Aöny Solitaire - Chapter 6

Author: Ratchet_Dadou

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D’après mon équipe, nous avions presque atteint Rivebois, le village isolé où habitaient des humains, au Nord d’Equinox. Nous avions contourné la forêt, évitant d’y pénétrer. Une autre équipe, chargée de longer la mer, le ferait à notre place. Le soir allait tomber, mais notre détermination à atteindre le village pouvait nous y faire arriver sans avoir à faire une dernière pause.

-Avariny est encore loin ? Avais-je demandé à Erbor – l’homme qui était le plus proche de moi dans le groupe –, à la fois impatiente d’en finir avec ces problèmes et passionnée par le voyage.

-Si tout se déroule bien, nous pourrons l’atteindre en un peu plus de trois jours, avait répondu l’asfard.


Mais alors que nous étions presque arrivés à Rivebois, j’entendis un bruit, comme si quelqu’un se cachait dans l’herbe haute. Je m’adressai alors à tout le groupe :

-Vous avez entendu ?

Certains firent signe que non, d’autres le dirent. Puis Erbor me poussa gentiment pour me faire avancer en disant :

-Allez, nous n’avons pas de temps à perdre.

Je fus un peu agacée par cette réaction, mais ne protestai pas et me remis à marcher, ne faisant plus attention à ce que j’avais entendu. Mais le bruit recommença, plus fort. Cette fois je me tournai vers les compagnons de voyage.

-Et maintenant, leur demandai-je, vous n’avez rien entendu ?

-Voyons, Aöny… soupira Erbor, comme s’il pensait que c’était mon imagination.

Mais un humain avoua :

-C’est vrai. Elle a raison. J’ai aussi entendu.

-Moi aussi, annonça un autre.

-Moi aussi, répéta Ibhir.

Et, à chacun leur tour, tous les hommes du groupe, mise à part Erbor, imitèrent le premier. J’étais satisfaite qu’au moins quelques gens me donnaient raison.

Mais soudain, le bruit retentit à nouveau, plus fort que jamais. L’herbe remua comme si elle subissait une tempête. Et un immense serpent sans visage et aux écailles du même vert que la végétation surgit devant nous en hurlant un rugissement – je ne savais pas comment il faisait, vu qu’il n’avait pas de bouche –. Nous sursautâmes tous. Des hommes crièrent de frayeur, d’autres firent un hoquet. De mon côté, je poussai une exclamation à peine audible. Et le monstre fonça vers Erbor, tentant de le percuter. L’asfard l’évita en se jetant sur le sol. Nous sortîmes alors nos armes et l’attaquâmes. Je ne fus qu’avec un asfard, qui maniait une arbalète, pour tirer à distance. Les quatre autres l’attaquè-rent au corps à corps. Les sons de métal et de mes tirs emplissaient l’air. Nous lui créâmes bon nombre de blessures, dont le sang rouge s’échappait. Avec un rugissement, il balaya d’un puissant coup de queue les quatre attaquants qui s’étaient rués sur ses écailles. J’arrêtai de tirer, les voyant, impressionnée et bouche bée, voler au-dessus de moi pour atterrir loin derrière.

Un autre rugissement me fit tourner la tête et voir la bête, qui fonça vers nous deux ! Je mis mes avant-bras croisés au-dessus de ma tête, fermai les yeux et attendis le choc. Mais au lieu qu’il me percutât, j’entendis un braillement suraigu désagréable ? Ne sachant pas ce qui était arrivé à la créature, je rouvris les yeux.

Je vis alors que le serpent avait la tête coupée. Un fleuve de sang ruisselait de son cou et tachait l’herbe fraîche. Puis Erbor se releva, éclaboussé par le liquide. Il tenait fermement son espadon d’acier dans ses deux mains. De la lame coulait un peu de sang. C’était lui qui avait tué le monstre.

Comme il n’avait pas l’air blessé, je me retournai et courus vers les quatre hommes qui avaient été balayés. Ils s’étaient déjà relevés depuis quelques instants. Je m’arrêtai à quelques mètres d’eux et leur demandai :
-Rien de cassé ?

-Un peu secoués, répondit Ibhir, mais ça va.

Nous rejoignîmes tous les cinq le corps du monstre. Nous l’observions tous les sept.

-Mais qu’est-ce que c’est que cette chose ? Murmura un humain, impressionné par sa taille et par son apparence.

-J’ai vécu de nombreuses aventures, raconta Erbor, mais je n’ai jamais vu une telle créature…

-Elle vient peut-être de cette Yrisha, murmura un asfard.

-À quoi le vois-tu ? Demanda Erbor.

-C’est vrai que les reps n’ont jamais vécu tant au Nord. Si aucun d’entre n’a une idée de ce que peut être ce monstre, c’est qu’il doit venir d’un pays inconnu à ce jour. En somme, Yrisha doit invoquer des créatures d’ailleurs.

Erbor ria. Nous le regardâmes avec surprise.

-Alors c’est ça qu’elle nous envoie pour nous arrêter ? Un gros ver de terre ?

À côté de moi, l’arbalétrier me souffla :

-Je te croyais plus utile que ça. Quand cette bête allait foncer sur nous, tu t’es contentée de fermer les yeux. Tu n’as pas cherché à esquiver comme l’un de nous le ferait.

-Oh, ça va ! Répondis-je, agacée.

-Je pense qu’on a eu tort de t’emmener avec nous. Tu aurais dû rester à Eram. Ça aurait été bien mieux.

Soudain, avant qu’il ne puisse continuer, un reps surgit de l’herbe haute, d’où il était caché depuis je ne sais combien de temps, et sauta sur l’asfard. Il le renversa par terre et le fit jeter son arbalète assez loin. Je visai le reps avec mon pisto-laser. Avant que l’homme-lézard ne blessât mon allié, je réussis par pur coup de chance à lui tirer en pleine tête. L’ennemi mourut d’un coup.

D’autres reps – huit, je pense – sortirent de l’herbe et commencèrent à attaquer à attaquer mon groupe. Chacun se défendait comme il pouvait. Pour le moment, aucun d’entre eux ne me donnait l’assaut.

L’arbalétrier dégagea le cadavre qui était sur lui et, pendant qu’il se relevait, je lui lançai :

-Et là, je suis inutile, peut-être ?

Je n’en rajoutai pas plus et n’attendais pas sa réponse, car ce n’était pas le moment de discuter. Je me tournai vers les combattants et leur criai :

-Ne fuyez pas ! C’était l’erreur des habitants d’Olluny !

Un reps fonça vers moi. Je n’eus pas le temps de faire quoi que ce soit ; le reps me griffa l’épaule gauche. Mon sang éclaboussa. Il me poussa violemment. Je tombai sur le dos, ce qui me fit mal, mais je n’avais pas le temps de me plaindre.

Lorsqu’on est dans cette herbe haute, on est si bien dissimulé qu’on en est comme à moitié invisible. La furtivité se charge normalement du reste. Je me mis immédiatement sur le ventre et me mis à ramper. J’avais mal à l’épaule, mais je tins bon. Mon but était de prendre mon attaquant par surprise. Le reptilien avait l’air de ne plus me retrouver, mais je ne savais pas où il était non plus. Je jugeai donc que cette technique était une perte de temps.

Je me relevai en grimaçant de douleur. Les hommes se battaient toujours, mais n’en voir plus que trois m’inquiétait. Je vis soudain un autre reps foncer vers moi. Je tirai avec mon pisto-laser sans attendre. Le reptile se prit le tir sur la poitrine, mais pas dans le cœur. Il tomba à genoux, l’air de souffrir. Pensant qu’il allait mourir dans quelques instants, je me retournai et tirai de loin et à plusieurs reprises sur un reptile qui se battait contre Erbor. Certains tirs firent mouche, d’autres ratèrent leur cible.

Mais le reps que j’avais blessé sauta sur moi alors que je lui tournais le dos. Il me renversa par terre et j’atterris sur le ventre, à nouveau dans l’herbe. Il était sur moi, voulant me déchirer la chair. Il parvint à me donner un coup de griffe dans le dos. Je poussai un cri de douleur. Je réussis – fort heureusement, car sinon je serais morte – à pointer mon arme et à tirer. Le reps me lâcha et tomba par terre. Je me relevai péniblement en gémissant de douleur. Je me tournai vers mon ennemi, que j’avais visiblement blessé au ventre. Il était allongé, une main toute en sang sur sa blessure, respirant bruyamment.

Mais, à part nous deux, je me rendis compte qu’un étrange silence inquiétant régnait.

Je n’hésitai pas : je visai sa tête et tirai. Il mourut sans attendre. Sans ranger mon pisto-laser et sur mes gardes, je marchais lentement. Plus personne n’était en vue. Les combattants étaient peut-être tombés dans l'herbe tachée de rouge. Je regardais donc comme je pouvais à travers les hautes tiges. Je ne vis malheureusement que des cadavres éclaboussés de sang, il n’y avait aucun survivant, que ce fût des asfards, des humains ou des reps. J’étais dépassée. J’étais, à nouveau, la seule survivante. Pourquoi devais-je survivre ainsi ? Était-ce mon destin ? Devrais-je être seule au monde ? Si c’était le cas, alors mieux valait que je meure aussi. Je ressentis, comme je l’avais ressenti au moins deux fois plus à Olluny, la colère bouillir en moi.

« Mais comment venir à bout de ces reps sans mourir ? » Criai-je en moi-même. « Les fuir, c’est du suicide ! Les combattre, c’est du suicide ! Que faut-il faire ? Les inviter à danser ?! ».

Mais je remarquai ensuite que je n’avais pas vu les corps d’Erbor et d’Ibhir. Soit les deux hommes étaient bien camouflés par l’herbe, soit ils… seraient toujours en vie. Je ressentis un peu de soulagement à cette idée. Mais ils seraient partis sans moi. M’avaient-ils abandonnée ? Non, c’était impossible. Ils auraient peut-être dû me croire morte avant de partir. Si j’atteignais Rivebois à temps, je pourrais les rattraper.

Mais une autre pensée me secoua soudain : quand les reps avaient attaqué, ils devaient être neuf. Je pensais n’avoir vu que six reptiles morts. Et si ces monstres avaient capturé Erbor et Ibhir ? Je pensais auparavant qu’ils ne faisant que tuer !



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