ordre logique. Celles-ci étaient ponctuées de trous et de failles parfois gigantesques. L’eau était limpide, et des rayons du soleil pénétraient les abysses en diffusant une lumière chaleureuse. La surface semblait être à environ cinquante mètres du fond.

Lara fit quelques brasses, mais elle se rendit vite compte qu’elle n’avait pas bougé : un courant, venant apparemment d’une des failles, la tirait vers le bas, avant de la propulser vers le haut. Cette action était effectuée de manière régulière, comme si la planète respirait. Malgré ses efforts pour remonter, Miss Croft était prise au piège. Elle décida donc de profiter d’une « inspiration » pour rejoindre le fond. De près, elle s’aperçut que la faille se fermait et se rouvrait au gré de la « respiration ».
C’est alors qu’une sorte de crabe sortit d’un trou dans la roche. Il faisait environ deux mètres et possédait une énorme paire de pinces, qu’il fit claquer tout en s’avançant vers Lara. Celle-ci sortit immédiatement ses 9mm étanches, et truffa le crustacé de plomb. La bête s’affala. Mais deux autres monstres firent leur apparition…

Malgré son énorme capacité respiratoire, Miss Croft commençait à sentir à besoin urgent d’air frais. Elle abattit les deux crustacés, puis tenta une nouvelle fois de rejoindre la surface, mais elle fut irrémédiablement ramenée vers le fond… D’autres crabes sortirent pour trouver la mort. Désormais, les poumons de la jeune femme étaient sur le point d’exploser. Il lui fallait trouver une solution, et vite. Et d’un coup, l’idée lui vint. C’était dangereux, certes, mais elle n’avait pas vraiment le choix. De plus, son goût du risque lui rendait cette idée séduisante.
Elle attendit le moment parfait, le laps de temps entre « l’inspiration » et « l’expiration », le bref moment où il n’y a aucun courant et où la faille est ouverte, et elle se faufila dans la fissure…

Lorsque Kya sortit de la gorge du monstre, ses poumons étaient en feu. Il lui fallait de l’air, et vite. La première chose qu’elle vit en jetant un coup d’œil autour d’elle fut une dizaine de crustacés ressemblant à des crabes s’agitant nerveusement sur le fond. Elle ne leur laissa pas le temps de s’approcher et rejoignit la surface d’une nage agile et rapide.

La surprise cloua Lara sur place lorsqu’elle sentit le vent sur son visage et ses poumons se remplir d’air pur. Elle n’eut pas le temps de réfléchir qu’elle sentit une vague d’eau fraîche s’abattre dans son dos. Elle fit une roulade sur le côté et sortit ses 9mm, sur ses gardes.
Elle se trouvait dans une salle rectangulaire ornée par de magnifiques fresques, représentant divers animaux marins nageant tranquillement dans une eau pure et limpide. De l’eau montait jusqu’aux genoux de la jeune femme. La faille se trouvait au plafond. Elle s’ouvrait, lâchant de l’eau dans la pièce, puis se refermait. De petites grilles, posées de façon symétrique sur le sol carrelé, permettaient d’évacuer le liquide qui arrivait de manière continue. Un vent frais soufflait avec une violence contenue. Il venait d’un petit couloir ne dépassant pas les un mètre vingt de haut.
Lara se redressa et fit un pas. Elle inspira un bon coup. Cet air était le plus pur qu’elle n’avait jamais respiré, autant en profiter. Elle jeta un dernier coup d’œil autour d’elle, puis s’aventura dans le corridor.

Jade passa sous les dents du colosse pour se retrouver en eau libre… face à face avec deux yeux globuleux et une énorme paire de pince. Elle resta d’abord scotchée de terreur devant le monstre qui se trouvait devant elle, puis elle se rendit compte qu’il lui fallait faire quelque chose si elle ne voulait pas finir en charpie. Elle esquissa un geste pour remonter vers la surface, mais le crabe se jeta sur elle et l’attrapa avec ses pinces, lui coupant dangereusement la peau et les veines. Elle se débattit de toutes ses forces mais la puissance de l’animal était énorme, et il la gardait prisonnière de son étreinte.
Soudain, la bête lâcha prise, et la jeune femme s’échappa vers la surface. En face du crustacé se tenait Double H, le plus grand ami de Jade. Il avait lancé son marteau lourd de plusieurs dizaines de kilos sur son ennemi, et avait ainsi permis à son amie de s’échapper. Mais maintenant, une horde de crabes sanguinaires, attirée par le liquide rouge s’échappant de la plaie de la jeune femme, se tenait devant lui. Il se jeta dans le tas, oubliant son besoin d’air urgent, et se mit à frapper dans tous les sens. Mais les monstres, de plus en plus nombreux, écrasèrent leur proie dans un bain de sang…

L’air était de plus en plus pur. Lara ne s’était jamais senti aussi bien. Elle pataugeait dans l’eau bleu azur en suivant le couloir éclairé par elle ne savait quelle lumière. Et soudain, au détour d’un virage, elle se retrouva dans une salle immense et magnifique. Miss Croft en resta bouche bée d’émerveillement. Des colonnes géantes, ornées de très nombreuses fresques, reposaient sur les côtés de la pièce. Les murs étaient décorés de peintures gigantesques représentant Poséidon, le Dieu de la mer, au milieu de ses sujets, les tritons. Artémis, reconnaissable à son arc dans le dos, semblait tenir la main du Dieu des Eaux. La lumière venait du centre de la salle. Un objet dont la brillance faisait mal aux yeux y était posé. C’est de lui que venaient le vent, et les « inspirations » - « expirations ». C’est alors qu’une pensée vint frapper Lara, une pensée qui la remplit d’une joie incontrôlable mêlée de respect.
-La Relique… murmura-t-elle.

Le temps s’arrêta. Mais Kaileena continua à nager. Sachant qu’elle n’aurait jamais une assez grande capacité respiratoire pour sortir du monstre et rejoindre la surface, elle avait décidé d’user d’un de ses pouvoirs. Elle avait donc stoppé momentanément le cours du temps pour pouvoir rejoindre l’air pur avant de mourir noyée. Lorsqu’elle sortit enfin de la bête, elle vit des crabes immobilisés autour d’un nuage rouge. Mais elle ne s’attarda pas et remonta vers la surface. Aussitôt après que sa tête eut émergée, le temps reprit son cours.

Lara en resta bouche bée d’étonnement et d’émerveillement. Que faisait la Relique ici ?? N’était-elle pas sensée se trouver dans le temple ? Elle s’approcha, fébrile et tremblante à la vue d’un objet qui recelait une telle puissance magique que même les Dieux en avaient peur. Il était posé sur un socle gravé en grec. Elle effleura la pierre du bout des doigts et essaya de traduite le texte :
« J’ai construit ce temple en l’honneur d’Artémis la plus grande Déesse au monde. J’y ai consacré vingt années de ma vie. Désormais, cette magnifique œuvre architecturale est terminée, et elle est prête à remplir son rôle. Elle est prête à accueillir l’artéfact qui fait vivre cette planète, l’objet qui est la seule raison d’exister ce monde. Cette relique est d’une grande puissance magique. Aussi, toi qui lis ces lignes, prends garde. Tu ne soupçonnes pas un seul instant la puissance de cette chose. C’est pourquoi je te mets en garde… Ne fais pas n’importe quoi… »
Les yeux de Lara se posèrent alors sur la dernière ligne du texte. Ces derniers mots la remplirent d’une déception tintée de curiosité et d’étonnement : « Ici repose le Poumon de l’Univers ».

Le Poumons de l’Univers… Un des objets les plus anciens au Monde… Si puissant que personne ne pouvait s’en emparer sans mourir sous le choc magique que provoquait son contact, pas même le plus puissant des Dieux… Il alimentait nombre de contes et légendes. De célèbres archéologues étaient partis à sa recherche, sans jamais en revenir. Jusqu’à présent, Lara n’avait jamais cru en l’existence de cet artéfact. Et maintenant, au moment le plus inattendu, il se trouvait sous ses yeux éblouis. Sa première impression avait été d’être déçu de ne pas se trouver en face de la relique attendue, mais désormais, elle n’avait plus qu’une idée en tête : toucher le Poumon de l’Univers. Elle approcha sa main fébrile et tremblotante de l’objet, mais s’arrêta. Elle doutait de pouvoir survivre longtemps si elle s’en emparait. « Peu importe, murmura-t-elle d’une voix que l’excitation rendait saccadée, je mourrais en essayant de m’emparer de la chose la plus convoitée de l’Univers ». Et elle toucha la surface molle et froide de l’artéfact.

Jade regardait la surface du lac avec anxiété. Elle était assise sur la rive, en compagnie de Kaileena et de Kya. Toutes les trois étaient épuisées, mais heureuse d’être sauve. Malgré cela, Jade se faisait un sang d’encre pour son ami Double H, qui n’était toujours pas remonté à l’air libre. C’était lui qui l’avait sauvée dans les profondeurs abyssales du lac, elle en était sûre. Aussi aurait-il dû remonter peu de temps après elle…
Soudain, l’eau prit une teinte rougeâtre. Trente secondes plus tard, un objet rond d’une trentaine de centimètres de circonférence remonta à la surface. Une tignasse brune semblait recouvrir la partie supérieure de la chose. Et cette chose, ils s’en rendirent compte l’instant d’après, n’était rien d’autre que la tête de Double H, la peau blanche et les yeux révulsés.
-Non ! cria Jade, terrifiée.
Elle fit un geste impuissant vers ce qui restait de son ancien ami. Une larme perla dans le coin de son œil droit. « Comment cela a-t-il pu arriver ? pensa-t-elle. Pas lui… Ils vont devoir payer… » La tristesse disparut soudain de ses yeux pour laisser place à une colère et à un désir de vengeance sans égal. Elle se releva d’un coup, empoigna son Bô et, d’un pas ferme, s’enfonça dans la forêt…

Le choc fut énorme. D’un seul coup, en un millième de seconde, Lara sentit toute la puissance de l’artéfact. La vague magique libérée au contact de la peau la terrassa.

Tout était bleu ; des filaments blancs et transparents tombaient du ciel. Cet endroit ne ressemblait à rien. Soudain, une voix grave et empreinte de sérénité résonna.
« Croft, vous avez touché le Poumon de l’Univers sans y être sollicité par les Dieux. Á l’heure qu’il est, vous devriez être morte… Mais l’artéfact vous a jugé digne de l’abriter. Vous avez désormais une tâche qui vous dépasse ; mais vous ne pourrez pas échouer dans cette ultime mission. Le but et les instructions de cette quête vous seront dévoilés en temps voulus… Désormais, le Poumon de l’Univers est vôtre. Prenez cette arme Lara, exploitez sa puissance. Et menez votre quête à bien… »

Jade, Kaileena et Kya longeait la rivière depuis un bon quart d’heure déjà lorsqu’elles tombèrent né à né avec trois hommes-lézards. Ils portaient chacun un glaive affûté rangé dans un fourreau accroché à leur ceinture et un bouclier ovale dans leur dos. Leur bouche, d’où coulait une salive verdâtre, était garnie de dents coupantes comme des rasoirs. Leur peau était écailleuse et pleine de plaies.
L’un deux poussa un cri et se jeta sur Jade. Celle-ci para le coup et cassa la mâchoire du reptile d’un puissant coup de bâton. Celui-ci tomba à genoux. Le Bô feinta l’air une nouvelle fois, cette fois en direction du plus grand de leur adversaire. Celui-ci stoppa l’arme d’un seul coup, puis l’arracha des mains de sa propriétaire avec une facilité déconcertante, avant de l’assommer avec sa nouvelle acquisition.
Pendant ce temps, Kaileena avait égorgé le troisième assaillant, et Kya mis fin aux souffrances de la créature blessée par Jade en lui tordant le cou. Il ne restait que l’homme-lézard le plus imposant, sûrement le chef du trio. La jeune femme aux cheveux bleus se jeta sur lui. Il l’attrapa en pleine action et la projeta contre un arbre, où elle resta écrasée un moment, avant de tomber au sol, inconsciente. La seconde d’après, son glaive se balançait en direction de Kaileena. Celle-ci bloqua, puis contrattaqua d’un rapide geste du poignet vers la gorge de son adversaire. Un sang noir gicla. La lame de l’Impératrice du temps fendit de nouveau l’air et le monstre s’écroula dans un gémissement à peine audible.

Dix minutes plus tard, les trois femmes, ragaillardies, étaient prêtes à continuer leur périple. Kaileena avait ranimé ses deux compagnes à l’aide de l’eau fraîche de la rivière. Ils allaient partir lorsque Jade rompit le silence pesant qui s’était installé.
-Il y a une chose dont je suis sûre, dit-elle après un instant d’hésitation. Ces trois là étaient des éclaireurs. Il doit y avoir un groupe plus important quelque part dans les environs. Restons sur nos gardes.
-C’est ce que je pensais, murmura Kya. S’il y en a trois, il y en a plus.
-Alors ne traînons pas, conclut Kaileena.

Elles continuèrent à suivre le cours d’eau jusqu’à ce qu’elles arrivent en haut d’une nouvelle cascade. Elles regardèrent en contrebas. Ce qu’elles virent leur démontra une nouvelle fois qu’elles n’étaient jamais au bon endroit au bon moment.