Après le TAFTA voici le TISA…
""L'Humanité" consacre sa une du jour au nouveau traité commercial
négocié par une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis et la France.
Prévu pour entrer en vigueur en 2015 — sauf échec des négociations — le
TISA (ou Accord sur le commerce des services) vise à favoriser une
libéralisation toujours plus poussée du commerce des services (santé,
transports, énergie, eau, etc.). Une négociation qui se déroule dans le plus grand secret et qui enthousiasme la Chambre de commerce des Etats-Unis
qui voit déjà l'Amérique mettre la main sur le marché mondial des services. Les services publics de l’eau, de l’éducation, de la santé, des transports,
mais aussi l’échange sans restriction de données. Tout est sur la table du
nouvel accord commercial que négocient dans le plus grand secret, les
Etats-Unis, l’Union européenne et une vingtaine d’autres Etats depuis deux
ans dans les locaux de l’ambassade d’Australie à Genève. La négociation porte sur le commerce des services et vise notamment une
vaste libéralisation des services publics. Les tractations de cet Accord sur le
commerce des services (ACS en français, Trade In Services Agreement en
anglais) devaient rester secrètes « jusqu’à cinq ans après la conclusion d’un accord » ou la fin des négociations en cas d’échec. Wikileaks a révélé le 19 juin l’annexe du traité en préparation consacré aux services financiers auquel le quotidien l’Humanité consacre sa une et un grand dossier. Selon l’Huma, ces révélations « soulignent, en fait, l’ampleur de l’offensive engagée par Washington, suivi par les Etats membres de l’Union
européenne pour permettre aux multinationales de truster, le moment
venu, le commerce des produits financiers mais aussi celui de tous les
services sur les grands marchés transatlantiques et transpacifiques, dont
les négociations avancent dans la plus grande discrétion ». C’est suite à la paralysie du cycle de Doha de l’OMC qui visait un accord
global sur le commerce des services (l'AGCS) qu’un groupe de pays a décidé
en 2012 de démarrer des pourparlers pour un accord sur le commerce des
services (l'ACS) proposé au groupe des « Really Good Friends », les « vrais bons amis ». Une simple opération de toilettage et un déménagement d’à
peine quelques rues : du siège, sans doute un peu trop voyant, de l’OMC à
Genève, les négociations ont été déplacées à l’ambassade d’Australie basée
dans la même ville. Le document révélé par Wikileaks, mis en ligne par Marianne (voir ci- dessous), correspond au relevé de la négociation du 14 avril dernier sur le commerce des produits financiers et vise notamment à restreindre — le
Medef appréciera — la capacité d’intervention de la puissance publique et à
faciliter l’autorisation des produits financiers dits « innovants », conçus pour contourner les règles bancaires et largement considérés comme
responsables de la crise de 2008. La banque Lehman Brothers était leader
sur ce marché des produits financiers innovants… jusqu’à sa faillite. Un traité déjà adoré par la Chambre de commerce américaine Entre autres joyeusetés, les firmes Internet américaines plaideraient pour
une transmission sans restriction des données de leurs clients. Les grandes
multinationales de services, elles, seraient favorables à l’accès sans
discrimination aux marchés des pays signataires dans les mêmes conditions
que les prestataires locaux, y compris l’accès aux subventions publiques (!)
— autant dire la fin de toute notion de protectionnisme… Les orientations du texte s’opposent également à toute nationalisation d’un service public
privatisé. En Grande-Bretagne, impossible, par exemple, de revenir sur la
privatisation des chemins de fer… Dans un communiqué diffusé en février 2014, la Chambre de commerce des Etats-Unis ne cachait pas son enthousiasme à propos des perspectives
ouvertes par cette négociation : « Il ne fait pas la une des journaux mais ce nouvel accord passionnant a le potentiel d’enflammer la croissance
économique américaine. Les services sont clairement une force pour les
USA qui sont de loin le plus grand exportateur mondial de services. Le
TISA devrait élargir l’accès aux marchés étrangers pour les industries de
service. Le TISA ne fera pas les gros titres de sitôt mais sa capacité à
stimuler la croissance et l’emploi aux Etats-Unis est plus que significative ». La chambre de commerce américaine évalue un marché accessible de 1400 milliards de dollars !!! Le blog juridique Contre la cour — déjà cité par Marianne au sujet du TTIP — s’était intéressé à cet accord sur le commerce des services en avril dernier
relayant notamment un rapport de l’Internationale des services publics
(ISP) qui exprimait ses inquiétudes sur le contenu de ces négociations. Pour la privatisation des services publics Selon l’étude de l’ISP (disponible à la fin de l'article), « l’ACS instaurerait un environnement plus favorable à la privatisation des services publics et
entraverait la capacité des gouvernements à remunicipaliser
(nationaliser) les services publics ou à en créer de nouveaux. L’accord
limiterait aussi la capacité des gouvernements à légiférer dans des
domaines tels que la sécurité des travailleurs, l’environnement, la
protection du consommateur et les obligations de service universel » . Seraient concernés les procédures d’autorisation et d’octroi de licences, les
services internationaux de transport maritime, les services de technologie
de l’information et de la communication (y compris les transferts de
données transfrontaliers), l’e-commerce, les services informatiques, les
services postaux et de messagerie, les services financiers, le mouvement
temporaire des personnes physiques, les marchés publics de services, etc. « L’objectif est que chaque Etat participant égale voire dépasse le plus
haut niveau d’engagement qu’il a contracté dans le domaine des services
lors de la signature de tout autre accord sur le commerce et
l’investissement » écrit sur son blog la juriste Magali Pernin. « La principale menace qui pèse sur les services publics provient de la
clause du traitement national. Il semble que les participants au projet
d’accord envisagent de retenir le principe de la "liste négative". Ainsi,
l’égalité de concurrence concernerait l’ensemble des secteurs, sauf ceux qui
seraient expressément exclus par l’Etat signataire, ce qui signifie que tout
soutien financier apporté aux services publics devrait être soit explicitement exclu, soit également ouvert aux prestataires de services
privés poursuivant un but lucratif ». Et les négociations progressent : en avril 2014, le journal suisse Bilan écrivait qu‘« au cours de la 13e ronde de négociation, à Genève du 4 au 8 novembre [2013], les participants ont convenu que le texte de l'accord était suffisamment mûr et qu'il était possible de procéder à un échange
d'offres initiales ». Chaque pays a précisé début 2014 les secteurs qu’il souhaite inclure dans
l’accord, et les modalités qu’il propose concernant « l’ouverture » à la
concurrence internationale de ces secteurs, selon un cadre pré-déterminé
par l’accord. Certains les ont rendus publiques, comme la Suisse. En
France, pour l’instant rien à déclarer…"