Ratchet & Clank: Mind Games - Chapter 10

Author: Arayn

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Il ne fallut qu'une journée pour retrouver la trace de Nevo. Ratchet comptait sur l'aide du Centre de Défense Planétaire d'Uzo City pour les aider, mais fut surpris d'apprendre que Susie, la dernière personne à avoir vu Nevo, était enregistrée parmi les effectifs des Forces Défensives et se trouvait dans les Plaines d'Aldaros. Un rendez-vous fut fixé à Taguna, la ville que les Tharpods avaient construite là-bas depuis la fin du règne du Loki.


Ils arrivèrent en fin de matinée. Les falaises flottantes offraient toujours un spectacle saisissant, que Ratchet ne manqua pas de faire remarquer. Une fois que les Robots-Larbins étaient repassés sous leur contrôle, les Tharpods avaient décidé de maintenir les Plaines au-dessus des nuages. Les manipulations gravitationnelles avaient dévasté le sol et déchaîné des catastrophes climatiques sur toute la région, ils avaient donc estimé qu'ils ne gagneraient pas au change en tentant de reconquérir ce territoire. Lorsque les vaisseaux lombaxs arrivèrent en vue de Taguna City, ils découvrirent une multitude de bâtiments construits à même les falaises, reliés entre eux par des dizaines de ponts et de passerelles. Le N.E.S.T, ancien quartier général du Commandant Spog, avait servi de base aux fondations de la ville. Le centre de production des Robots-Larbins était toujours actif, mais des ouvriers robotiques remplaçaient désormais les soldats. Le trafic spatial était léger, mais constant. L'environnement vertigineux ne permettant pas de construire des bâtiments serrés, ils étaient donc dispersés sur une immense surface, rendant presque indispensable le réseau ferroviaire qui serpentait entre les rochers volants, et laissant plus de place aux espaces naturels. Ratchet se posa au port spatial, la zone la plus urbanisée de la ville. Un groupe de Tharpods débarqua et resta sans voix à la vue de Rhivan, mais ne posèrent pas de questions. Ils insistèrent pour emmener les vaisseaux en maintenance. Ratchet accepta par politesse, mais l'idée le mettait mal à l'aise. D'habitude, c'était lui qui mettait les mains dans le cambouis. Alors qu'il observait les mécaniciens déplacer Aphélion jusqu'au garage, une voix fluette l'interpella.

  - Ratchet ! s'écria Susie, qui débarquait d'une navette.


Elle fit un pas vers lui pour l'étreindre, mais se ravisa brusquement et se mit au garde-à-vous devant lui. Ratchet, décontenancé, ne savait quoi répondre. Clank se pencha vers lui.

  - Ratchet, tu te souviens que tu es...

  - Capitaine ! la coupa Susie. À vos ordres !

Le Lombax se souvint de l'insigne sur son épaule que Talwyn lui demandait de porter. Il leva les bras en un geste d'excuse.

  - Allons, Susie, pas de ça entre nous. Tu sais que je ne suis pas très à cheval sur les grades.

Soulagée, la jeune fille lui adressa un grand sourire.

  - Je suis si contente de vous voir, Clank et toi !

  - Nous aussi, répondit Ratchet en la dévisageant. Qu'est-ce que tu as poussé ! Tu seras bientôt plus grande que moi.

  - Oui, je... attends, ce n'est pas...

Elle venait d'apercevoir Rhivan et restait bouche bée. Ratchet sentit un flot de questions indiscrètes arriver et prit les devants.

  - Et si on se trouvait un coin plus confortable pour discuter ? À l'abri des regards, de préférence.

  - Euh, répondit Susie en reprenant ses esprits, oui, bien sûr. Suivez-moi.


***


La jeune fille les guida à travers la ville jusqu'à l'appartement où elle logeait. Ratchet se sentait moins observé qu'à l’accoutumée : la présence de Rhivan absorbait tous les regards, ce qui n'était pas pour déplaire au jeune Lombax. Le train aérien les emmena à leur destination en quelques minutes. Il régnait dans l'appartement un désordre faisant passer le garage de Ratchet pour une publicité de magazine de décoration. Tout en bredouillant quelques excuses, Susie s'empressa de mettre un semblant d'ordre dans ses affaires et de débarrasser la table, puis leur servit à boire.

  - Alors, commença-t-elle en faisant tourner son verre entre ses mains tout en dévisageant Rhivan, vous êtes un Lombax aussi ?

  - En effet, je m'appelle Rhivan. Ravi de te rencontrer.


Malgré les quatre années qui s'étaient écoulées depuis leur première rencontre, elle était toujours aussi curieuse. Rhivan se fit un plaisir de répondre à toutes ses questions. L'après-midi s'installait quand ils eurent fini de discuter, et Clank sentit qu'il était temps de changer de sujet.

  - Excuse-moi Susie, mais nous avons également quelques questions à te poser.

  - Ah oui ?

  - Pour commencer, j'aimerais que tu nous racontes ce qu'il s'est passé au laboratoire du Docteur Croïd il y a quelques mois.

À ces mots, son visage jovial s'assombrit. Elle prit une longue inspiration et s'éclaircit la gorge. Ratchet sentait qu'elle avait essayé d'éviter le sujet.

  - Et bien, dit-elle doucement, Nevo m'a demandé de n'en parler à personne...

  - Susie, dit Ratchet, je t'assure que nous sommes là pour aider Nevo. Les pillards qui vous ont attaqués au laboratoire étaient infectés par un parasite. Quand on a retrouvé le Dr. Croïd, il était aussi infecté. Il est hors de danger, s'empressa-t-il d'ajouter en voyant le regard affolé de la jeune fille, mais on a besoin de Nevo pour le guérir, ainsi que des millions d'autres gens.

Susie regarda nerveusement par la fenêtre, comme pour vérifier qu'ils n'étaient pas observés.

  - Quand on a été attaqués, Frumpus est resté derrière pour couvrir nos traces. Nevo m'a déposée ici avant de repartir. Il m'a dit de continuer mon travail avec les Scouts Galactiques et de ne parler à personne de ce qui était arrivé. Après, il est parti sous les Plaines pour chercher un remède.

  - Comment ça, sous les Plaines ? demanda Rhivan.

  - Dans la tempête. Il a dit que personne ne le trouverait là-bas.

  - Et il a dû te déposer ici pour que tu sois sous la protection des Forces Défensives, supposa Clank. C'est pour cela que tu es enregistrée parmi leurs effectifs ?

  - Oui et non. L'armée a récupéré notre groupe pour former les jeunes recrues, du coup on a plus de matériel et de meilleurs profs.

  - Donc il t'a laissée ici, dit Ratchet, qui n'était pas certain d'apprécier la décision de Nevo. Il faudrait qu'ils aient une petite discussion à ce sujet.

  - Tu n'as croisé personne qui te cherchait ? continua-t-il.

  - Non. Il m'avait donné un bidule pour détecter les ennemis. Il m'a dit que si ça clignotait en rouge, il fallait que je file me cacher à la caserne des Scouts. Mais il n'a jamais clignoté.

  - Tant mieux... et vous êtes restés en contact ?

  - Très peu. On s'envoie des messages toutes les semaines, avec un code secret. La dernière fois, il m'a dit qu'il avait presque trouvé un remède pour Frumpus.

En terminant sa phrase, elle alluma l'écran holographique de la table. Les messages s'affichèrent dans les airs. Clank se mit debout sur sa chaise et pointa du doigt la dernière communication.

  - Nous pourrions utiliser ces messages pour trianguler l'emplacement actuel de Nevo.

  - Bonne idée, dit Ratchet. Nos vaisseaux devraient pouvoir manœuvrer dans la tempête. Susie, j'imagine que vous avez des relevés sur la région ?


La jeune fille se hâta de lui montrer et tout le groupe se mit au travail. Clank et Rhivan s'occupèrent de localiser Nevo, et Susie aidait Ratchet à préparer leur expédition. Le Lombax s'était vite rendu compte que cela n'aurait rien d'une promenade de santé. Les perturbations magnétiques provoquaient un tourbillon permanent de débris et d'éclairs. Naviguer à l'intérieur du maelstrom, même dans un chasseur lombax, serait trop risqué. La seule solution était de plonger sous les nuages. Une zone d'environ cinq cents mètres de hauteur au-dessus du sol était relativement calme, mais l'immense cratère créé par l'élévation des Plaines était à présent rempli par l'océan qu'elles bordaient, et des pics rocheux surgissaient de la surface. Ratchet se dit que Nevo avait dû avoir beaucoup de chance pour se poser au milieu de ce chaos, même avec un ornithoptère conçu spécialement pour les environnements hostiles. Il amassa le plus d'informations possible pour tenter d'assembler une carte. Susie était ravie de l'aider et montrait un enthousiasme sans limites. Ratchet ne lui avait pas dit qu'ils avaient laissé le Docteur Croïd entre les mains de Néfarious. Il avait beau réfléchir, il ne parvenait pas à deviner les intentions du robot, et ne pouvait pas accepter une seconde que leur vieil ennemi ait changé de camp aussi brusquement. Il avait forcément une idée en tête.


***


La nuit était tombée quand ils eurent terminé. Les calculs de Clank avaient permis de déterminer une zone de recherche d'une cinquantaine de kilomètres de diamètre. Ratchet et son ami se trouvaient dans la cuisine, en train d'essayer de prendre en main les recettes locales, quand Rhivan débarqua brusquement dans la pièce, suivi de Susie

  - Il y a un incendie au port spatial !

  - Pardon ? s'écria Ratchet, occupé à se débattre avec une espèce de crustacé électrique, dont la chair était paraît-il succulente.

  - Il vient juste de commencer, on a entendu une explosion il y a un instant. Il faut se dépêcher avant que ça n’empire !


Il n'eut pas à se répéter. Entreposés à l'arrêt, les vaisseaux pouvaient être sérieusement endommagés. Clank sauta sur le dos de Ratchet, qui fit signe à Susie de s'accrocher sur Rhivan. Elle était plus en sécurité avec eux.

Ils ne mirent que quelques minutes pour arriver au port en hoverbottes. Dans un lieu aussi industriel, même sécurisé, le feu se propageait très vite. La zone d'atterrissage était creusée dans une falaise. Malgré la grande ouverture à l'air libre, les hangars et les ateliers, situés au fond, étaient trop fermés. Plusieurs réserves de carburant avaient explosé, et un nuage noir montait au plafond pour s'échapper par l'entrée. Heureusement, Taguna City était bien conçue et une caserne de pompiers se trouvait non loin du port spatial. Un bataillon de Tharpods était déjà en train d'arroser les foyers les plus intenses, tandis qu'un autre s'était avancé dans les hangars pour chercher les personnes coincées à l'intérieur.


Ratchet regrettait de ne pas avoir emmené son Super-Épongeur. Rhivan et lui prirent des boucliers ignifugés et foncèrent au fond de la zone d'atterrissage, laissant Susie à l'abri avec les pompiers. Le hangar où se trouvait Aphélion était tout proche quand Clank signala que des Tharpods étaient coincés dans la grille de maintenance, en hauteur.

  - Je vais les aider, cria Ratchet pour couvrir le vacarme. Va t'occuper des vaisseaux !

Rhivan acquiesça et continua vers les vaisseaux, et Ratchet bifurqua pour les secourir. S'aidant de l'Héli-pack, il monta sur la passerelle. Son casque se ferma, lui permettant de respirer normalement et de voir à travers la fumée, mais il avait retiré son armure et la chaleur du brasier se faisait de plus en plus intense. Guidé par Clank, il finit par rejoindre le groupe de Tharpods. Trois mécaniciens, recroquevillés sur une plateforme de maintenance.

  - Tenez bon ! leur lança Ratchet en se dirigeant vers eux.

Mais le plafond, un ensemble de câbles et de grues servant au chargement du fret, était fragilisé par l'incendie. Les rivets, dilatés par la chaleur, furent éjectés les uns après les autres de la barre métallique comme les bouchons d'une bouteille, et le bras de la grue chuta sur la passerelle. Ratchet bondit en avant au moment la poutre passait derrière lui, traversant la passerelle comme si elle n'était pas là. Il réussit à attraper le bord de la plateforme, mais le contact du métal lui brûlait les mains. En regardant sous ses pieds pour trouver un éventuel appui, il sentit qu'on le prenait par les poignets, et vit que deux des mécaniciens étaient venus l'aider. Ils le hissèrent sur la plateforme. Ratchet les remercia et réfléchit au meilleur moyen de les emmener loin de l'incendie. L'Héli-pack ne pouvait pas soulever une telle charge, il décida donc de les accrocher à son Swingueur pour les faire descendre. Il leur expliqua rapidement son idée et commença à passer le crochet à la ceinture du Tharpod qui avait l'air le plus en forme. Il aiderait les autres à descendre. Clank lui donna alors un vigoureux coup de coude.

  - Ratchet, la grue !


Suivant le signal de son ami, Ratchet leva les yeux et vit que le reste de la structure était sur le point de leur tomber dessus. Il accéléra ses mouvements et fit descendre le premier mécanicien. Au moment où il accrochait le deuxième, la grue s'effondra dans un hurlement de métal tordu, comme une bête agonisante. Ratchet plaça son bouclier au-dessus des deux Tharpods et attendit l'impact, mais les débris furent stoppés en plein vol, piégés par une bombe temporelle.

  - Bien joué mon pote ! lança-t-il à Clank.


Sachant que la bombe ne serait pas éternelle, il attacha les deux mécaniciens ensemble et les fit descendre en même temps. Sans les renforts musculaires de son armure, le poids faillit le faire basculer dans le vide, mais Clank sortit ses mains et aggripa la rambarde le temps que leurs passagers soient arrivés sur la terre ferme. La bombe temporelle disparut et Ratchet sauta de la plateforme à l'instant où les débris s'y écrasaient. Atterrissant doucement en Héli-pack, il fut soulagé de voir des pompiers arriver pour les prendre en charge. Plus loin, le feu perdait du terrain et les sinistrés étaient rassemblés à l'extérieur. Ratchet prit une seconde pour reprendre son souffle, puis courut rejoindre Rhivan.


***


Le pire avait été évité. Aucun mort n'était à déplorer, mais un nombre important de blessés devait être pris en charge. La situation était néanmoins troublante : les deux vaisseaux lombaxs avaient été sérieusement endommagés et tout laissait croire qu'il s'agissait d'un sabotage. Réunis dans un petit garage avec leurs vaisseaux, Ratchet et Rhivan faisaient l'inventaire des dégâts. Aphélion pouvait voler, mais ses systèmes de communication et de senseurs, ainsi que le générateur de bouclier étaient hors-service. Le vaisseau de Rhivan était dans un état pire encore : il était incapable de voler.

  - C'est déplorable, commenta Rhivan. Il va nous falloir des jours pour réparer. Avec du bon matériel.

  - Ce ne sera pas un problème, répondit Ratchet en ouvrant la soute d'Aphélion, qui était étrangement intacte. Tu as vu les dégâts sur la coque ? C'est comme si on avait cogné dessus à coups de super-clé.

  - Ou bien l'auteur du sabotage était doté d'une force impressionnante.

  - Mmh. Tu crois que...


Ratchet poussa soudain un énorme juron. Rhivan se précipita vers lui et le découvrit avec un caisson de cristal entre les mains.

Vide.

  - Le Loki qu'on a capturé sur Fastoon ! s'écria Ratchet. Ce fumier s'est échappé !

  - Tu n'avais pas dit qu'ils ne pouvaient pas survivre à l'extérieur du caisson ?

  - Seulement quelques secondes. Il a du... C'est le mécanicien qui s'occupait de nos vaisseaux, comprit-il soundainement. Je leur ai pourtant dit de ne pas toucher à la soute !

  - Il l'a peut-être ouverte par accident.

  - Peu importe ! On a un Loki en liberté quelque -part dans cette ville, il faut le retrouver !

  - Attends, maintenant qu'il est parti, on ne doit plus perdre une seconde pour aller chercher Nevo. On doit parler à Clank.


***


  - Et où est-il, ce mécanicien ? demanda Clank.

  - Il n'est pas sur la liste des réfugiés de l'incendie, répondit Ratchet. Il a dû fracasser nos vaisseaux et a déclenché le feu pour faire diversion. Il peut être n'importe où...

  - J'ai parlé au responsable du port spatial, dit Rhivan. Les dégâts l'ont rendu inutilisable pour quelques jours. Cela nous donne un peu de temps pour le retrouver.

  - Et s'il trouve le moyen de communiquer ? Tous les Lokis de la galaxie savent peut-être déjà toutes les informations qu'on a récupérées...

  - Ratchet, si les Lokis étaient capables de communiquer instantanément et sans matériel, quelle que soit la distance qui les sépare, la guerre serait perdue d'avance. Au mieux, ils sont capables de communiquer par télépathie d'une planète à l'autre.


Le Lombax ne pouvait qu'accepter cette déclaration. Il était possible de communiquer en temps réel à travers la galaxie, mais un équipement longue portée approprié était nécessaire, et installé seulement sur les vaisseaux interstellaires ou les bases planétaires. Les systèmes radio d'Aphélion avaient été détruits. Sachant que Talwyn s'inquiéterait de la disparition de son signal, il lui avait envoyé un court message crypté pour la tenir au courant, mais avait dû utiliser le relais de communication de Taguna City. Si leurs ennemis pouvaient partager des informations en temps réel de n'importe où simplement par la pensée, ils auraient toujours une longueur d'avance.

  - Bon, admettons. Mais il a peut-être pu contacter ceux qu'on a rencontrés au laboratoire. Si on ne l'empêche pas de quitter la planète, on perdra l'avance qu'on a sur eux. Rhivan, tu peux utiliser l'appareil du Dr. Croïd pour le retrouver ?

  - Ça marche, répondit l'intéressé. Et vous deux ?

  - On va aller chercher Nevo.

  - Ratchet, intervint Clank, tu n'envisages tout de même pas...

  - D'y aller en Ailorobots ? Bien sûr que si.

  - Des Ailorobots ? répéta Rhivan, interloqué. Qu'est-ce que c’est ?


Ratchet se leva et se mit à fouiller dans la soute d'Aphélion. Il en sortit deux poignées qu'il posa sur la table d'atelier. Rhivan le suivit en haussant un sourcil, tandis que Clank restait assis les bras croisés sur sa chaise. Ratchet actionna un minuscule levier et deux grandes ailes vertes translucides se déployèrent en un clin d'œil. La lumière du matin, montant lentement le long des murs, était réfractée par la membrane, et déformée par les circuits électroniques qui la parcouraient. Les extrémités métalliques, joliment courbées, donnaient à l'appareil un air de sculpture représentant un oiseau exotique.

  - Wow, fit Rhivan en passant doucement une main sur la membrane, composée de brins aussi fins qu'un atome et si solidement tissée qu'on avait l'impression de caresser du verre poli. Elles sont magnifiques. C'est toi qui les as fabriquées ?

  - Ah ça non, je ne fais pas dans la nanotechnologie ! répondit Ratchet en riant. Quoique je crois que c'est encore plus précis... Bref, c'est un cadeau des Zonis. Pour Clank.

  - Et que font-elles ?

  - Et bien, ces dernières années, j'ai eu l'occasion d'utiliser beaucoup de jetpacks. C'est très pratique pour la supériorité aérienne en combat, mais la vitesse et l'autonomie sont extrêmement limités, même sur les modèles les plus récents. Ces ailes... je ne sais pas comment ça marche, mais elles sont capables d'enregistrer un mouvement et de le répéter à l'infini, ce qui permet, en gros, de planer indéfiniment.

  - Un générateur à mouvement perpétuel... Impressionnant. Elles sont limitées en utilisation ?

  - C'est le problème. D'abord, impossible de décoller sans une impulsion suffisante. En fait, si le mouvement de base n'est pas assez puissant pour me faire avancer en l'air, je ne peux faire que du vol stationnaire. C'est le résultat que j'obtiens quand je couple les ailes aux hoverbottes, qui ne peuvent que me faire léviter au-dessus du sol et me ralentir en chute libre.

  - Ce problème me paraît assez simple à régler.

  - Il l'est, répondit Ratchet en montrant les petites fusées fixées derrière ses talons. Comme je ne peux pas trimballer une plateforme de météores dans mon sac-à-dos, j'ai conçu ces petits propulseurs. Ils me donnent une impulsion supplémentaire pour me permettre de décoller. L'autre problème, c'est qu'une fois en vol je n'ai aucun contrôle sur la propulsion. Si l'impulsion de base me propulse vers l'avant, j'irai toujours vers l'avant. Je peux tourner, monter ou plonger, mais impossible de ralentir, de me propulser latéralement ou de faire marche-arrière. J'ai commencé à installer un ensemble d'appareils pour rediriger, amplifier ou dissiper le flux d'énergie cinétique, mais je touche à de la technologie très avancée et les réglages ne sont pas au point. Les derniers tests se sont avérés... douloureux.

  - Et si tu plonges dans cette tempête, l'interrompit Clank, tu vas récolter plus qu'une facture pour une nouvelle baie vitrée ! Ratchet, le taux de risques pour une expédition de ce genre est beaucoup trop élevé pour l'accomplir en planeur.

  - Mais les vaisseaux Tharpods sont trop lents pour manœuvrer au-dessus de l'océan, rétorqua le Lombax. Tu n'as qu'à calculer le taux de risques avec un de ces tas de ferraille !

  - Ils sont... plus élevés, admit le robot.

  - D'après Susie, la tempête connaît des périodes de plus faible intensité. La prochaine est dans à peine trente-deux heures. Je n'aurai pas le temps de réparer Aphélion d'ici là. L'idée me déplaît autant qu'à toi, mon pote, mais on n'a pas le choix.

Après un long silence, et avec un soupir prononcé, Clank finit par capituler.


***


Ratchet passa la journée suivante à travailler sur le calibrage des Ailorobots et à se reposer. Il avait essayé d'aider Rhivan dans sa recherche, mais le vieux Lombax insistait pour qu'il reprenne des forces. Il avait au moins fait jouer de son rang pour bloquer les transports ferroviaires et s'assurer que chaque vaisseau quittant la ville soit contrôlé. Susie et ses camarades s'étaient joints à la chasse, contre l'avis de Ratchet, mais Rhivan s'était porté garant de sa sécurité.


Quelques heures avant le grand plongeon, Ratchet avait l'estomac noué. Clank et Rhivan l'avaient aidé à calibrer les ailes, mais il était conscient que leur réussite se reposerait entièrement sur ses compétences d'ingénierie appliquées sur un dispositif issu d'une technologie Zoni. Il fit de son mieux pour avaler quelque-chose, puis le groupe prit une petite navette pour se rendre au-dessus de la zone de saut.


Rhivan fit descendre le véhicule jusqu'à la limite de la couche nuageuse, à vingt kilomètres au-dessus du sol. Ratchet installa les ailes sur le châssis de Clank et arrima solidement son ami sur son dos. Pas question qu'une bourrasque les sépare !

Susie le serra dans ses bras.

  - Revenez sains et saufs, dit-elle d'une voix tremblotante.

  - C'est promis, répondit Ratchet. D'ici ce soir, on sera de retour avec Nevo et on ira sauver le Dr. Croïd. Rhivan, tu veilles sur elles jusqu'à-ce qu'on remonte !

  - C'est noté, répondit le Lombax qui était venu les rejoindre. On aura retrouvé notre ami Loki d'ici là.

Il s'avança vers Ratchet, hésita une seconde, et posa une main ferme sur son épaule.

  - Quand tu as l'impression de perdre le contrôle, imagine que tu peux arrêter le temps. Visualise ton environnement, les forces et les mouvements autour de toi. Et pousse dans l'autre sens, jusqu'à tout annuler.

  - Compris.

Rhivan lui serra vigoureusement l'épaule en souriant, puis prit Susie par la main avant de s'enfermer dans le cockpit. Ratchet ferma le casque de son armure Hyperflux. Une interface de vol apparut sur sa visière à réalité augmentée. Il actionna la commande de la porte de cargo d'une main et saisit la rambarde latérale de l'autre. Sous ses pieds, une masse sombre s'étendait jusqu'à l'horizon. Des éclairs zébraient fréquemment les nuages, faisant apparaître des formes menaçantes.

  - Clank ? Il y a des bestioles là-dessous ?

  - Pas à ma connaissance. L'environnement est trop hostile pour permettre une vie autre qui microbienne.

  - Super. Un problème de moins...

  - Ratchet, est-ce que tout va bien ? Ton rythme cardiaque s'accélère.

  - On a déjà sauté de plus haut, pas vrai ?

  - Notre record s'élève à soixante-douze kilomètres et trois cent trente-six mètres.

  - Bon, eh bien tout va bien ! Il suffit d'éviter les éclairs et les rochers.

  - Je ne serai pas loin.

  - Toujours, répondit-il en souriant. Bon ! Quand il faut y aller...


Ratchet prit une longue inspiration, lâcha la barrière, recula de quelques pas, sautilla sur place un instant, puis courut droit devant lui. Un pas sur la rampe, puis deux... Au troisième, arrivé au bord, il se propulsa sur sa jambe et sauta dans le vide.


Il se mit directement à la verticale, les bras le long du corps. Il fallait traverser la couche nuageuse le plus vite possible. Moins il opposait de résistance à l'air, moins il serait ballotté par les vents. Les instruments de son armure commencèrent à s'affoler. Il filait de plus en plus vite. Dans quelques secondes, il s'engouffrerait dans la tempête. Instinctivement, il remplit ses poumons et contracta ses muscles.


Il eut l'impression de heurter une vague géante. En un instant, il fut encerclé par les ténèbres. Des milliers de minuscules grains de poussière et de fragments de roches volaient tous azimuts et le mitraillaient. La grêle constante ne causait pas de dégâts à son armure, mais il avait l'impression de traverser une tempête de sable. Son radar était balayé par des vagues rouges, alors que les rafales de vent atteignaient déjà les cent cinquante kilomètres à l’heure. Les courants le secouaient comme un vieux chiffon, le faisant dévier vers la gauche, puis la droite... puis il ne parvint plus à le savoir. Éviter de partir en vrille demandait un effort permanent. Sans aucun repère visuel, il ne pouvait distinguer le haut du bas que grâce à la gravité, qui l'entraînait toujours plus vite au travers de la tempête.


Soudain, un éclair déchira les nuages. L'espace d'une seconde, une lumière blanche et crue illumina la tempête, et Ratchet put mesurer l'immensité du maelstrom : un tourbillon aux propositions démesurées, une cathédrale de géants où régnait un enfer sans fin. Des tornades rugissaient, formant des piliers de plusieurs kilomètres de haut. Des débris rocheux tourbillonnaient autour d'elles comme des essaims d'oiseaux empruntant des courants ascendants. Il aurait juré que certains de ces débris étaient plus gros qu'un cuirassé markazien. D'autres éclairs jaillissaient avec fracas autour du Lombax, mais il n'y avait rien d'autre à voir que le chaos. Il ressentait chaque onde de choc, et songea que Clank leur avait sans doute déjà sauvé la vie plusieurs fois en isolant son armure et ses composants. La pression montait, et Ratchet avait de plus en plus de mal à contrôler sa trajectoire. Il essaya de se remémorer les conseils de Rhivan, et de visualiser les mouvements du vent. Mais tout bougeait beaucoup trop vite. À cette vitesse, et au milieu de ce chaos, il était impossible pour lui de se stabiliser. L'horizon artificiel de son interface ressemblait à une toupie. Il se demanda combien de temps il parviendrait à garder la tête en bas.


Il ne parvenait plus à lire son altimètre. Ses yeux, écarquillés, ne parvenaient pas à se focaliser sur les chiffres, constamment masqués par la lumière des éclairs qui frappaient l'atmosphère comme le marteau d'un géant sur la plus grande enclume du monde. Et lui, il était le morceau de métal qu'on battait, qu'on tordait et qu'on soufflait. Il se surpris à suffoquer. Il avait l'impression qu'une créature immense et ancienne l'avait saisi, courroucée par cet intrus qui osait pénétrer son territoire. Ratchet tombait de plus en plus vite, il voyait à peine les informations de son casque, qui apparaissaient floues. Son cerveau était martelé par le fracas du tonnerre et la grêle qui s'abattait sur lui. Soudain, une masse sombre se matérialisa, loin devant lui. Dans cet environnement, il ne parvenait plus à réfléchir. Son instinct lui hurla que la bête l'attendait, tout en bas, et qu'elle s'apprêtait en finir. Il voulut bouger, mais le vent l'enfermait, l'empêchait de bouger les bras. Sa respiration était irrégulière. Dans la panique, il tenta d'ouvrir les Ailorobots pour s'éloigner de la créature monstrueuse. Mais ses jambes étaient comme paralysées, et il ne put contrôler la poussée des hoverbottes. Ses pieds partirent dans deux directions, entraînant tout son corps avec eux. Les rafales de vent, trouvant une prise parfaite, se saisirent des ailes pour les malmener. Il commença à tourner sur lui-même, de manière aussi irrégulière qu'incontrôlable. Désormais, la panique s'était emparée de lui, telle qu'il n'en avait jamais ressentie. Il lutta désespérément pour se stabiliser, donnant vainement des coups de pieds dans le vide. Mais il n'avait aucun contrôle. Il était à la merci de l'orage. Cet adversaire était infiniment plus fort que lui, et il n'avait aucune chance de fuir.

« - Ratchet, tu dois te redresser ou nous allons heurter cet amas de rochers ! lui cria Clank par la radio. Ratchet, tu m’entends ?»


Mais Ratchet n'entendait pas. Il ne parvenait plus à penser, à respirer. Les Ailorobots gémirent. Leur structure si résistante était mise à rude épreuve. Clank était ballotté, solidement harnaché au dos de son ami. Ils étaient à moins de dix kilomètres de la surface, et ils allaient s'écraser sur cette falaise si Ratchet ne se ressaisissait pas. Prenant les devants, Clank força les ailes à se replier, puis confectionna une bombe temporelle, dans laquelle il mit toute sa volonté. Une nouvelle fois, la sphère bleue se forma au creux de sa main. Il ne parvenait pas à expliquer comment un être métallique comme lui pouvait créer de telles singularités, mais la recherche scientifique était le cadet de ses soucis à cet instant. Refermant sèchement la main, il brisa la bombe, qui explosa. Ils furent enfermés dans une sphère bleue. Clank avait arrêté le temps autour d'eux, mais ils n'étaient pas affectés. Ratchet, totalement affolé, continua de gesticuler, la respiration saccadée, pendant quelques secondes. Puis il se rendit compte du phénomène qui les touchait.

  - Qu'est-ce que...

  - Ratchet ! Tu m’entends ?


Le chaos de la tempête était assourdi, loin de cette bulle hors du temps. Ratchet entendait distinctement la voix de son ami.

  - Oui, je... Désolé Clank, j'ai... j'ai perdu le contrôle.

  - Nous en parlerons plus tard. Rappelle-toi ce que t'a dit Rhivan. Imagine que tu peux arrêter le temps et visualise les forces autour de toi.

  - J'essaie, mais il y en a trop... Clank, je ne peux pas tout anticiper !

  - Je t'aiderai. Garde ton calme, respire et suis ton instinct. Je t'enverrai la liste des mouvements à effectuer pour te stabiliser. Suis-les et tout ira bien. Je vais couper les récepteurs auditifs de ton armure. À partir de maintenant, c'est toi et moi. C'est d’accord ?

  - C'est... D'accord, Clank. Je te suis.

  - Alors allons-y.


La bulle temporelle disparut et le duo reprit sa chute vertigineuse. Ratchet filait toujours à une vitesse folle, mais grâce aux instructions de Clank, il y voyait plus clair. En donnant de brèves impulsions d'hoverbottes dans des directions précises, il parvint à contrôler sa rotation. C'était comme bouger dans l'espace, mais il était en chute libre au milieu d'une tempête. Mais il y parvint. De retour à la verticale, il fit le point sur son accélération et sa trajectoire, qui les menaient toujours vers l'immense rocher en contrebas.

  - Clank, topographie ?

  - Nous sommes encore trop haut ! Et j'ai besoin d'un meilleur angle.


Une nouvelle série de commandes s'afficha sur l'ATH de Ratchet, qui les exécuta. Pouvant désormais voir l'obstacle dans son ensemble, Clank établit un plan en trois dimensions et étudia la trajectoire la moins risquée. En se rapprochant, il pouvait apercevoir les pics rocheux qui hérissaient la surface. Néanmoins, l'un des pans de falaise était suffisamment lisse pour s'y risquer.

  - Ratchet, je t'envoie une série de trajectoires.

  - Reçu ! Tu... veux vraiment que je surfe le long de la falaise ?

  - Le rocher est trop imposant pour le contourner. Prend le flanc de falaise à la verticale et descend avec tes hoverbottes. On devrait arriver juste sous les nuages une fois en bas.


Ils venaient de passer sous la barre des cinq kilomètres d'altitude. Ratchet s'orienta pour se préparer à cet ultime obstacle. À l'horizontale, les genoux fléchis, il perdait un peu de vitesse, mais il lui faudrait quand même tous ses réflexes pour descendre la falaise. Alors que la montagne se rapprochait dangereusement, il put distinguer l'océan à travers les nuages. Ils touchaient au but.

  - Quatre kilomètres ! cria-t-il à Clank. Accroche-toi !


Quelques secondes plus tard, ils heurtèrent la falaise. Utilisant l'impulsion supplémentaire de ses hoverbottes pour amortir au maximum l'impact, Ratchet se plaça en position de course. Les bobines à ions créant un coussin d'air entre ses pieds et la paroi, il dévala la pente plus vite que dans n'importe-quelle course qu'il avait jamais disputée. La falaise n'était pas tout-à-fait verticale, et les jambes de Ratchet furent mises à rude épreuve. Il devait constamment repousser le sol sous ses pieds, sans être déstabilisé par les rafales de vent qui remontaient le long de la montagne. Il se rappela la descente des montagnes de Veldin en hoverboard.

"Si on survit à ça, il faudra que je me trouve un meilleur circuit", songea-t-il en serrant les dents.

  - Plus qu'un kilomètre de dénivelé, l'informa Clank. Tiens bon !

  - J'ai pas l'intention de lâcher ! hurla Ratchet, s'adressant autant à Clank qu'à la tempête.


Soudain, comme si Magnus l'avait entendu, un éclair s'abattit à quelques mètres derrière lui. Ratchet fut éjecté de la paroi par l'onde de choc, inconscient.

  - Ratchet ! Réveille-toi ! Il ne reste qu'un kilomètre d’altitude !

Ils arrivaient en-dessous de la tempête. Clank pouvait voir l'océan déchaîné quelques centaines de mètres plus bas, et les pics escarpés qui en jaillissaient. Il activa les Ailorobots, mais sans l'impulsion nécessaire au décollage, ils n'iraient nulle-part. Alors qu'ils passaient sous les sept cents mètres, Clank utilisa les stimulants de l'armure Hyperflux pour tenter de réveiller son ami.

  - Ratchet, réveille-toi !

Le Lombax émergea lentement, sentant le liquide énergisé se répandre dans son organisme. Il entendait une voix lointaine, dans sa tête. Son armure émettait un signal d'alarme.

  - ...mètres ! Deux cents mètres ! RATCHET !

Son esprit recolla les morceaux en un clin d'œil. Magnus, tempête, chute, hoverbottes. Il activa l'impulsion. Les micro-fusées derrière ses talons s'allumèrent. Les Ailorobots encaissèrent ce mouvement, ses convecteurs d'énergie cinétique se mirent en marche pour le répéter à l'infini. Ratchet se positionna à l'horizontale, les bras en croix et les jambes tendues, alors qu'ils filaient au-dessus de l'océan déchaîné.

  - Et ben, dit-il à son ami, le souffle court, la prochaine fois on prend un taxi !


***


La zone à parcourir était vaste. Ils effectuaient des rondes autour du périmètre calculé par Clank, et réduisaient la surface de recherche à chaque tour. Ce n'était pas la solution la plus rapide mais ainsi ils ne laissaient rien au hasard. Le vent et les éclairs ne s'étaient pas calmés, mais après ce qu'ils venaient de traverser, c'était comme une brise légère. Cependant, les manipulations gravitationnelles avaient gravement altéré la surface. Les pics et les falaises n'étaient pas les seuls obstacles, et Ratchet devait aussi esquiver les rochers en suspension dans les airs. Leur exploration ne fut pas de tout repos : les dissipateurs d'énergie cinétique n'étaient pas au point pour fonctionner correctement avec la technologie Zoni. Parfois, ils ne parvenaient pas à rediriger le courant et ils avaient beaucoup de mal à éviter certains débris. À l'inverse, il arrivait que toute l'énergie soit dissipée, ils étaient alors contraints de se poser pour redécoller.


Quand son armure l'informa que le soleil se couchait, Ratchet se rendit compte qu'ils volaient depuis plus de dix heures. Il ne vit pas la différence entre le jour et la nuit, les nuages au-dessus de lui étaient tellement denses que la seule lumière visible était celle des éclairs. Le Lombax commençait à être sérieusement fatigué. La descente au travers des nuages et cette longue patrouille avaient miné ses forces. Il puisait dans sa réserve de stimulants, mais il ne pouvait empêcher l'épuisement de son organisme. Malgré sa combinaison chauffante, le froid qui s'installait progressivement se faisait de plus en plus sentir. Alors qu'il cherchait du regard une grotte à flanc de falaise où il pourrait essayer de reposer ses membres engourdis, Clank l'interpella.

  - Ratchet, je détecte un signal au nord-est, à six kilomètres.

  - Enfin ! J'ai hâte de retrouver la terre ferme.


Ils se dirigèrent droit vers la source. Au bout de quelques longues minutes, ils finirent par apercevoir une lumière au loin. Une lueur jaune, chaude, qui avait l'air d'un soleil au milieu de cet océan froid et obscur. Le signal provenait du haut d'un plateau rocheux haut de presque deux kilomètres, loin au-dessus des vagues. Les éclairs semblaient se concentrer sur cette zone. En s'approchant, Ratchet put distinguer l'ornithoptère, qui était plus grand que dans ses souvenirs. Ses trois propulseurs massifs étaient solidement ancrés dans la roche. La lumière provenait de l'intérieur de la capsule, et sortait par les hublots. Un réseau de paratonnerres avait été monté tout autour du véhicule, donnant à l'endroit un air de véritable centre de recherches.


Ratchet amorça la descente, mais au moment de ralentir, le dissipateur cinétique vida l'énergie des ailes d'un seul coup et ils chutèrent vers le sol. Le Lombax ne voulut pas se fatiguer à rouvrir les ailes et amortit l'impact avec ses hoverbottes. Quand il entra en contact avec la roche trempée, il poussa un immense soupir de soulagement, qui se mua en juron quand il perdit l'équilibre après quelques pas. Prenant un instant pour s'habituer à être bipède de nouveau, il finit par rallumer ses hoverbottes pour rejoindre la base de Nevo. Arrivés à une dizaine de mètres, une tourelle plasmo-mitrail à double barillet émergea du sol et se braqua sur eux. Ratchet dégaina instantanément son arme et se prépara à esquiver. Un scanner les balaya, et après quelques secondes, la tourelle se replia. Méfiant, le Lombax contourna lentement le socle où elle se cachait, et grimpa jusqu'au sas de la capsule. Sans hésitation, il ouvrit l'écoutille et s'engouffra à l'intérieur.


Ils découvrirent le laboratoire le plus exigu de la galaxie. Les murs de l'habitacle avaient été recouverts d'ordinateurs et de matériel d'analyse. Les trois sièges des passagers avaient été retirés pour ne laisser que celui du pilote, sur lequel traînait une couverture roulée en boule. Plusieurs placards et machines étaient suspendus au plafond, accrochés à un système de vérins capables d'échanger leur place avec les installations scientifiques au besoin. Au fond, une minuscule cabine encastrée dans le sol servait de sanitaires. Si Ratchet avait dû vivre dans à peine quatre mètres carré d'espace, l'endroit se serait vite transformé en dépotoir, mais la capsule était propre et aseptisée. Il chercha Nevo du regard, mais il ne voyait aucune trace du Tharpod. Clank, qui s'était détaché, pointa du doigt le siège de pilotage. Ratchet regarda de plus près et s'aperçut que Nevo était là, enroulé dans la couverture, en train de dormir paisiblement.


En s'approchant doucement, il secoua légèrement Nevo pour le réveiller. Ce dernier ouvrit lentement les yeux. Il se redressa sur son siège et chercha du regard ce qui avait bien pu le déranger. Quand il vit le Lombax, il poussa un cri de surprise et faillit tomber de son siège.

  - Nevo, s'écria Ratchet en retenant sa chute, du calme, ce n'est que nous !

Le scientifique le repoussa et se précipita sur un pistolet rangé sur le côté du siège. En le pointant sur Ratchet, il regarda dans le viseur holographique monté sur l'arme. Quand celui-ci clignota en vert, il abaissa le canon.

  - C'est bien vous, dit-il en se laissant glisser hors de son siège. Désolé, mais on n'est jamais trop prudent. Je suis heureux de vous revoir, tous les deux. Comment m'avez-vous retrouvé ?

  - C'est Susie qui nous a guidé, dit Clank en s'approchant.

  - Susie ? s'écria-t-il, soudain affolé. Où est-elle ? Elle va bien ?

  - Pas d'inquiétude, le rassura Ratchet. Elle est en sécurité. Nous sommes arrivés sur Magnus il y a presque trois jours, et nous avons été pris en embuscade par les Lokis au laboratoire. On s'est...

  - Le laboratoire ? le coupa Nevo. Dans la Forêt Terrawatt ? Mais Frumpus...

  - On s'est occupés des Lokis, termina Ratchet, légèrement exaspéré, et le Doc est aussi en sécurité.

Ébahi, Nevo s'assit sur la chaise de bureau.

  - Mais que s'est-il passé, au juste ?

  - Êtes-vous au fait de ce qu'il se passe dans la galaxie ces dix derniers jours ?

  - Eh bien... Je crains que oui, répondit le Tharpod, sentant l'irritation du Lombax monter. Susie m'a tenu au courant.

  - Ce qu'il s'est passé, c'est que les Lokis attaquent des planètes, détruisent des stations et capturent des vaisseaux, partout et sans s'arrêter. Quand nous avons enfin compris qui étaient nos ennemis, nous sommes venus sur Magnus pour vous demander de l'aide. Et qu'avons-nous découvert ?

Constatant que Nevo gardait le silence, Ratchet poursuivit d'un ton cinglant.

  - Nous avons découvert que vous aviez été attaqués, que le Dr. Croïd était possédé par un Loki, et vous étiez terré ici depuis quatre mois, après avoir laissé votre fille adoptive seule dans une grande ville, à la merci du premier Loki venu ! Pourquoi n'êtes-vous pas venus sur Iglak ? Est-ce que vous réalisez les MILLIONS d'innocents que vous auriez pu sauver en arrêtant cette guerre avant même qu'elle ne commence ?


Il avait presque hurlé les derniers mots. Clank, sentant que la fatigue et le stress commençaient à altérer le jugement de son ami, vola au secours de Nevo.

  - Ratchet, dit-il doucement, s'énerver ne nous mènera nulle-part. Nous devons...

  - Non, Clank, souffla Nevo, les yeux baissés vers le sol. Il a raison. Ratchet, je comprends ce que vous pensez, et je souhaiterais que les choses se soient passées autrement. Mais... les Lokis sont les créatures les plus vicieuses et rusées que j'ai pu rencontrer. Ils ne se lancent jamais à l'assaut sans avoir au moins deux longueurs d'avance. Il y a quatre mois, nous attendions un groupe de marchands et nous ne sommes pas rendus compte assez vite qu'ils étaient possédés. C'est ainsi qu'ils procèdent : s'infiltrer pour fragiliser la structure de l'intérieur, puis attaquer de front, en ne laissant aucune chance à l'ennemi.

  - Et alors ? explosa Ratchet. Vous croyez qu'on ne s'en était pas aperçus ? Si vous nous aviez avertis, peut-être que...

  - Réfléchissez. À l'heure où je vous parle, ils ont sûrement déjà infiltré le gouvernement. Si j'avais débarqué sur Iglak avec les plans de l'extracteur, ils m'auraient fait disparaître avant même que la production commence.

  - Vous n'aviez qu'à nous contacter, et on vous aurait protégé !

  - Ce n'est pas aussi simple. Nous ne pouvions pas quitter la planète.

  - Comment ça ?

  - Quand nous nous sommes enfuis avec Susie, les Lokis nous ont contacté. Ils m'ont ordonné de me rendre, en échange de quoi Frumpus aurait la vie sauve. Je n'ai pas cru à leurs mensonges, et je savais que s'ils tuaient leur otage, ils n'auraient plus aucun moyen de pression sur moi. J'ai camouflé l'ornithoptère, mais nous avions besoin d'un vaisseau interstellaire pour quitter Magnus, et les Lokis nous avaient pris de vitesse. En se cachant au sein des escadrilles de sécurité spatiale, ils pouvaient contrôler tout départ de la planète. Avec un blocus pareil, impossible de partir, et encore moins d'utiliser les réseaux de communication publics. J'ai donc décidé de venir me cacher ici, sous les Plaines, et de travailler sur un moyen de les vaincre.

  - Attendez, dit Clank, vous voulez dire que d'autres Lokis se trouvent sur Magnus ?

  - Oui. Si vous avez débarrassé le laboratoire des envahisseurs, ils ont sûrement été mis au courant, et intensifieront d'autant plus la surveillance orbitale.

  - Et Susie ? demanda Ratchet. En connaissance du danger, vous l'avez laissée seule ?

  - Bien sûr que non ! rétorqua Nevo. Je tiens à elle autant que vous ! Mais je ne pouvais pas l'emmener avec moi. Vous imaginez, pour une fille d'à peine douze ans, de vivre dans un enfer pareil ? dit-il en désignant la tempête qui faisait toujours rage derrière le hublot. Je me suis mis en relation avec certains de mes amis au service de sécurité de Taguna City. Je leur ai exposé le problème, mais ils ne pouvaient pas nous faire quitter la planète sans déclencher la panique. Cependant, ils se sont occupés de la protection de Susie, jusqu'à-ce que la situation se débloque.

  - Je vois... soupira Ratchet. Il pouvait comprendre les raisons de Nevo, mais cette situation l'épuisait.

  - Bon, continua-t-il. Ce qui est fait est fait. Je... pardon de m'être emporté.

  - Ce n'est rien, répondit Nevo, conciliant. Je vous ai dit que vous aviez raison de réagir de cette manière. Cette guerre est injuste pour tout le monde.


Les comptes de chacun étant réglés, Clank toussota pour attirer leur attention.

  - Il reste tout de même un certain nombre d'inconnues. Nevo, vous disiez dans votre dernière transmission que vous avez presque trouvé le moyen de sauver le Docteur Croïd. Est-ce vrai ?

  - Tout à fait, répondit-il avec un sourire déterminé. Cette version de l'extracteur d'énergie protomorphique devrait être imparable pour les Lokis.

  - « Devrait » ? reprit Ratchet.

  - Oui, ce n'est qu'un prototype. Je comptais retourner au laboratoire pour le tester et libérer Frumpus, mais vous vous en êtes occupés.

  - Vous avez dit qu'il y avait des tas de possédés sur Magnus. Si on les capture tous, vous pensez pouvoir retirer les Lokis ?

  - En théorie, oui.

  - Dans ce cas, il n'y a pas une seconde à perdre ! Vous devez remonter à la surface.

  - Et vous ?

  - On vous suit. De toute façon, on n’a pas de vaisseau.

  - Pas de vaisseau ? répéta-il, incrédule. Mais comment êtes-vous descendus jusqu’ici ?

Ratchet fit la moue et se gratta la tête.

  - Eh bien... que ça reste entre nous, hein ? Je voudrais éviter que Talwyn soit au courant. On a sauté en planeur.

  - Vous avez...


Estomaqué, Nevo ne sut quoi répondre.

  - Mais vous devez être épuisé ! s'exclama-t-il après avoir retrouvé les mots.

  - C'est juste, répondit le Lombax en étouffant un bâillement. D'ailleurs, si cela ne vous dérange pas, je vais aller piquer un somme. Je vous laisse avec Clank pour la remontée.

  - Bonne idée, approuva le robot. Je vais prévenir Rhivan que nous le rejoindrons bientôt.

  - Qui ? demanda Nevo.

  - Je vous expliquerai en chemin.

Alors que les deux têtes pensantes se mettaient au travail, Ratchet, adossé contre la paroi, se laissa bercer par le ronronnement du moteur. Lorsque la capsule décolla, son esprit était déjà loin.



Comments (1)

Avatar - Arayn
Arayn Aug 21, 2019, 11:30:58 PM

Petit erratum de la fidélité de ce chapitre par rapport aux jeux: quand j'ai écrit ce chapitre, je n'avais pas accès à Internet, je me suis donc basé sur mes souvenirs. Et je n'aurait visiblement pas dû, puisque j'ai fait une grosse erreur. En effet, après avoir vérifié, il se trouve dans le jeu, les Plaines d'Aldaros surplombent... des plaines. Des vraies, avec des champs, des rivières, et quelques montagnes. Du coup, la tempête n'existe pas.

C'est donc assez embarrassant...

J'ai pensé à juste changer le nom de l'endroit, pour que ce soit un autre site avec des îles volantes, mais vu la longueur du chapitre je ne savais pas si c'était une bonne idée de rajouter un paragraphe de description supplémentaire, alors que les Plaines d'Aldaros ont déjà un visuel dans le jeu, et également une certaine importance pour les personnages puisqu'il s'agit de la première région de Magnus qu'ils visitent, et où ils rencontrent Susie et les Tharpods.

Donc j'ai décidé de laisser passer cette erreur. Cependant, si vous trouvez que c'est vraiment gênant pour la continuité, je peux la corriger. À vous de décider^^